INTRODUCTION JUSTESSE ET LIMITE DE LA PERCEPTION CLINIQUE POUR ESTIMER Les hypertendus présentent un risque accru d’évènements coronaires, d’accidents vasculaires cérébraux et de décès cardiovasculaires comparés aux patients normotendus, y compris lorsque l’hypertension est légère. La décision de traiter l’HTA a été basée, pendant de nombreuses années sur le niveau de pression LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE DES HYPERTENDUS TRAITES artérielle. Plus récemment, les recommandations européennes de traitement de l’HTA rappellent que la prise en charge de celle-ci devrait être basée sur l’évaluation du risque cardiovasculaire (1).GIRERD X1, VICAUT E2, BOIVIN JM3, CRISAN O4, FARNIER M5 (1) , Service Endocrinologie Métabolisme, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris. (2) , Unité Recherche Clinique, Hôpital Fernand Widal, Paris. (3) , Université Henri Poincaré, Nancy. (4) , Pfizer, Paris. (5) , Point Médical, Dijon. INTRODUCTION La prise en charge du patient hypertendu était auparavant basée principalement sur les valeurs de la pression artérielle. Plus récemment, les recommandations européennes et françaises précisaient que cette prise en charge doit aussi reposer sur le niveau de risque cardiovasculaire (RCV) global (1) (2). L’estimation clinique et le calcul du RCV sont par conséquent des paramètres essentiels à prendre en compte dans la décision et la stratégie thérapeutique. OBJECTIFS • Décrire le profil des patients hypertendus selon leurs caractéristiques démographiques et facteurs de risque (FdR) en médecine libérale. • Analyser la concordance entre la perception du risque cardiovasculaire (RCV) par le médecin et le niveau de risque selon les recommandations de prise en charge des patients hypertendus ANAES 2000. Le diabète de type 2 était présent chez 39.6% (1037/2621) des patients (RE : 70.9% RM : 32.6% - RF : 14.3%). La glycémie moyenne était de 1.3 ± 0.2 g/l et l’HbA1c moyen de 7.4 ± 1.3%. Un total de 93.2% (2442/2621) des patients présentait une dyslipidémie (RE : 95.7% - RM : 95.5% - RF : 87.8%). Le taux de LDL cholestérol était ≥ 1.30g/l pour 43.6% (1143/2619) d’entre eux (RE : 47.4% - RM : 45.4% - RF : 37.7%), l’HDL cholestérol ≤ 0.4 g/l dans 15.6% (409/2618) des cas (RE : 27.9% - RM : 12.4% - RF : 6.2%) et les triglycérides ≥ 1.50 g/l pour 37.4% (978/2614) d’entre eux (RE : 57.4% - RM : 35.3% RF : 18.6%). Près du tiers de la cohorte (28.8% soit 754 patients) présentait des antécédents familiaux de MCV (RE : 45.0% - RM : 27.3% - RF : 13.3%). Une atteinte des organes cibles a été notée chez 33.0% (864/2621) des patients (RE : 63.1% - RM : 27.1% RF : 7.7%). Parmi les organes cibles, l’HVG était présente pour 17.5% (459/2621) d’entre eux (RE : 34.3% - RM : 13.6% - RF : 4.2%). Le tabagisme était présent chez 25.2% (660/2621) des patients (RE : 39.9% - RM : 24.0% - RF : 11.0%) et la consommation d’alcool chez 28.6% (748/2621) des patients (RE : 44.5% - RM : 29.4% - RF : 10.6%). METHODE Il s’agit d’une étude épidémiologique, observationnelle, transversale et multicentrique. Un total de 2621 patients hypertendus, traités, équilibrés ou non, suivis en médecine libérale a été inclus par 812 médecins généralistes et cardiologues, tirés au sort sur l’ensemble du territoire national en 2005. Une analyse descriptive de la présence ou non de FdR a été réalisée ainsi qu’une évaluation de la perception du médecin du RCV élevé, moyen ou faible de chaque patient. Facteurs prédictifs de l’estimation du risque par le médecin Les FdR qui conduisent le médecin à estimer son patient à haut risque sont : le diabète (odds ratio 0R=7.3), une atteinte des organes cibles (OR=7.1), une HTA sévère (OR=7.0), une maladie cardiovasculaire associée (OR=5.3), un tabagisme (OR=4.1), un ATCD familial (OR=3.3), une obésité abdominale (OR=2.0). RESULTATS Population des centres actifs 812 médecins ont participé à cette enquête dont 666 MG (82.0%) et 146 cardiologues (18.0%). La moyenne d’âge était de 50.6 ± 7.2 ans. L’exercice en milieu rural et urbain était réparti de façon homogène : 362 (44.6%) en milieu urbain, 450 (55.4%) en milieu rural. La répartition géographique est présentée sur le graphique 1 ci-contre. Graphique 1 : Répartition des centres actifs selon les régions Description des facteurs de risque La population à l’étude comprenait 62.4% d’hommes (1635/2621) soit 75.8% des risques élevés (RE), 60.4% des risques moyens (RM) et 50.5% des risques faibles (RF). Un total de 79.9% des femmes (775/970) étaient ménopausées (RE : 93.3% - RM : 84.2% - RF : 68.9%). L’âge moyen des patients était de 57.9 ± 9.0 ans et 69.6% (1825/2621) d’entre eux se situaient entre 45 et 65 ans. Le poids moyen était de 81.6 ± 16.5 kg (RE : 90.4 kg - RM : 80.9 kg - RF : 73.0 kg). L’IMC moyen était de 28.4 ± 5.2 kg/m² (RE : 31.1 kg/m² - RM : 28.4 kg/m² - RF : 25.5 kg/m²) et 73% (637/869) des patients avec un risque haut présentaient une obésité abdominale (51.9% des RM et 29.4% des RF). Graphique 3 : Odds Ratios ajustés et intervalles de confiance à 95% des facteurs prédictifs de l’estimation du risque élevé Concordance de l’estimation du risque entre le médecin et l’ANAES La PAS était supérieure à 140 mmHg pour 53.9% (1413/2621) des patients de la cohorte (RE : 69.5% - RM : 54.0% - RF : 37.2%). La PAD était supérieure à 90 mm Hg pour 32.3% (846/2621) des patients (RE : 44.8% - RM : 31.5% - RF : 19.9%). Une hypertension modérée était retrouvée chez 15% (395/2621) des patients (RE : 23.2% - RM : 14.1% - RF : 7.4%). Elle était sévère pour 2.6% (69/2621) d’entre eux (RE : 5.1% - RM : 1.8% - RF : 1.0%). Le RCV selon l’ANAES était élevé ou très élevé pour 82.6% des patients, moyen pour 16.9% et faible pour 0.5%. Seules 36% des estimations du RCV par les médecins sont en accord avec l’ANAES. La répartition des FdR par niveau de risque au sein de la cohorte est présentée dans le graphique 2. Lorsque l’ANAES est prise comme référence, les médecins sous-estiment le niveau de risque pour 63.5% de leurs patients. Le coefficient Kappa à 0.0377 indique que la concordance entre les deux évaluations du risque est très faible. Cette concordance est d’autant moins bonne que le niveau de risque est bas. Risque Risque faible n=819 RCV estimé Risque ANAES moyen n=933 Risque élevét n=869 TOTAL n=2621 Données manquantes N 2 2 1 5 Risque faible N(%) 12 (1.5%) 0 (0.0%) 0 (0.0%) 12 (0.5%) Risque moyen N(%) 359 (43.9%) 74 (7.9%) 10 (1.2%) 443 (16.9%) Risque élevé N(%) 446 (54.6%) 857 (92.1%) 858 (98.8%) 2161 (82.6%) Valeur du Kappa : 0.0377 - Degré de significativité du test « Kappa=0 » : p < 0.001 Table 1 : Risque estimé selon le risque ANAES et test Kappa de concordance2 CONCLUSION Dans une population d’hypertendus traités, la perception que les médecins ont du RCV de leurs patients est plus faible que l’estimation du RCV de l’ANAES. Alors que la présence de certains FdR (diabète, HTA sévère, atteinte des organes cibles, maladies cardiovasculaires associées, tabagisme) permet au médecin d’apprécier avec justesse le haut risque d’un patient, la reconnaissance que des hypertendus puissent être à risque élevé du fait de l’accumulation de FdR n’est pas bien effectuée si elle est basée uniquement sur la perception clinique. Graphique 2 : Répartition des facteurs de risque selon le RCV estimé (1) : Recommandations Européennes 2003 de l’ESH/ESC : J Hypertens 2003 ; 21 : 1011. (2) : Prise en charge des patients adultes atteints d'hypertension essentielle, recommandations cliniques et données économiques. ANAES 2000 Le data management, l’analyse statistique et la rédaction scientifique de cette étude ont été réalisés par ICTA PM et THEMIS (L. Maurin-Bernier / J-P. Lobreau / V. Bourdès).