la personne agee malade : particularites semiologiques

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CHAPITRE VIII: LA PERSONNE AGEE MALADE : PARTICULARITES
SEMIOLOGIQUES, PSYCHOLOGIQUES ET THERAPEUTIQUES
I- Introduction
II- Particularités clinique et psychologiques de la personne âgée malade
III- Spécificité de la démarche diagnostique et thérapeutique
A- L’exemple des contentions physiques
1- Dangers de la contention physique
2- Recommandations pour la mise en place d'une contention physique
B- Autre exemple : prise en charge médicale en maison de retraite
1- Evaluation à l’admission
2- Continuité des soins
3- Dépistage et prévention
4- Les stratégies visant à améliorer les soins en institution
5- Interface maison de retraite- hôpital
Item 59 : Objectifs terminaux
Expliquer les concepts de vieillissement pathologique, de polypathologie et de vulnérabilité en
Gériatrie
Décrire les particularités sémiologiques, physiques et psychiques de la personne âgée malade
Définir le raisonnement thérapeutique en Gériatrie et citer les principales règles générales de
prescription sur le sujet âgé
Dernière remise à jour : avril 2007
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CHAPITRE VIII: LA PERSONNE AGEE MALADE : PARTICULARITES
SEMIOLOGIQUES, PSYCHOLOGIQUES ET THERAPEUTIQUES
I- Introduction
La prise en charge efficace de la personne âgée ne peut être réalisée qu’à partir d’une évaluation
globale, médicale, psychologique et sociale. Plus que la recherche d’une pathologie d’organe, le
diagnostic repose sur la notion d’une décompensation fonctionnelle. En effet, l’avancée en âge
s’associe d’une part à une réduction des réserves fonctionnelles liée au vieillissement et d’autre part
des éventuels facteurs aigus de décompensation qui peuvent entraîner l’individu dans une
situation d’insuffisance fonctionnelle.
L’étape thérapeutique doit donc dépasser le concept de guérison pour conduire à une médecine
adaptative. Elle comporte, outre le diagnostic et le traitement, la prévention à tout moment de la
perte d’autonomie et en cas de dépendance installée la proposition des aides sociales nécessaires.
La spécificité de la médecine gériatrique réside donc dans le caractère global de la prise en charge
de la personne en tenant compte de son environnement.
La diminution des capacités, en l’absence de maladie surajoutée, ne provoque pas
« d’insuffisance », l’âge n’étant jamais à lui seul responsable de la décompensation d’une fonction.
La vieillesse n’est en aucun cas une maladie, mais représente un terrain propice pour le
développement des maladies. La répercussion de ces maladies est plus importante chez le sujet âgé
car leurs effets se surajoutent aux altérations dues au vieillissement. Toutefois, malgré la
décompensation d’un organe, l’équilibre de l’individu est souvent sauvegardé grâce aux capacités
de compensation d’autres organes. Ce n’est qu’à l’occasion d’une déficience de ces compensations,
que survient le déséquilibre.
L’équilibre est parfois précaire. Le risque est celui de la survenue du phénomène dit de « la
cascade » dans lequel une affection aiguë entraîne des décompensations organiques en série.
Certaines fonctions décompensent avec prédilection et sont particulièrement impliquées dans la
cascade : la fonction corticale et sous-corticale, la fonction cardiaque, la fonction rénale et la
fonction d’alimentation. Le phénomène de la cascade, très particulier à la Gériatrie, est d’autant
plus dangereux qu’il constitue un véritable cercle vicieux où les éléments pathologiques
retentissent
les
uns
sur
les
autres
et
s’aggravent
réciproquement
(exemple :
dénutrition→immunosuppression→infection broncho-pulmonaire→anorexie→dénutrition).
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C’est pourquoi certaines maladies survenant chez un sujet très âgé nécessitent une attitude
médicale spécifique, différente de celle qui serait adoptée chez un adulte d’âge moyen. Il ne faut
pas non plus négliger certains aspects de prévention et d’éducation sanitaire des malades ou de
leur proche. Ces actions peuvent avoir un impact comparable ou même meilleur que chez les
personnes plus jeunes.
II- Particularités clinique et psychologiques de la personne âgée malade
Chez le patient âgé, les symptômes caractéristiques tels que l’on peut les retrouver chez le sujet
jeune sont souvent atypiques et même parfois absents.
Citons l’exemple de la douleur précordiale qui est absente dans 30% des infarctus du myocarde ou
encore de l’inconstance de la fièvre lors d’un épisode infectieux. Citons encore l’exemple de
l’absence de contracture abdominale dans les péritonites…
La confusion est souvent la seule manifestation clinique d’une décompensation. La polypathologie
complique l’interprétation des symptômes.
Les signes cliniques sont le plus souvent des signes généraux aspécifiques : asthénie, anorexie, malaise général…
communs à bon nombre de maladies alors que les signes fonctionnels à valeur d’orientation sont mal exprimés
ou banalisés, car attribués au vieillissement ou à une affection chronique commune.
L’anxiété, la dépression et les idées de mort peuvent être exacerbées lors de la survenue d’un
épisode aigu ou de tout événement déstabilisant. Le patient peut alors brusquement démissionner
même pour une maladie en apparence bénigne, adoptant volontiers des conduites de fuite ou
dominent les caractéristiques de régression avec ralentissement psychique, de dépendance.
La dimension relationnelle est donc indispensable lors de la prise en charge de la personne âgée
malade. Il faut renvoyer au sujet âgé une image positive de sa condition d’individu à part entière
et de son état de santé, afin d’améliorer la perception de sa propre image.
La qualité de la relation dépend beaucoup de l’image que le soignant à lui-même du vieillissement.
III- Spécificité de la démarche diagnostique et thérapeutique
Devant la multiplicité des diagnostics qui peuvent être posés chez un même patient, une
hiérarchisation est nécessaire. Les diagnostics « rentables » pouvant déboucher sur une
amélioration réelle de l’état de santé et de la qualité de vie du patient doivent être privilégiés.
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Dans le cadre de cette démarche diagnostique et thérapeutique, le consentement du patient au
projet de soins est absolument indispensable.
L’établissement du diagnostic médical et les décisions thérapeutiques peuvent s’appuyer sur les
recommandations existantes ou les conférences de consensus, mais en vérifiant que ces avis sont
pertinents pour le grand âge et s’appliquent aux malades considérés. Le traitement ne se résume
pas à la prescription médicamenteuse ou à un acte chirurgical : il est un projet de soins complet et
un projet de vie, ayant aussi les dimensions sociales, familiales et financières.
Les décisions en Gériatrie sont donc forcément le résultat de compromis, entre ce qui est
souhaitable et ce qui est faisable, entre ce qui est demandé par la personne âgée et ce qui accepté
par son entourage entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est plus. Il y a toujours une
dimension éthique dans la démarche médicale en Gériatrie.
Nous allons, dans le suite de ce chapitre, discuter ces notions à travers 2 exemples.
A- L’exemple des contentions physiques
L'utilisation des contentions physiques est dans certains cas nécessaire pour protéger le patient. Il
faut cependant garder à l'esprit que son utilisation chez le sujet âgé fragile peut entraîner des
conséquences graves, parfois irréversibles.
Il faut distinguer plusieurs types de contentions:
- les contentions "posturales" qui participent au maintien d'une attitude corrigée (par exemple dans
le cadre d'un traitement réeducatif),
- les contentions "actives" mises en place le plus souvent par un kinésithérapeute (par exemple
pour préparer la verticalisation après une période d'alitement prolongée),
- les contentions "passives".
Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons plus particulièrement aux contentions passives mises
en place chez les personnes âgées la plupart du temps fragiles. La majorité des auteurs définissent
la contention passive comme "utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui
empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou d'une partie du corps
dans le seul but d'obtenir de la sécurité pour une personne âgée qui présente un comportement
estimé dangereux ou mal adapté".
La mise en place d'une contention physique chez le sujet âgé nécessite tout d'abord une
identification objective des motifs et une évaluation du rapport bénéfice/risque. Bien évidemment,
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cela ne peut être réalisé que dans le cadre d'une décision multidisciplinaire avec l'ensemble des
intervenants.
Différents motifs sont invoqués. Les plus importants sont:
- les antécédents ou la crainte de chutes
- les troubles comportementaux tels que la déambulation.
Il faut souligner qu'il n'y a aucune preuve scientifique de l'efficacité des contentions utilisées pour
ces motifs.
La majorité des troubles du comportement survient chez un patient présentant une altération
cognitive. Certains nécessitent un traitement spécifique. Citons comme exemple une agitation
secondaire à un globe urinaire ou une douleur ou encore des symptômes psychotiques (délires ou
hallucinations).
D'autres troubles font partie intégrante du tableau démentiel. C'est le cas de la déambulation
excessive. Il n'y a à l'heure actuelle aucun traitement spécifique pour réduire la déambulation. Il
faut savoir expliquer ce comportement à l'entourage et aux soignants. De plus la déambulation
peut être un facteur de maintien d'autonomie motrice et doit dans ce contexte être respectée. La
contention physique dans ce cas peut être un facteur aggravant l'état général du patient.
En pratique:
- il faut définir de façon objective le ou les motifs nécessitant une contention physique (exemple:
perfusions ou autres soins médicaux). Dans le cas où il s'agirait d'un risque de chute ou d'un
trouble du comportement, il est important d'évaluer objectivement ce risque (Evaluation
Gérontologique Standardisée), et de vérifier l'absence d'alternative.
1- Dangers de la contention physique
Le nombre de chutes graves (nécessitant des soins d'urgence) est plus important chez les personnes
âgées "contenues".
En hospitalisation, les patients attachés ont un plus grand risque d'infections nosocomiales.
La contention physique peut:
- entraîner ou aggraver une confusion,
- être à l'origine d'un syndrome d'immobilisation
- et accélérer la perte d'autonomie.
Certains auteurs rapportent des cas de décès par strangulation ou par asphyxie (secondaires à la
contention physique).
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2- Recommandations pour la mise en place d'une contention physique
Si la décision d'une contention est prise, il faut, dans la mesure du possible, en informer le patient
ou son entourage. Comme pour toute prescription médicale, sa mise en place doit être écrite et
horodatée. Par ailleurs, le médecin doit, outre le motif, préciser la durée prévue et programmer la
surveillance (paramètres physiques comme la respiration, l'état cutané ou l'hydratation; paramètres
psychologiques et environnementaux).
L'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) a proposé un référentiel de
pratique pour la mise en place des contentions physique (Annexe 1).
Le recours à la contention physique est une intervention de soins. Sa mise en place nécessite une
évaluation objective du rapport bénéfice/risque. Il faut toujours garder à l'esprit que la contention
physique est une privation de liberté. Son indication, en l'absence du consentement du patient
(patient dément), doit être bien pesée dans un souci du respect de la dignité.
Comme dans toutes décisions thérapeutiques chez le sujet âgé, il faut garder à l'esprit qu'un des
principes importants de la Gériatrie est le maintien ou l'amélioration de l'état fonctionnel du
patient.
Annexe 1: Extrait du Référentiel de pratique pour la contention (ANAES, octobre 2000)
1- La contention est réalisée sur prescription médicale. Elle est motivée dans le dossier du patient.
2- La prescription est faite après l'appréciation du rapport bénéfice/risque pour le sujet âgé par l'équipe
pluridisciplinaire.
3- Une surveillance est programmée et retranscrite dans le dossier du patient. Elle prévient les risques
liés à l'immobilisation et prévoit notamment les soins d'hygiène, la nutrition, l'hydratation et
l'accompagnement psychologique.
4- La personne âgée et ses proches sont informés des raisons et buts de la contention. Leur
consentement et leur participation sont recherchés.
5- Le matériel de contention sélectionné est approprié aux besoins du patient.
6- L'installation du patient préserve son intimité et sa dignité.
7- Selon son état de santé, la personne âgée est sollicitée pour effectuer des activités de la vie
quotidienne et maintenir son état fonctionnel. La contention est levée aussi souvent que possible.
8- Des activités, selon son état, lui sont proposées pour assurer son confort psychologique.
9- Une évaluation de l'état de santé du sujet âgé et des conséquences de la contention est réalisée
régulièrement et retranscrite dans le dossier du patient.
10- La contention est reconduite, si nécessaire et après réévaluation par une prescription médicale
motivée.
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B- Autre exemple : prise en charge médicale en maison de retraite
Environ 5% de la population âgée de plus de 65 ans vit en institution. Cette proportion devrait
s’accroître dans les prochaines décennies. En effet parallèlement à l’augmentation du nombre de
sujets âgés, les possibilités d’aides familiales diminuent (dispersion géographique, nombre croissant
des femmes qui travaillent…).
La plupart des résidents en maisons de retraite (2/3 environ) sont des femmes. Par ailleurs, 1/3 des
résidents a plus de 85 ans et plus de la moitié est atteinte de pathologies démentielles.
Enfin, une grande majorité des personnes institutionnalisées est dépendante pour les activités de
base de la vie quotidienne.
La population résidant en maison de retraite est hétérogène : certaines personnes sont atteintes de
pathologies graves aux stades terminaux, d’autres souffrent de démence à des degrés variables et
enfin un groupe de sujets nécessite plus que d’autres une réhabilitation active. Les buts sont donc
différents. Cette conception permet de mieux comprendre qu’en fonction du type de pathologie,
les buts fixés, la prise en charge et les moyens mis en œuvre peuvent être variés. En fonction des
objectifs, l’équipe soignante doit pouvoir être informée et formée par le médecin.
Le tableau 1 souligne les buts essentiels de la prise en charge des personnes âgées en institution.
Tableau 1 : Objectifs des soins en maisons de retraite
(D’après Kane RL, Ouslander JG, Abrass IB : Essentials of Clinical Geriatrics. McGraw-Hill,
New York)
1. Favoriser un environnement sécurisé pour les sujets atteints de pathologies chroniques et
les personnes dépendantes
2. Restaurer et maintenir les capacités fonctionnelles
3. Préserver l’autonomie
4. Améliorer la qualité de vie et le sentiment subjectif de bien-être
5. Veiller au confort et à la dignité des personnes en fin de vie et de leur proches
6. Coordonner une prise en charge inter-disciplinaire
7. Stabiliser et dans la mesure du possible, ralentir la progression des conditions médicales
chroniques
8. Prévenir les pathologies aiguës et la iatrogénie
1- Evaluation à l’admission
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Le patient doit être systématiquement évalué à l’admission. Par la suite, une visite périodique
régulière du médecin (tous les 30 à 90 jours ou plus rapprochée en cas de conditions aiguës)
permet le suivi.
Cette évaluation permet d’objectiver le niveau d’autonomie, l’existence ou non d’une altération
cognitive et d’identifier les problèmes médicaux actifs. Le but étant de déterminer les modalités et
les objectifs de la prise en charge future. L’ensemble de l’équipe est concerné : médecin, infirmière,
aide-soignante et selon les établissements diététiciennes, kinésithérapeutes, psychologues….
Cette évaluation doit pouvoir être complétée rapidement (si possible durant les premières 72
heures).
2- Continuité des soins
Une grande proportion des patients en maison de retraite est atteinte de pathologies chroniques
comme l’arthrose, le diabète ou encore les maladies vasculaires les rendant encore plus vulnérables
aux risques de complications. Le tableau 2 suggère un certain nombre de recommandations
permettant de diagnostiquer précocement les complications, souvent avant même qu’elles ne soient
symptomatiques.
Tableau 2 : Exemples de suivi périodique des patients en fonction des pathologies (d’après
Ouslander et coll.)
Pratique
Fréquence
(indicative)
Tous les résidents: Signes Mensuelle
vitaux et poids
Diabétiques : Glycémie à Mensuelle
jeun et en post-prandiale
et/ou Hb glycosylée
Commentaires
Plus souvent si état instable ou pathologie aiguë
ou subaiguë
Plus souvent si instable. Les glycémies capillaires
peuvent également être utilisées
Patients traités par les Tous les 2 à 3 Les personnes âgées institutionnalisées sont
particulièrement sensibles à la déshydratation,
diurétiques ou présentant mois
l’hyponatrémie et les dyskaliémies
une insuffisance rénale :
électrolytes, urée et créatinine
Patients traités par les anti- Tous les 1 à 2 Les hémorragies peuvent
inflammatoires
non mois
occultes et asymptomatiques
stéroïdiens : Hb
être
fréquemment
Sujets
traités
par
des Tous les 3 à 6 Surveillance plus fréquente si instauration récente
médicaments
spécifiques : mois
du traitement ou modification de la posologie
Digoxine, Dilantin, Lithium,
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Quinidine, Théophylline…
3- Dépistage et prévention
Il n’y a pas de véritable consensus concernant les pratiques de dépistage et de prévention chez les
personnes en institution. Le tableau 3 suggère un certain nombre de ces recommandations. Elles ont
été choisies en raison de leur rentabilité diagnostique et économique.
Tableau 3 : Exemples de pratiques de dépistage en maison de retraite (d’après Ouslander et
coll. Medical care in the nursing home 1997)
Pratique
Fréquence
Commentaires
Examen physique complet
Annuelle
Sans oublier l’examen de la prostate chez
les hommes et la palpation mammaire et
l’examen gynécologique chez les femmes.
Poids
Mensuelle
En cas de perte de poids, rechercher la
cause et agir rapidement.
Statut
fonctionnel
global
(équilibre et marche, fonctions
cognitives,
autonomie
et
dépistage de la dépression)
Annuelle
Outre les évaluations périodiques réalisées
par le personnel soignant, une Evaluation
Gérontologique Standardisée complète
doit être prévue une fois par an
Vision
Annuelle
Evaluation de l’acuité et recherche des
problèmes curables
Audition
Annuelle
Identification des problèmes
bénéficier d’un traitement
Examen dentaire
Annuelle
Idem
Examen des pieds
Annuelle
Fréquence plus rapprochée chez les
personnes diabétiques et les résidents
atteints
de
pathologies
vasculaires
périphériques.
Annuelle
Les études montrent un bon rendement
Examens
biologiques
(NFS,
pouvant
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BES, glycémie,
albumine,
thyroïdienne)
créatinine,
fonctions
diagnostique de ces tests en institution
Radio thoracique
A l’admission
Pour avoir un cliché de base et pouvoir
éventuellement le comparer avec les clichés
ultérieurs
ECG
A l’admission
Idem
En ce qui concerne les différentes mesures préventives, l’activité physique doit être encouragée
(exemple : marche). Elle permet notamment le maintien de la masse musculaire, l’amélioration de
l’appétit et de la qualité du sommeil. La famille du patient doit être incitée à participer à ce type
d’activité. La diminution de la mobilité de certains patients augmente les risques d’escarre. Le
repositionnement et la mobilisation fréquents de ces malades diminue ce risque.
Les pathologies infectieuses sont très fréquentes en institution (surtout respiratoires et urinaires) et
font partie des premières causes de mortalité. Elles sont à l’origine d’un grand nombre
d’hospitalisations aiguës. Les raisons sont variées : altération du statut fonctionnel (spécialement
incontinence fécale ou urinaire), grande fréquence de pathologies chroniques comme le diabète,
modification du système immunitaire ou encore erreurs d’hygiène du personnel. Certaines
infections peuvent survenir de façon épidémique (respiratoires ou digestives).
Outre l’éducation du personnel, le tableau 4 propose quelques-unes des attitudes préventives contre
ce type de pathologie en maison de retraite.
Tableau 4 : Exemples de pratiques préventives en maison de retraite (d’après Ouslander et
coll. Medical care in the nursing home 1997)
Pratique
Fréquence
Commentaires
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Vaccination contre l’H. Influenzae
Vaccin anti-pneumococcique
Vaccin anti-tétanique
Annuelle
Une fois
Tous les 10 ans
Proposer la vaccination au personnel
qui est au contact étroit avec les
malades
Son efficacité réelle chez les patients
en maisons de retraite est toujours
débattue
Une grande majorité des personnes
âgées n’a jamais eu de vaccination
anti-tétanique. Dans ce cas, schéma de
vaccination selon protocole habituel.
La tuberculose pose parfois de gros problèmes en institution. Le Mycobacterium peut se réactiver
chez les patients fragiles ou immunodéprimés. Son diagnostic peut être difficile, ce qui augmente
le risque de contagion. C’est pourquoi, la réalisation d’une radio thoracique (RT) à l’admission de
chaque patient est conseillée (sauf si RT récente).
Certaines équipes proposent une intra-dermo réaction à tous les sujets nouvellement admis.
Les pratiques de prévention concernent par ailleurs l’architecture et l’aménagement de
l’environnement. Le but est de minimiser le plus possible le risque d’accidents et de chutes
(lumières, qualité du revêtement au sol, etc).
Les contentions physiques et chimiques doivent être, dans la mesure du possible, évitées. En effet,
elles sont à l’origine de nombreux effets indésirables et aboutissent souvent à la perte de
l’autonomie. Lorsqu’elles sont utilisées, leur prescription doit être documentée. La formation du
personnel permet de limiter ce type de prescription.
4- Les stratégies visant à améliorer les soins en institution
L’évaluation objective des personnes admises en maisons de retraite, la promotion d’attitudes
préventives et la mise en place de documents écrits sur l’état clinique (mis à jour régulièrement)
font partie des points essentiels qui améliorent la qualité des soins en institution. En raison de la
grande fréquence des troubles mnésiques et de polypathologies, la documentation médicale doit être précise et la plus complète possible.
La gériatrie est probablement, plus que les autres disciplines, basée sur la notion
d’interdisciplinarité qui fait appel aux notions d’échange, de discussion et de décision commune.
Ainsi les différents intervenants (médecins, infirmières, aides-soignantes, kinésithérapeutes,
assistantes sociales, diététiciennes….) doivent participer aux décisions concernant le projet de soins.
111
Cela nécessite l’organisation de réunions régulières, même si elles sont parfois difficiles à initier et
à maintenir. Toutefois, l’expérience prouve l’efficacité à moyen et à long terme de ce type
d’approche.
Dans la plupart des maisons de retraite, les résidents peuvent garder leur médecin généraliste qui
leur rend régulièrement visite. Cela est d’autant plus important que la relation de confiance établie
est en général solide et de longue durée. Le nombre de médecins consultants dans une institution
peut donc être important. Cela rend parfois difficile la coordination des soins. Par ailleurs, en
raison de leurs horaires et de leurs obligations professionnelles, les médecins généralistes ne sont
pas toujours rapidement joignables en cas de décompenstion aiguë. Pour une meilleure continuité
des soins, il semble qu’il y ait de plus en plus besoin d’un médecin qui puisse harmoniser,
coordonner la prise en charge et faire le lien entre le médecin traitant, les équipes soignantes et
l’administration. Ce praticien appelé médecin coordinateur doit par ailleurs promouvoir la mise
en place de l’évaluation gérontologique et des diverses stratégies préventives.
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5- Interface maison de retraite- hôpital
L’interface maisons de retraite et unités hospitalières est caractérisée par son dynamisme. Le nombre de
transferts entre les maisons de retraite et les divers services de soins aigus est relativement important. Les
raisons les plus fréquentes sont: les infections, les troubles hydro-électrolytiques, les chutes et leurs
conséquences, les troubles comportementaux ou encore les pathologies cardio-vasculaires.
Le transfert du patient d’une maison de retraite vers l’hôpital peut être extrêmement coûteux non
seulement en terme économique mais aussi en terme de traumatismes émotionnels. Il peut par ailleurs être
à l’origine d’une multitude de complications qui font suite à l’interruption du projet de soins spécifique
établi ou à la iatrogénie. En ce qui concerne la iatrogénie, plus que les médicaments, ce sont les problèmes
liés à l’immobilisation et au déconditionnement qui sont les plus fréquents.
C’est pourquoi la décision d’hospitaliser une personne âgée institutionnalisée n’est pas facile et doit être
mûrement réfléchie. Elle dépend de nombreux facteurs : médicaux, logistiques et éthiques.
Dans de nombreuses institutions, il est possible de traiter certaines des complications sur place. Encore
faut-il qu’il y ait eu une évaluation correcte de la situation (ex : s’agit-il d’un trouble du comportement
chez le patient atteint de démence ?) et qu’il soit possible d’accéder aux services de laboratoires ou de
radiologies (ex : bilan hydro-électrolytique lors de la suspicion d’une déshydratation). L’accès aux différents
examens biologiques ne pose en général pas de problème dans la plupart des maisons de retraite.
En revanche, l’organisation médicale peut être à l’origine d’un bon nombre d’hospitalisations, en
particulier dans les services d’urgences. En effet, les praticiens ne voient leurs patients que ponctuellement.
Ils sont parfois difficiles à joindre dans l’urgence car rarement installés près des sites et ont des journées de
consultations chargées. La surveillance de l’état clinique ou d’un soin peut donc être problématique. La
présence plus régulière d’un médecin coordinateur peut être une des solutions à ce problème.
Le transfert d’information entre les maisons de retraite et l’hôpital est souvent insuffisant. Les différentes
conditions chroniques sous-jacentes peuvent être omises alors qu’elles sont essentielles dans la nature de la
prise en charge (que ce soit pour la prévision des examens complémentaires ou pour la nature du
traitement). Il en de même des transferts de l’hôpital vers la maison de retraite. La plupart du temps, le
rapport d’hospitalisation est différé et remplacé par une « fiche de liaison » comportant de très brèves
informations. Le rapport sur l’état fonctionnel du patient est rarement mentionné.
Il faut également insister sur l’importance de l’information transférée par écrit. Le seul contact oral peut être
source d’erreurs ou d’oublis.
On ne peut discuter de l’interface entre les maisons de retraite et les hôpitaux (et vice-versa) sans aborder la
question d’éthique. Quel est le but de la prise en charge ? Quel est le bénéfice attendu ? Quel est l’intérêt
du patient ?
Le survol rapide de ces points montre que la décision d’hospitaliser une personne institutionnalisée n’est
pas simple. Il en de même pour l’institutionnalisation qui se fait encore trop souvent au décours d’une
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complication aiguë, après passage hospitalier et par conséquent en situation d’urgence. Soulignons encore
une fois l’intérêt de l’évaluation gérontologique qui permet de réfléchir et de décider avec le patient et sa
famille et dans de bonnes conditions, l’éventualité d’un transfert en maison de retraite en dehors d’une
situation de stress
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