Le premier axe distingue donc clairement des représentations de la justice pénale fondées
sur un certain finalisme, un providentialisme, qui regarde l’avenir du délinquant davantage
que sa faute, et dont la visée ultime est le pardon et la réinsertion dans la grande communauté
humaine, et des représentations qui se centrent sur l’acte commis, la faute, pour lesquels le
délinquant doit absolument payer. Cet axe propose donc avant tout une morale construite
autour de la faute : faut-il la considérer comme primordiale, imprescriptible, dans le jugement
de justice, ou, au contraire, le pardon et l’avenir du délinquant sont-ils des principes sacrés ?
Y a-t-il avant tout, en d’autres termes, un homme qu’il faut sauver ou une faute qu’il faut
punir ?
Sur le second axe s’opposent des visions de la condition humaine radicalement
différentes. L’homme est-il par essence «ce qu’il fait» ou «d’où il vient» ? Est-il libre et donc
responsable ou au contraire prisonnier de son contexte : de sa famille, de sa communauté,
voire de son propre parcours ? Est-il d’abord Jean ou le fils de Paul ?
Ces deux dimensions morales, celle de la faute et celle de la condition humaine, ne se
confondent pas. Ainsi, l’analyse des correspondances suggère que l’on peut à la fois croire au
contexte et vouloir que le délinquant paie pour ses fautes complètement, sans pardon ni
remise. De même, on peut, en théorie au moins, considérer le délinquant comme un être libre,
responsable de ses actes, et avoir pour but essentiel, voire unique, de le réintégrer dans la
fraternité des hommes. La question se pose alors de savoir quels grands profils l’on peut
dégager de ces axes. L’analyse de classification apporte une réponse à la question, en mettant
en lumière trois grandes manières de penser la peine. Le tableau 8.1 présente les distributions
des variables constitutives des trois types.
Trois philosophies de justice
Le type prospectivisme (48%) est paradigmatique de cette volonté de se servir de la faute
pour sauver l’homme. Cette volonté se fonde sur une vision optimiste de la société, qui n’est
pas irrémédiablement marquée par le crime, mais qui s’identifierait plutôt à un havre de paix.
Elle considère le délinquant comme une victime de son parcours, de son enfance, de sa
psychologie, et, en cela, elle penche plutôt du côté de la vision contextualiste de la condition
humaine.
Dans cette manière de penser la justice pénale, l'insécurité n'existe pas et la menace sociale
que constitue la délinquance comme la menace personnelle que constitue le risque d'être
cambriolé, agressé ou encore escroqué sont évaluées comme peu inquiétantes : des délits sont