Frédérique Cerisier - Clemente De Lucia
economic-research.bnpparibas.com
La semaine dans la zone euro
Calendrier d’été…
Cette semaine, et avant que notre publication n’entame sa pause
estivale, nous passons en revue les principales données
économiques attendues dans la zone euro au cours des premières
semaines d’août (voir également notre calendrier page 9).
La BCE en mode « forward guidance »
Dès la semaine prochaine, la réunion mensuelle, à Francfort, du
Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne (BCE)
est une étape importante. Le mois dernier, la BCE a décidé de
réformer son cadre de décision sur les taux et d’adopter une forward
guidance : selon le Président Draghi, les taux d’intérêt se
maintiendront aux niveaux actuels pendant « une longue période »,
voire se replieront encore. L’objectif de la forward guidance est de
faire reculer les taux longs alors que les taux courts et les taux
directeurs sont déjà proches de zéro. La Banque centrale table sur
son engagement à maintenir les taux directeurs faibles pendant une
période plus longue que la situation ne l’exige et sur la crédibilité
d’un tel engagement pour amener les marchés à ajuster leurs
anticipations sur les taux courts mais aussi in fine sur les taux longs.
La politique monétaire de la BCE est donc désormais officiellement
assortie d’un biais baissier. Bien qu’en redressement ces derniers
mois, les indicateurs de confiance se maintiennent à des niveaux
très bas. Pour le moment, la reprise n’est pas suffisamment
dynamique pour mettre un terme au régime de croissance molle et
de baisse de l’inflation. Dans plusieurs pays, l’activité se situe bien
en deçà de ses niveaux d’avant crise et le taux de chômage devrait
battre de nouveaux records. En cas de détérioration supplémentaire,
la BCE pourrait procéder à une nouvelle baisse du refi de 25 pb,
voire même ramener en territoire négatif le taux de rémunération des
dépôts. Aboutir à un consensus sur la deuxième mesure semble plus
compliqué. Un taux négatif pour la facilité de dépôt pourrait en effet
contribuer au déblocage des liquidités excédentaires conservées
auprès de la BCE et accroître les afflux de capitaux vers les pays de
la périphérie entraînant une réduction des taux d’intérêt et un
assouplissement des conditions de financement dans ces pays. Mais
cette mesure risque aussi d’avoir des effets négatifs, notamment une
diminution de la profitabilité des banques et une réduction des
liquidités excédentaires sur le marché monétaire entraînant un
resserrement des conditions monétaires, ce dont la zone euro n’a
pas du tout besoin.
Quoi qu’il en soit, nous ne pensons pas que la BCE adopte des
mesures supplémentaires lors de sa réunion du mois d’août, un mois
à peine après avoir introduit une nouvelle politique. De plus, son
évaluation des perspectives économiques va probablement rester
largement inchangée, l’amélioration récente des indicateurs de
confiance (cf. infra) confortant le scénario d’un retour de la
croissance au second semestre. Lors de la séance des questions-
réponses, les journalistes s’efforceront d’obtenir des précisions sur la
définition de cette « longue période ». Il y a cependant fort à parier
que M. Draghi s’en tiendra à cette formule plutôt vague qui garantit à
la BCE une grande flexibilité.
Activité : le point bas est dépassé
La publication de la croissance au T2 2013 constituera le second
temps fort du mois d’août. Parmi les plus grands pays de la zone,
l’Espagne et l’Italie dévoileront leurs performances les premiers,
suivis, le 14 août, par la zone euro et la grande majorité des autres
Etats membres. Dans la plupart des pays périphériques, il nous
semble que la récession s’est poursuivie au T2 2013, mais à un
rythme plus faible qu’en début d’année, signe qu’une stabilisation est
en ligne de mire. Le PIB pourrait avoir reculé de 0,1 % t/t en
Espagne (selon la Banque d’Espagne) et de 0,4 % t/t en Italie. En
France et en Allemagne, l’évolution de la production industrielle au
T2 a favorablement surpris, et une progression de l’activité est
attendue, marginale dans l’Hexagone (+0,1 % t/t), plus marquée
outre-Rhin (+0,5 % t/t). Ces données, si elles sont confirmées mi-
août, pourraient marquer le début d’une certaine amélioration. En
effet, les premières informations relatives au troisième trimestre sont
également plutôt favorables. Cette semaine, la publication des
principales enquêtes pour l’activité dans la zone euro (PMI, IFO,
INSEE) a montré que le redressement des conditions économiques
s’est poursuivi au mois de juillet. L’indice PMI composite d’activité
pour l’ensemble de la zone euro a ainsi atteint un plus haut de dix-
huit mois et s’est inscrit dans la zone annonciatrice d’une
progression de l’activité (au-dessus de 50) pour la première fois
depuis janvier 2012. Les autres enquêtes envoient des signaux
similaires, et confortent les perspectives d’une zone euro renouant
avec la croissance, certes modérée, au second semestre 2013.
Un été calme ?
Faut-il en conclure que l’été sera calme, sans surprise et source de
bonnes nouvelles ? Peut-être, même si la situation reste fragile. Les
dirigeants européens feraient bien en tout cas de prendre du repos,
compte tenu des nombreux défis qui les attendent à la rentrée. D’une
part, les tensions politiques qui ont agité le sud de la zone au
printemps pourraient bien se raviver en septembre. Les
gouvernements sont affaiblis par des problèmes spécifiques
(scandale de corruption en Espagne, affaiblissement de la coalition
en prévision des prochaines élections au Portugal, impact des
déboires judicaires de S. Berlusconi sur la coalition en Italie), mais
subissent évidemment aussi l’impact de plusieurs années de
politiques de réformes et de rigueur budgétaire qui, même si elles
vont pouvoir s’assouplir dans les trimestres à venir, ne sont pas
achevées.
D’autre part, et une fois les élections allemandes passées (le 22
septembre), les Etats membres et les différentes institutions
européennes concernées devront sans attendre élaborer les
compromis attendus pour la poursuite de l’union bancaire
(mécanisme de résolution unique, revue des actifs préalable à la
supervision unique,…), ou réagir, si nécessaire, au jugement de la
cour de Karlsruhe sur l’OMT. La consolidation des améliorations
observées sur l’activité est à ce prix, dépendante de la poursuite des
réformes institutionnelles.