Chapitre 7 Calcul de primitive 49 50 7.1 7.1.1 CHAPITRE 7. CALCUL DE PRIMITIVE Théorie Primitives et intégrales Définition : Soit f une fonction définie sur un intervalle I. On dit que F est une primitive de f sur I si F est dérivable sur I et F � = f . Exemples : La fonction ln est une primitive de la fonction inverse sur ]0; +∞[, la fonction exp est une primitive d’elle-même sur R, la fonction 3 sin est une primitive de la fonction cos, la fonction f1 : x �→ x4 + 5x2 + 18 4 est une primitive de la fonction f2 : x �→ 3x3 + 10x sur R, mais également f1 − 12 ou encore f1 + 5421 (puisque les constantes disparaissent à la dérivation). On voit sur le dernier exemple qu’une fonction f qui admet une primitive F en admet en fait une infinité puisque F + k sera encore une primitive de f quel que soit k ∈ R (ou même k ∈ C si on considère des fonctions à valeurs complexes). Cependant, ce sont les seules : Propriété : Soit f une fonction qui admet une primitive F sur un intervalle I. Alors les primitives de f sont les fonctions de la forme F + k avec k constante. De plus, si a ∈ I, alors f admet une unique primitive qui s’annule en I. Remarque : Ça n’a donc pas de sens de parler de la primitive d’une fonction f puisqu’elle en a une infinité, mais ça en a un de parler de la primitive de f qui s’annule en a. Considérons maintenant une fonction f qui admet une primitive F sur un intervalle I et (a, b) ∈ I 2 . Si G est une autre primitive de f sur I alors il existe une constante k telle que G = F + k. Donc G(b) − G(a) = (F (b) + k) − (F (a) + k) = F (b) − F (a). Donc l’accroissement de la primitive entre a et b ne dépend pas de la primitive considérée, mais uniquement de la fonction f et des nombres a et b. On lui donne un nom : Définition : Si f admet une primitive F sur un intervalle I et si (a, b) ∈ I 2 , � b alors on appelle intégrale de f entre a et b, notée f (x)dx le nombre F (b) − F (a). a 7.1. THÉORIE 51 Remarques : – Si g est une fonction quelconque, on note [g(x)]ba le réel g(b) − g(a). On � b a donc f (x)dx = [F (x)]ba . � ba � a – On a f (x)dx = − f (x)dx. a b – On sait que lorsque l’on a une somme, le nom de l’indice de sommation n n n � � � ne change rien au résultat de la somme : ak = aj = ap . De j=0 k=0 p=0 même pour l’intégrale, le nom de la dans�l’intrégale � variable intervenant � b n’intervient pas dans le résultat : b f (x)dx = a b f (t)dt = a f (u)du. a Attention cependant à ne pas choisir comme nom de variable une des � b bornes de l’intégrale (i.e éviter f (b)db). a Exemples : � �10 � � � � � 10 1 4 5 2 1 4 5 2 1 4 5 2 3 – (t + 5t)dt = t + t = 10 + 10 − 6 + 6 = 4 2 6 4 2 4 2 6 2750 − 414 = 2336. � 32 dt – = [ln(t)]32 1 = ln(32) − ln(1) = ln(32) = 5 ln(2). t �1 π/4 � π/4 sin(x) 1 π/4 – tan(x)dx = dx = [− ln(cos(x))]0 = ln(2). cos(x) 2 0 �0 π/2 π π/2 – (sin(x) + x cos(x))dx = [x sin(x)]0 = . 2 0 7.1.2 Propriétés de l’intégrale On va voir quelques propriétés calculatoires de l’intégrale. Soit f une fonction qui admet une primitive F sur un intervalle I et (a, b, c) ∈ I 3 . Alors F (c) − F (a) = F (b) − F (a) + F (c) − F (b). Autrement dit, on a la propriété suivante : Propriété (relation de Chasles) : On a � a c f (x)dx = (sous réserve d’existence des trois intégrales). De même, nous montrons : � a b � c f (x)dx+ f (x)dx b 52 CHAPITRE 7. CALCUL DE PRIMITIVE Propriété : L’intégrale est linéaire : � b (λf (x) + µg(x))dx = λ a � b f (x)dx + µ a � b g(x)dx a Propriété : Si f � 0 (resp. f � 0) sur un segment [a, b] (et admet une � b � b primitive), alors f (x)dx � 0 (resp. f (x)dx � 0). De plus, si a < b a a et que l’inégalité est stricte sur f , alors l’inégalité sur l’intégrale est stricte également. Exemple � 1 : Sans calculer de primitive (en admettant qu’il y en ait), on sait que earcsin(x) dx > 0. 0 Remarque : Les nombres a et b ne sont pas quelconques : on doit avoir a � b, sinon, les signes des intégrales sont inversés. Corollaire : On peut intégrer les inégalités entre a et b si a � b. �� b � � b � � � � Propriété (inégalité triangulaire) : On a � f (x)dx� � |f (x)|dx a (sous réserve d’existence de ces intégrales). Exemple : Pour tout n ∈ N, on a : �� � � � 0 1 � � � cos (x) sin (x)x dx�� � 3 2 n 0 On en déduit que � 0 1 | cos (x) sin (x)x |dx � 3 2 n a � 0 1 xn dx = 1 n+1 1 cos3 (x) sin2 (x)xn dx → 0 quand n → ∞ et ce, sans faire de calcul de primitives (en admettant que toutes ces fonctions en admettent). 7.1.3 Interprétations graphiques Proposition. Soit f une fonction continue admettant une primitive sur [a, b], alors il existe c ∈ [a, b] tel que 1 f (c) = b−a � a b f (t) dt. 7.2. CALCULS D’INTÉGRALES 53 Propriété : Soit f une fonction continue sur I. Alors f admet une (et donc des) primitive(s) sur I. De plus si (a, x) ∈ I 2 , la valeur en x de la primitive de f qui s’annule en a est l’aire comprise entre la courbe représentative de f et l’axe des abscisses sur l’intervalle [a, x] (avec des conventions de signes). Remarques : – L’existence de la plupart des intégrales est donc quasi-automatique : à partir du moment où une fonction f est continue sur un intervalle [a, b], � b on sait que f (x)dx existe. a – Les propriétés telles que la relation de Chasles ou l’intégration des inégalités deviennent évidentes si on les regarde en termes d’aire sous la courbe. Théorème (Théorème de Cauchy-Schwartz). Soit f et g deux fonctions continues sur [a, b], alors on a �� a b �2 � b � b 2 f (t)g(t) dt ≤ f (t) dt g 2 (t) dt. a a Egalité ssi ∃λ ∈ R tel que f (x) = λg(x) (ou g ≡ 0) ∀x ∈ [a, b]. 7.2 Calculs d’intégrales On va voir comment calculer des intégrales dans certains cas lorsque l’on ne dispose pas directement d’une primitive de la fonction à intégrer. 7.2.1 Intégration par parties et changement de variable A l’aide des propriétés de la dérivation (notamment le produit et la composition), on peut déduire des méthodes de calculs d’intégrales : Soient u et v deux fonctions de classe C 1 sur un intervalle [a, b]. On a alors (uv)� = u� v + uv � donc u� v = (uv)� − uv � . Comme toutes les fonctions sont continues sur [a, b], on peut les intégrer : � a b � u (x)v(x)dx = � a b � (uv) (x)dx − � a b u� (x)v(x)dx 54 CHAPITRE 7. CALCUL DE PRIMITIVE � Or, uv est une primitive de (uv) sur [a, b], donc � b a On a donc la propriété suivante : (uv)� (x)dx = [u(x)v(x)]ba . Propriété (Intégration par parties) : Si u et v sont de classe C 1 sur un intervalle [a, b] alors : � b � b � b u (x)v(x)dx = [u(x)v(x)]a − u� (x)v(x)dx a a Exemples � 3 : Calculer – xex dx. 0 – la primitive de f : x �→ x3 ln(x) qui s’annule en 1. Regardons maintenant ce que l’on peut obtenir avec des compositions. Soit φ une fonction de classe C 1 sur un intervalle [a, b] et f continue sur φ([a, b]). Notons F une primitive de f sur φ([a, b]). Alors (F ◦φ)� = (F � ◦φ)φ� = (f ◦ φ)φ� , autrement dit, F ◦ φ est une primitive de (f ◦ φ)φ� sur [a, b]. On a � b donc f (φ(x))φ� (x)dx = [(F ◦ φ)(x)]ba = F (φ(b)) − F (φ(a)). On en déduit a la propriété suivante : Propriété (changement de variables) : Si φ est de classe C 1 sur un intervalle [a, b] et f continue sur φ([a, b]), alors : � b � φ(b) � f (φ(x))φ (x)dx = f (x)dx a Exemple : On calcule φ(a) � 0 π/2 (sin3 (x) − 5 sin(x)) cos(x)dx. Pour cela, il suffit d’appliquer la formule avec φ(x) = sin(x) et f (x) = x3 − 5x. On a alors : � π/2 � 1 9 3 (sin (x) − 5 sin(x)) cos(x)dx = (x3 − 5x)dx = − 4 0 0 En général, on rédige cela de la manière suivante (même si ça n’est pas très rigoureux, c’est suffisant pour indiquer les fonctions mises en jeu) : on pose u = sin(x). On a alors du = cos(x)dx (car sin� (x) = cos(x)), donc : � π/2 � 1 3 (sin (x) − 5 sin(x)) cos(x)dx = (u3 − 5u)du 0 Remarques : 0 7.2. CALCULS D’INTÉGRALES 55 – C’est le même principe que lorsque l’on fait un changement de variables dans une somme. – Attention à bien changer les bornes d’intégration. � b – Attention au φ� (x) dans la propriété. On n’a pas � φ(b) f (x)dx. f (φ(x))dx = a φ(a) Autres exemples � 1: – On calcule ex dx. On fait le changement de variables u = ex 2x + 1 e 0 (donc du = ex dx). On a alors : � 0 1 ex dx = e2x + 1 � 1 e du π = [arctan(u)]e1 = arctan(e) − +1 4 u2 – On utilise souvent le changement de variables pour obtenir une expression plus Mais on peut aussi l’utiliser dans l’autre sens : � 1simple. √ on calcule 1 − t2 dt. Pour cela, on fait le changement de variable 0 u = arcsin(t) de sorte que t = sin(u). On a dt = cos(u)du et u varie de π 0 à . Donc : 2 � 1√ � π/2 � 2 1 − t dt = 1 − sin2 (u) cos(u)du 0 0 � π/2 � � π� 2 2 = cos (u)du car 1 − sin (u) = cos(u) sur 0; 2 0 � � π/2 � 1 1 = + cos(2u) du 2 2 0 � �π/2 1 1 = u + sin(2u) 2 4 0 π = 4 7.2.2 Fractions rationnelles Une fraction rationnelle de variable réelle est une fonction F de la forme (x) F (x) = N , où x ∈ R et N et D sont des fonctions polynômes à coefficients D(x) réels, premiers entre eux. Les racines de D sont appelés pôles de la fraction F. On dit qu’un pôle a est d’orde n ssi D(x) = (x − a)n R(x) avec R(a) �= 0. 56 CHAPITRE 7. CALCUL DE PRIMITIVE Décomposition en éléments simples Pour décomposer en éléments simples, nous procédons en plusieurs étapes. Nous illustrerons la suite avec trois exemples de fractions rationnelles : 1 x5 6x2 + 2 F1 (x) = 3 , F2 (x) = 4 , F (x) = . 3 x − 7x + 6 x − 2x3 + 2x − 1 x4 + x2 + 1 1) Division euclidienne. Si deg N ≥ deg D, nous faisons la division euclidienne de N par D : N (x) = Q(x)D(x) + R(x) avec deg R < deg D, ce qui implique : F (x) = Q(x) + R(x) . D(x) Par exemple : 4x3 − 2x2 − 3x + 2 . x4 − 2x3 + 2x − 1 Attention : si on oublie la division euclidienne, ce qui suit est FAUX si deg N ≥ deg D. 2) Factorisation. On factorise D en polynômes irréductibles sur R (ou sur C). Sur R les polynômes irréductibles sont les polynômes de degré 1 ou de degré 2 sans racines réelles. Par exemple : D1 (x) = (x − 1)(x − 2)(x + 3) possède 3 racines simples dans R, D2 (x) = (x − 1)3 (x + 1) a une racine simple et une d’ordre trois, D3 (x) = (x2 + x + 1)(x2 − x + 1) ne possède pas de racine réelle. 3) Décomposition en éléments simples. A un pôle a d’ordre n de F , il lui correspond une décomposition de la forme α2 αn α1 + + ··· + . 2 x − a (x − a) (x − a)n A un polynôme irréductible de degré 2, (x2 + ax + b)n (i.e. a2 − 4b < 0), il lui correspond une décomposition de la forme α1 x + β1 α2 x + β2 αn x + βn + 2 + ··· + 2 . 2 2 x + ax + b (x + ax + b) (x + ax + b)n Par exemple, a b c F1 (x) = + + x−1 x−2 x+3 a1 a2 a3 b F2 (x) − (x + 2) = + + + 2 3 x − 1 (x − 1) (x − 1) x+1 αx + β ax + b F3 (x) = 2 + 2 x +x+1 x −x+1 F2 (x) = (x + 2) + 7.2. CALCULS D’INTÉGRALES 57 4) Détermination des coefficients αi , βi . La décomposition précédente est UNIQUE. Pour déterminer les coefficients, plusieurs possibilités : – tout mettre sous le même dénominateur et en déduire un système d’équations linéaires. Cette méthode marche tout le temps, mais peut être un peu lourde. Il est conseillé de déterminer un maximum de constante grâce aux astuces qui suivent, puis de mettre sous même dénominateur si besoin. – si a est un pôle d’ordre n, on multiplie l’égalité par (x − a)n puis on pose x = a, ce qui donne directement αn = . . . . – dans le cas des pôles non simple, nous pouvons aussi multiplier l’égalité par x et calculer la limite quand x → +∞. – prendre une valeur particulière de x (par exemple x = 0) nous donne une égalité entre les coefficients. Exemple : on trouve 1 1 − 14 5 20 F1 (x) = + + x−1 x−2 x+3 F2 (x) = (x + 2) + 31 8 + 9 4 (x − 1)2 −2x + 1 2x + 1 F3 (x) = 2 + 2 x +x+1 x −x+1 x−1 + 1 2 (x − 1)3 + 1 8 x+1 Primitive des éléments simples La primitive de la fraction rationnelle revient donc à une somme de pri1 mitive d’éléments simples. Il est bien connu qu’une primitive de (x−a)k est 1 − k−1 (x−a)k−1 si k �= 1, et ln |x − a| sinon. Exemple : on a 1 1 1 − ln |x − 1| + ln |x − 2| + ln |x + 3| 4 5 20 9 1 1 2 31 1 4 x + 2x + ln |x − 1| − 4 − + ln |x + 1| 2 2 8 x − 1 (x − 1) 8 primitive de F1 (x) primitive de F2 (x). ax+b Il reste à intégrer (x2 +cx+d) n . Après un changement de variable, on est au en fait ramener à trouver la primitive de (uau+b 2 +1)n . La première partie (u2 +1)n − a admet pour primitive (u22(n−1) si n �= 1, et a2 ln |u2 + 1| sinon. +1)n−1 1 Nous n’avons plus qu’à trouver une primitive de (u2 +1) n. Si n = 1, nous savons qu’une primitive est Arctan u. 58 CHAPITRE 7. CALCUL DE PRIMITIVE Si n = 2, nous remarquons que : � �� u 1 2u2 −1 2 = − = 2 + 2 2 2 2 2 u +1 u + 1 (u + 1) u + 1 (u + 1)2 d’où 1 2 � Arctan u + u � 1 est une primitive de 2 . 2 u +1 (u + 1)�2 Pour n > 2, nous résonnons de même, en calculant nous déduisons par récurrence la primitive de 1 . (u2 + 1)n Exemple : une primitive de F3 (x) est √ − ln(x2 + x + 1) + √43 Arctan 2x+1 + ln(x2 − x + 1) + 3 7.2.3 √4 3 u (u2 + 1)n−1 Arctan �� , et 2x−1 √ . 3 Règle de Bioche Nous cherchons la primitive de fonction F (cos x, sin x) avec F une fraction rationnelle. Par exemple, � � cos x dx dx, . 2 1 + 2 sin x − cos x sin x + tan x Posons ω(x) = F (cos x, sin x) dx. – Si ω(−x) = ω(x), on pose u = cos x, d’où du = − sin x dx. – Si ω(π − x) = ω(x), on pose u = sin x, d’où du = cos x dx. – Si ω(π + x) = ω(x), on pose u = tan x, d’où du = (1 + tan2 x) dx = 1 dx. cos2 x – Sinon, on pose t = tan x2 , d’où dt = 12 (1 + t2 ) dx, et on se rappelle que cos x = 1 − t2 2t 2t , sin x = , tan x = . 2 2 1+t 1+t 1 − t2