Analyses
En pratique L’interview !
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Asie du Sud-Est : non pas un marché mais des marchés
Les écarts de niveau de développement s’accompa-
gnent également de disparités importantes en termes
de superficie, de richesses naturelles, de revenus par
habitant ou de population.
À l’inverse, le point commun de ces pays est une forte
dépendance à l’égard des multinationales étrangères,
qu’elles soient asiatiques ou occidentales. À noter
qu’une source importante de leurs revenus est issue
des Investissements Directs Etrangers (IDE), qui sont
à l’origine, dans une majorité de pays (à l’exception de
l’Indonésie), d’une part déterminante de la valeur
ajoutée industrielle et des exportations.
Par ailleurs, tous les membres de l’ASEAN se sont
engagés dans un processus de plus en plus large
d’accords de libre-échange incluant les partenaires de
l’ASEAN + 3 (Chine, Japon et Corée du Sud), mais
aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Inde.
Certains d’entre eux sont également engagés dans
des négociations de libre-échange avec l’Union euro-
péenne (Singapour, Malaisie) et avec les États-Unis
dans le cadre du Trans-pacific partnership.
Pourriez-vous nous dire quels sont les pays les plus
attractifs de la région ?
Représentant 40 % de la population et du PIB de
l’ASEAN, un grand pays comme l’Indonésie devrait
être un partenaire incontournable pour la France :
mais nos échanges avec ce pays ne sont pas à la hau-
teur de leur potentiel. Malgré le partenariat
stratégique signé entre nos deux gouvernements en
2011, les axes de coopération restent limités.
C’est surtout Singapour qui fait l’objet d’une attention
particulière de la part des entreprises franciliennes
et qui recueille la majorité des demandes d’appui
individuel. Présenté comme un marché solvable mais
mature, concurrentiel et suiveur de tendances,
Singapour reste plus difficile à aborder qu’on ne peut
le penser.
Ceci dit, le constat est sans appel : 7 000 entreprises
françaises exportent à Singapour et plus de 600 y
sont d’ores-et-déjà implantées.
Je tiens à préciser que la plupart des entreprises qui
nous contactent ont également une expérience plus
ou moins aboutie avec la Chine et/ou Hong Kong.
Si Singapour est souvent la première étape d’une
démarche export en Asie du Sud-Est, les pays les plus
convoités sont ensuite :
èLe Vietnam, dans tous les domaines d’activité et
notamment dans le textile et l’agroalimentaire.
èLa Malaisie, dans des domaines techniques tels
que l’énergie (pétrole et gaz), l’informatique.
èL’Indonésie, pour les opportunités liées à l’immen-
sité de son territoire et la taille de sa population.
èLa Thaïlande, pour l’équipement industriel, les équi-
pements médicaux et la distribution.
èLes Philippines, en matière de services.
Le Brunei, le Cambodge et le Laos sont, eux, plus rare-
ment demandés. En revanche, au fil de l’actualité et
de l’ouverture progressive du Myanmar, on constate
un retour des demandes d’informations et de contacts
concernant ce pays.
Quels conseils donneriez-vous aux chefs
d’entreprises qui cherchent à approcher ces marchés
d’Asie du Sud-Est ?
Je leurs conseillerai avant tout de prendre leur temps
et de bien analyser le potentiel de leurs produits et/ou
services dans les pays de l’ASEAN qu’ils ont ciblés. Il
ne faut pas hésiter à s’informer sur tout ce qui pour-
rait constituer un frein à leur développement :
concurrence, normes, réglementations diverses,
contraintes à l’importation, fiscalité, etc.
Pour ne citer qu’un exemple dans le domaine des
biens de consommation, trop d’exportateurs pensent
que, parce que leurs produits plaisent au Japon, ils
vont trouver facilement un distributeur à Singapour.
C’est très mal connaître la typologie des consomma-
teurs asiatiques.
Autre exemple qui concerne le Vietnam : encore
aujourd’hui, ce pays peut apparaître dans l’incons-
cient des responsables d’entreprises françaises
comme un pays facilement abordable du fait des rela-
tions historiques franco-vietnamiennes. En réalité, il
n’en est rien. Les Vietnamiens ne parlent plus fran-
çais, seuls 2 % de la population affirment pratiquer
notre langue régulièrement. Quant à nos relations
historiques communes, elles sont diversement appré-
ciées en fonction de l’âge de l’interlocuteur et de sa
position sociale. Les jeunes Vietnamiens du sud du
pays apprennent surtout l’anglais et ont une attirance
pour le monde anglo-saxon en général, avec en tête
les États-Unis et l’Australie. La France apparaît donc
bien loin de leurs préoccupations…
De plus, si une entreprise veut tenir sur la durée dans
des pays comme Singapour ou la Malaisie, elle ne
devra pas négliger la course à l’innovation que lui
feront subir ses concurrents locaux et/ou étrangers.