Descente pour les n-champs
Andr´eHirschowitz1et Carlos Simpson 2
Abstract
We develop the theory of n-stacks (or more generally Segal n-stacks which are -stacks
such that the morphisms are invertible above degree n). This is done by systematically
using the theory of closed model categories (cmc). Our main results are: a definition
of n-stacks in terms of limits, which should be perfectly general for stacks of any type
of objects; several other characterizations of n-stacks in terms of “effectivity of descent
data”; construction of the stack associated to an n-prestack; a strictification result saying
that any “weak” n-stack is equivalent to a (strict) n-stack; and a descent result saying that
the (n+ 1)-prestack of n-stacks (on a site) is an (n+ 1)-stack. As for other examples, we
start from a “left Quillen presheaf” of cmc’s and introduce the associated Segal 1-prestack.
For this situation, we prove a general descent result, giving sufficient conditions for this
prestack to be a stack. This applies to the case of complexes, saying how complexes
of sheaves of O-modules can be glued together via quasi-isomorphisms. This was the
problem that originally motivated us.
esum´e
On d´eveloppe une th´eorie des n-champs (plus exactement celle des n-champs de Se-
gal, qui sont des -champs o`u les morphismes sont inversibles en degr´en). Pour
cela on utilise syst´ematiquement la th´eorie des cat´egories de mod`eles ferm´ees (cmf). Nos
contributions principales sont: une d´efinition de n-champ en termes de limites, qui est par-
faitement g´en´eralisable `a toutes sortes d’autres champs; plusieurs autres caract´erisations
des n-champs en termes d’“effectivit´e” des donn´ees de descente; la construction du champ
associ´e`aunn-pr´echamp; un r´esultat de strictification assurant que tout n-champ “faible”
est ´equivalent `aunn-champ (strict); et un r´esultat de descente affirmant que le (n+1)-
pr´echamp des n-champs (sur un site) est un (n+ 1)-champ. Pour d’autres exemples, nous
partons d’un pr´efaisceau de cmf “de Quillen `a gauche” et introduisons le 1-pr´echamp de
Segal associ´e. Dans ce cadre, nous prouvons un esultat de descente g´en´eral donnant
des conditions suffisantes pour que ce pr´echamp soit un champ. Ceci s’applique au cas
des complexes, et dit comment on peut recoller des complexes de O-modules `a l’aide de
quasi-isomorphismes. C’est ce probl`eme qui ´etait la motivation initiale du pr´esent travail.
1Universit´e de Nice-Sophia Antipolis, Parc Valrose, 06108 Nice cedex 2, France
2CNRS, Laboratoire Emile Picard, Universit´e Toulouse 3, 31062 Toulouse cedex, France
1
Sommaire
1. Introduction—p. 4
Motivation, description des r´esultats.
2. Les n-cat´egories de Segal—p. 16
efinition des n-cat´egories de Segal, troncation, int´erieur. La m´ethode g´en´erale pour obtenir
une structure de cmf, et son application aux n-cat´egories de Segal. Les classes d’homotopie de
morphismes.
3. Les n-pr´echamps de Segal—p. 36
La structure de cmf pour les n-pr´echamps de Segal (notions d’´equivalence faible, de cofibration,
de fibration), comparaison avec la topologie grossi`ere, compatibilit´e avec la troncation, propret´e.
Donn´ees de descente.
4. Les fonctorialit´es p,p,p!—p. 50
Relation entre n-pr´echamps de Segal sur Xet Zpour un foncteur p:Z→X,crit`eres de
pr´eservation des objets fibrants.
5. La structure de type Bousfield-Kan d’apr`es Hirschhorn—p. 54
La structure HBKQ de cmf pour les n-pr´echamps de Segal, o`u les cofibrations sont obtenues par
libre addition de cellules; application `a la notion de donn´ee de descente.
6. Le point de vue de la localisation—p. 61
Les cmf de n-pr´echamps de Segal pour la topologie Gpeuvent ˆetre obtenues `a partir des cmf
pour la topologie grossi`ere par inversion de fl`eches correspondant aux cribles de G.
7. Cat´egories de Segal et cat´egories simpliciales—p. 66
Relation entre les 1-cat´egories de Segal et les cat´egories simpliciales; produits et coproduits
homotopiques et l’argument de Gabriel-Zisman.
8. Localisation de Dwyer-Kan—p. 71
La localisation de Dwyer-Kan fournit beaucoup dexemples de cat´egories simpliciales, et permet
en outre de montrer que toute 1-cat´egorie de Segal est ´equivalente `a une cat´egorie simpliciale.
9. Premi`ere d´efinition de champ—p. 85
efinition de n-champ de Segal comme n-pr´echamp de Segal Adont les A(X)sontdesn-
cat´egories de Segal et pour lequel le morphisme AA0vers le remplacement G-fibrant est une
´equivalence objet-par-objet. Notion de champ associ´e, compatibilit´es.
10. Crit`eres pour qu’un pr´echamp soit un champ—p. 92
Aest un n-champ de Segal si et seulement si les A1/(x, y)sontdesn1-champs de Segal sur
X/X pour tout x, y A0(X), et si les donn´ees de descente pour un crible B⊂X/X sont
effectives. On a plusieurs versions de ce crit`ere.
11. Cat´egories de mod`eles internes—p. 106
On definit la notion de cat´egorie de mod`eles interne et on l’utilise pour d´efinir le n+1-pr´echamp
nSeCHAM P (X)desn-champs de Segal au-dessus de X, ainsi que sa n+1-cat´egorie de Segal
nSeCHAM P (X) de sections globales. Comparaison avec la localis´ee de Dwyer-Kan.
2
12. La famille universelle—p. 123
On d´efinit un morphisme nSeCHAMP (X)Hom(Xo,nSeCAT0), on montre qu’il est pleine-
ment fid`ele (et on ´enonce le esultat 12.1 qui identifie son image essentielle). Ceci nous conduit
`a une nouvelle version de la notion de champ.
13. Le champ associ´e`aunpr´echamp—p. 134
On d´efinit le foncteur “champ associ´e`aunpr´echamp” de nSeCHAMP (Xgro)vers
nSeCHAM P (XG), qui est adjoint au foncteur d’inclusion dans l’autre sens.
14. Limites—p. 142
Calcul des limites `a l’aide des structures de cmf; d´efinition des champs en termes de limites.
15. Un peu plus sur la condition de descente—p. 145
On refait les crit`eres de §10 en termes de limites, et on explicite le calcul de ces limites dans le
cas d’un crible efini par une famille couvrante, en termes de limites prises au-dessus de ∆.
16. La construction de Grothendieck—p. 151
On construit la “n-cat´egorie fibr´ee” associ´ee `aunn-pr´echamp au-dessus d’une cat´egorie, op´era-
tion not´ee comme une inegrale suivant Thomason. On compare les sections du n-pr´echamp et
celles de la n-cat´egorie fibr´ee associ´ee.
17. Pr´efaisceaux de Quillen—p. 169
On introduit la notion de pr´efaisceau de Quillen `a gauche, une sorte de pr´efaisceau de cmf o`u
les foncteurs de restriction sont des foncteurs de Quillen `a gauche. On donne diverses structures
de cmf pour les sections de l’int´egrale d’un pr´efaisceau de Quillen.
18. Strictification—p. 182
On strictifie les sections faibles des 1-pr´echamps de Segal qui proviennent de pr´efaisceaux de
Quillen par localisation de Dwyer-Kan. Ceci permet de strictifier des familles faibles de n-
cat´egories de Segal, en n-pr´echamps de Segal. Fin de la preuve de 12.1.
19. La descente pour les pr´efaisceaux de Quillen `agauche—p. 206
Pour un pr´efaisceau de Quillen `a gauche Mon donne un crit`ere pour que le 1-pr´echamp de Segal
associ´e L(M)soitunchamp.
20. Exemple: la descente pour les n-champs—p. 219
On utilise le crit`ere du §19 pour prouver que nSeCHAMP (X)estunn+ 1-champ de Segal.
Ceci g´en´eralise le th´eor`eme classique de recollement des faisceaux. On donne aussi une preuve
directe.
21. Exemple: la descente pour les complexes—p. 228
On utilise le crit`ere du §19 pour prouver que L(CpxO,qis) est un 1-champ de Segal, pour un site
annel´e raisonnable (X,O). On ´enonce un r´esultat de g´eometricit´e pour le champ de modules
des complexes parfaits.
3
1. Introduction
La descente: des modules aux complexes
Pour donner une id´ee du contenu du pr´esent travail, on peut l’aborder, en premi`ere ap-
proximation, comme une contribution `alath´eorie des complexes de faisceaux de modules.
Pour le mettre en perspective, nous commen¸cons par r´esumer la th´eorie des faisceaux de
modules localement libres (de rang fix´er):
Il existe un champ BG, muni d’un module universel Uet d’un fibr´e universel dont U
est le module des sections. Ce champ “classifie” les modules localement libres de rang r
sur les scemas en ce sens que le champ de modules Fib
X,r de tels modules sur un sch´ema
Xs’identifie au champ des morphismes de Xvers BG.LechampBG est alg´ebrique
et si Xest projectif, il en est de mˆeme pour Fib
X,r.LechampBG est un ouvert dans
(au moins) deux champs plus g´en´eraux Coh et Qcoh qui classifient respectivement les
faisceaux coh´erents et quasi-coh´erents (on n’entre pas ici dans les d´etails concernant en
particulier la topologie choisie). Le fait que Qcoh soit un champ signifie plus concr´etement
que les donn´ees de descente pour un module quasi-coh´erent (ou pour un morphisme en-
tre deux modules quasi-coh´erents) sont effectives. On peut observer que Coh n’est pas
alg´ebrique, ce qui est un peu contrariant.
On se propose de g´en´eraliser cette th´eorie au cas des complexes. Le point crucial est
qu’on veut parler de recollement de complexes `a l’aide non pas d’isomorphismes mais de
quasi-isomorphismes (compatibles en un sens ad´equat), de sorte que ce travail rel`eve dans
une large mesure de la th´eorie de l’homotopie.
Les champs dont on vient de parler sont des champs de cat´egories et lorsqu’on se
pr´eoccupe d’´etendre ce qui pr´ec`ede au cas des complexes, il faut tˆot ou tard organiser ces
complexes en cat´egories munies de structures ad´equates.
La solution qui vient d’abord `a l’esprit consiste `aconsid´erer des cat´egories d´eriv´ees.
On peut en effet former par exemple le pr´echamp DQcoh qui `aunsch´ema affine SpecA
associe la cat´egorie d´eriv´ee DQcoh(A) de celle des A-modules quasi-coh´erents. Demander
si ce pr´echamp est un champ est la fa¸con savante de demander si on peut recoller des
complexes `a l’aide de quasi-isomorphismes “compatibles” (i.e. v´erifiant une condition
de cocycle par ailleurs assez technique). Cette question a ´et´etr`es tˆot reconnue comme
impertinente, les objets de ces cat´egories d´eriv´ees ´etant “de nature essentiellement non-
recollables” 3([12] Expos´e 0, p.11).
3Pour le lecteur qui ne serait pas convaincu que cette voie des cat´egories d´eriv´ees est sans issue, sig-
nalons que le sous-pr´echamp (plein) Parf{0,1}de DQcoh des complexes parfaits `a support cohomologique
dans [0,1] est bien un champ, mais qu’il n’est pas localement alg´ebrique (au sens d’Artin): en fait, comme
on le verra plus loin, le “bon” objet est un 2-champ localement alebrique (au sens de [93]).
4
Les homotopies sup´erieures
Pour formuler les probl`emes de recollement des complexes d´efinis `a quasi-isomorphisme
pr`es, il faut consid´erer des homotopies sup´erieures, ce qui complique singuli`erement le
tableau. En topologie ordinaire, le prototype d’un tel probl`eme consiste par exemple `a
recoller sur U1U2U3U4des donn´ees du genre suivant: pour 1 i4, Ciest
un complexe sur Ui;pour1ij4, fij est une ´equivalence d’homotopie entre les
restrictions Cij et Cji de Ciet Cj`a Uij := UiUj;pour1ijk4, hijk est une
´equivalence d’homotopie entre les restrictions de fjkofij et fik `a Uijk := UiUjUk;etles
hijk doivent encore v´erifier une condition de compatibilit´esurU1U2U3U4, condition
dont la formulation mˆeme n’est pas imm´ediate. On con¸coit facilement comment, pour
des recouvrements plus complexes (en topologie ´etale par exemple), la combinatoire de ce
genre de donn´ees de descente peut devenir inextricable. La d´efinition que nous donnons
des donn´ees de descente epasse (ou ´evite) les consid´erations combinatoires.
Dans la situation pr´ec´edente les fij sont des flˆeches entre complexes, les hijk doivent
ˆetre consid´er´ees comme des 2-fl`eches, et les donn´ees sur U1U2U3U4seront des
3-fl`eches. Concr´etement, hijk par exemple est un morphisme d’objet gradu´ededegr´e
1 entre Ciet Cksur Uijketablissant une homotopie entre fjkofij et fik.Demˆeme,
l’information cruciale dans une 3-flˆeche est un morphisme d’objet gradu´ededegr´e2
´etablissant une homotopie entre morphismes de degr´e1, etc. On a donc bien besoin
d’une notion d’-cat´egorie comme pr´econis´ee par Grothendieck [49], avec des n-fl`eches
pour tout net les lois de composition ad´equates.
Cat´egories simpliciales ou de Segal
En fait, une forme rudimentaire d’-cat´egorie adapt´ee `a nos complexes est con-
nue depuis trente ans, c’est la notion de cat´egorie simpliciale. Introduite en th´eorie
d’homotopie par Kan et Quillen (voir [83]), cette notion a ´et´e reprise par Dwyer et Kan
[31] [32] [33]: en particulier, `atoutecat´egorie Mmunie d’une sous-cat´egorie W, ces
auteurs associent une cat´egorie simpliciale “localis´ee” L(M, W). Celle-ci capture bien
l’information homotopique concernant le couple (M, W) dans la mesure o`usiMest une
cat´egorie de mod`eles ferm´ee (cmf) simpliciale au sens de Quillen, et Wsa sous-cat´egorie
des ´equivalences, alors L(M, W)esequivalente `alacat´egorie simpliciale des objets cofi-
brants et fibrants de M. Ceci montre par exemple que la structure simpliciale sur une
cmf est unique `equivalence pr`es, et mˆeme ne d´epend (toujours `equivalence pr`es) que
de la sous-cat´egorie des ´equivalences.
Plus particuli`erement, dans la situation des complexes si Ch esigne la cat´egorie des
complexes et qis la sous-cat´egorie des ´equivalences faibles, alors la cat´egorie simpliciale
L(Ch,qis)repr´esente ad´equatement la th´eorie homotopiquement des complexes. 4
4Ceci veut dire que si A·et B·sont des complexes alors l’ensemble simplicial de morphismes dans L
entre A·et B·est ´equivalente `a l’ensemble obtenu par application de la construction de Dold-Puppe au
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