La justice restaurative : première partie I/ Théorie de la justice restaurative La justice pénale classique repose sur l’hypothèse que toute transgression de la loi constitue une infraction commise contre l’Etat. Dans cette optique, c’est l’Etat qui devient la victime reconnue d’une violation de la loi, tandis que la victime réelle est réduite à un rôle de témoin. Les modèles proposés reposent sur l’opposition de l’Etat et du délinquant, et ce dernier en reste la figure centrale. Le modèle rétributif vise à compenser un mal par un autre, sachant que la peine y joue une fonction purement symbolique, distincte de toute idée de vengeance. Le modèle de réhabilitation, quant à lui, est axé sur la réinsertion et la réhabilitation du délinquant. Les failles de cette logique ont été mises en exergue par des évolutions sociétales récentes. Tout d’abord, le modèle classique de la justice pénale peine à engendrer des solutions satisfaisantes. Les prisons engorgées, le taux de récidive, et le mécontentement tant des victimes que des délinquants démontrent les insuffisances de la logique punitive. Ensuite, un nouveau contexte socio-culturel, à savoir une société plus individualiste qui se méfie de l’intervention excessive de l’Etat, favorise l’émergence d’alternatives à la justice pénale. A cela s’ajoute le retranchement du secteur public, d’où le recul du monopole réglementaire de l’Etat en cette matière. Enfin, l’évolution du rôle de la victime, déclenchée par l’apparition des victimes de guerre et d’attentats, amène à une prise en compte de la victime même, si bien que le débat public commence à s’intéresser à la figure et au droit des victimes. C’est dans ce contexte-là que la justice restaurative commence à se développer. La justice restaurative est un processus dans lequel toutes les parties ayant un intérêt sont impliquées, et cherchent ensemble une solution satisfaisante. Elle part du préjudice que le délit a causé au lieu de limiter le problème à une transgression d’une norme juridique. La fonction principale n’est plus de punir, mais de responsabiliser l’auteur de l’infraction et créer ainsi des conditions pour qu’une réparation et/ou une compensation des préjudices puissent se réaliser. L’objectif est de réparer le lien social brisé lors de l’infraction, objectif d’autant plus important qu’il est fréquent que le délinquant vienne de l’entourage de la victime. Ainsi, la justice restaurative n’implique pas seulement un dédommagement de la victime, mais comporte également l’effet thérapeutique d’un face à face, qui contribue à la fois à la reconnaissance de la victime et à la réinsertion du délinquant dans la société. Dans le cas idéal, la justice restaurative débouche sur le rétablissement de la paix sociale. Par rapport à la justice pénale classique, elle a donc le grand avantage de prévenir la criminalité autrement que par le moyen de la dissuasion. 1