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garder une certaine efficacité plus longtemps après l’ingestion. Pour certaines
substances, l’absorption est théoriquement rapide, mais peut être limitée par la
solubilité et la formation de concrétions gastriques (salicylés, barbituriques,
méprobamate). Le lavage gastrique plus d’une heure après l’ingestion est
généralement peu utile.
L’ingestion de caustiques est une contre-indication formelle, tant à l’introduction
d’une sonde gastrique qu’au lavage. Les ingestions d’acides fluorhydrique ou
oxalique peuvent faire exception, en raison de leur toxicité systémique sévère.
L’ingestion simultanée d’objets blessants ou l’existence d’une pathologie
œsophagienne préalable sont d’autres contre-indications, de même que les diathèses
hémorragiques.
L’intubation endotrachéale avec ballonnet gonflé est un préalable indispensable à
l’insertion d’une sonde gastrique si la conscience est altérée et/ou si les réflexes
pharyngés sont absents. Il faut utiliser un tube oro-gastrique large (32-40 F chez
l’adulte, 16-26 F chez l’enfant) et multiperforé. Le patient est placé en décubitus
latéral gauche, tête déclive, ce qui a l’avantage de collecter le contenu gastrique dans
le fundus, plutôt que de favoriser le passage au travers du pylore. De surcroît, le
risque d’inhalation est réduit, en cas de vomissements. Le liquide de lavage doit être
instillé en quantité connue et limitée (250 à 300 mL chez l’adulte, 50 à 100 mL chez
l’enfant) pour éviter de forcer le pylore. L’eau du robinet convient parfaitement chez
l’adulte; elle doit être tiédie en cas d’hypothermie. Chez l’enfant en bas âge, on
préférera une solution salée à 0,45 %. Il est préférable de vidanger le liquide instillé
par simple gravité, plutôt que de le réaspirer à la seringue. Le lavage gastrique doit
être poursuivi jusqu’à limpidité.
Avant d’entamer le lavage, il convient toujours de préserver un échantillon de
liquide gastrique pour analyse.
Adsorption, neutralisation ou dilution des toxiques in situ
Cette approche consiste à adsorber le toxique sur une matrice dans le tube digestif,
ce qui réduit son absorption. La matrice la plus utilisée est le charbon activé, produit
de distillation de substances organiques diverses (pulpe de bois, écorce de noix de
coco, charbon, céréales…), activé par des vapeurs d’acide fort à haute température.
L’administration de charbon est surtout indiquée en cas d’ingestion endéans l’heure
de quantités toxiques d’une substance carboadsorbable. On utilise la forme
pulvérisée, mise en suspension dans l’eau, à raison de 50 à 100 g chez l’adulte (1 g/kg
chez l’enfant), à délayer dans 4 volumes d’eau. Si un lavage gastrique a été pratiqué,
cette suspension est instillée par la sonde gastrique. Bien que le charbon soit inodore
et insipide, l’administration orale est plus difficile en raison de son aspect répugnant
et du caractère granuleux de la suspension. Elle peut être facilitée chez l’enfant par
l’addition d’édulcorants, tels le sirop de groseilles ou de chocolat (qui n’altère pas les
propriétés d’adsorption du charbon), ou l’usage d’un récipient opaque et d’un gros
chalumeau.
Théoriquement, le charbon ne devrait plus être utile une fois le toxique résorbé.
Pourtant, l’élimination de certains produits peut être accrue en cas de cycle entéro-
hépatique (digitaline par exemple) ou « entérodialyse » (barbituriques par exemple).
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