CABINET Forum Med Suisse No19 9 mai 2001 495
relativiser. L’acceptation de la dépression aide
les patients à vivre leur situation, contre la-
quelle ils luttent impuissants, de manière diffé-
rente qu’acceptée par les autres, sans avoir à
réagir avec de nouveaux sentiments de culpa-
bilité. A ce stade, la discussion diagnostique est
déjà le début du traitement. Il vaut la peine de
commencer avec les symptômes physiques (in-
somnie, perte d’appétit et de poids, manque
d’énergie, difficultés de concentration et de
mémoire, passage à vide matinal et rythme de
la journée) et de n’aborder que progressive-
ment le vécu interne, difficile à exprimer par
des mots (peur de l’échec et de l’avenir, re-
proches à soi-même, délire de culpabilité). Il
faut tenir compte du fait que le vécu temporel
des dépressifs est ralenti. Si le temps nécessaire
fait défaut lors de la première consultation, il
faut prévoir la prochaine consultation assez ra-
pidement. Il est important d’évaluer le risque
suicidaire avant de poursuivre le traitement en
ambulatoire. Le fait de donner le diagnostic,
avec d’autres informations à ce sujet, soulage
souvent les patients, car ils savent alors qu’ils
souffrent d’un problème médical connu, dont le
pronostic est favorable. Et précisément pour les
premiers épisodes dépressifs, l’expérience en-
core jamais faite d’une fragilité psychique est
souvent bouleversante. Un éventuel arrêt de
travail peut mettre un terme au surmenage
compensatoire des dépressifs. L’hospitalisation
sera très rarement nécessaire (surtout si le
risque suicidaire est important et pour les épi-
sodes dépressifs graves). Dans ce cas, l’effet
thérapeutique d’allégement peut parfois être
amélioré par l’éloignement du dépressif de son
environnement et de ses obligations familiales
et/ou professionnelles. Mais les longues va-
cances ou cures ne sont pas à conseiller, car les
dépressifs les ressentent généralement comme
un stress supplémentaire, avec tout ce que l’on
attend encore d’eux. En principe, l’allégement
est une mesure importante en phase aiguë. En
ambulatoire, il s’agit d’une recherche com-
mune d’une bonne mesure (d’allégement), dans
laquelle les proches devraient être impliqués.
L’abandon des activités et obligations sociales
peut devenir un stress pour les dépressifs, s’ils
vivent cette mesure comme une confirmation
de leur échec (subjectif), s’ils commencent à
avoir peur d’une stigmatisation, etc.
B) Implication des proches
Si les proches semblent réagir impuissants, s’ils
se sentent responsables, s’ils ont une attitude
impatiente-exigeante ou critique-refusante, il
faut entendre le partenaire, avec l’accord du dé-
pressif, et l’orienter sur son diagnostic. La pa-
tience est parfois plus facile à obtenir de toutes
les parties concernées si nous pouvons leur
donner un espoir réaliste, du fait du pronostic
favorable de la dépression. Si les relations sont
tendues, prémorbides, il peut être très utile de
soutenir le partenaire seul, et plus tard, après
amélioration de la dépression, proposer des en-
tretiens de couple ou de famille.
C) Psychopharmacothérapie et
autres techniques physiques
Dans les dépressions modérées à graves, il y a
au départ une dynamique dépressive rendant
l’entrée en matière difficile et exigeant un trai-
tement psychopharmacothérapeutique. Parmi
ces médicaments (tab. 6), les antidépresseurs
classiques (et surtout les tricycliques) ont plus
d’effets indésirables, surtout de nature végéta-
tive et cardio-vasculaire, que les inhibiteurs sé-
lectifs de la recapture de sérotonine (ISRS), les
inhibiteurs sélectifs de la MAO-A (ISMA) et les
inhibiteurs sélectifs de la recapture de séroto-
nine et de noradrénaline (ISRSN). A l’heure ac-
tuelle, tous les antidépresseurs se différencient
moins par leur efficacité que par leurs effets se-
condaires et indésirables [9]. Les antidépres-
seurs de deuxième et troisième génération ont
moins d’effets indésirables cliniquement signi-
ficatifs que les antidépresseurs tricycliques, té-
tracycliques et atypiques, et sont donc mieux in-
diqués pour le traitement ambulatoire, en pré-
sence d’une comorbidité et chez le vieillard. En
pratique courante, et même en ambulatoire, il
n’est pas possible de renoncer en toute sécurité
à ces antidépresseurs tricycliques, tétracy-
cliques et atypiques; dans les dépressions
graves par exemple, il faut également recourir
aux antidépresseurs tricycliques.
Le principe de base est que toute tentative de
traitement doit pouvoir se faire à doses suffi-
samment élevées et assez longtemps, avec une
tolérance acceptable. La proportion de réussite
avec le premier traitement thymoleptique est
d’environ 65% dans les dépressions légères, et
50% dans les dépressions graves. Il est impor-
tant que le patient connaisse cet état de fait, de
manière à prévenir une réaction dépressive-ré-
signée d’une première tentative de traitement
pouvant échouer. Le but du traitement aigu est
de trouver le plus rapidement possible un mé-
dicament efficace, permettant d’obtenir une
amélioration et finalement la disparition des
symptômes. Au cours des quelque six mois de
la phase de stabilisation, la dose doit rester pra-
tiquement la même, compte tenu toujours de
l’évolution individuelle. Ensuite de quoi la di-
minution de la dose doit se faire très prudem-
ment, à petits pas (p.ex. 25 mg d’imipra-
mine/14 jours).
Pour tout traitement médicamenteux en prin-
cipe, il faut bien apprécier le risque suicidaire
et la possibilité d’appeler à l’aide en cas de