Du contrôle moteur à l`apprentissage moteur : questions et

publicité
Du contrôle moteur à
l’apprentissage moteur :
questions et tentatives de
réponses
Anne-Claire Macquet
laboratoire de psychologie / ergonomie du sport
INSEP
Introduction
• Comment envisager l’apprentissage à partir
les différentes approches sur les
coordinations motrices ?
•
•
•
•
Qu’est-ce qu’apprendre ?
Qu’est-ce qui est appris ?
Comment mesurer l’apprentissage
Comment apprend-on ?
1. L’approche cognitive
computationnelle
• les mouvements simples s’appuient sur le
choix et l’exécution de programmes
moteurs caractérisés par des invariants
spatio-temporels
• les coordinations complexes peuvent
s’expliquer par l’assemblage des
coordinations de plusieurs programmes
moteurs et de leurs paramètres
La notion d’habileté motrice
• « capacité acquise par apprentissage
d’atteindre des résultats fixés à l’avance
avec un maximum de réussite et souvent un
minimum de temps, d ’énergie ou les deux »
(Guthrie, 1935)
Classification des habiletés
motrices
• en fonction de leur origine (notion
d’apprentissage)
• en fonction de leur finalité : spécifiques à l’action,
à la communication, à la conceptualisation, à la
sensori-motricité (réponses concrètes)…
• habiletés perceptivo-motrices :
– « gross motor skills »
– habiletés manipulatoires
• En fonction de leur « forme » et de leur
organisation :
– réponses discrètes (début et fins définis)
– réponses sérielles (série de réponses discrètes)
– réponses continues (performance de longue
durée, sans possibilités de dissociation en
éléments distincts)
• En fonction des conditions d’environnement
– stabilité du milieu : habiletés fermées
– instabilité du milieu : habiletés ouvertes
Les stades de l’apprentissage
Newell (1991)
• phase de coordination : élaboration
d’actions motrices complexes
• phase de contrôle : adaptation des
coordinations aux exigences de la tâche à
réaliser
• phase d’habileté : amélioration de
l’efficience du geste (aux plans énergétique
et attentionnel)
Qu’est-ce qu’apprendre ?
Temprado (1996)
• apprendre c’est optimiser les processus de
traitement de l’information qui sont à
l’origine du mouvement
• en d’autres termes, « c’est modifier les
systèmes prescriptifs de commande
(programmes moteurs et schémas) afin de
rendre le comportement adaptatif face aux
contraintes de la tâche et de
l’environnement »
Qu’est-ce qui est appris ?
• mouvements simples : la paramétrisation
du mouvement et l’utilisation d ’info
sensorielles pour contrôler l’exécution
• mouvements complexes : l’intégration des
programmes moteurs au sein d’un nouveau
programme, la diminution des interférences
centrales et périphériques liées à
l’acheminement des commandes motrices
Comment mesurer
l’apprentissage ?
• pour les mouvements simples on peut le
mesurer par :
– la cinématique du geste : meilleure gestion du
compromis vitesse d’exécution précision du
mouvement
– la performance : diminution de la variabilité
des mouvements et précision accrue
• pour les coordinations interarticulaires et
intersegmentaires, on observe une nouvelle
relation spatio-temporelle des membres à
coordonner
• diminution des interférences cinématiques
• possibilité de réaliser à la fois une tâche de
coordination et une tâche de raisonnement
Comment apprend-on ?
• avant la pratique
• motivation : confiance de l’apprenant à
l’égard de ses capacités à réaliser la tâche
• importance de la tâche dans le
développement de l’individu (que lui
apporte la réalisation de la tâche ?)
• buts du sujet lorsqu’il réalise la tâche : buts
orientés vers l’égo ou buts orientés vers la
tâche
• instructions verbales :
• elles indiquent ce qu’il faut faire, ce sur
quoi il faut focaliser son attention (vitesse,
précision, timing…) dans l’essai en cours à
venir
• elles permettent de se représenter l’habileté
à réaliser
• elles fournissent des « procédures » de
vérification utilisables avant ou après la
réalisation (position du pied, des mains…)
• ce type d’instruction permet de favoriser les
processus de détection d’erreur (très utile)
• ces informations vont permettre d’utiliser
des feedbacks dans l’apprentissage
• rôle des modèles : donner une idée générale
de l’habileté qui doit être réalisée
(compléments aux instructions)
• présentation des modèles sous forme de
démonstration réelle ou imagée (photo,
vidéo)
• l’efficacité du modèle repose sur l’idée d’un
apprentissage possible par l’observation
(Bandura, 1990)
Pendant la pratique
• quantité de pratique : variable la plus
importante (Schmit et Lee, 1998) si elle vise
le progrès (nécessité d’un effort cognitif)
• pratique massée :le temps de pratique est
plus important que le temps de repos
• pratique distribuée : le temps de pratique
de chaque répétition est similaire ou
supérieur au temps de repos entre deux
essais
• pratique variable : variation des conditions
de la pratique entre chaque répétition ou
chaque série de répétitions
• centration de l’attention pendant la
réalisation du mouvement : lors de la
réalisation d’une habileté complexe, une
focalisation externe (sur les effets du
mouvement) est plus efficace qu’une
focalisation interne (Wulf et al, 1998)
Après la pratique
• rôle des informations ajoutées : fournir
des informations sur la nature et sur
l’efficacité des actions de l’apprenant
• l’information est de nature descriptive et
non correctrice
• la connaissance du résultat permet
d’évaluer l’écart entre ce qui est attendu et
ce qui est réalisé (informations
quantitatives)
• la connaissance de la performance donne
des indications qualitatives sur les
caractéristiques des actions (forme,
amplitude, durée, rythme…)
Résultats des travaux portant sur
les informations ajoutées
• la CR doit être précise, fréquente et
communiquée aussi rapidement que
possible (après la réalisation)
• les informations ajoutées doivent être
simples, facilement exploitables par
l’apprenant
• une communication sous forme de synthèse
(après plusieurs essais) est plus efficace
qu’une communication après chaque essai
• si la fréquence des informations ajoutées est trop
importante, l’apprenant risque d’être dépendant de
ces informations (« effet de guidance »)
• les informations ajoutées guident l’apprenant vers
la réponse souhaitée
• mais... elles détournent l’attention d’autres sources
d’informations qui sont importantes
• lorsqu’on ne fournit plus d’information, la
performance se dégrade
L’apprentissage
sans information ajoutée
• il a des effets équivalents aux procédures
d’apprentissage par découverte (Vereijken
et Whiting, 1990)
Le transfert d’apprentissage
• consiste à utiliser des compétences, des
connaissances, des habiletés apprises dans
un contexte particulier, dans un autre
contexte
• le transfert s’appuie sur la croyance de la
facilitation d’un apprentissage en vue d ’un
autre apprentissage
• Lorsque le premier apprentissage facilite le
second, le transfert est considéré comme
étant positif
• lorsque le premier apprentissage gêne le
second, le transfert est considéré comme
étant négatif
• Lorsqu’un nouvel apprentissage modifie un
apprentissage précédent, il est considéré
comme étant rétroactif
Difficulté de la tâche
et apprentissage
• Voir l’ouvrage de Famose (1990)
2. Les approches émergentes
de l’apprentissage
• l’apprentissage consiste à découvrir les
contraintes pertinentes à imposer à
différentes parties du corps, de façon à
réduire le nombre de degrés de liberté à
maîtriser de manière indépendante (gainage
pour l’ATR)
• les muscles et les articulations travaillent
comme une simple unité (structure de
coordination)
L’apprentissage selon
l’approche dynamique
• Expérience du simulateur de ski Vereijken
et al (1992)
• Le sujet est debout sur une plate-forme, fixée à un
ressort sur un rail convexe
• il doit faire basculer le plateau de chaque côté avec
une fréquence et une amplitude maximale
• il doit solliciter tout son corps et coordonner toutes
les articulations des membres inférieurs engagées
dans le mouvement
• il doit coordonner un nombre important de
degrés de liberté articulaire et se coordonner
à l’environnement (l’appareil « réagit » aux
actions de l’individu)
Attentes
• l’apprentissage devrait faire apparaître une
fixation des articulations sollicitées
(relâchement progressif des degrés de
liberté du système à coordonner)
• modification de la structure coordinatrice en
construction
Résultats
• la construction de la coordination est liée à
deux processus successifs :
– une fixation rigide des articulations au début de
l’apprentissage
– puis un relâchement le plus souvent dans le
sens proximo-distal, il fait apparaître de
nouveaux modes de coordination
Trois stades de coordination
• Le premier stade se caractérise par un
mode pendulaire à faible amplitude
d’oscillations. Le point d’ancrage se situe
sur la plate-forme avec un centre de masse
très haut
• le deuxième stade est marqué par une
modification du mode pendulaire, à partir
du relâchement des degrés de liberté
articulaires
• celui-ci permet l’apparition d’un nouveau
point d’ancrage (hanches)
• Le troisième stade reflète la capacité des
individus à modifier le nombre de degrés de
liberté
• le centre de masse du système devient contrôlé
• l’oscillation s’observe autour de la plate-forme et
autour des hanches
• l’individu doit découvrir le timing optimal
• la coordination devient à la fois interarticulaire et
entre l’individu et l’environnement
Interprétation
• L’individu analyse l’espace perceptivomoteur pour trouver le mode de
coordination optimal
• Chaque structure de coordination émerge :
– de l’interaction entre les contraintes du système
nerveux
– des contraintes informationnelles et mécaniques
issues du système individu-environnement
Dans ces conditions…
• l’apprentissage est considéré plutôt comme
un processus de résolution de problèmes, à
partir de l’exploration des relations entre le
sujet et l’environnement (et non comme
l’application d’une solution qui serait
stockée en mémoire)
Variables essentielles
de la coordination
• elles permettent de trouver les modes de
coordination optimaux
• elles caractérisent les relations entre les
composants à coordonner
• on fait l’hypothèse que ces variables sont
celles qui sont « contrôlées » par le SN
Qu’est-ce qu’apprendre ?
• « apprendre, c’est intégrer un nouvel état
stable dans la dynamique intrinsèque du
système » Temprado (1996)
Qu’est-ce qui est appris ?
Temprado (1995)
• « le sujet apprend une nouvelle dynamique
comportementale différente de la
dynamique intrinsèque
• en d’autres termes, il apprend à intégrer des
contraintes et à stabiliser un mode de
coordination
Les tendances préférentielles
spontanées
• l’approche dynamique permet d’intégrer
l’état initial de l’individu dans la
problématique de l’apprentissage
• l’apprenant a un passé, des connaissances
particulières qui vont lui être utiles pour
changer d’état
• l’enseignant / entraîneur doit prendre en
compte les états préférentiels des apprenants
Comment apprend-on ?
• les travaux actuels ne permettent pas :
– d’expliquer le passage d’un mode de
coordination à un autre
– de connaître les variables qui facilitent
l’apprentissage
Comment observer
l’apprentissage ?
• à travers la stabilité et les changements des
comportements
• les attracteurs (états préférentiels adoptés
dans des situations identiques) semblent
entrer en compétition pour :
– produire un comportement nouveau et adaptatif
– lutter contre le comportement spontané
• l’enseignant / l’entraîneur doit insister sur le
régime de contraintes pour :
– provoquer une destabilisation du comportement
initial
– faire adopter un comportement plus efficace
• l’enseignant doit favoriser l’exploration de
l’espace perceptivo-moteur (couplage
individu-milieu) en guidant l’apprenant
CR et modèle
• CR : est plus précise et plus pertinente
(différenciation des variables essentielles et
non essentielles de la coordination à chaque
stade de l’apprentissage)
• modèle : peut permettre à l’individu
d’identifier :
– la variable essentielle de la coordination
– les stratégies mises en œuvre par l’individu
Le coût énergétique
• l’approche dynamique peut prévoir
l’évolution du coût énergétique et
attentionnel tout au long de l’apprentissage
• l’apprenant apprend à utiliser les forces
internes du système pour augmenter
globalement son efficience
• les états les plus stables sont les moins
coûteux (et inversement)
Conclusion
• ces deux approches de l’apprentissage sont
fondamentalement différentes
• elles reposent sur des postulats différents et
sur des conceptions distinctes du contrôle
moteur
L’approche émergente
• l’émergence des coordinations est rendue
possible par les contraintes
• le comportement n’est pas décidé et régulé
« par le haut » mais plutôt à partir du
couplage entre l’individu et son milieu
• la cognition (intention, attention) n’apparaît
plus prédominante
• elle permet seulement de moduler les
coordinations émergeantes
L’approche cognitive
computationnelle
• vision hiérarchique, centralisée de la
motricité
• difficulté à expliquer les coordinations
motrices complexes
• difficulté liées aux capacités limitées du
système de traitement de l’information pour
apprendre
Téléchargement