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rendue encore plus délicate par l’existence d’un systè-
me de prise en charge par la collectivité (du moins jus-
qu’à lors...) d’une grande partie des dépenses de santé.
Un travail présenté cette année au congrès de l’AUA à
New Orleans utilisait entre autres la disposition à payer
(willingness to pay) pour comparer la chirurgie et la
coelioscopie pour le prélèvement de rein sur donneur
vivant [7] le principe étant de demander à des patients
opérés par chirurgie combien ils seraient prêts à
débourser pour être opérés par coelioscopie. Il est pro-
bable que pour un patient français cette notion fasse
partie du «virtuel». Un article du Lancet a été consacré
récemment à la chirurgie laparoscopique, dont l’urolo-
gie était malheureusement exclue [4]. Les conclusions,
après une analyse rigoureuse et méthodique de la litté-
rature disponible, étaient que «la chirurgie laparosco-
pique avait été un développement technologique fasci-
nant pour les chirurgiens, mais une très petite avancée
en terme d’impact sur les patients et de prise en charge
globale des pathologies abdominales, après des inves-
tissements financiers énormes», et que cette chirurgie
était un «luxe coûteux plutôt qu’une révolution chirur-
gicale»...
Que doivent faire la communauté urologique, les orga -
nismes payeurs et plus généralement «la société» face
au développement de ces nouvelles techniques?
En l’absence d’arguments objectifs et comparatifs, les
équipes qui pratiquent régulièrement la coelioscopie
urologique en sont réduites à se fier à leur impression
clinique, qui est que cette chirurgie rend un meilleur
service aux patients que l’équivalent en chirurg i e
ouverte, en s’appuyant éventuellement sur des séries
«historiques» ou après allocation non randomisée [1, 2,
6]. Cependant la question de l’utilité sociale de la pro-
cédure reste entière. Nous entrons, que nous le vou-
lions ou non, dans une période de limitation de
moyens. Celle-ci impose des choix. On ne peut pas nier
qu’actuellement, sur le plan opératoire, une néphrecto-
mie par laparoscopie coûte plus cher qu’une néphrec-
tomie chirurgicale. Une partie du matériel (voir la tota-
lité) est à usage unique, et la laparoscopie impose des
investissements spécifiques (insuff l a t e u r , optique,
éventuellement boîte de trocarts et instrumentation). A
son «débit» doivent également être portées les éven-
tuelles complications, spécifiques ou non, dues à l’in-
expérience ou non. Pour qu’une société dans son
ensemble, appelée à faire des arbitrages financiers dans
ses choix de santé, y trouve son compte, il faudrait pou-
voir évaluer les bénéfices éventuels à porter au crédit
de la technique. Bénéfices matériels d’abord : réduc-
tion des complications pariétales, réduction de l’hospi-
talisation, réduction de la convalescence, moindre
consommation médicale post-opératoire. B é n é f i c e s
intangibles ensuite : réduction de la douleur post-opé-
ratoire, bénéfice cosmétique.
Quelle diffusion faut-il donner à ces techniques?
La question de l’utilité sociale conduit tout naturelle-
ment à celle de la diffusion de la technique : si la tech-
nique rend service à la société, il faut en assurer l’accès
à tous les bénéficiaires potentiels. Cependant, faut-il
pour autant que tout urologue sache la pratiquer? Cette
option implique des investissements importants, là
encore à verser «dans la colonne des coûts» : formation
des spécialistes et acquisition des matériels. Une alter-
native serait l’organisation de réseaux permettant la
circulation des malades vers des centres spécialisés. Un
indice de «pénétration» de la technique pourrait être
par exemple la proportion de communications consa-
crées à la coelioscopie dans les congrès d’urologie. La
Figure 1 illustre l’évolution des urologues participant
aux congrès de l’AUA ces dernières années... Il est
probable que la «courbe» d’engouement des urologues
français est assez comparable. Faute de démontrer quoi
que ce soit quant à l’intérêt de la technique pour les
patients, cette courbe illustre bien l’intérêt des uro-
logues pour la technique!
En conclusion, la place de la laparoscopie en urologie
est loin d’être définie actuellement. Cette technique a
suscité des démarches d’évaluation rigoureuses, tant
médicales que médico-économiques et un souci de
transparence qu’il faudra savoir appliquer à d’autres
domaines de la chirurgie. Dans son excellent éditorial
d’avril 1995, PARRA a très justement insisté sur les
bénéfices «secondaires» de l’arrivée du curage coelio-
scopique sur le bilan pré-opératoire des cancers prosta-
tiques [10]. En ce qui concerne l’avenir de la tech-
nique, les résultats obtenus par les équipes entraînées
Figure 1. Pourcentage de communications consacrées à la
laparoscopie aux congrès de l’AUA entre 1992 et 1997.