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21 mai 2014 1103
d’un traitement antihormonal adjuvant ou comme une pro-
gression au cours des six premiers mois du traitement anti-
hormonal dans un cadre métastatique. Une récidive surve-
nant au-delà des deux premières années et jusqu’à douze
mois après l’arrêt d’un traitement adjuvant, ou une pro-
gression arrivant au-delà de six mois de traitement dans un
cadre métastatique, est définie comme résistance secon-
daire.
mécanisme de résistance
La résistance à l’endocrinothérapie, qu’elle soit primaire
ou secondaire, est probablement expliquée par les mêmes
mécanismes, l’activation des voies de signalisation intra-
cellulaires critiques pour la survie cellulaire étant le plus
important, parmi d’autres.
Hyperactivation de la voie de signalisation
PI3K/AKT/mTOR
La voie PI3K/AKT/mTOR est une voie de signalisation
intracellulaire, impliquée dans la régulation de la croissan-
ce, de la prolifération et de la survie cellulaire ainsi que
dans l’angiogenèse ; elle constitue un centre d’intérêt im-
portant dans l’oncogenèse (figure 1). En effet, la plupart des
protéines la constituant sont issues de gènes suppresseurs
de tumeurs ou de proto-oncogènes, dont la mutation peut
favoriser le développement d’un processus tumoral.
Parmi ces protéines se trouve la mTOR, enzyme intra-
cellulaire avec une activité sérine-thréonine kinase, cible
des rapalogues (analogues de la rapamycine). La rapamy-
cine, ou sirolimus, est un antibiotique initialement étudié
pour ses propriétés antifongiques. Des propriétés anti pro-
liférati ves et pro-apoptotiques sur les cellules tumorales
ont été mises en évidence secondairement : cette décou-
verte a été à l’origine du développement des rapalogues
tels que le temsirolimus, l’évérolimus et le déforolimus.4
La protéine mTOR est active sous la forme de deux com-
plexes : mTORC1 et mTORC2. Les rapalogues agis sent sur
le complexe mTORC1, en empêchant sa formation et exer-
çant ainsi une action antiproliférative (arrêt du cycle cellu-
laire) et pro-apoptotique. Une activité anti-angiogéni que a
également été décrite.
Deux mécanismes d’hyperactivation de la voie de signa-
lisation PI3K/AKT/mTOR ont été décrits. Le premier est la
présence de mutations activatrices à différents niveaux de
la cascade de signalisation, favorisant la prolifération tumo-
rale. Dans le cancer du sein, ce type de mutation activa-
trice est retrouvé dans environ 30% des cancers hormono-
sensibles. Le second est lié à un phénomène de «cross-talk»
entre la voie PI3K/AKT/mTOR et l’ER, qui permet l’hyperac-
tivation du récepteur indépendamment du ligand, due à la
phosphorylation du résidu SER167 de l’ER par la protéine
S6K1 (figure 2 A et B).2
études cliniques
Plusieurs essais cliniques ont étudié l’association d’un
traitement antihormonal à un traitement par inhibition de
la voie PI3K/AKT/mTOR, chez des patientes ménopausées
avec un cancer du sein avancé ou métastatique, hormono-
dépendant, HER2 négatif.
L’étude TAMRAD (tamoxifène et RAD001 (évérolimus)) a
été une des premières à démontrer que la combinaison
d’une endocrinothérapie et d’un inhibiteur de la mTOR res-
tituait la sensibilité clinique à l’hormonothérapie.5 Cette étu-
de de phase II, effectuée sur des patientes ayant progres-
sé après un traitement par un inhibiteur de l’aromatase (IA),
randomisées pour recevoir du tamoxifène 20 mg/jour et de
l’évérolimus 10 mg/jour, ou du tamoxifène seul. L’objectif
primaire était le taux de bénéfices cliniques (
Clinical Benefit
Rate,
CBR) à six mois, défini comme une réponse complète,
partielle ou une maladie stable. Les patientes recevant le
traitement combiné ont eu une augmentation du CBR de
61 vs 42% (p = 0,045) avec un temps jusqu’à la progression
tumorale doublé, passant de 4,5 à 8,6 mois mais sans effet
sur la survie globale. A noter que dans le sous-groupe des
patientes avec une résistance secondaire aux IA, le béné-
fice clinique était plus important que chez les patientes
avec une résistance primaire ou «de novo».
Dans l’étude Breast Cancer Trials of Oral Everolimus-2
(BOLERO-2), un essai clinique de phase III,3 724 patientes
ayant progressé sous un IA non stéroïdien (létrozole ou
anastrozole) ont été randomisées pour recevoir de l’exé-
mestane (IA stéroïdien) 25 mg/jour et de l’évérolimus 10 mg/
jour versus exémestane et placebo. L’objectif primaire était
atteint, démontrant une survie sans progression significati-
vement prolongée de 2,8 à 6,9 mois (p l 0,001) avec le traite-
ment combiné. La survie globale médiane était de 31 mois
dans le bras expérimental comparés à 26,6 mois dans le
bras contrôle, la différence de 4,4 mois étant statistique-
ment non significative (p = 0,14). Cependant, ce résultat de
survie globale est le plus long, démontré dans une étude
de ce type.
L’étude de phase III HORIZON6 ciblait des patientes en
première ligne métastatiques n’ayant pas reçu auparavant
de traitement avec un IA. Celles-ci ont reçu du létrozole
2,5 mg/jour et du temsirolimus 30 mg/jour versus létrozole
2,5 mg/jour et placebo. La survie sans progression ainsi que
la survie globale étaient comparables dans les deux grou-
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Figure 1. Voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR
Apoptose Transcription Cycle cellulaire
TORC2
TORC1
AKT
P13K
Récepteur transmembranaire avec activité
de tyrosine kinase
Ligand
mTOR
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