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Relativité restreinte
I. Notions de base
I.1. Introduction: transformation de coordonnées
Un des problèmes les plus fondamentaux de la physique est donné par le fait que des expériences
physiques sont exécutées en différents lieux, mais que les résultats devraient être universellement
comparables. C'est donc depuis longtemps qu'on a étudié la question comment un changement du
référentiel peut influencer sur les résultats d'une mesure.
Soit S un référentiel donné, la physique peut être développée suivant les lois bien connues. On y
fait une mesure. Soit S' un autre référentiel l'on aimerait décrire cette même mesure. Qu'est-ce qui
change? Dans le cas le plus simple, S' est simplement déplacé dans l'espace, p.ex. d'un vecteur b.
Alors:
r' = r - b
v' = v
a' = a
On voit que les vecteurs de position sont mesurés différemment, mais cela n'a aucune influence sur
les lois physiques. En effet, on pourra toujours écrire F = m a puisque les accélérations restent les
mêmes dans les deux référentiels. Cela reste aussi vrai si S' se déplace par rapport à S à une vitesse
constante, u. Les accélérations et donc les forces restent inchangées:
r' = r - u t
v' = v - u *)
a' = a
Ce n'est que lorsque S' est accéléré par rapport à S que les lois physiques changent: on y observera
de nouvelles forces ("forces d'inertie"). On appelle S' un référentiel "non inertiel".
Les transformations marquées de *) entre deux référentiels en mouvement uniforme l'un par rapport à
l'autre, sont appelées transformations de Galilée. Elles correspondent à nos expériences concernant
l'addition vectorielle des vitesses. Dans le cas où la vitesse u a la direction de l'axe des x, les
transformations des composantes s'écrivent plus explicitement:
x' = x - u t
y' = y transformations de Galilée
z' = z
t' = t v
x
' = v
x
- u
I.2. L' expérience de Michelson
En 1881, Michelson et Morley commencèrent une série d'expériences censées de démontrer l'addition
vectorielle des vitesses pour le cas des vitesses de la lumière et de la Terre. A cette fin, ils utilisaient
l'interféromètre qui porte leur nom. C'est un instrument qui sépare un faisceau de lumière en deux
rayons
qui partent dans deux directions perpendiculaires.
Après réflexion dans les deux bras de l'instrument,
ces rayons sont de nouveau réunis. Dû aux différences
de temps de parcours dans les deux bras, on observe
une figure d'interférence produite par les rayons réunis.
En orientant l'instrument de telle manière qu'un
bras soit aligné selon la direction du mouvement
de la Terre, le temps de parcours du rayon correspondant
devrait être plus long d'un facteur
1 - u
2
/c
2
par rapport au rayon perpendiculaire.
Cependant, l'expérience montra clairement que
l'interférence reste inchangée, indépendamment de
l'orientation de l'instrument par rapport à la direction
du mouvement de la terre.
Il faut donc conclure que
la vitesse de la lumière, c, est la même dans des référentiels en mouvement relatif uniforme.
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I.3 Transformations de Lorentz
L'addition des vitesses ordinaire ne peut donc pas être appliquée à la lumière (et à toute autre forme
d'onde électromagnétique). Le physicien néerlandais Hendrik Lorentz trouva les formules de
transformation appropriées qui s'écrivent, pour le cas d'un déplacement en direction des x avec une
vitesse u:
x' = (x - u t) γ
y' = y γ = (1 - u
2
/c
2
)
- 1/2
transformations de Lorentz
z' = z
t' = (t - u x / c
2
) γ
Pour que la vitesse de la lumière reste la même dans tous les référentiels il faut donc intro-duire des
échelles de temps différentes dans les différents repères. Un observateur qui se meut à la poursuite
d'un rayon de lumière mesure des distances plus courtes entre les points de passage du rayon, mais
sa montre donne aussi des lapses de temps plus courts, de manière que la vitesse calculée se
conforme toujours à la valeur standard de 2.99791 10
8
m/s. La transformation du temps donne lieu à
des conséquences importantes: on ne pourra plus parler d'un temps universel et la notion de
"simultanéité" devient problématique.
A partir des transformations des coordonnées on trouve les transformations des vitesses (en prenant
la dérivée par rapport à t dans le système S et par rapport à t' dans S' ):
v
x
- u
v
x
' = ----------------
1 - u v
x
/ c
2
v
y /
γ
v
y
' = ----------------
1 - u v
x
/ c
2
v
z
/ γ
v
z
' = ----------------
1 - u v
x
/ c
2
Notez que v
y
' et v
z
' dévient de v
y
et v
z
elles aussi, malgré les égalités y' = y et z' = z . Bien sûr cela se
produit à cause des échelles de temps différentes dans les deux repères.
De même, on peut calculer les accélérations et on trouve qu'elles sont différentes dans les deux
repères, contrairement aux transformations de Galilée ! La signification de ce résultat pour les
équations de base de la physique sera discuté plus en bas (chapitre III).
I.4. L' interprétation d'Einstein
Il est intéressant de constater que les équations de Maxwell, description fondamentale de tout
phénomène électromagnétique, ne sont pas invariantes par rapport aux transformations de Galilée,
mais par rapport aux transformations de Lorentz (c.-à-d. si on utilise les transformations de Lorentz
pour comparer deux référentiels on y trouve les mêmes équations de Maxwell). Il existe donc une
sorte d' harmonie entre la théorie et l'expérience de Michelson. A la fin du 19
e
siècle, les physiciens
pensaient qu'il fallait appliquer deux théories différentes: une, invariante par rapport aux
transformations de Galilée, pour décrire la mécanique, et une autre, invariante cette fois par rapport.
aux transformations de Lorentz, pour décrire les phénomènes électromagnétiques.
Le grand exploit d'Einstein, au début du 20e siècle, fut celui d'énoncer l'hypothèse d'une physique
universelle où la mécanique elle aussi se conforma aux transformations de Lorentz.
Cette approche, la "théorie de la relativité restreinte", révolutionna d'un seul coup la physique jusque-là
familière. Il faut cependant admettre que les conséquences pratiques sont minimes puisque les
différences entre les deux transformations ne se font remarquer que pour les vitesses très élevées,
telles qu'on ne les connaît pratiquement pas dans la vie de tous les jours. En effet, les équations de
Newton restent valables comme une approximation excellente aussi longtemps que les vitesses des
corps matériels ne dépassent pas 0.1 c environ. Depuis qu'on est capable d'observer des particules
de très haute énergie, la validité de la relativité restreinte s'est pourtant brillamment confirmée.
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II. Conséquences cinématiques
(Cinématique = description des objets en mouvement)
II.1. Contraction des longueurs
Le facteur γ produit des effets bizarres si un observateur au repos considère des objets en
mouvement très rapide (vitesses proches de c). Ainsi, les longueurs de l'objet, mesurées dans la
direction de vol, apparaissent-elles réduites (contraction des longueurs).
Dérivation: L'observateur en mouvement (S' ) voit l'objet au repos et mesure les positions de ses
extrémités, x'1 et x'2 . Il donne comme longueur de l'objet L' = x'2 - x'1.
L'observateur au repos (S) mesure les points x1 et x2 (les deux au même temps t), de manière que
x'1 = (x1 - u t) γ
x'2 = (x2 - u t) γ
et donc: L' = L γ
Puisque γ > 1, on a L' > L . C'est à dire que l'observateur au repos considère une tige en mouvement
suivant l'axe des x (et orientée suivant cette direction) plus courte qu'un observateur qui se meut avec
la tige (auquel la tige paraît fixe).
II.2. Dilatation du temps
De la même manière il s'en suit qu'un observateur au repos a l'impression que le temps s'écoule plus
lentement dans un référentiel en mouvement (dilatation temporelle).
Dérivation: L'observateur en mouvement (S' ) considère deux événements qui sont enregistrés au
même endroit x' aux instants t'1 et t'2 . L'observateur au repos (S) mesure:
t1 = (t'1 + ux' / c
2
) γ
t2 = (t'2 + ux' / c
2
) γ
et par conséquent: t2 - t1 = (t'2 - t'1) γ
L'observateur au repos mesure donc un intervalle de temps plus long que l'observateur en
mouvement, pour un événement qui se produit en un endroit fixe de S’.
Remarques importantes:
Notez que la contraction des longueurs aussi bien que la dilatation temporelle sont des phénomènes
réciproques. Si deux observateurs, voyageant dans des fusées ultrarapides, croisent l'un l'autre, tous
les deux ont l'impression de voir les longueurs de l'autre réduites et les temps allongés! Il est en fait
arbitraire de choisir l'un des deux comme étant au repos et l'autre en mouvement, ou vice-versa. On
ne dira pas que les longueurs sont "réellement" réduites et les temps "réellement" dilatés, mais ce
n'est que l'apparence pour l'observateur qui ne voyage pas avec.
Le phénomène peut en quelque sorte se comparer avec la réduction due à la perspective: Une
personne A s'éloignant d'une autre personne B apparaît à celle-là réduite, de même que B apparaît
réduite à la personne A. Aucune des deux n'a "réellement" changée de taille (où le mot "réellement" se
réfère à l'observation de quelqu'un accompagnant la personne en question).
Notez que la théorie de la relativité restreinte est limitée à la situation des référentiels en mouvement
relatif uniforme (de vitesse constante, u). On n'y dit rien sur les phénomènes apparaissant lors des
accélérations. On ne pourra donc pas résoudre le fameux paradoxe des jumeaux dans le cadre de la
relativité restreinte.
Le paradoxe des jumeaux: l'un des jumeaux reste sur la Terre tandis que l'autre part dans une fusée
hyperrapide. Au retour à Terre ce dernier devrait paraître plus jeune à son frère (puisque son temps
paraît écouler plus lentement à l'observateur terrestre). Par contre, on peut également considérer que
le jumeau dans la fusée se trouve au repos. Dans ce cas la Terre se déplacerait à grande vitesse par
rapport à lui, et c'est maintenant le jumeau terrestre qui devrait rester plus jeune. Dans le cadre de la
relativité restreinte il faut cependant réaliser que les deux jumeaux ne se retrouveraient jamais. La
fusée ne pourra jamais retourner à la Terre puisque un mouvement à vecteur vitesse constant exclut
tout changement de direction.
Le traitement des mouvements accélérés se fait dans le cadre de la théorie de la relativité générale.
Là, on trouve en fait des différences de temps "réelles".
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II.3. Durée de vie des muons
Une des premières preuves (et une des plus évidentes) de la dilatation du temps fut donnée par la
mesure du nombre de muons dans l'atmosphère et au sol. Les muons sont des particules
élémentaires, environ 207 fois plus lourdes que les électrons. Ils sont produits dans l'atmosphère à
une altitude d'environ 60 km, par le rayonnement cosmique. Les quantités de mouvement échangées
lors des collisions sont très élevées ce qui fait que les muons s'envolent à une vitesse presque égale à
celle de la lumière. Ils partent dans toutes les directions, c.-à-d. aussi dans la direction de la surface
terrestre. Les muons sont des particules instables. On peut les produire au laboratoire, en utilisant des
accélérateurs, et ils se désintègrent alors en formant d'autres particules, avec une demi-vie de 1.5
micro-secondes. (C.-à-d. qu'au bout de 1.5 µs restent moitié du nombre initial de muons, au bout de 3
µs en restent ¼ etc.).
Pour la distance de 60 km les muons mettent (avec une vitesse presque égale à celle de la lumière) >
2 10
- 4
s . Ce sont 133 demi-vies, on s'attendra donc que < ( ½ )
133
< 10
- 40
du nombre initial arrivent
au sol. Expérimentalement, on trouve un nombre fort plus élevé.
La relativité restreinte explique ce fait naturellement: Les muons volant à 0.999 c , le facteur 1/γ devient
1 / γ = 0.045. Le temps de vol, t', apparaît réduit de ce facteur dans le repère des muons:
t' = 2 10
- 4
s 0.045 = 9 µs = 6 demi-vies
On s'attend donc que le nombre de muons sera réduit à la surface terrestre d'un facteur
( ½ )
6
=
1
/
64
ce qui correspond aux mesures.
II.4 Simultanéité
La contraction des longueurs et la dilatation du temps impliquent aussi l’impossibilité d’une
simultanéité universelle : Si l’observateur au repos considère comme simultanés deux événements
(p.ex. l’émission d’impulsions lumineuses) ayant lieu en deux points différents de l’espace, A et B,
l’observateur en mouvement (selon l’axe A-B) les considérera comme non simultanés.
Considérons p.ex. une fusée de longueur au repos L
1
= 200m qui passe à côté d’une plate-forme de
longueur au repos L
2
= 100m, avec une vitesse v = 0.866 c. On a alors γ = 2. L’observateur sur la
plate-forme voit alors une fusée de longueur contractée L
1
’ = 100 m, donc de la même longueur que sa
plate-forme. Il y aura donc un certain instant les deux extrémités de la fusée se trouvent
exactement à côté des deux extrémités de la plate-forme, simultanément. Par contre, l’observateur
dans la fusée verra la plate-forme passer à une vitesse v = 0.866 c, γ = 2, donc il verra une plate-forme
contractée, L
2
= 50 m, tandis que la longueur de la fusée sera de 200 m. Il sera donc impossible de
voir les extrémité de la fusée en coïncidence avec les extrémités de la plate-forme, la pointe de la
fusée passera l’une des extrémités de la plate-forme avant que la poupe passera l’autre extrémité.
III. Dynamique relativiste
Nous avons vu que l'accélération n'est pas invariante par rapport aux transformations de Lorentz. La
loi fondamentale de la physique, écrite dans la forme F = m a , ne pourra donc plus être la même
dans tous les référentiels en mouvement uniforme. Cependant, il faut rappeler que cette forme de la loi
physique n'est toutefois valable que dans le cas particulier des masses constantes. La formulation plus
générale de la loi fondamentale de la physique (2
e
loi de Newton) s'écrit:
F = dp / dt p = m v = quantité du mouvement
III.1. Quantité du mouvement relativiste
Dans cette dernière forme, on peut arranger les choses de manière que la loi fondamentale soit
invariante par rapport aux transformations de Lorentz, malgré la non-invariance de dv/dt: Il faut
postuler que la masse m d'une particule dépende de sa vitesse:
m = m
0
(1- v
2
/c
2
)
- ½
(m
0
= masse au repos)
Avec cette règle on obtient en fait que d(m v) / dt = d( m v') / dt' et donc que les forces restent égales
dans les référentiels en mouvement uniforme l'un par rapport à l'autre.
On constate de même qu’avec cette règle le théorème de la conservation de la quantité de
mouvement est valable (c.-à-d. que la quantité de mouvement totale d'un système ne varie pas
lorsqu'il n'existe pas de forces extérieures).
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Attention: Dans la formule cfi-dessus, v est la vitesse de la particule dans le repère considéré
et non pas la vitesse relative entre deux repères!
Pour la simplification de la notation, nous écrirons quand-même dans la suite (1- v
2
/c
2
)
- ½
= γ
Epstein, dans son livre sur la relativité, donne l'explication intuitive suivante:
Supposons que deux amis voyagent sur deux trains roulant avec grande vitesse (proche de celle de la
lumière) en directions opposées. Lorsque les deux trains se croisent, les deux amis tentent de donner
l'un à l'autre un coup de poing amical. Chacun voit le mouvement du poing de l'autre apparemment
retardé (dilatation du temps) et s'attend donc à un choc faible. En vérité, le choc est fort. On ne peut
expliquer ce fait qu'en supposant que la masse du poing soit augmentée ce qui donne lieu à une
grande quantité de mouvement, même à vitesse réduite.
L'interprétation de m = m
0
γ en tant que "masse relativististe" n'est pas tout à fait sans problèmes;
de manière exacte, on ne peut constater que la forme de la quantité du mouvement en TR qui est
p = m
0
γ v .
III.2. Energie relativiste
L'énergie cinétique est définie comme travail d'accélération emmagasiné. Lors d'un déplacement dr =
v dt, on aura:
d (m
0
v γ)
d E
cin
= F dr = ---------------- v dt = m
0
v d (v γ)
dt
= c
2
d m
(la dernière équation est obtenue en calculant d (v γ) et d m = d (m
0
γ) explicitement).
L'énergie cinétique d'une particule au repos étant nulle et sa masse au repos étant m
0
, on obtient, en
intégrant (et en utilisant la constante d'intégration appropriée).
E
cin
= m c
2
- m
0
c
2
Cette équation indique qu'à toute augmentation d'énergie correspond une augmentation de la masse.
Einstein se décida de généraliser en définissant une énergie totale qui inclut l'énergie au repos, c.-à-d.
l'énergie de masse m
0
c
2
:
E = m c
2
( = énergie de masse au repos + énergie cinétique)
Cette relation masse-énergie a vu sa confirmation splendide en physique nucléaire (défaut de masse)
et en physique des particules (production de masse à partir d'énergie, disparition de masse avec
production d'énergie).
Notez que l’expression de l’énergie cinétique tend vers ½ m v
2
pour les vitesses << c.
III.3. Relation énergie - quantité du mouvement
En transformant les équations données ci-dessus on trouve aisément la relation suivante entre
l'énergie et la quantité du mouvement:
E
2
= m
0
2
c
4
+ p
2
c
2
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