Prise en charge des complications des - Chirurgie

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SOMMAIRE
Président:
A. SA CUNHA (Bordeaux)
Modérateurs :
N. REGENET (Nantes)
J.-P. ARNAUD (Angers)
Fistule pancréatique
D. FUKS (Amiens)
Trouble de la vidange gastrique
E. LERMITE (Angers)
Complications ischémiques
A. SAUVANET (Clichy)
Complications hémorragiques
V. MOUTARDIER (Marseille)
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
PRISE EN CHARGE DES FISTULES PANCREATIQUES
D. FUKS
CHU Amiens - Interne en Chirurgie Digestive
Hôpital Nord - Place Victor Pauchet
80000 Amiens
Email : [email protected]
L’amélioration des résultats de la duodénopancréatectomie céphalique (DPC) semble être la conséquence
d’une chirurgie mieux réglée, de l’amélioration des techniques de réanimation, d’une reconnaissance et du
traitement plus précoces des complications [1, 2]. Sa morbidité postopératoire est cependant toujours élevée
variant de 40 à 55 % [3]. La fistule pancréatique, qui correspond à un taux d’enzymes pancréatiques 3 fois
supérieur aux taux sériques dans les liquides de drainage à partir du 3
ème
jour postopératoire [4], est
responsable de complications qui vont de la collection au contact du drainage à la rupture d’un pseudoanévrisme artériel, potentiellement mortel [2]. La gravité des fistules pancréatiques est aujourd’hui mieux
appréciée par l’utilisation de la classification proposée par une réunion d’experts internationaux et publiée en
2005 [4] classant les fistules pancréatiques en trois grades de gravité croissante :
•
Les fistules de grade A sont transitoires, guérissant spontanément en plusieurs jours sans modification
majeure du protocole de soins postopératoire ;
•
Les fistules de grade B sont traitées par modification des soins médicaux postopératoires associant
l’arrêt de l’alimentation orale, la nutrition parentérale, les analogues de la somatostatine et
fréquemment l’antibiothérapie ;
•
Les fistules de grade C mettant en jeu le pronostic vital et nécessitent une prise ne charge en soins
intensifs et des procédures de drainage additionnelles chirurgicales.
Alors que la littérature abonde d’articles s’intéressant aux différents procédés visant à prévenir la fistule
pancréatique (dont les résultats sont variables), il existe moins d’articles s’intéressant spécifiquement à la prise
en charge des fistules pancréatiques.
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade A
Ces fistules pancréatiques qui sont bien tolérées cliniquement, sans signe de péritonite, de syndrome septique
sévère ou d’hémorragie artérielle se tarissent sans modification du traitement. L’utilisation de la somatostatine
ou de ses analogues semble raccourcir la durée d’évolution de ces FP [5]. Certaines fistules de faible débit, très
bien tolérées cliniquement et ayant un trajet bien organisé sont compatibles avec une alimentation per os,
notamment en cas d’anastomose pancréatico-jéjunale [6-8]. En l’absence de signes généraux d’infection, il n’y
a pas d’indication à instaurer une antibiothérapie.
Au total, plusieurs points pratiques restent actuellement discutés :
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
•
Quand reprendre l’alimentation per-os ? Les réponses sont divergentes selon les séries mais il existe
une réelle tendance à ne pas attendre que la fistule soit totalement tarie pour réalimenter le malade
par voie orale [6-7, 9-10].
•
Quand mobiliser les drains en place ? Alors qu’il existe actuellement plusieurs séries rapportant
l’intérêt de l’absence de drainage après DPC [11], la majorité des équipes laissent en place de drains
en fin d’intervention (96% dans le Rapport de l’AFC 2010). Le principal problème de l’ablation des
drains est de transformer une fistule pancréatique de grade A (bien drainée) en une fistule
ème
pancréatique de grade B. Cependant, 2 séries sont en faveur d’un retrait précoce (4
jour
postopératoire) [12-13].
•
Quand laisser sortir le patient ? Actuellement, la durée moyenne d’hospitalisation varie de 2 à 6
semaines [7,14-15]. Cependant, l’expérience rapportée par une équipe américaine [16] de patients
quittant le service avec un drainage en place, suggère une réduction possible de la durée
d’hospitalisation de ces patients.
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade B
Les fistules pancréatiques de grade B correspondent aux patients avec sepsis contrôlé (fièvre,
hyperleucocytose), douleurs abdominales sans signe de péritonite, persistance d’écoulement, présence de
collection(s) intra-abdominale(s), ou d’hémorragie contrôlée. Le traitement a pour objectif d’être le plus
conservateur possible incluant le maintien de la sonde d’aspiration gastrique en aspiration (anastomose
pancréato-gastrique), une nutrition parentérale totale (sonde naso-jéjunale ou une jéjunostomie
d'alimentation), l’inhibition de la sécrétion pancréatique par somatostatine ou ses dérivés [5], et la vérification
du bon positionnement des drains posés au cours de l’intervention. L’antibiothérapie doit être idéalement
adaptée aux prélèvements bactériologiques du liquide de drainage (ou de ponction). Ce traitement «
conservateur » permet d’obtenir une guérison dans environ 85 % des cas dans un délai moyen d’un mois
[7,10]. Cependant, le principal risque du traitement conservateur est de voir évoluer ces fistules de grade B
vers des fistules graves (grade C). En effet, ces collections intra-abdominales peuvent rester asymptomatiques
ou pauci-symptomatiques mais, du fait de leur risque d’abcédation ou d’évolution vers une érosion vasculaire,
nécessite un diagnostic précoce par des examens d’imagerie répétée, et un drainage percutané dont les
indications doivent donc être larges [8]. Par conséquent, la gestion de ces fistules de grade B nécessite une
approche multidisciplinaire, impliquant le chirurgien, l’anesthésiste-réanimateur (soins intensifs), et le
radiologue interventionnel. En effet, le radiologue interventionnel joue un rôle important permettant ainsi de
mettre en place un drainage percutané ou en repositionnant sous contrôle scanographique les drains placés en
per-opératoire [10,17]. Par ailleurs, en cas d’hémorragie artérielle tardive (au-delà du 8
ème
jours
postopératoire) [18], l'angiographie avec embolisation est efficace dans 80% des patients [19].
Un des points importants de ces fistules de grade B est de pouvoir identifier les patients à risque de développer
une fistule grade C. Une étude multicentrique incluant les centres du Nord-Ouest de la France a montré que la
présence d’un parenchyme pancréatique mou, de la transfusion per-opératoire et la survenue d’une
hémorragie postopératoire était des facteurs de risque de fistule pancréatique grade C en analyse univariée
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
[24]. A l’instar du « fifty-fifty » à J5 d’une hépatectomie [25], la présence de ces 3 facteurs chez des patients
ayant une fistule de grade B devrait modifier la prise en charge avec un transfert systématique en Unité soins
intensifs, des examens d’imagerie répétés afin de rechercher des collections mal drainées susceptibles d’être
responsables d’un sepsis, éventuellement une optimisation du drainage par voie endoscopique. En cas de signe
d’alarme (hémorragie sentinelle, sepsis sévère) chez ces patients, une réintervention précoce pourrait réduire
le taux de mortalité [24].
Prise en charge de fistules pancréatiques de grade C
Une réintervention est nécessaire en cas d’abcès non accessible à un drainage per-cutané, de péritonite
postopératoire, ou en cas d’hémorragie non accessible à une embolisation radiologique [10,14]. Cette
réintervention doit comporter un lavage abdominal avec repositionnement des drains, le contrôle de
l'hémorragie, et une jéjunostomie d'alimentation (s'il n'est pas déjà en place). La mortalité de ces
réinterventions est élevée (de l’ordre de 30%) et leurs modalités sont discutées. Des auteurs sont partisans de
la suppression de l’anastomose, de la fermeture du tube digestif en regard, et d’une conservation totale [20]
ou partielle [18] du pancréas pour éviter un diabète sévère altérant significativement la qualité de vie chez des
patients souvent opérés pour des cancers de mauvais pronostic [8]. L’inconvénient de cette technique est de
favoriser l’apparition d’une fistule pancréatique externe ou interne (pseudo-kyste), nécessitant un traitement
spécifique [21]. D’autres auteurs préconisent une totalisation d’emblée de la pancréatectomie au prix d'un
risque de mortalité compris entre 25% et 50% [21] et d'un diabète définitif et difficile à équilibrer dont le
principal intérêt est de limiter la mortalité, par un contrôle complet des phénomènes septiques [8,21,22].
Au total, la mortalité de la FP après DPC est actuellement faible, comprise entre 4 % et 15 % [10, 21, 23].
L’amélioration du pronostic des fistules est certainement multifactorielle et résulte des progrès de la
réanimation, de l’imagerie diagnostique et interventionnelle, et des traitements par inhibiteurs de la sécrétion
pancréatique exocrine.
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FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
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FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
TROUBLE DE LA VIDANGE GASTRIQUE
E. LERMITE
Chirurgie viscérale
CHU Angers
4 rue Larrey
49100 ANGERS
Tél : 02 41 35 36 18
Email : [email protected]
Les troubles de la vidanges gastriques ou gastroparésie représentent la deuxième principale complication des
résections pancréatiques. Ils sont rarement observés dans les pancréatectomies distales mais compliquent de
19 à 57% des duodéno-pancréatectomies céphaliques (DPC) suivant les séries (1, 2).
Il s'agit d'une complication engageant rarement le pronostic vital lorsqu'elle est isolée mais qui augmente de
façon significative la durée d'hospitalisation (3), le coût et qui altère la qualité de vie des patients.
Physiopathologie:
Elle est mal comprise. Plusieurs hypothèses ont été émises:
•
Une diminution de la concentration plasmatique en motiline secondaire à la duodenectomie.
•
Un curage du pédicule et notamment de l'artère hépatique qui peut entraîner une interruption de
l'innervation vague et sympathique de la région antro-pylorique.
•
Une pancréatite transitoire
•
Une dévascularisation du pylore dans les chirurgies avec préservation du pylore.
Définition:
Devant l'absence de consensus et la multiplicité des définitions lié à la multiplicité des prises en charges, une
tentative de définition univoque a été proposée en 2007 par l'International Study Group of Pancreatic Surgery
(ISGPS)(4). Ce groupe a retenu comme définition de la gastroparésie le maintien d'une sonde d'aspiration
gastrique (SNG) plus de trois jours après l'intervention, ou la nécessité de réinsertion de celle-ci après J3 et
l'impossibilité pour le patient d'avoir une alimentation solide après J7. Trois grades ont été retenus:
Grade A: Patient capable d'avoir une alimentation solide entre J7 et J14.
Grade B: Maintien ou pose de la SNG entre J8 et J14 mais patient capable d'avoir une alimentation solide avant
J21.
Grade C: Maintien ou pose de SNG après J14 et patient incapable d'avoir une alimentation solide après J21.
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
Dans cette définition les gastroparésies grade A n'ont que peu d'incidence sur la durée d'hospitalisation et la
qualité de vie du patient. En revanche les grades B et C nécessitent souvent un apport nutritionnel enteral
et/ou parentéral et l'utilisation de prokinétiques.
Plusieurs études (5, 6) ont évalué cette définition sur leur propre série. Selon les auteurs cette définition
semble fiable, facile d'utilisation et claire.
Facteurs de risques:
En premier lieu il convient de rechercher une complication intra-abdominale et notamment un abcès.
1.
Facteurs de risques liés au patient.
Il a été observé dans une étude (7) que la gastroparésie survenait moins fréquemment chez des patients ayant
une DPC pour pancréatite chronique que pour les autres indications (un seul patient sur une série de 134 DPC).
Cette observation sous-tend l'idée que l'insuffisance pancréatique exocrine qui est fréquente dans les cas de
pancréatite chronique joue un rôle important dans la physiopathologie de la gastroparésie.
2.
Facteurs de risques liés à la technique
a.
Préservation du pylore/pas de préservation du pylore
En 2006 une revue de la littérature (8) a recensé 17 études prospectives randomisées comparant la
duodenopancréatectomie classique selon Whipple (PD) à la duodenopancreatectomie céphalique avec
préservation du pylore (PPPD). Les résultats sont discordants: la majorité d'entres elles retrouvent une
incidence comparable de la gastroparésie dans les 2 groupes, 5 études (9 - 13) une supériorité de la PD et 3
études (14 - 16) une supériorité de la PPPD. Les auteurs expliquent la discordance de ces résultats par une
définition non équivoque de la gastroparésie suivant les études, par des différences de techniques opératoires
(anse pré colique ou trans colique), et par des différences de prise en charge post-opératoire avec notamment
l'utilisation des prokinétiques et des analogues de la somatostatine. Par ailleurs la plupart des études n'étaient
pas désignées pour étudier cette complication.
La série française publiée dans le rapport de l'AFC en 2010 (17) retrouvait entre autres comme facteur de
risque de survenue de gastroparésie après DPC la conservation du pylore. Il est à noter que les chirurgiens
français utilisent peu cette technique car la conservation du pylore ne represente que 163 patients sur les 1312
rapportés par la série (soit 12,4%).
Actuellement aucune conclusion ne peut être retenue en ce qui concerne la technique de résection.
b.
Pancreaticojéjunale/Pancréaticogastrique:
Deux études prospectives randomisées ont comparé l'anastomose pancréatico-gastrique (PG) à l'anastomose
pancréatico-jéjunale (PJ) (18,19). L'objectif principal de ces études n'était pas la mise en évidence de la
diminution des gastroparésies dans l'une ou l'autre des techniques de reconstruction mais la diminution de
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
taux de fistules pancréatiques pour Yeo et al (18) et la diminution du taux de complications globales pour Bassi
et al (19).
L'étude de Yeo retrouvait un taux semblable de gastroparésie (22% dans chaque bras) quel que soit le montage
chirurgical. En revanche l'étude de Bassi retrouvait un taux significativement plus bas de gastroparésie (définie
alors comme la maintien d'une SNG plus de 10 jours) dans le groupe PG. Les auteurs expliquaient cette
différence par un taux plus bas de collection intra-abdominale vue au TDM dans le groupe PG secondaire à un
espace de décollement moins important lors de la chirurgie. Il est cependant à noter qu'il n'existait pas de
différence entre les deux groupes en terme de durée d'hospitalisation.
Au total, les deux techniques d'anastomoses pancréatiques semblent équivalentes en terme de gastroparésie.
c.
Anse jejunale
Dans leur étude de 150 patients opérés d'une DPC avec préservation du pylore, Park et al (20) rapportaient la
position de l'anse jéjunale en retromésentérique comme facteur de risque de survenue de gastroparésie. Les
auteurs concluaient en écrivant que cette méthode de reconstruction ne devait pas être réalisée.
Mais quand est-il des autres méthodes ? L'anse doit-elle être placée en trans méso-colique ou en pré-colique ?
Plusieurs études rétrospectives (21, 22) retrouvaient moins de gastroparésie lorsque la reconstruction était
effectuée avec une anse jéjunale placée en pré-colique. Une étude prospective randomisée japonaise publiée
en 2006 (23) a tenté de répondre à la problématique chez des patients opérés d'une DPC avec préservation du
pylore. La position antécolique de l'anse permettait une diminution de la durée de maintien de la SNG (4,2
jours contre 18,9 jours pour l'anse transmésocolique), une augmentation du nombre de patients ayant une
alimentation solide à J14 et une diminution de la durée d'hospitalisation. Une autre étude prospective
randomisée parue récemment (24) mélangeant DPC classique et DPC avec préservation du pylore ne
permettait pas de conclure à la supériorité d'une technique de reconstruction par rapport à l'autre.
Au total, il semble y avoir une diminution de la gastroparésie lorsque l'anse jéjunale est placée en pré-colique.
3.
Facteurs de risques liés au post-opératoire:
a.
Nutrition entérale:
Des études ont rapporté (25, 26) que la nutrition parentérale précoce (dès J1) favorisait la gastroparésie après
résection pancréatique.
b.
Complications post-opératoires
Plusieurs études (20, 21, 26 - 28) prospectives non randomisées ont montré que la survenue de complications
intra abdominales post-opératoires (fistules et abcès notamment) représentait le principal facteur de risque de
survenue d'une gastroparésie. Il ressort de ces études que la gastroparésie représente un signal d'alarme et
justifie pour beaucoup d'auteurs la réalisation d'une tomodensitométrie abdominale, en dehors de toute
étiologie évidente, afin d'éliminer une complication.
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
Gastroparésie et Erythromycine:
Une des hypothèses physiopathologique de la gastroparésie est la diminution de la concentration plasmatique
en motiline, peptide de 22 acides aminés synthétisé par les cellules à motiline dispersées dans l'épithélium
duodénal (29). L'erythromycine agit comme un agoniste de la motiline en se fixant sur ses récepteurs situés
dans l'antre de l'estomac et dans la partie supérieure de D1.
Deux études prospectives randomisées ont étudié l'efficacité de l'erythromycine dans la prévention de la
gastroparésie après DPC. La première, publiée en 1993, par l'équipe du Johns Hopskins (30) retrouvait une
diminution significative de la nécessité de ré-introduire une SNG et une diminution de la gastroparésie mais de
manière non significative. La dose d'érythromycine utilisée était de 200mg toutes les 6h de J3 à J10. Cette dose
était adaptée de travaux sur la gastroparésie du diabétique.
La deuxième, publiée en 2001 (31) comparait une dose plus faible d'erythromycine (1mg/kg toutes les 8h) de J1
à J14 chez des patients opérés d'une DPC avec préservation du pylore contre placebo. Le groupe erythromycine
avait une ablation de la SNG plus précoce que le groupe placebo. Une analyse multivariée retrouvait
l'administration d'erythromycine comme facteur bénéfique à la non survenu de la gastroparésie.
Conduite à tenir:
En de gastroparésie compliquant une résection pancréatique, il convient en premier lieu d'éliminer une
complication intra-abdominale par un TDM en dehors de toute étiologie évidente.
Le traitement passe par une bonne hydratation et correction des troubles hydroélectrolytiques, une
surveillance accrue des glycémies du patient car l'on sait que les hyperglycémies majorent les symptômes de la
gastroparésie (32 - 34).
Le patient sera soulagé par le maintien de la SNG, l'utilisation de drogues
antiémetiques et de prokinétiques comme l'erythromycine. Les délais maximum de réalimentation rapportés
dans la littérature sont de 6 à 7 semaines (23, 27)
Au total, la gastroparésie est une complication fréquente des résections pancréatiques. Sa physiopathologie
reste mal comprise et son traitement mal codifié. En 2008 une revue de la littérature (35) retrouvait 16 études
prospectives randomisées évaluant cette complication. Parmi elles 13 utilisaient 6 définitions différentes et les
3 autres des critères non objectifs d'évaluation. Seulement 4 études recherchaient les facteurs influençant la
survenue de cette complication. D'autres études sont à faire en utilisant la définition univoque proposée par
l'ISGPS.
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FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
COMPLICATIONS ISCHEMIQUES DES PANCREATECTOMIES
A. SAUVANET
Pôle des Maladies de l’Appareil Digestif, Service de Chirurgie Hépatobiliaire et Pancréatique,
Hôpital Beaujon
100 BLD DU GENERAL LECLERC - 92110 Clichy
Tél : 01 40 87 52 64
Introduction
Les
complications
ischémiques
(CI)
des
pancréatectomies
sont
principalement
observées
après
duodénopancréatectomie céphalique (DPC) (1-5). Elles sont également possibles après pancréatectomie gauche
(PG) avec préservation splénique, ou spléno-pancréatectomie gauche élargie au tronc coeliaque (intervention
d’Appleby modifiée), ou duodénopancréatectomie totale (DPT). Globalement, il faut souligner la gravité de ces
complications une fois constituées et donc l’intérêt de leur prévention.
Duodénopancréatectomie céphalique (DPC).
Les CI des DPC sont rares (1% à 2%) mais ce taux pourrait être minoré par l’absence de caractérisation de ces CI,
parfois étiquetées « complications septiques » ou « défaillance hépatique » (1).
2-1) Physiopathologie
Les CI veineuses (thrombose portale) sont rares et surviennent le plus souvent après DPC comportant une
résection-anastomose de la veine porte (environ 5% des cas) (2,3).
Les CI artérielles, parfois liées à un traumatisme de l'artère hépatique ou de l'artère mésentérique supérieure
(AMS) au cours d’une dissection difficile (2), mais le plus souvent en rapport avec une lésion sténosante préexistante de l’AMS ou surtout du tronc coeliaque (TC) (4,5). La DPC supprime tout autre apport artériel au foie
et aux voies biliaires que l’artère hépatique. En cas de flux insuffisant par cette artère, il se produit une
ischémie au minimum biliaire qui, du fait de l’anastomose bilio-digestive, aboutit à la survenue d’angiocholite
ou d’abcès hépatiques.
De plus, la DPC nécessite la résection de l’artère gastro-duodénale (AGD) et des arcades duodénopancréatiques qui constituent une voie de suppléance en cas de sténose proximale du TC ou de l'AMS. Or, une
sténose du TC, plus souvent liée à une compression par le ligament arqué du diaphragme qu’à des lésions
athéromateuses, existe chez 10% de la population générale et environ la moitié de ces sténoses sont
hémodynamiquement significatives, exposant à une ischémie dans le territoire du TC après DPC (4,5). Les
sténoses de l’AMS sont plus rares et presque toujours athéromateuses.
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
2-2) Prévention
Ces complications doivent être prévenues par une dissection atraumatique. En cas de cancer du crochet et/ou
d’une extension à la lame rétroporte, il faut éviter toute plaie de l’AMS ou désinsertion de l’une de ses
collatérales dont la suture pourrait être sténosante. Toutefois, la précision de la TDM pour apprécier la
résécabilité des adénocarcinomes a considérablement diminué ce risque de traumatisme de l’AMS. En cas de
cancer isthmique ou de pancréatite chronique, une dissection difficile de la faux de l’artère hépatique
commune doit être anticipée et le risque de plaie ou d’hématome intra-mural (dissection) est réel.
La prévention des CI repose principalement par un dépistage de ces sténoses par des reconstructions
vasculaires faites lors de la TDM pré-opératoire (5). La TDM permet actuellement de détecter et de caractériser
les sténoses du TC (ligament arqué ou athérome) avec une précision d’environ 90% (5). En cas de ligament
arqué sténosant le TC, la DPC peut être envisagée sous couvert d’une épreuve de clampage de l’AGD
éventuellement aidée d’un écho-doppler per-opératoire et en retenant la possibilité de devoir sectionner ce
ligament arqué au cours de la DPC (6). La décompression du TC est très rarement inefficace, ce qui nécessite
alors d’associer un pontage à la DPC. En cas de sténose athéromateuse, une artériographie coeliomésentérique pré-opératoire est indiquée dans le but d’apprécier le caractère hémodynamiquement significatif
de la sténose ; si c’est le cas, le traitement repose alors le plus souvent sur la mise en place d’un stent, suivi
d’un traitement anti-agrégant, puis de la DPC dans un délai fonction de l’indication (5). Une DPC avec pontage
artériel simultané semble être une option plus lourde.
La TDM permet également de dépister des variantes anatomiques artérielles hépatiques dont certaines
exposent à un risque élevé de complications ischémiques en cas de plaie artérielle (artère hépatique droite
naissant de l’AMS - foie total) alors que d’autres ne modifient pas ce risque (artère hépatique droite destinée à
un seul segment hépatique, artère hépatique gauche née de la gastrique gauche) (7).
2-3) Diagnostic et traitement des lésions ischémiques constituées
Le diagnostic des CI veineuses (thrombose portale) doit être évoqué en cas de douleurs abdominales
anormales, d’iléus prolongé ou de production d’ascite anormale après DPC. Il repose principalement sur la TDM
avec injection, car l’échodoppler est souvent gêné par des interpositions digestives. Le traitement repose
principalement sur l’anticoagulation efficace, une réintervention n’étant indiquée qu’en cas de suspicion
d’infarctus digestif ou de thrombose limitée et très précoce suggérant l’intérêt d’une thrombectomie avec
réfection de l’anastomose portale.
Le diagnostic des CI artérielles peut être évoqué sur des anomalies cliniques précoces (fièvre, liquide de
drainage en faveur d’une fistule précoce) associées à une cytolyse hépatique parfois majeure (transaminases
souvent > 1000 UI/L). Un scanner avec injection de PDC et des reconstructions artérielles permet alors de
visualiser les axes artériels en cause et les conséquences de l’ischémie (nécrose hépatique, abcès du foie,
collection hydroaérique para-anastomotique)
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
Notre expérience (5) et les données de la littérature ne permettent pas de codifier le traitement des lésions
ischémiques constituées. Il existe probablement un rôle à la revascularisation si elle est très précoce (4).
Autrement, le traitement repose principalement sur la réanimation, le drainage des collections et abcès, la
suppression des anastomoses déhiscentes, et la résection des structures nécrotiques (4,5). La mortalité des
lésions ischémiques constituées peut atteindre 80% (5).
On peut rapprocher des CI liées à la DPC elle-même les CI compliquant parfois les embolisations radiologiques
pour complication hémorragique (par exemple, pseudo anévrysme ou érosion artérielle compliquant une fistule
pancréatique). Le moignon de l’artère gastroduodénale étant le site le plus fréquent de ces lésions
hémorragiques, ces CI intéressent principalement le foie (8).
Pancréatectomie gauche
3-1) Ischémie splénique après pancréatectomie gauche
Il est techniquement possible, pour une lésion pancréatique bénigne ou non invasive, de réséquer en
bloc le pancréas gauche avec les vaisseaux spléniques, tout en préservant la rate, celle-ci restant perfusée et
fonctionnelle via les vaisseaux courts gastro-spléniques et l’arcade vasculaire de la grande courbure (artère et
veine gastro-épiploïques). Lors de cette intervention, il est donc nécessaire de préserver les vaisseaux du hile de
la rate pour éviter de compromettre cette collatéralité qui est efficace dans 95% à 98% des cas (9,10).
En post-opératoire, la constatation en TDM d’un infarctus splénique limité est fréquente (jusqu’à un
tiers des patients) et ne doit pas conduire à une splénectomie qui peut être abusive (9,11). Il est possible,
qu’après cette opération, la perfusion splénique reste « ralentie » ce qui peut expliquer des faux aspects
d’infarctus spléniques (9).
Cette intervention est de plus en plus souvent réalisée par laparoscopie. Avec cette voie d’abord, la dissection
du hile splénique peut être plus difficile avec un risque peut-être accru d’infarctus splénique (12).
3-2) Ischémie gastrique au cours de l’intervention d’Appleby modifiée
Cette intervention, indiquée exceptionnellement pour des cancers médiopancréatiques, inclut la résection du
tronc coeliaque, la perfusion artérielle de l’étage sus-mésocolique n’étant plus assurée que par l’AMS via les
arcades duodénopancréatique et l’AGD circulant à contre-courant (13). Dans ce cas, le sommet de l’estomac est
le plus exposé à un risque d’ischémie artérielle puisqu’il est situé en distalité. Cette ischémie gastrique peutêtre prévenue par une embolisation radiologique préopératoire (par exemple de l’artère hépatique commune,
de l’artère gastrique gauche et de l’artère splénique) destinée à favoriser le développement de collatérales
efficaces avant l’intervention (13).
Duodénopancréatectomie totale
Au plan artériel, la DPT a les mêmes conséquences que la DPC sur l’apport artériel au foie et aux voies biliaires
intra-hépatiques, et supprime la même collatéralité entre le TC et l’AMS.
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
Mais la DPT, si elle comprend une antrectomie et une splénectomie avec suppression des vaisseaux spléniques,
peut également entrainer une ischémie gastrique principalement veineuse. En effet, dans cette configuration,
la vascularisation gastrique ne dépend que de l’artère et la veine gastrique gauche. Or, la conservation de cette
veine peut être difficile ou impossible en cas d’abouchement dans la veine splénique, d’inflammation
importante, ou de résection veineuse tronculaire. Pour éviter une ischémie gastrique distale d’origine veineuse,
il faut conserver les vaisseaux spléniques et la rate, ou le pylore et les vaisseaux pyloriques, sinon réimplanter
la veine gastrique gauche (14).
Conclusions :
Un bilan vasculaire (étude de l’anatomie artérielle, dépistage d’une sténose proximale du TC ou de l’AMS doit
faire partie de la « check-list » avant DPC et DPT. La détection sur la TDM de variantes artérielles
(principalement une artère hépatique droite née de l’AMS) , d’un ligament arqué du diaphragme compliquant
le TC, ou d’une sténose athéromateuse du TC ou de l’AMS, une épreuve de clampage de l’AGD éventuellement
aidée d’un écho-doppler hépatique peropératoire et la section de ce ligament arqué s’il est
hémodynamiquement significatif doivent être maitrisés par tout chirurgien pancréatique.
Au cours d’une pancréatectomie gauche pour lésion bénigne, le sacrifice des vaisseaux spléniques simplifie
l’intervention et permet de conserver la rate avec une probabilité de 95% environ à la condition de préserver
l’arcade gastroépiploïque et les branches de division des vaisseaux spléniques dans le hile de la rate.
La gravité des ischémies hépato-biliaires ou digestives (estomac principalement) après pancréatectomies
justifie une prévention active de ces complications ischémiques
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Francophone de Chirurgie Digestive et Hépatobiliaire, Paris, 3 - 5 décembre 2009.
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
COMPLICATIONS HEMORRAGIQUES
V. MOUTARDIER
Hôpital Nord - Service Chirurgie
13915 Marseille cedex 20
Tél : 04 91 22 50 95
Fax : 04 91 22 35 50
Email : [email protected]
La mortalité post-opératoire de la chirurgie pancréatique s’est considérablement réduite dans les 20 dernières
années, avec des taux inférieurs à 5 % dans la plupart des séries (1,2). La morbidité post opératoire, reste
élevée avec des taux de 30 à 50 %, dominée par la gastroparésie (19 à 23 %), les fistules pancréatiques (9 à
18%) et les abcès intra-abdominaux (9 à 10%) (3). Les complications hémorragiques sont moins fréquentes,
avec un taux de survenue variable selon les auteurs, compris entre 1 et 8 % mais grevée d’une mortalité élevée,
entre 11% et 38 % (3).Tous les auteurs distinguent les hémorragies précoces et tardives, cependant les
définitions sont variables, avec des « cut off » à 1, 3, 5 et 7 jours selon les séries (3-7). Quoiqu’il en soit, ces 2
types d’hémorragies peuvent être considérées comme 2 entités de morbidité différentes : Les hémorragies
précoces sont consécutives dans la plupart des cas à une faute technique d’hémostase per-opératoire, les
hémorragies tardives surviennent typiquement au décours de complications chirurgicales, le plus souvent
septiques (fistule pancréatique et abcès intra-abdominaux). Un « saignement sentinelle », présent dans 25 à
100 % des cas (5), doit attirer l’attention car il précède constamment, après un intervalle libre, une hémorragie
massive. Il peut consister en une simple extériorisation de sang par les drains ou la sonde nasogastrique mais
aussi en une hématémèse ou des rectorragies. La prise en charge des hémorragies post pancréatectomies peut
se limiter à une simple surveillance dans des cas très précis (malade stable, diagnostic certain d’hémorragie
pariétale par exemple (5). Une exploration endoscopique en cas de saignement intra-luminal, à la recherche
d’un ulcère anastomotique peut être indiquée, mais sa place est limitée car elle est fréquemment inefficace en
cas de saignement massif et peut faire perdre un temps précieux (8). Tous les auteurs s’accordent à dire que les
hémorragies précoces doivent être logiquement traitées par une ré-intervention rapide (5). En cas
d’hémorragie tardive, deux attitudes sont discutables: une reprise chirurgicale ou une tentative de diagnostic
et de traitement radiologique. Chez un malade stabilisé, la réalisation d’un scanner injecté semble être
l’attitude la plus logique avant toute décision stratégique. Cet examen pourra guider la suite de la prise en
charge qu’elle soit chirurgicale ou radiologique. Les actes radiologiques les plus fréquents sont les
embolisations par coils et la mise en place de prothèses couvertes en cas de faux anévrysmes. La stratégie
thérapeutique doit être de toute façon adaptée à la situation clinique, notamment en cas de choc
hémodynamique, et aux moyens dont dispose l’équipe médicale. Une méta-analyse récente portant sur 20
séries chirurgicales et
étudiant la prise en charge de 163 cas d’hémorragie tardive après duodéno-
pancréatectomie céphalique n’a pas permis de retrouver de différence significative en terme de mortalité et
FCC 10 - Prise en charge des complications des résections pancréatiques
morbidité entre ré-intervention chirurgicale et radiologie interventionnelle. Les taux de mortalité et morbidité
étaient respectivement de 43% et 70 % dans le groupe chirurgie et 21% et 36 % dans le groupe radiologie. Les
taux de réussite étaient similaires aux alentours de 75% dans les 2 groupes. Si certains auteurs prônent la
réalisation immédiate d’une artériographie (9), celle-ci a ses limites, notamment en cas de saignement diffus,
veineux ou intermittent. En conclusion, la prise en charge d’une hémorragie post opératoire après
pancréatectomie doit être adaptée : a) au moment de survenue de l’hémorragie (précoce ou tardive), b) au
type et à la localisation de l’hémorragie (intra ou extra luminale) c) au statut clinique du patient (choc
hémodynamique ou non), d) aux moyens dont dispose l’équipe médicale (radiologie interventionnelle
notamment), d) à la présence d’un saignement sentinelle (autorisant une exploration radiologique en sécurité).
Take home message : Quelle que soit son abondance et son mode de révélation une hémorragie postopératoire doit faire suspecter une complication potentiellement mortelle.
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