Néphrectomies partielles laparoscopiques à propos de 17 cas

Les débuts de la néphrectomie partielle remontent à la fin du XIXè-
me siècle, le premier cas référencé est décris par WELLS en 1884,
suivi de peu par la première néphrectomie partielle pour cancer en
1887 par CZERNY.C’est en 1950 que la première néphrectomie par-
tielle moderne proche de l’intervention que nous connaissons
actuellement est réalisée par VERMOOTEN [1]. Les néphrectomies
partielles sont réservées aux tumeurs de petite taille pT1 [2], de
moins de 4 cm [3-6] avec un taux de survie similaire entre les
tumeurs traitées par néphrectomie totale ou partielle [7]. Avec
l’augmentation des découvertes fortuites des tumeurs rénales et le
développement de la cœlioscopie en urologie la néphrectomie par-
tielle lomboscopique est donc apparue naturellement, la première
fut réalisée par GILL en 1993 [8] .
Nous vous rapportons notre expérience initiale des néphrectomies
partielles réalisées par laparoscopie lomboscopique dans notre cen-
tre.
Nous avons utilisé cette voie qui est celle utilisée par le service pour
la réalisation des néphrectomies totales élargies.
MATERIEL ET METHODE
Entre août 2001 et décembre 2005, 38 néphrectomies partielles ont
été réalisées dans le service, dont 17 réalisées sous laparoscopie
lomboscopique. Ils s’agissaient de tumeurs de 12 mm à 70 mm
découverte de façon fortuite, sauf pour un patient ayant une récidi-
ve tumorale sur rein unique. La classification préopératoire était
T1N0M0 pour tous les patients. Les caractéristiques sont rapportées
dans le Tableau I.
Le bilan radiologique pré opératoire comportait une tomodensito-
métrie complétée par une artériographie en fonction de la taille et
de la localisation tumorales.
TECHNIQUE
Les patients étaient installés en position de lombotomie avec un billot
sous costal pour ouvrir l’espace de travail. Une incision de 10 mm était
faite en avant des masses musculaires lombaires, au niveau de la pro-
jection de la ligne axillaire postérieure. L’espace de travail était réalisé
après la mise en place du trocart optique de 10 mm, par insufflation,
permettant un contrôle visuel de la pneumo dissection. Le premier élé-
ment de repère était la visualisation du muscle psoas facilement iden-
tifiable dans le chant inférieur de la caméra. Deux trocarts de 5 mm
étaient placés au niveau de la ligne axillaire antérieure, un en avant de
la pointe de la 12ème cote et un au dessus de l’épine iliaque antérieu-
re. Un trocart de 12 mm était inséré au dessus de la crête iliaque au
niveau de la ligne axillaire moyenne.
ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2006), 16, 546-549
Néphrectomies partielles laparoscopiques à propos de 17 cas
Xavier PLAINARD, Pascal PAULHAC, Nicolas LESAUX, Emanuel KESSLER,
Jean-Philippe DUMAS, Pierre COLOMBEAU
Service de Chirurgie Urologique et Andrologique, CHRU de Limoges, France
RESUME
But :L’objectif a été d’évaluer la faisabilité, la morbidité et les résultats carcinologiques de la néphrectomie par-
tielle réalisée par laparoscopie rétropéritonéale.
Matériel et Méthodes :Entre août 2001 et décembre 2005, 17 néphrectomies partielles ont été réalisées sous lapa-
roscopie, les patients étaient âgés en moyenne de 59,2 ans. Pour chaque patient ont été étudiés les complications
post opératoires, le taux de conversion, les durées opératoires, de clampage artériel, d’hospitalisation ainsi que
les résultats carcinologiques.
Résultats :La durée opératoire moyenne était de 190 mn, la durée moyenne du clampage artériel était de 30mn
et la durée moyenne d’hospitalisation de 6,3 jours. Il y a eu 2 complications, un hématome post opératoire néces-
sitant une ré intervention chirurgicale pour drainage et le repositionnement d’une endoprothèse pour une fuite
urinaire. Deux conversions ont du être réalisées au début d’expérience. Une récidive tumorale 2 ans après l’in-
tervention initiale a nécessité une néphrectomie totale.
Conclusion :La morbidité est proche de celle de la chirurgie ouverte. Le taux de récidive parait légèrement
supérieur à celui des néphrectomies partielles à ciel ouvert. La néphrectomie partielle lomboscopique demeure
une intervention difficile nécessitant une courbe d’apprentissage même pour un service pratiquant régulière-
ment la chirurgie cœlioscopique.
Mots clés : Néphrectomie partielle, lomboscopie, tumeur, cancer du rein, récidive.
Niveau de preuve : 5
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Manuscrit reçu : avril 2006, accepté : août 2006
Adresse pour correspondance : Dr. X. Plainard, Service de Chirurgie Urologique
CHU de Limoges, 2, avenue Martin Luther King, 87042 Limoges Cedex
Ref : PLAINARD X., PAULHAC P., LESAUX N., KESSLER E., DUMAS J.P.,
COLOMBEAU P. Prog. Urol., 2006, 16, 546-549
La dissection de l’espace de travail était poursuivie, en longeant le
muscle psoas et refoulant la graisse péri rénale, le deuxième repère
anatomique est la veine cave inférieure à droite et la veine génitale
àgauche.
Le pédicule rénal était identifié par ses pulsations, disséqué, un
clamp de type bulldog, passé par le trocart de 12 mm était alors mis
en attente, à proximité de l’artère rénale et utilisé si un clampage
artériel était réalisé. Le rein était ensuite disséqué sur toute sa sur-
face, en le libérant de la graisse péri-rénale sauf en regard de la
tumeur. La capsule rénale était incisée en prenant une marge de
sécurité de 7 à 10 mm, grâce au bistouri harmonique, en utilisant la
pince bipolaire pour parfaire l’hémostase. La pièce était placée dans
un endobag pour éviter tout contact avec les parois de la loge réna-
le.
Si les cavités excrétrices ont été ouvertes elles étaient refermées par
des points en X intra corporels au fil résorbable 4/0. La tranche de
section du rein était refermée par des points en X intra corporels, au
fil résorbable, sur une compresse hémostatique. Le lit était ensuite
recouvert de colle biologique.
Dans un cas, pour une tumeur hilaire, la localisation antérieur a
nécessité une voie d’abord trans-péritonéale, [9]. Le patient en posi-
tion de lombotomie, l’insufflation était réalisée à l’aide d’une
aiguille de palmer.
RESULTATS
16 des néphrectomies ont été réalisées par laparoscopie lombosco-
pique, 1 néphrectomie partielle a été menée par voie antérieure du
fait de sa localisation. La durée opératoire moyenne était de 190 mn
[+/-82,73].
Le clampage artériel a été réalisé dans 43%, pour une durée moyen-
ne de 30 mn [+/-10,75]. Une ouverture des cavités urinaires a eu
lieu dans 28% des cas.
Deux conversions chirurgicales en lombotomie ont été réalisées
pour des problèmes d’exposition. Une reprise chirurgicale a été
nécessaire pour drainage d’un hématome secondaire (Tableau II).
Sur le plan anatomopathologique, parmi les 15 interventions entiè-
rement réalisées sous cœlioscopie, 8 étaient pour une tumeur
maligne (Tableau III). Les pièces étaient en marges négatives dans
tous les cas.
DISCUSSION
Le temps de clampage de 30 mn, de même que la durée opératoire
globale 190 mn [75-330 mn +/- 82,73], la taille moyenne de la taille
des tumeurs, 33 mm [10-70 mm +/- 16.17], ainsi que la durée
d’hospitalisation moyenne 6.33 [+/- 2.05] jours étaient comparables
aux autres séries de néphrectomies partielles par cœlioscopie
(Tableau VI).
De nombreuses techniques d’hémostase sont possibles [10-12], cer-
tains utilisant l’ischémie froide [13], la notre est standard utilisant
le bistouri harmonique [14, 15].
Ce dernier offre une bonne précision dans la section du parenchy-
me rénal. Cependant en cas de persistance d’un saignement après
section au bistouri harmonique, une hémostase complémentaire
était réalisée grâce à la pince bipolaire. En fonction de l’importan-
ce de la section du parenchyme rénal une suture de la tranche de
section rénale était réalisée. Cette dernière était recouverte par une
compresse hémostatique pour compléter l’hémostase. Pour une sec-
tion moins importante du rein, le lit opératoire pouvait être unique-
ment recouvert de colle physiologique.
Un clampage n’était pas réalisé systématiquement, mais devant
l’existence d’un saignement gênant la dissection du parenchyme
rénal. Il s’agissait d’un clampage artériel sélectif, le clamp de type
bull dog ayant été mis en attente à proximité de l’artère après la dis-
section du pédicule rénal. D’autres équipes préfèrent un clampage
hilaire global ou sélectif par un clamp de Satinsky [16].
La marge de sécurité pour cancer est classiquement de 1 cm de paren-
chyme rénal sain entre la tumeur et la coupe. Des études récentes ont
montré que la taille de ces marges étaient surévaluées et qu’actuelle-
ment des marges de moins de 5 mm étaient suffisantes [17].
M.X. Plainard et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 546-549
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Tableau I. Caractéristiques des patients.
Sexe 12 hommes 5 femmes
Age (années) 59.2 (21-73)
Taille tumorale 33 (10-70mm)
Coté tumoral droit : 9
gauche : 8
Localisation tumorale pole supérieur : 7
pole inférieur : 5
cortical externe, médian : 4
hilaire : 1
Tableau II. Résultats.
durée moyenne 190mn (75-330)
durée du clampage 30mn (10-45)
ouverture des cavités pyelocalicielles 4 (27%)
drainage par endoprothèse urétérale 5 (33%)
durée d’hospitalisation 6.3 jours (3 a 14j)
complication post opératoire 2 (1 hématome post opératoire,
1 fuite urinaire)
Tableau III. Anatomopathologie.
pathologie n
carcinome a cellules claire 7
carcinome tubulo-papillaire 1
leïomyome 1
oncocytome 2
angiomyolipome 2
néphrite interstitielle chronique 1
kyste calcifié 1
Total (hors conversions) 15
Tableau IV. Complications.
complications n
conversion per opératoire 2 (11,7%)
réintervention 1 (5,8%)
fuite urinaire 1 (5,8%)
total 4 (23,5%)
L’analyse définitive des pièces d’exérèse était en marges négatives
dans tous les cas au cours de cette série.
Nous avons eu 4 complications, un hématome post opératoire
nécessitant une ré-intervention chirurgicale pour drainage, deux
conversions au début d’expérience, pour des problèmes d’exposi-
tion et le repositionnement d’une endoprothèse pour une fuite uri-
naire. Les problèmes d’exposition au cour de la lomboscopie sont
dus au manque d’espace de travail dans cette voie d’abord. Elle per-
met cependant un accès aisé au pédicule rénal, au pole inférieur et
la face postérieure du rein.
Nos résultats en terme de morbidité restent comparables à la litté-
rature, le taux total de complications des néphrectomies partielle
ouvertes variant de 4,1% à 30% [18], pour 12% à 33% [9] pour les
néphrectomies sous cœlioscopie (Tableau V).
Avec un recul moyen de 2 ans1/2, le taux de survie spécifique de
notre série était de 100%.
Il y a eu 1 récidive carcinologique d’un carcinome rénal à cellules
claires, Furhman 2 nécessitant la totalisation de la néphrectomie.
La tumeur était localisée au niveau de la corticale externe du rein
droit (Figure 1). 2 ans après, une récidive a été dépistée au TDM de
contrôle (Figure 2). Une biopsie sous contrôle TDM a été réalisée
(Figure 3) confirmant la récidive.
On peut espérer aboutir avec plus d’expérience et de recul à un taux
de récidive identique à celui des néphrectomies partielles par lapa-
rotomie, à savoir 1% à 5 ans [19, 20]
CONCLUSION
Si les résultats en termes de morbidité sont proches de ceux des
néphrectomies partielles à ciel ouvert, notre taux de récidives est
légèrement supérieur. La néphrectomie partielle lomboscopique,
M.X. Plainard et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 546-549
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Tableau V. Complications des néphrectomies partielles dans la littérature.
Campbell [18] Lerner [5] Moll [21] Bellegrun [2] Steinbach [22] Gill [9]
(coellioscopie)
réintervention 8 (3.1%) 3 (1,8%) 1 (0.6%) 3 (2.1%) 2 (1.4%) 9 (4.5%)
fuite urinaire 45 (17.4%) 3 (1.8%) 11 (6.7%) 2 (1.4%) 3 (2.1%) 4 (2%)
Tableau VI. Comparaison des résultats à la littérature.
taille tumorale (cm) durée opératoire (mn) durée de clampage (mn) durée d’hospitalisation (jours)
RASSWEILER (2000)[13] 2.3 191 5.4
GILL (2002)[23] 3 180 23 2.2
WILLE (2006)[24] 3 210 21
Limoges 3 190 30 6.33
Figure 3. Biopsie-récidive TDM.
Figure 2. Récidive à 2 ans.
Figure 1. TDM initiale avant néphrectomie partielle.
soumise elle aussi à une courbe d’apprentissage, comme l’ensemble
de la chirurgie par cœlioscopie ou lomboscopie, nécessite un
apprentissage difficile même pour un service pratiquant régulière-
ment la chirurgie cœlioscopique. Mais les résultats de cette série
demeurent encourageants, avec l’expérience, la néphrectomie par-
tielle laparoscopique devrait devenir une technique fiable, notam-
ment pour les tumeurs rénales de localisation postérieure.
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SUMMARY
Laparoscopic partial nephrectomy: a series of 17 cases.
Objective:The objective of this study was to evaluate the Feasibility,
the morbidity and the carcinologic results of laparoscopic partial
nephrectomy.
Material and Methods:Between August 2001 and December 2005, 17
partial nephrectomies were performed by laparoscopy in patients with
amean age of 59.2 years. Postoperative complications, the conversion
rate, operating time, arterial clamping time, length of hospital stay and
oncological results were studied for each patient.
Results:The mean operating time was 190 min, the mean arterial clam-
ping time was 30 min and the mean hospital stay was 6.3 days. There
were 2 complications including one postoperative haematoma requi-
ring surgical revision for drainage and repositioning of a stent for urine
leak. Two conversions had to be performed early in our experience. A
tumour recurrence 2 years after the initial operation was treated by
total nephrectomy.
Conclusion:Our results in terms of morbidity are similar to those
reported for open surgery, but the recurrence rate appears to be sligh-
tly higher than that observed with open partial nephrectomy. Laparos-
copic partial nephrectomy remains a difficult operation requiring a
learning curve even for a department that regularly performs laparos-
copic surgery.
Key-Words: Partial nephrectomy, retroperitoneal laparoscopy, tumour,
cancer, kidney.
M.X. Plainard et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 546-549
549
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