Prise en charge des complications des - Chirurgie

FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
SOMMAIRE
Président:
A. SA CUNHA (Bordeaux)
Modérateurs :
N. REGENET (Nantes)
J.-P. ARNAUD (Angers
)
Fistule pancréatique
D. FUKS (Amiens)
Trouble de la vidange gastrique
E. LERMITE (Angers)
Complications ischémiques
A. SAUVANET (Clichy)
Complications hémorragiques
V. MOUTARDIER (Marseille)
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
PRISE EN CHARGE DES FISTULES PANCREATIQUES
D. FUKS
CHU Amiens - Interne en Chirurgie Digestive
Hôpital Nord - Place Victor Pauchet
80000 Amiens
Email : davidfuks[email protected]m
L’amélioration des résultats de la duodénopancréatectomie céphalique (DPC) semble être la conséquence
d’une chirurgie mieux réglée, de l’amélioration des techniques de réanimation, d’une reconnaissance et du
traitement plus précoces des complications [1, 2]. Sa morbidité postopératoire est cependant toujours élevée
variant de 40 à 55 % [3]. La fistule pancréatique, qui correspond à un taux d’enzymes pancréatiques 3 fois
supérieur aux taux sériques dans les liquides de drainage à partir du 3
ème
jour postopératoire [4], est
responsable de complications qui vont de la collection au contact du drainage à la rupture d’un pseudo-
anévrisme artériel, potentiellement mortel [2]. La gravité des fistules pancréatiques est aujourd’hui mieux
appréciée par l’utilisation de la classification proposée par une réunion d’experts internationaux et publiée en
2005 [4] classant les fistules pancréatiques en trois grades de gravité croissante :
Les fistules de grade A sont transitoires, guérissant spontanément en plusieurs jours sans modification
majeure du protocole de soins postopératoire ;
Les fistules de grade B sont traitées par modification des soins médicaux postopératoires associant
l’arrêt de l’alimentation orale, la nutrition parentérale, les analogues de la somatostatine et
fréquemment l’antibiothérapie ;
Les fistules de grade C mettant en jeu le pronostic vital et nécessitent une prise ne charge en soins
intensifs et des procédures de drainage additionnelles chirurgicales.
Alors que la littérature abonde d’articles s’intéressant aux différents procédés visant à prévenir la fistule
pancréatique (dont les sultats sont variables), il existe moins d’articles s’intéressant spécifiquement à la prise
en charge des fistules pancréatiques.
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade A
Ces fistules pancréatiques qui sont bien tolérées cliniquement, sans signe de péritonite, de syndrome septique
sévère ou d’hémorragie artérielle se tarissent sans modification du traitement. L’utilisation de la somatostatine
ou de ses analogues semble raccourcir la durée d’évolution de ces FP [5]. Certaines fistules de faible débit, très
bien tolérées cliniquement et ayant un trajet bien organisé sont compatibles avec une alimentation per os,
notamment en cas d’anastomose pancréatico-jéjunale [6-8]. En l’absence de signes généraux d’infection, il n’y
a pas d’indication à instaurer une antibiothérapie.
Au total, plusieurs points pratiques restent actuellement discutés :
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Quand reprendre l’alimentation per-os ? Les réponses sont divergentes selon les séries mais il existe
une réelle tendance à ne pas attendre que la fistule soit totalement tarie pour réalimenter le malade
par voie orale [6-7, 9-10].
Quand mobiliser les drains en place ? Alors qu’il existe actuellement plusieurs séries rapportant
l’intérêt de l’absence de drainage après DPC [11], la majorité des équipes laissent en place de drains
en fin d’intervention (96% dans le Rapport de l’AFC 2010). Le principal problème de l’ablation des
drains est de transformer une fistule pancréatique de grade A (bien drainée) en une fistule
pancréatique de grade B. Cependant, 2 séries sont en faveur d’un retrait précoce (4
ème
jour
postopératoire) [12-13].
Quand laisser sortir le patient ? Actuellement, la durée moyenne d’hospitalisation varie de 2 à 6
semaines [7,14-15]. Cependant, l’expérience rapportée par une équipe américaine [16] de patients
quittant le service avec un drainage en place, suggère une réduction possible de la durée
d’hospitalisation de ces patients.
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade B
Les fistules pancréatiques de grade B correspondent aux patients avec sepsis contrôlé (fièvre,
hyperleucocytose), douleurs abdominales sans signe de péritonite, persistance d’écoulement, présence de
collection(s) intra-abdominale(s), ou d’hémorragie contrôlée. Le traitement a pour objectif d’être le plus
conservateur possible incluant le maintien de la sonde d’aspiration gastrique en aspiration (anastomose
pancréato-gastrique), une nutrition parentérale totale (sonde naso-jéjunale ou une jéjunostomie
d'alimentation), l’inhibition de la sécrétion pancréatique par somatostatine ou ses dérivés [5], et la vérification
du bon positionnement des drains posés au cours de l’intervention. L’antibiothérapie doit être idéalement
adaptée aux prélèvements bactériologiques du liquide de drainage (ou de ponction). Ce traitement «
conservateur » permet d’obtenir une guérison dans environ 85 % des cas dans un délai moyen d’un mois
[7,10]. Cependant, le principal risque du traitement conservateur est de voir évoluer ces fistules de grade B
vers des fistules graves (grade C). En effet, ces collections intra-abdominales peuvent rester asymptomatiques
ou pauci-symptomatiques mais, du fait de leur risque d’abcédation ou d’évolution vers une érosion vasculaire,
nécessite un diagnostic précoce par des examens d’imagerie répétée, et un drainage percutané dont les
indications doivent donc être larges [8]. Par conséquent, la gestion de ces fistules de grade B nécessite une
approche multidisciplinaire, impliquant le chirurgien, l’anesthésiste-réanimateur (soins intensifs), et le
radiologue interventionnel. En effet, le radiologue interventionnel joue un rôle important permettant ainsi de
mettre en place un drainage percutané ou en repositionnant sous contrôle scanographique les drains placés en
per-opératoire [10,17]. Par ailleurs, en cas d’hémorragie artérielle tardive (au-delà du 8
ème
jours
postopératoire) [18], l'angiographie avec embolisation est efficace dans 80% des patients [19].
Un des points importants de ces fistules de grade B est de pouvoir identifier les patients à risque de développer
une fistule grade C. Une étude multicentrique incluant les centres du Nord-Ouest de la France a montré que la
présence d’un parenchyme pancréatique mou, de la transfusion per-opératoire et la survenue d’une
hémorragie postopératoire était des facteurs de risque de fistule pancréatique grade C en analyse univariée
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[24]. A l’instar du « fifty-fifty » à J5 d’une hépatectomie [25], la présence de ces 3 facteurs chez des patients
ayant une fistule de grade B devrait modifier la prise en charge avec un transfert systématique en Unité soins
intensifs, des examens d’imagerie répétés afin de rechercher des collections mal drainées susceptibles d’être
responsables d’un sepsis, éventuellement une optimisation du drainage par voie endoscopique. En cas de signe
d’alarme (hémorragie sentinelle, sepsis sévère) chez ces patients, une réintervention précoce pourrait réduire
le taux de mortalité [24].
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade C
Une réintervention est nécessaire en cas d’abcès non accessible à un drainage per-cutané, de péritonite
postopératoire, ou en cas d’hémorragie non accessible à une embolisation radiologique [10,14]. Cette
réintervention doit comporter un lavage abdominal avec repositionnement des drains, le contrôle de
l'hémorragie, et une jéjunostomie d'alimentation (s'il n'est pas déjà en place). La mortalité de ces
réinterventions est élevée (de l’ordre de 30%) et leurs modalités sont discutées. Des auteurs sont partisans de
la suppression de l’anastomose, de la fermeture du tube digestif en regard, et d’une conservation totale [20]
ou partielle [18] du pancréas pour éviter un diabète sévère altérant significativement la qualité de vie chez des
patients souvent opérés pour des cancers de mauvais pronostic [8]. L’inconvénient de cette technique est de
favoriser l’apparition d’une fistule pancréatique externe ou interne (pseudo-kyste), nécessitant un traitement
spécifique [21]. D’autres auteurs préconisent une totalisation d’emblée de la pancréatectomie au prix d'un
risque de mortalité compris entre 25% et 50% [21] et d'un diabète définitif et difficile à équilibrer dont le
principal intérêt est de limiter la mortalité, par un contrôle complet des phénomènes septiques [8,21,22].
Au total, la mortalité de la FP après DPC est actuellement faible, comprise entre 4 % et 15 % [10, 21, 23].
L’amélioration du pronostic des fistules est certainement multifactorielle et résulte des progrès de la
réanimation, de l’imagerie diagnostique et interventionnelle, et des traitements par inhibiteurs de la sécrétion
pancréatique exocrine.
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