Autour du cardinal d′un ensemble de matrices binaires

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Autour du cardinal d′un ensemble
de matrices binaires
Adrien REISNER 1
Abstract. We here study a couple of algebraic and analytic properties of certain binary matrices
in the spaces Mn (R). In particular, we study power series whose coefficients are functions of the
cardinal of these matrices, as well the rank of this family of matrices.
Keywords: binary bistochastic matrices, rank, power series.
MSC 2000: 15A03, 15A18.
On considère l′ ensemble Un des matrices binaires de taille n comportant exactement deux 1 dans chaque ligne et exactement deux 1 dans chaque colonne (pour toute
1
matrice A ∈ Un la matrice A est bistochastique). On désigne par un = Card Un et
2
on pose u0 = 1, u1 = 0. Jn est la matrice de Mn (R) dont tous les coefficients sont
égaux à 1.

‹
1 1
.
1 1
Donc u2 =1. Pour n=3, U3 est formé des 6 matrices Aj , j : 1, . . . , 6 (suivant
„ la position
Ž
0 1 1
du seul élément nul (a1i )i:1,2,3 de la première ligne): (a11 = 0) : A1 = 1 1 0 ,
1 0 1
„
Ž
„
Ž
„
Ž
0 1 1
1 0 1
1 0 1
A2 = 1 0 1 ; (a12 = 0) : A3 = 1 1 0 , A4 = 0 1 1 ; (a13 = 0) :
1 1 0
0 1 1
1 1 0
„
Ž
„
Ž
1 1 0
1 1 0
A5 = 1 0 1 , A6 = 0 1 1 . Donc u3 = 6.
0 1 1
1 0 1
Exemples. Pour n = 2, la seule matrice de U2 est la matrice J2 =
1. Étude de un . On désigne par Hn le sous-ensemble de Un comportant un 1 en
position (1, 1) et hn = Card Hn . En outre, Kn est le sous-ensemble de Hn comportant
un 1 en position (1, 2) et un 1 en position (2, 1) et kn = Card Kn . X0 = [1] désignant
le vecteur de Rn dont tous les coefficients sont égaux à 1 on a le
Théorème 1. a) Pour toute matrice A ∈ Un , 2 est valeur
P propre de A et X0 est
A = h n Jn .
un vecteur propre associé à cette valeur propre. b) On a:
A∈Un
Démonstration. a) Pour toute matrice A ∈ Un il est immédiat que le vecteur X0
1
est vecteur propre associé à la valeur propre λ = 2 (la matrice A est bistochastique):
2
AX0 = 2X0 , ∀A ∈ Un .
1 TELECOM
ParisTech; e-mail: [email protected]
124
b) Pour (i, j) fixé soit (Un )ij l′ ensemble (Un )ij = {A ∈ Un ; aij = 1} et pour toute
matrice A de Un désignons par A′ la matrice obtenue à partir de la matrice A en
échangeant les lignes 1 et i puis les colonnes 1 et j. Il est immédiat que cette matrice
A′ appartient à l′ ensemble Hn et que l′ application (Un )ij → Hn , A 7→ A′ est bijective.
Par suite pour tout i, j : 1, . . . , n : Card(Un )ij = Card Hn = hn , d′ où l′ assertion b).
n
hn .
2
P
Démonstration. Compte tenu des deux assertions précédentes il vient:
AX0
Corollaire. On a un =
A∈Un
= hn Jn X0 soit 2un X0 = nhn X0 et le corollaire est ainsi démontré, le vecteur X0 étant
vecteur propre de la matrice Jn pour la valeur propre n.
Théorème 2. On a: a) hn = (n − 1)2 kn , n ≥ 2; b) kn = un−2 + hn−1 pour n ≥ 4.
Démonstration. a) Pour tout (i, j), 2 ≤ i, j ≤ n, soit Hnij l′ ensembles des
éléments de Hn ayant un 1 dans la position (i, 1) et un 1 en position (1, j). Ces
ensembles Hnij , 2 ≤ i, j ≤ n, constituent une partition de Hn et il y a (n − 1)2 de
tels ensembles. Remarquons que Hn22 = Kn . De plus, l′ application ϕi,j : Hnij → Kn ,
A 7→ Aij , où la matrice Aij est obtenue à partir de la matrice A par échange des lignes
2 et i et des colonnes 2 et j (lorsque i = 2 ou j = 2 on ne fait pas d′ échange) est de
façon évidente bijective, soit pour tout (i, j), 2 ≤ i, j ≤ n, Card Hnij = Card Kn = kn .
On en déduit alors pour n ≥ 2 : hn = Card Hn =
n
P
i,j=2
Card Hnij =
n
P
Card Kn =
i,j=2
(n − 1)2 kn .
b) Pour n ≥ 4, Kn est réunion disjointe des deux parties suivantes: 1) Kn1
ensemble des éléments de Kn ayant un 1 dans la position (2, 2). L′ application de Kn1
dans Un−2 qui à chaque matrice A fait associer la matrice obtenue à partir de A en
supprimant les deux premières lignes et les deux premières colonnes est manifestement
bijective; donc: Card Kn1 = Card Un−2 = un−2 . 2) Kn2 ensemble des éléments de
Kn ayant un 0 dans la position (2, 2). Dans ce cas on considère l′ application de
Kn2 dans Hn−1 qui à chaque matrice A fait associer la matrice obtenue de celle-ci
en remplaçant le 0 de la position (2, 2) par 1 puis en supprimant la première ligne
et la première colonne. On définit ainsi une application bijective. Il vient alors:
Card Kn2 = Card Hn−1 = hn−1 . Finalement, pour n ≥ 4 on a: kn = Card Kn =
Card Kn1 + Card Kn2 = un−2 + hn−1 .
On pose pour tout n ∈ N: wn =
un
.
(n!)2
n−1
1
wn−2 +
wn−1 ,
Théorème 3. a) wn vérifie la relation de récurrence wn =
2n
n
n ≥ 2, avec w0 = 1 et w1 = 0.
b) wn ∈ [0, 1] pour tout n ∈ N.
c) La série de terme général wn diverge.
d) La série
∞
P
n=0
wn xn converge pour x ∈] − 1, 1[.
Démonstration. a) Pour n ≥ 4 il vient, compte tenu du théorème précédent et
125
du corollaire:
n
n
n
un = hn = (n − 1)2 (un−2 + hn−1 ) = (n − 1)2 un−2 + n(n − 1)un−1 .
2
2
2
A l′ aide des conventions u0 = 1 et u1 = 0 cette relation est encore vérifiée pour n = 2
un
1
n−1
et n = 3. On a alors pour n ≥ 2: wn =
=
wn−2 +
wn−1 .
2
(n!)
2n
n
b) Pour tout n, un ≥ 0, donc wn ≥ 0. Montrons par récurrence que wn ≤ 1,
n ∈ N . D′ abord, w0 = 1 ≤ 1 et w1 = 0 ≤ 1. Soit n ≥ 2 et supposons que wn−2 ≤ 1 et
1
n−1
wn−1 ≤ 1; alors, compte tenu de l′ assertion précédente: wn =
wn−2 +
wn−1 ≤
2n
n
n−1
2n − 1
1
+
=
≤ 1.
2n
n
2n
c) Il est clair que wn > 0, ∀n ≥ 2. Compte tenu de l′ assertion a), il vient: wn ≥
2
1
1
n−1
wn−1 et par suite: wn ≥ w2 =
u2 =
, pour n ≥ 3. Ceci montre que la
n P
n
2n
2n
série
wn diverge.
d) 0 ≤ wn ≤ 1 (voir b)) implique |wn xn | ≤ |xn |. La série géométrique xn étant
convergente pour −1 < x < 1, on déduit que
∞
P
wn xn est absolument convergente,
n=0
donc convergente pour |x| < 1.
1
∞
P
e− 2 x
.
wn xn = √
1−x
n=0
Démonstration. Soit x ∈] − 1, 1[. D′ après l′ assertion a) du Théorème 3,
Théorème 4. Pour x ∈] − 1, 1[ on a: W (x) =
2nwn = 2(n − 1)wn−1 + wn−2 ,
n ≥ 2.
En multipliant les deux membres de cette égalité par xn−1 , puis en sommant, on
obtient alors:
2
∞
X
nwn xn−1 = 2x
n=2
∞
X
(n − 1)wn−1 xn−2 + x
n=2
∞
X
wn−2 xn−2 .
n=2
Il vient: 2(W ′ (x) − w1 ) = 2xW ′ (x) + xW (x) soit puisque w1 = u1 = 0:
W ′ (x) =
x
W (x),
2(1 − x)
∀x ∈] − 1, 1[.
D′ ici et du fait que W (0) = 1, on obtient alors
1
e− 2 x
,
W (x) = √
1−x
∀x ∈] − 1, 1[.
Remarque. Une étude plus approfondie permet de trouver, en utilisant la fonction Γ ainsi que la formule de Stirling, un équivalent de un lorsque n → ∞, à savoir:
n 2n+ 12 √
π, mais cette étude dépasse le niveau de cet article.
un ∼ 2
e
126
2. Étude de rang. On se propose dans cette partie de déterminer le rang rn du
système constitué des un , matrices de Un considérées comme éléments de Mn (R).
Proposition. Avec ces notations on a : r2 = 1 et r3 = 5.
Démonstration. Pour n = 2, U2 contenant la seule matrice non nulle J2 : r2 = 1.
Pour n = 3, U3 contient les 6 matrices Ai , i : 1, . . . , 6, trouvées page 124. Désignons
par J le sous - espace vectoriel de Mn (R) engendré par ces 6 matrices. D′ après
l′ assertion b) du Théorème 1, la matrice J3 appartient J et par suite J est aussi
engendré par
J − Ai„
, i : 1, . . .Ž
, 6. Ces 6 matrices
sontŽ
dans l′ ordre:
„ les 6 matrices
Ž
„
1 0 0
1 0 0
0 1 0
J − A1 = 0 0 1 , J − A2 = 0 1 0 , J − A3 = 0 0 1 , J − A4 =
0 1 0 „
0 0 1 „
1 0 0
„
Ž
Ž
Ž
0 1 0
0 0 1
0 0 1
1 0 0 , J − A5 = 0 1 0 , J − A6 = 1 0 0 . Soient λi , i : 1, . . . , 6,
0 0 1
1 0 0
0 1 0
„
Ž
λ
+
λ
λ
+
λ
λ
+
λ
1
2
3
4
5
6
6
P
λ4 + λ6 λ2 + λ5 λ1 + λ3
des réels donnés. Alors
λi (J − Ai ) = 0 ⇔
=
i=1
λ3 + λ5 λ1 + λ6 λ2 + λ4
„
Ž
0 0 0
0 0 0 ⇔ λ1 = −λ2 = −λ3 = λ4 = λ5 = −λ6 . On en déduit r3 = 5.
0 0 0
Soit Vn l′ espace vectoriel des matrices A ∈ Mn (R) telles que X0 = [1] soit à
la fois vecteur propre de A et de sa transposée t A. [Vn est effectivement un sousespace vectoriel de Mn (R) car 0 ∈ Vn et si (α, β) ∈ R2 et (A, B) ∈ (Vn )2 alors:
(αA + βB)X0 ∈ Vect(X0 ) et (αt A + β t B)X0 ∈ Vect(X0 ).]
Théorème 5. Un ⊂ Vn . Pour A ∈ Vn si AX0 = λX0 , alors t AX0 = λX0 .
Démonstration. Si A ∈ Un , sa transposée t A appartient aussi à Un . Comme X0
est vecteur propre de toute matrice de Un on a: Un ⊂ Vn .
Soit alors A = (aij ) ∈ Vn , λ la valeur propre de A associée au vecteur propre X0 ,
i.e. AX0 = λX0 et µ celle de la transposée t A associée à X0 : tAX0 = µX0 . Pour
tout i, j : 1, . . . , n, on a:
n P
n
P
(
n
P
k=1
aik = λ et
n
P
akj = µ. Par suite: nλ =
k=1
n
n P
P
(
aij ) =
i=1 j=1
aij ) = nµ soit λ = µ.
j=1 i=1
Théorème 6. a) dim Vn = (n − 1)2 + 1; b) rn ≤ (n − 1)2 + 1.
Démonstration. a) On munit Mn,1 (R) de sa structure euclidienne canonique
1
et on note B0 = {e1 , . . . , en } la base canonique de Mn,1 (R). Soit e′1 = √ X0 . On
n
complète la famille orthonormée (e′1 ) en une base orthonormée B1 = {e′1 , . . . , e′n }
de Mn,1 (R). On note P la matrice de passage de B0 à B1 et pour A ∈ Mn (R)
soit f l′ endomorphisme de Mn,1 (R) canoniquement associé à A. Compte tenu du
127
théorème 5:
A ∈ Vn ⇔ ∃λ ∈ P/Ae′1 = tAe′1 = λe′1 ⇔

⇔ ∃λ ∈ P, ∃A′ ∈ Mn−1 (R)/M at(f, B1 ) =

⇔ ∃λ ∈ P, ∃A′ ∈ Mn−1 (R)/A = P
‹
λ 0
⇔
0 A′
‹
λ 0
P −1 .
0 A′
Il vient alors, l′ application M 7→ P M P −1 étant un automorphisme de Mn (R),

dimVn = dim{
λ
0
‹
0
; λ ∈ R, A′ ∈ Mn−1 (R)} = 1 + (n − 1)2 .
A′
b) On en déduit puisque Un ⊂ Vn : rn = dim(Vect(Un )) ≤ dimVn = (n − 1)2 + 1.
Pour n ≥ 3 soit A = (aij ) une matrice de Un comportant des 1 en positions (1, 1)
et (2, 2) et des 0 en positions (1, 2) et (2, 1). La matrice B = (bij ) définie par bij = aij
si i > 2 ou j > 2, bij = 1 − aij si i ≤ 2 et j ≤ 2 est une matrice binaire ayant les
mêmes lignes et les mêmes colonnes que A à partir de la troisième ligne ou colonne.
La définition des éléments (1, 1), (2, 2), (1, 2) et (2, 1) de cette matrice B montre alors
que B ∈ Un . Pour tout i, j : 1, . . . , n : aij − bij = 0 si i > 2 ou j > 2; aij − bij = 1 si
i = j, i ≤ 2 et j ≤ 2; aij − bij = −1 si i 6= j, i ≤ 2 et j ≤ 2. La matrice A − B ne
comporte donc que des éléments nuls sauf en positions (i, j) avec i ≤ 2 et j ≤ 2.
Soit rn′ le rang du système constitué de toutes les matrices U − U ′ où U, U ′ ∈ Un .
Théorème 7. a) rn′ ≥ (n − 1)2 ; b) rn = n2 − 2n + 2.
Démonstration. a) Pour tout i, j : 1, . . . , n notons Aij la matrice obtenue à
partir de la matrice A par l′ échange des lignes i et 2 et les colonnes j et 2 et par Bij
la matrice obtenue à partir de la matrice B par les mêmes échanges. Ces matrices Aij
et Bij appartiennent à Un . De plus, Aij − Bij est une matrice à coefficients nuls sauf
en positions (1, 1), (i, j), (1, j) et (i, 1) et telle que l′ élément de la position (i, j) est
1. On remarque que par suppression de la première ligne et de la première colonne
de Aij − Bij on obtient la matrice Ei−1,j−1 de la base canonique de Mn−1 (R). La
famille {Aij − Bij }i,j:2,...,n est donc libre, et par suite: rn′ ≥ (n − 1)2 .
b) D′ après l′ assertion b) du Théorème 6 et de l′ assertion a) précédente on a les
inégalités suivantes: (n−1)2 ≤ rn′ ≤ rn ≤ (n−1)2 +1. Montrons que l′ inégalité rn′ ≤ rn
est stricte. En effet, pour tout U, U ′ ∈ Un on a (U − U ′ )X0 = 0. Or Jn X0 = nX0 et
par suite la matrice Jn ne peut être combinaison linéaire des éléments U − U ′ avec
U, U ′ ∈ Un , mais elle est combinaison linéaire des éléments de Un (voir Théorème 1
b)). Donc on a l′ inégalité stricte: rn′ < rn .
On en déduit finalement l′ égalité: rn = (n − 1)2 + 1.
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