La laparoscopie exploratrice est de plus en plus utilisée dans le
cadre du bilan d’extension d’un AP (5). L’intérêt principal de
cette technique est la détection des petites métastases hépatiques
et des foyers de carcinose péritonéale qui échappent à l’image-
rie usuelle. Par ailleurs, elle peut être la voie d’abord pour la chi-
rurgie palliative en cas de maladie non résécable (dérivation,
splanchnicectomie).
LES CONTRE-INDICATIONS À L’EXÉRÈSE
L’âge chronologique en soi ne doit plus être considéré selon les
séries comme une contre-indication chirurgicale, puisque au-delà
de 70 ans, la mortalité n’est que relativement, mais non signifi-
cativement, plus importante. Cependant, une évaluation globale
des fonctions vitales (respiratoires, cardiaques, rénales, endocri-
niennes, ou autres) est nécessaire.
On estime que seulement 10 à 30 % des AP sont résécables (6).
La contre-indication majeure à la chirurgie à visée curative reste
les métastases, la carcinose péritonéale ou les adénopathies de
deuxième relais. Malgré quelques études japonaises encoura-
geantes, l’envahissement de l’artère mésentérique supérieure reste
une contre-indication.
En revanche, la présence d’adénopathies de premier relais ou une
atteinte isolée du système veineux mésentérico-portal ne doivent
pas contre-indiquer l’exérèse. La résection veineuse lors d’une
pancréatectomie augmente la morbidité de la procédure, mais la
survie ne diffère pas de celle observée en l’absence d’envahis-
sement veineux.
CHIRURGIE D’EXÉRÈSE À VISÉE CURATIVE
Pancréatectomie droite ou duodéno-pancréatectomie
céphalique (DPC)
On estime qu’au moment du diagnostic d’un AP de siège cépha-
lique, la tumeur est confinée au pancréas dans 10 % des cas, loca-
lement avancée dans 40 % des cas et associée à des métastases à
distance dans 50 % des cas. La DPC représente le seul traitement
à visée curative de l’AP situé à droite de l’axe mésentérico-por-
tal, c’est-à-dire de la tête et parfois de l’isthme. La première DPC
a été effectuée par Whipple, en 1935 (7).
La DPC standard, telle que décrite par Whipple, comporte la
résection de la partie distale de l’estomac, le cholédoque, la tête
du pancréas, le duodénum, l’angle de Treitz et les chaînes lym-
phatiques juxtaposées, dites de premier relais. Le rétablissement
de la continuité se réalise classiquement par l’intermédiaire d’une
anastomose pancréato-jéjunale (APJ), une cholédoco-jéjunosto-
mie, et une gastro-jéjunostomie.
Les variantes de cette intervention sont la préservation du pylore
et l’anastomose pancréato-gastrique (APG).
La mortalité et la morbidité opératoires, la survie ainsi que le sta-
tut nutritionnel postopératoires sont identiques, avec ou sans pré-
servation pylorique. À noter que le taux de gastroparésie post-
opératoire est plus élevé en cas de préservation pylorique (8).
Yeo et al. (9) ont démontré dans une étude prospective rando-
misée que l’érythromycine par voie intraveineuse prévient effi-
cacement la gastroparésie après DPC.
L’anastomose pancréatico-gastrique (APG) a été proposée en
1988 par Icard et Dubois (10). Plusieurs études ont comparé
l’APG à l’APJ et aucune n’a retenu de différence significative
majeure. Lemaire et al. (11) ont montré qu’avec le temps l’APG
entraîne une atrophie du moignon pancréatique, secondaire à une
inactivation enzymatique par le pH acide.
Plusieurs procédés techniques ont été décrits afin de diminuer
le taux de fistule anastomotique après DPC. On peut citer l’intu-
bation de l’APJ par le jéjunum, l’encollage du canal de Wir-
sung, l’octréotide en prophylaxie, la confection de l’anasto-
mose sur un drain tuteur, l’utilisation de fils non résorbables.
Hormis l’octréotide (12) et le drain tuteur dans le canal de Wir-
sung (13), aucun artifice n’a fait la preuve de son efficacité
dans une étude comparative. Il est probable que l’octréotide ait
un rôle bénéfique dans les anastomoses faites sur pancréas sain
bien qu’il n’ait pas été démontré dans une analyse multifacto-
rielle excluant l’influence de l’expérience du chirurgien et de
son équipe (14).
Du fait du pronostic redoutable de l’AP et des mauvais résultats
de la chirurgie à visée curative qui n’est d’ailleurs possible que
dans moins d’un tiers des cas, une “régionalisation” ou une “radi-
calisation” de l’intervention de Whipple a été proposée pour aug-
menter la résécabilité et améliorer la survie.
La pancréatectomie régionale a été décrite dans sa forme clas-
sique par Fortner, en 1973 (15). Elle comportait une pancréatec-
tomie totale, une gastrectomie subtotale, une résection de prin-
cipe de la veine porte et parfois de l’artère mésentérique
supérieure, une splénectomie, une colectomie transverse et un
curage cœliaque. Les résultats de cette attitude maximaliste ont
été principalement une augmentation de la mortalité et de la mor-
bidité opératoires sans répercussion positive sur la survie.
La DPC dite étendue ou radicale (pratiquée principalement au
Japon) correspond à une DPC élargie associée à un curage retro-
péritonéal étendu (emportant les ganglions de deuxième relais)
ou une résection à la demande de l’axe mésentérico-porte. Ce
type d’intervention a récemment fait l’objet d’une étude pros-
pective randomisée (1) dont les résultats préliminaires montrent
que les deux modalités chirurgicales ont des taux de mortalité et
de morbidité identiques. Une étude de la survie est toujours en
cours. Cependant, une amélioration de la survie a été rapportée
par plusieurs études non randomisées comparant la DPC stan-
dard à la DPC étendue. Ishikawa et al. (16), puis Manabe et al.
(17) ont rapporté des taux de survie de 38 % à 3 ans et de 21 %
à 5 ans, respectivement. En étudiant rétrospectivement plus de
1 000 DPC pour AP, Hirata et al. (18) ont conclu que le curage
ganglionnaire étendu n’entraînait pas une amélioration de la sur-
vie à long terme après une DPC.
Le drainage biliaire interne ou externe préopératoire, visant à sup-
primer l’ictère avant chirurgie d’exérèse, n’a pas d’intérêt prouvé
pour réduire la mortalité et la morbidité (19). Ces drainages com-
portent toutefois des inconvénients représentés par l’infection
biliaire et la dissémination tumorale le long des trajets de drainage.
Les pancréatectomies gauches
Le but de l’intervention est l’exérèse de la portion corporéo-
caudale du pancréas et de la rate. Cette intervention est rarement
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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - no2 - vol. IV - avril 2001