L`idéologie des langues pures et homogènes dans les

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Journée de conférences de l’IUF
De l’écologie des langues et de la dynamique du langage.
12 mai 2006
103, bd Saint-Michel 75005 Paris
L’idéologie des langues pures et homogènes dans
les regroupements démolinguistiques depuis le
XIXe siècle
Salikoko S. Mufwene
University of Chicago
Quelques caractéristiques de la
linguistique au XIXe siècle :
● Elle est encore naissante
● Sa préoccupation est surtout génétique
● Développement de la méthode comparée
● August Schleicher développe le Stammbaum
(connu comme cladogramme en biologie)
● Schleicher est impressionné par la publication
d’Origins of Species par Charles Darwin
● Ce-dernier est aussi influencé par son
Stammbaum
Mauvaise influence de la biologie sur la
linguistique ?
●La langue est conçue comme un
organisme (sauf par Herman Paul, qui la
conçoit comme une espèce)
●Elle évolue par transformation ; il n’y a pas
d’évolution variationnelle
●Elle est supposée être pure et/ou
homogène, sauf quand elle a été
“contaminée” par d’autres langues
Influence sociale du XIXe siècle :
● Tentatives de définir la notion de ‘race’
● Stigmatisation du métissage comme impureté
● Les langues peuvent être rangées selon qu’elles
sont plus, ou moins, évoluées (cf. “langue de
culture” versus “langue primitive”)
● Dans The Descent of Man Charles Darwin parle
tout autant des races et des langues : certaines
sont censées plus, ou moins, “avancées” que
d’autres du point de vue évolutif
● ☜ La colonisation d’exploitation est un facteur
important dans ces développements
Quelques conséquences de ces
supposi- tions :
● Le Stammbaum est conçu comme représentant
les processus succéssifs de spéciation plutôt que
comme conséquence de ceux-ci
● L’évolution normale et naturelle est “asexuée”,
c-à-d sans influences extérieures
● ☞ Les changements dûs aux causes internes se
distinguent de ceux dûs aux causes externes
● Le contact des langues introduit des exceptions
aux régularités dans les comportements
phonologiques, morphologiques, et syntaxiques
Autres conséquences :
●Les créoles et les pidgins sont des
conséquences extrèmes des influences
externes
●Ils représentent le metissage langagier et
donc l’impureté
●☞ Les créoles sont donc dénaturés, des
abérrations, et des évolutions non ordinaires
●Ils n’ont pas de place dans les classements
génétiques des langues
●☞ L’écologie des évolutions linguistiques
ne reçoit aucune attention
Pas de dialogue entre théorie et
données :
● Nous avons ignoré les leçons que les créoles et
pidgins nous offrent sur la pertinence de l’écologie d’une langue à son évolution
● ... sur le rôle de la variation intra-systémique
● ... sur son interaction avec l’écologie externe
dans le feature pool
● ... sur la réponse que la variation offre à la
question de motivation pour l’évolution
linguistique (“actuation question”)
● ... et pourquoi il est important de traiter une
langue comme une espèce (virale)
Les conséquences linguistiques de la
colo- nisation européenne du monde:
Les conséquences linguistiques de la
colo- nisation romaine :
Le modèle traditionnel de la spéciation
indo-européenne :
Ce dont le modèle ne tient pas compte :
Les mouvements et contacts des
populations comptent partout :
Et si on reconnaît que les langues sont
héterogènes...
● La variation dialectale est pertinente
● Les mouvements des locuteurs au sein de la
communauté langagière sont pertinentes
● ✔ Mais nous devons nous rappeler que la distinction entre ‘langue’ et ‘dialecte’ est idéologique. ☜ Les deux notions regroupent des
idiolectes
● ☞Les changements associés aux causes
internes sont en fait dûs aux causes externes, c-àd au contact des variétés langagières
Et si on pousse cette “hérésie” plus
loin...
● Les langues et les dialectes ne sont que des
construits, tout comme les espèces biologiques
● La notion la plus proche de la réalité est
l’idiolecte, bien qu’elle soit aussi une abstraction
● La variation existe d’abord au niveau idiolectal
● Les mouvements au sein d’une population sont
individuels
● Les contacts linguistiques sont inter-idiolectaux
● Les changements structurels sont motivés par
les accommodations inter-idiolectales
Toutes les évolutions linguistiques sont
dues au contact des variétés, par les mêmes
mécanismes de compétition et sélection
La distinction entre “créoles” et “noncréoles” se dissout
● Les créoles représentent des abouttissements
naturels des évolutions normales
● Les créoles sont aussi indo-européens que les
langues romanes, germaniques, etc.
● Il nous reste à rendre mieux compte de l’émergence de celles-ci, sur un modèle écologique,
sans nous débarasser de la méthode comparée
● ... sans généraliser l’usage du mot créole
● ... mais en soulignant le rôle du contact
La distinction entre les causes “externes” et
“internes” des changements se dissout
aussi
● La motivation fondamentale se retrouve dans les
accommodations que se font les locuteurs
individuels...
● ... donc dans le contact des idiolectes
● C’est dans ces négotiations tacites que se trouve
la réponse à la question de motivation des
changements (“actuation question” en anglais)
● Une autre question intéressante est d’expliquer
comment les accummulations des comportements
individuels se répandent dans la population des
locuteurs
Merci !
Deux ouvrages pertinents:
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