Syndromes dépressifs
et pathologie thyroïdienne
I
l est acquis que la dépression
est un facteur de gravité sup-
clinique, les signes d’appel de
l’hypothyroïdie fruste sont dis-
crets et peu spécifiques, comme le
ralentissement général, la fatigue
physique et psychique, la consti-
pation chronique, les crampes
musculaires répétitives ou les pa-
resthésies des extrémités. Dans
l’hypothyroïdie patente, les signes
évocateurs sont plus nombreux :
adynamie, frilosité, difficulté de se
concentrer avec des pertes de mé-
moire, syndrome dépressif, ano-
rexie contrastant avec la prise pon-
dérale, sécheresse de la bouche,
troubles de l’humeur, hyperlipidé-
mie. Au stade évolué s’y associent
la sécheresse cutanée et l’infiltra-
tion cutanéo-muqueuse par une
substance myxoïde.
Un traitement progressif
Il n’existe pas, à ce jour, d’études
de grande envergure suggérant
une attitude thérapeutique bien
définie dans l’hypothyroïdie fruste.
D’après Puech et coll. (1995), le
traitement thyroxinique permet
habituellement de guérir les ma-
nifestations dépressives. Ainsi un
traitement antidépresseur n’est in-
diqué qu’après correction du
trouble hormonal si les symptômes
dépressifs persistent. « Si le patient
a une élévation de TSH mais n’a au-
cun signe d’hypothyroïdie, il est lo-
gique de ne pas traiter par les hor-
mones thyroïdiennes et de continuer
seulement à le surveiller. En revanche,
s’il existe des symptômes évocateurs,
la mise en route d’une substitution
hormonale (avec des doses adaptées)
permet très souvent de les faire ré-
gresser. En ce qui concerne les patients
mis sous traitement par psychotrope
et ayant des signes dépressifs persis-
tants, lorsqu’une hypothyroïdie fruste
est mise en évidence, un traitement
est recommandé puisqu’il permet
d’apporter un mieux-être dans un
certain nombre de cas (bien entendu,
le problème psychiatrique n’est pas
toujours résolu). La lévothyroxine doit
être administrée à doses très progres-
sives pour éviter les à-coups théra-
peutiques, en tentant, en accord entre
le psychiatre et l’endocrinologue, une
réduction du psychotrope pour s’as-
surer qu’il est toujours indispensable.
Le patient doit se sentir bien avec
un minimum de traitement utile »,
estime le Pr J. Duprey, endocrino-
logue (Paris). Quant à l’impact des
psychotropes sur la fonction thy-
roïdienne, c’est un domaine mal
connu. Seuls les sels de lithium
sont reconnus comme un traite-
ment entraînant fréquemment des
troubles thyroïdiens (goitre, hypo-
thyroïdie et, plus exceptionnelle-
ment, hyperthyroïdie), ce qui jus-
tifie, dans tous les cas, un contrôle
annuel de la TSH ultrasensible,
voire un dosage des anticorps an-
tithyroïdiens.
Ludmila Couturier
L’importance de la comorbidité entre la dépression et les maladies
organiques est établie, mais reste probablement sous-estimée.
Comme les événements stressants, la dépression peut aggraver une
maladie physique. Inversement, la comorbidité somatique est
susceptible d’interférer dans le pronostic des troubles dépressifs
en les chronicisant.
Psychiatrie
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No44 - mars 2003
plémentaire des maladies soma-
tiques telles que la maladie coro-
narienne, l’AVC (accident vascu-
laire cérébral), le cancer, le sida,
les maladies auto-immunes, les
pathologies endocriniennes. La
lourdeur de certains traitements
ainsi que celle de certains médi-
caments peuvent avoir des consé-
quences dépressiogènes. A l’in-
verse, des troubles organiques
comme l’hypothyroïdie (et aussi
l’hyperthyroïdie) ou le syndrome
d’apnées du sommeil peuvent
être à l’origine d’une résistance au
traitement antidépresseur.
Une minorité, mais…
Certes, la majorité des patients dé-
pressifs ont une fonction thyroï-
dienne normale. Cependant, une
méta-analyse a mis en évidence
que 52 % des patients ayant une
dépression réfractaire et 8 à 17 %
de l’ensemble des déprimés pré-
sentaient des manifestations in-
fracliniques d’hypothyroïdie. Il
ressort aussi de la littérature que
la fréquence des hypothyroïdies
frustes ou cliniquement patentes
serait élevée chez les patients bi-
polaires avec des cycles rapides
caractérisés par la survenue d’au
moins quatre épisodes en un an.
Rappelons que l’hypothyroïdie
s’exprime biologiquement par
une élévation de la TSH (thyro-
trophine) ultrasensible et par une
diminution de l’hormone thyroï-
dienne FT4 dans le sérum. Mais,
dans les formes frustes, le taux de
FT4 est encore normal. Sur le plan
Hypothyroïdie et “baby-blues”
La thyroïdite du post-partum est
découverte après l’accouchement
et quelquefois à la suite d’un
excès de sécrétion d’hormones
thyroïdiennes chez les femmes qui
présentent par ailleurs un taux
d’anticorps anti-TPO élevé. Cette
hypothyroïdie régresse d’elle-même
après quelques mois d’évolution et
ne persiste que chez environ un
cinquième des jeunes femmes ve-
nant d’avoir un enfant. Elle a ten-
dance à être confondue avec le
fameux “baby-blues”.