Si l’on se fie à la règle de Taylor et en utilisant les hypothèses de la Fed de San Francisco, la zone
euro, dans son ensemble, aurait besoin que le principal taux directeur de la BCE soit à 1,5% (contre 1%
actuellement), alors que l’Allemagne et l’Espagne auraient, eux, besoin d’un taux de
refinancement de respectivement 4,5% et -6,5%.
Comment réconcilier des intérêts aussi diamétralement opposés ? Pour l’heure, le président de
la BCE, Mario Draghi, privilégie la prudence et tente avant tout d’éviter que la crise des dettes souveraines ne
dégénère en sévère récession. C’est ce qui explique que, tout en conservant des taux bas, la BCE mène une
politique d’assouplissements monétaires quantitatifs qui a pour effet d’alourdir son bilan plus fortement que ne
le fait la Réserve fédérale américaine (Fed) : le ratio bilan de la Fed/bilan de la BCE est passé d’un
peu plus de 1 en juillet 2011 à 0,8 aujourd’hui.
Si la BCE injecte autant de liquidités dans le système financier c’est que Mario Draghi redoute un
possible assèchement du crédit. Lors de sa dernière conférence de presse mensuelle, il a insisté sur le
fait que le repli des prêts bancaires aux sociétés non financières se révélait « particulièrement prononcé » alors
qu’en janvier il avait utilisé le terme de « légèrement négatif ».
La croissance des crédits aux entreprises aurait chuté, en rythme annuel, de 2,2% à 1,2% entre octobre
et décembre 2011.
Les banques ne semblent pas avoir profité de la première salve de crédits illimités à 3 ans (LTRO)
proposés par la BCE pour accroître les crédits aux acteurs de l’économie réelle. Elles ont, en effet,
emprunté à la banque centrale moins que le montant de leurs obligations arrivant à maturité au premier
trimestre (230 milliards d’euros). Si l’on soustrait aux 489,2 milliards d’euros levés lors du premier
LTRO, les 252,8 milliards d’euros de prêts que les banques devaient le même jour rembourser à la BCE
et les 45,7 milliards d’euros provenant de l’adjudication à 12 mois effectuée en octobre dernier, les
banques n’ont en fin de compte emprunté que 190,7 milliards d’euros.
Sachant que les banques sont confrontées à un échéancier crédit de 600 milliards d’euros sur l’ensemble de
2012, il est peu probable que la deuxième salve de LTRO de la fin février (529,5 milliards
d’euros, mais 310 milliards d’euros en termes nets) change radicalement le comportement des
banques.
Lors de l’enquête menée par Goldman Sachs auprès des banques de l’Union Européenne, seules 4%
d’entre elles ont déclaré qu’il était dans leur intention d’utiliser ces fonds pour accroître les crédits aux
consommateurs. 56% des institutions comptent utiliser ces liquidités pour refinancer
leurs dettes arrivant à échéance et 26% songent à acheter des obligations étatiques.
Les deux LTRO ne vont probablement pas solutionner définitivement la crise des
dettes publiques ou accroître significativement la demande d’emprunts souverains de la périphérie
européenne. Selon les données de la BCE, les banques n’ont augmenté leur détention de dettes
gouvernementales que de 5,1 milliards d’euros en décembre dernier.