L Les limites de la néphrectomie partielle en 2014 TUMEURS LOCALISÉES

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dossier
TUMEURS LOCALISÉES
Les limites de la néphrectomie partielle en 2014
B. Guillonneau*
* Service d’urologie, hôpital Diaconesses Croix Saint-Simon, Paris.
L
a néphrectomie partielle (NP) pour
tumeur a un double objectif médical
et oncologique : préserver le capital
néphronique du patient tout en offrant
un contrôle oncologique optimal (1). Ses
indications sont donc larges mais doivent
faire face à 3 types de limites : celles liées
à la tumeur, celles liées au patient et celles
liées à la chirurgie au sens large. Parfois, ces
3 domaines se chevauchent, rendant cette
chirurgie hautement complexe.
patient jeune sans comorbidité, lorsque
la tumeur évoque un CCR ou que celui-ci
est prouvé histologiquement. Elle est plus
difficile devant la même tumeur observée
chez un patient âgé ayant des comorbidités
significatives. En l’absence de données, il
est fréquent de proposer une NP sans que
les comorbidités du patient soient correctement évaluées. Le calcul de l’espérance de
vie (score de Charlson) ou une consultation
d’évaluation gériatrique peuvent apporter
des éléments décisionnels indispensables.
Limites liées à la tumeur
Limites liées au chirurgien
Toutes les tumeurs rénales ne doivent pas
être opérées, et il est probable que l’inflation
actuelle de NP connaîtra un déclin dès que
l’histoire naturelle de ces tumeurs sera mieux
connue. D’abord, parce qu’environ 20 %
des tumeurs de moins de 4 cm ne sont pas
malignes et qu’un certain nombre n’auront
aucun effet délétère sur le fonctionnement
rénal. Ensuite, parce que les carcinomes à
cellules rénales (CCR) peuvent avoir une
croissance lente et sont associés à un risque
métastatique faible, voire très faible (2). C’est
dans ces cas limites que la biopsie rénale est
particulièrement indiquée. La limite supérieure n’est pas bien connue, et, s’il y a une
indication claire pour les tumeurs de moins
de 4 cm et un consensus en faveur de la NP
pour les tumeurs de 4 à 7 cm (3), au-delà, les
considérations liées au patient et à l’équipe
deviennent essentielles.
Limites liées au patient
Elles sont mal documentées, car l’histoire
naturelle des CCR est mal connue, d’autant
que ces derniers sont très hétérogènes.
L’indication d’une NP est facile chez un
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Elles aussi sont complexes et très mal évaluées. On a beaucoup étudié la morbidité
opératoire liée à la voie d’abord (chirurgie
conventionnelle versus laparoscopique avec
ou sans assistance robotique) et au geste de
NP lui-même (hémorragie, fistule urinaire,
fistule artérioveineuse, quand elles sont
symptomatiques), mais pas l’influence du
chirurgien sur la survie sans récidive ni sur la
fonction rénale à long terme (double objectif
initial de la NP).
En pratique, la morbidité chirurgicale de la
NP est bien évaluée par différents systèmes
qui prennent en compte la localisation et
la taille de la tumeur, permettant de calculer un score qui croît avec la difficulté
technique et le risque de complication. Le
score le plus utilisé est le score RENAL, qui
prend en compte le diamètre (radius, R) de
la tumeur, son caractère exophytique (E),
sa proximité avec le système collecteur
urinaire (nearness, N), sa distribution antérieure (A), sa situation par rapport aux lignes
polaires (L). Le suffixe “h” est ajouté lorsque la
tumeur est au contact des vaisseaux rénaux
principaux (4). En revanche, la nature de la
tumeur elle-même n’est pas prise en compte.
Pourtant, les tumeurs rénales kystiques ou
nécrotiques peuvent être facilement rompues
lors de manipulations inappropriées, ce qui
constitue un risque de dissémination tumorale peropératoire et de récidive locale ou
dans des sites inhabituels (carcinose).
La durée de l’ischémie et son caractère
complet ou partiel (clampage artériel sélectif,
voire hypersélectif ) sont des facteurs qui
retentissent naturellement sur la récupération
néphronique, mais qui doivent probablement
être indexés à l’existence de comorbidités
(insuffisance rénale, hypertension artérielle,
diabète, etc.). L’objectif est évidemment
que le clampage soit le plus court possible
(moins de 30 minutes ?). Aucune stratégie
médicamenteuse avant, pendant ou après
l’opération n’a aujourd’hui fait la preuve de
son utilité (hyperhydratation, mannitol, autres
diurétiques, antioxydants, etc.). Le refroidissement rénal pour augmenter la résistance
parenchymateuse au stress hypoxique est
en pratique abandonné en chirurgie laparoscopique, sans qu’on ait cherché à savoir si la
toxicité était augmentée (5). Actuellement, les
pistes explorées pour réduire l’ischémie sont
les techniques avec clampage hypersélectif
ou sans clampage, ce qui nécessite un plateau
de radiologie expert.
Conclusion
La NP reste une chirurgie complexe qui peut
devenir extrêmement difficile et ne doit donc
être réalisée que par des chirurgiens expérimentés, et doit parfois être réservée à des
centres experts quand la nature de la tumeur,
sa localisation et les comorbidités du patient
s’additionnent pour rendre cette chirurgie
hautement difficile et morbide, à court,
moyen et long terme.
■
B. Guillonneau déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
Les limites de la néphrectomie partielle en 2014
ILLUSTRATION CLINIQUE
 Oncocytome de 17 cm.
A
B
Références
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renal medical importance of
kidney-sparing surgery. Nat
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102461.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
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