Psychiatrie Syndromes dépressifs et pathologie thyroïdienne L’importance de la comorbidité entre la dépression et les maladies organiques est établie, mais reste probablement sous-estimée. Comme les événements stressants, la dépression peut aggraver une maladie physique. Inversement, la comorbidité somatique est susceptible d’interférer dans le pronostic des troubles dépressifs en les chronicisant. I l est acquis que la dépression est un facteur de gravité supplémentaire des maladies somatiques telles que la maladie coronarienne, l’AVC (accident vasculaire cérébral), le cancer, le sida, les maladies auto-immunes, les pathologies endocriniennes. La lourdeur de certains traitements ainsi que celle de certains médicaments peuvent avoir des conséquences dépressiogènes. A l’inverse, des troubles organiques comme l’hypothyroïdie (et aussi l’hyperthyroïdie) ou le syndrome d’apnées du sommeil peuvent être à l’origine d’une résistance au traitement antidépresseur. Une minorité, mais… Certes, la majorité des patients dépressifs ont une fonction thyroïdienne normale. Cependant, une méta-analyse a mis en évidence que 52 % des patients ayant une dépression réfractaire et 8 à 17 % de l’ensemble des déprimés présentaient des manifestations infracliniques d’hypothyroïdie. Il ressort aussi de la littérature que la fréquence des hypothyroïdies frustes ou cliniquement patentes serait élevée chez les patients bipolaires avec des cycles rapides caractérisés par la survenue d’au moins quatre épisodes en un an. Rappelons que l’hypothyroïdie s’exprime biologiquement par une élévation de la TSH (thyrotrophine) ultrasensible et par une diminution de l’hormone thyroïdienne FT4 dans le sérum. Mais, dans les formes frustes, le taux de FT4 est encore normal. Sur le plan clinique, les signes d’appel de l’hypothyroïdie fruste sont discrets et peu spécifiques, comme le ralentissement général, la fatigue physique et psychique, la constipation chronique, les crampes musculaires répétitives ou les paresthésies des extrémités. Dans l’hypothyroïdie patente, les signes évocateurs sont plus nombreux : adynamie, frilosité, difficulté de se concentrer avec des pertes de mémoire, syndrome dépressif, anorexie contrastant avec la prise pondérale, sécheresse de la bouche, troubles de l’humeur, hyperlipidémie. Au stade évolué s’y associent la sécheresse cutanée et l’infiltration cutanéo-muqueuse par une substance myxoïde. Un traitement progressif Il n’existe pas, à ce jour, d’études de grande envergure suggérant une attitude thérapeutique bien définie dans l’hypothyroïdie fruste. D’après Puech et coll. (1995), le traitement thyroxinique permet habituellement de guérir les manifestations dépressives. Ainsi un traitement antidépresseur n’est indiqué qu’après correction du trouble hormonal si les symptômes dépressifs persistent. « Si le patient a une élévation de TSH mais n’a aucun signe d’hypothyroïdie, il est logique de ne pas traiter par les hormones thyroïdiennes et de continuer seulement à le surveiller. En revanche, s’il existe des symptômes évocateurs, la mise en route d’une substitution hormonale (avec des doses adaptées) permet très souvent de les faire régresser. En ce qui concerne les patients mis sous traitement par psychotrope et ayant des signes dépressifs persistants, lorsqu’une hypothyroïdie fruste est mise en évidence, un traitement est recommandé puisqu’il permet d’apporter un mieux-être dans un certain nombre de cas (bien entendu, le problème psychiatrique n’est pas toujours résolu). La lévothyroxine doit être administrée à doses très progressives pour éviter les à-coups thérapeutiques, en tentant, en accord entre le psychiatre et l’endocrinologue, une réduction du psychotrope pour s’assurer qu’il est toujours indispensable. Le patient doit se sentir bien avec un minimum de traitement utile », estime le Pr J. Duprey, endocrinologue (Paris). Quant à l’impact des psychotropes sur la fonction thyroïdienne, c’est un domaine mal connu. Seuls les sels de lithium sont reconnus comme un traitement entraînant fréquemment des troubles thyroïdiens (goitre, hypothyroïdie et, plus exceptionnellement, hyperthyroïdie), ce qui justifie, dans tous les cas, un contrôle annuel de la TSH ultrasensible, voire un dosage des anticorps antithyroïdiens. Ludmila Couturier Hypothyroïdie et “baby-blues” La thyroïdite du post-partum est découverte après l’accouchement et quelquefois à la suite d’un excès de sécrétion d’hormones thyroïdiennes chez les femmes qui présentent par ailleurs un taux d’anticorps anti-TPO élevé. Cette hypothyroïdie régresse d’elle-même après quelques mois d’évolution et ne persiste que chez environ un cinquième des jeunes femmes venant d’avoir un enfant. Elle a tendance à être confondue avec le fameux “baby-blues”. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003 7