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Dr V. GUÉRIN Chef de Clinique dans le service d'Endocrinologie du Pr Assan à l'Hôpital Bichat.
L'hypothyroïdie chez le sujet âgé est-elle fréquente ?
L'hypothyroïdie du sujet âgé est fréquente puisqu'elle touche environ 2 à 3% de
la population âgée. Cette fréquence est probablement sous-évaluée.
En effet, les prélèvements autopsiques anatomo-pathologiques des sujets âgés
montrent dans un grand pourcentage de cas des plages de thyroïdite avec
infiltration lymphocytaire, ce qui pourrait être le processus quasi-physiologique
du vieillissement de la thyroïde.
Il y a probablement beaucoup plus d'hypothyroïdies qu'on ne le note.
Quels signes cliniques doivent faire suspecter une hypothyroïdie
chez le vieillard et quels sont les diagnostics à éliminer ?
L'hypothyroïdie peut être souvent frustre et pauci-symptomatique chez le
vieillard, ce qui explique pourquoi cette pathologie est souvent sous-
diagnostiquée.
Bien entendu, il peut exister des signes classiques et facilement rattachables à
l'hypothyroïdie comme une asthénie physique et psychique, une surcharge
pondérale inexpliquée.
Mais le plus souvent, il existe des manifestations isolées comme une
bradycardie, une myopathie, un syndrome du canal carpien ou des
manifestations ORL, mais là il faut aussi rechercher une pathologie associée.
Et les manifestations psychiatriques, par exemple ?
Les manifestations psychiatriques me semblent plus liées à l'hyperthyroïdie qu'à
l'hypothyroïdie. Toutefois, d'authentiques dépressions sont secondaires à une
hypothyroïdie.
L'hypothyroïdie se manifeste également par des perturbations
biologiques :
Bien entendu on peut noter au cours de l'hypothyroïdie des perturbations
biologiques une anémie normocytaire ou macrocytaire, une élévation des CPK,
une hyponatrémie (rarement).
En revanche, il faut savoir penser à l'hypothyroïdie devant une
hypercholestérolémie.
Est-ce qu'on a une notion d'un taux limite de cholestérol au-delà
duquel une prévalence de l'hypothyroïdie pourrait être affirmée ?
Je ne pense pas qu'une telle analyse ait été faite. Il est impossible devant une
hypercholestérolémie isolée du sujet âgé de dire si celle-ci est primitive ou
secondaire. Et de manière générale, je pense qu'une hypercholestérolémie
isolée chez un sujet sans antécédents familiaux de dyslipidémie doit faire
pratiquer un dosage des hormones thyroïdiennes.
Le coma myxoedémateux est-il fréquent chez le sujet âgé ?
Il est exceptionnel ; je pense qu'il relève plutôt de l'anecdote, personnellement je
n'en ai jamais vu chez des sujets âgés. Il faudrait poser la question à des
réanimateurs. J'ai vu un seul coma myxoedémateux dans ma vie, c'était une
jeune femme qui était en rupture thérapeutique de longue date.
Quelles sont les circonstances qui imposent un dépistage
systématique chez la personne âgée ?
Le dépistage systématique d'une hypothyroïdie n'est licite, à mon sens, qu'avant
l'instauration de traitements pouvant entraîner une hypothyroïdie.
Je veux parler des produits contenant de l'iode dont le chef de file est la
Cordarone® et de thérapeutiques comme le lithium.
Toutefois, il faut rappeler qu'une surcharge iodée en France, zone de carence
iodée, donne plus volontiers des hyperthyroïdies à l'inverse de ce que l'on note
aux EtatsUnis ou en Grande- Bretagne.
Il semblerait que les hypo-ou hyperthyroïdies par surcharge iodée surviennent
plus volontiers chez des sujets ayant des antécédents thyroïdiens . goitres ou
autres.
La deuxième grande circonstance où il faut faire un dépistage systématique de
l'hypothyroïdie est l'existence d'un traitement antérieur d'une hyperthyroïdie que
ce soit par l'iode 131 ou que ce soit par la chirurgie.
Enfin, un nouveau type d'hypothyroïdies a été signalé chez les gens traités par
Interféron alpha, mais ceci est du domaine de la recherche et les médecins qui
manipulent ces traitements sont avertis.
Le suivi hormonal est de règle chez des sujets, quel que soit leur âge, suivant
ce type de traitement.
L'hypothyroïdie par Cordarone® est-elle spécifique du sujet âgé ?
C'est en effet un problème quasi spécifique du sujet âgé mais ceci est le reflet
d'un biais, puisqu'on donne un traitement par Cordarone® aux personnes ayant
des troubles du rythme, cette population étant généralement âgée. Ce type de
pathologie peut exister chez des sujets jeunes s'ils reçoivent de la Cordarone®
ou d'autres produits iodés.
Quels dosages sont à pratiquer pour affirmer le diagnostic ?
Pour le dépistage, un simple dosage TSH ultra-sensible, qui est maintenant le
dosage de référence, suffit. Mais avant de poser définitivement le diagnostic
d'hypothyroïdie, il me semble qu'un dosage de T3 Libre et de T4 Libre sont
nécessaires. Dans certains cas, le recours au test à la TRH est encore
nécessaire.
Le dosage de la T3 Libre apporte-t-il un intérêt au diagnostic ?
Pour certains, seuls les dosages de T4 Libre et TSH us suffisent mais j'ai eu
l'occasion de vérifier qu'un dosage de T3 initial n'était pas inutile. Il est vrai que
la T3 est volon-tiers perturbée, en particulier chez le sujet âgé ou malade,
réalisant un syndrome de basse T3. Mais à mon avis un dosage de T3 initial est
souhaitable, la suite de la surveillance pouvant se faire sur la T4 et la TSH us.
Quelles sont les différentes étiologies de l'hypothyroïdie du sujet
âgé ?
Les hypothyroïdies du sujet âgé sont le plus souvent d'origine périphérique
(95% des cas). Au sein des origines périphériques, il semble que les thyroïdites,
que ce soit la thyroïdite de Hashimoto auto-immune ou la thyroïdite atrophique,
sont les causes les plus fréquentes.
D'autre part, les causes iatrogènes ont une fréquence non négligeable, à savoir
surcharge iodée, traitement par iode 131 et traitement chirurgical.
Le traitement de l'hypothyroïdie du sujet âgé et ses modalités de
mise en place :
C'est vraiment le point très important et spécifique au sujet âgé.
Il faut tout d'abord évaluer l'importance de l'hypothyroïdie, les risques cardio-
vascu-laires du patient et enfin le bénéfice d'un tel traitement.
Il n'est pas rare de compenser partiellement l'hypothyroïdie d'un sujet âgé au
terrain coronarien précaire. En tout état de cause l'extrême prudence est de
mise et il est recommandé de débuter le traitement en milieu hospitalier, à dose
progressive, en débutant le traitement par des doses telles que 12,5 µg de
lévothyroxine/jour.
En général on augmente la dose chaque semaine (ou toutes les 2 semaines)
avec contrôle électrocardiographique quotidien.
Quelle est la durée de l'hospitalisation moyenne pour un sujet âgé
?
Cela dépend du terrain sous-jacent, chez certaines personnes, si l'on est en
milieu hospitalier, l'augmentation des doses se fait tous les 3 à 4 jours sous
surveillance stricte, chez d'autres les paliers sont modifiés toutes les 1 ou 2
semaines.
Le point important est d'utiliser de la T4 pour compenser ces sujets âgés, la T3
ou les mélanges T3-T4 étant souvent moins bien tolérés d'un point de vue
cardiaque. D'autre part il est nécessaire parfois d'adjoindre à la compensation
par lévothyroxine, soit un dérivé nitré, soit un bêta-bloquant.
Une fois le palier de 50 µg ou 75 µg atteint, la personne âgée peut continuer
l'augmentation progressive des doses à domicile. Je pense que la dose
adéquate est d'environ 100.tg/jour et non 125 ou 150.
L'hospitalisation concerne-t-elle tous les patients âgés ?
Au-delà de 70 ans je fais hospitaliser systématiquement les personnes pour
mettre en route un traitement substitutif ; en dessous, cela dépend du terrain.
S'il y a une quelconque anomalie cardiologique, il est certain à mon avis qu'il
vaut mieux les hospitaliser. D'autre part, il ne faut pas négliger le fait que
l'hospitalisation permet justement de faire le point et de réaliser le bilan initial
correctement, et en particulier le bilan étiologique.
En effet, avant de traiter une hypothyroïdie, il faut éliminer formellement une
hypo-thyroïdie par surcharge iodée.
En effet, cela a une implication sur la durée du traitement qui ne devra être que
transitoire. La surcharge iodée éliminée, le sujet a de réelles chances de revenir
en état d'euthyroïdie.
Quels sont les éléments de surveillance d'un traitement substitutif
?
La tolérance va être appréciée sur la clinique, la personne va se sentir mieux, il
va y avoir une disparition des symptômes. La tolérance cardiologique sera
surveillée à la fois par la clinique et par l'électrocardiogramme. D'autre part,
l'efficacité du traitement sera mesurée par un dosage de la TSH ultra sensible.
Là encore, il est important de toujours remettre en question les traitements au
long cours. Si l'on ne connait pas l'étiologie de l'hypothyroïdie, une fenêtre
thérapeutique peut être indiquée afin de juger de l'opportunité d'un traitement
substitutif.
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