OXYMAG - no137 -juillet/août 2014 23
Organisation et qualité de vie au travail
dossier
des effets délétères du stress, ainsi que dans l’état
de bien-être physique et mental d’un individu.
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Dans le domaine de l’environnement de tra-
vail, plusieurs auteurs ont largement contribué
au développement des connaissances en
matière d’écologie sociale.
Après de nom-
breuses études sur le sujet, ils ont proposé trois
dimensions du climat social propres à toute orga-
nisation: la dimension relationnelle, la dimen-
sion de croissance personnelle et la dimension de
maintien et de changement des structures. Ces
trois dimensions sont à l’heure actuelle fréquem-
ment utilisées pour explorer l’environnement de
travail des soignants.
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Le concept de soutien social
se définit par
quatredimensions :
• le soutien social émotionnel,
• le soutien d’estime,
• le soutien informatif, le soutien matériel
• le soutien fi nancier[10].
Les études auprès des personnels tendent à montrer
que le soutien offert par les pairs et les supérieurs
exercent un effet direct sur l’épuisement profession-
nel. D’autres travaux suggèrent que le soutien du
supérieur et des pairs exerce un effet médiateur
entre la perception des stresseurs et l’épuisement
professionnel. Ainsi l’impact de la perception des
stresseurs sur l’épuisement professionnel est réduit
par le soutien social perçu. Dans le même ordre
d’idée, on observe, auprès d’infi rmières françaises
œuvrant en psychiatrie, que certaines dimensions
du soutien exercent un effet médiateur entre la
stratégie de recherche de soutien et la qualité de vie.
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Il apparaît judicieux de retenir une approche
du soutien social plus générale
en lien avec la
disponibilité et la satisfaction du soignant, quel
que soit le milieu d’exercice de la personne. Dans
cette optique, il convient donc de distinguer le
réseau social (amis, relations), le soutien reçu
(comportements de soutien) et le soutien perçu
(disponibilité, satisfaction). Les indicateurs rete-
nus[11] permettent ainsi d’aborder à la fois des
données quantitatives et qualitatives, comme le
nombre de personnes constituant le réseau de
soutien, la possibilité d’expression des sentiments
personnels, l’aide matérielle, l’apport d’informa-
tion et de conseils, la rétroaction positive, l’assis-
tance physique, la participation sociale, les
interactions négatives. Les soignants seront à
même d’évaluer leurs besoins actuels face à
chaque forme de soutien et la satisfaction éprou-
vée face à celui reçu durant le dernier mois.
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Le soutien social agit à la fois sur les effets
du stress (effet tampon) mais aussi comme une
des ressources du coping,
voire comme sa prin-
cipale ressource. D’où deux modèles explicatifs
des mécanismes de soutien socialmis en lumière
par Elle et al., cités dans l’étude de Rascle[11],
l’effet direct et l’effet tampon:
• par l’effet direct, le soutien social agit sur la
santé, quelle que soit l’intensité ou la variété des
stresseurs. En effet, quand celui-ci est de bonne
qualité, l’individu est renforcé dans son estime
de soi, le protégeant du risque de pathologies;
• par l’effet tampon, le soutien social agit comme
variable modératrice du stress, réduisant le stress
perçu en augmentant les ressources personnelles
dont le contrôle perçu.
La participation à un projet de service, à un
groupe de soutien, aux staffs interdisciplinaires
paraît chez les soignants un moyen tout à fait per-
tinent, intervenant comme du “soutien social
perçu” leur permettant de mieux faire face aux
situations stressantes, infl uençant par là même
leur qualité de vie au travail. Apporter du soutien
et de la reconnaissance aux professionnels doit
être une priorité des managers.
CONCLUSION
Il paraît essentiel de se préoccuper en premier
lieu de la qualité de vie des soignants, pour amé-
liorer la qualité de la prise en charge des per-
sonnes soignées et de leur famille –et, par là, leur
qualité de vie. Ainsi la qualité de vie au travail du
personnel soignant apparaît-elle comme un pré-
ambule à la prestation de soins de qualité auprès
des patients.
De ce fait, les facteurs de fragilisation et de
protection de la santé mentale des soignants
doivent être mieux compris et repérés. Cette
compréhension permettra de proposer des dis-
positifs de formation destinés à augmenter le
niveau de hardiesse des soignants, et à rendre
l’environnement de travail à la fois plus attractif
et plus riche en dispositifs de soutien social
effi cients.
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Déclaration d’intérêts
L’auteur déclare ne pas
avoir de confl its d’intérêts
en relation avec cet article.