Hémorragie digestive basse : algorithme de prise en charge

Acta Endosc. (2015) 45:321-324
DOI 10.1007/s10190-015-0512-3
RECOMMANDATIONS / RECOMMENDATIONS
Introduction
L’hémorragie digestive basse (HDB) se définit par un sai‑
gnement se situant en aval de l’angle de Treitz.
Son incidence annuelle est de 20 cas/100 000 adultes.
La tendance actuelle est à l’augmentation du fait du vieil‑
lissement de la population et du recours croissant aux
antiagrégants et anticoagulants. L’âge moyen des patients
hospitalisés pour une HDB varie de 63 à 77 ans avec un taux
de mortalité de 2 à 4 %. Dans plus de 90 % des cas, la cause
sera rectocolique, avec pour principale étiologie l’origine
diverticulaire. Les HDB cessent spontanément dans plus de
80 % des cas. L’hospitalisation sera nécessaire en dehors
des rectorragies dites d’essuyage.
Évaluation de la gravité
À l’inverse de l’hémorragie digestive haute, l’estimation de
la gravité d’une HDB ne fait l’objet d’aucun score validé.
La première étape sera l’appréciation du retentissement
hémodynamique :
une pression artérielle inférieure à 100 mmHg ;
et/ou un pouls supérieur à 100/minute ;
et/ou un hématocrite inférieur à 35 % ;
et/ou un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dl ;
et/ou un nombre de culots globulaires élevé pour rétablir
une hémodynamique satisfaisante.
Les autres facteurs de sévérité sont :
l’âge avancé supérieur à 70 ans
la présence de comorbidités ;
l’insuffisance rénale aiguë ;
la transfusion sanguine ;
la survenue d’une hémorragie intrahospitalière ;
un traitement par héparine.
Quatre situations cliniques ont été identifiées
La première inclut 75–90 % des patients et se caractérise
par un saignement minime dont la résolution est sponta‑
née ;
la deuxième situation se caractérise par des saignements
chroniques intermittents. La coloscopie reste l’examen
de choix dans ces deux premières situations ;
le troisième groupe se compose de patients avec des épi‑
sodes intermittents d’hémorragies sévères engageant le
pronostic vital, mais avec stabilité hémodynamique entre
les épisodes ;
enfin, la quatrième situation est celle d’une hémorragie
massive persistante avec retentissement hémodynamique
majeur. Trois solutions thérapeutiques peuvent s’envi‑
sager en fonction du plateau technique : l’hémostase
endoscopique, l’artériographie avec embolisation ou la
chirurgie.
Stratégie diagnostique
Endoscopie œsogastroduodénale
Elle doit être l’examen de première intention en présence
de rectorragies abondantes. En effet, une origine haute peut
être responsable de rectorragies dans 10 à 15 % des cas,
généralement associées à un retentissement hémodynami‑
quement net. Elle sera aussi indiquée si le patient présente
une extériorisation de type mélaena.
Coloscopie
Sa place reste centrale dans la prise en charge diagnostique
et thérapeutique. Son rendement diagnostique varie de 72
à 97 %.
Hémorragie digestive basse : algorithme de prise en charge
Lower Gastrointestinal Bleeding: a Treatment Algorithm
P. Ah‑Soune · M. Barthet
© Lavoisier SAS 2015
P. Ah‑Soune
CHG de Toulon, hôpital Sainte‑Musse,
54, rue Sainte‑Claire‑Deville, F‑83000 Toulon, France
M. Barthet
Hôpital Nord, AP–HM, chemin des Bourrely,
F‑13915 Marseille cedex 20, France
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Fig. 1. Algorithme de prise en charge des HDB
Acta Endosc. (2015) 45:321-324 323
Préparation colique
La préparation colique est un préalable indispensable à
la réalisation de la coloscopie. L’absence de préparation
expose au risque de perforation, diminue les chances d’une
coloscopie complète entre 55 et 75 % des cas et peut impli‑
quer la réalisation d’une nouvelle endoscopie. Lorsque la
coloscopie doit être réalisée en urgence, la préparation est de
5 à 6 l de polyéthylène glycol administrés en trois à quatre
heures, souvent par sonde nasogastrique. La coloscopie est
effectuée une heure après l’obtention de selles claires.
Les rares conséquences de ce type de préparation peuvent
être l’apparition de troubles hydroélectrolytiques à type
d’hyponatrémie, la pneumopathie d’inhalation et la sur‑
charge pulmonaire ou cardiaque. Une autre alternative est
Tableau 1 Étiologie des HDB
Lésion Fréquence (%) Topographie Évolution Facteur
déclenchant /
favorisant
Aspect lésionnel Traitement
Diverticules
(saignement
artériel)
26–38 50–90 %
saignement à
droite
Arrêt spontané
dans 92 % des
cas
Récidive 10 %
à 2 ans
Récidive 25 %
à 4 ans
Aspirine
AINS
Âge
Collet diverti‑
cule :
Saignement actif
Vx visible
Caillot adhérent
Injection
Clip
Ligature
Coagulation
bipolaire
Embolisation
Chirurgie
Angio‑
dysplasie
(saignement
veineux)
6–8 Cæcum Récidive 25 % Âge
RAO
Insuffisance rénale
Facteur Willebrand
Dilatation
vasculaire rouge
de 1–10 mm
multiple
APC
Injection
Cancer/
polypes
8–12/4–14
Colite
ischémique
6–8 Côlon gauche Œdème
Érythème
Ulcérations
Nécrose
Hémorroïdes 10–19 Ligature
Chirurgie
Colites
inflammatoires
2–4
Rectocolite
radique
0,5–3 Face antérieure
du 1/3 inférieur
du rectum
Récidive Irradiation > 45 Gy Télangiectasies APC
Postpolypec‑
tomie
0,3–3,5 Augmente avec la
taille du polype
Localisation cæcale
Reprise anticoagu‑
lation
Saignement en
nappe, en jet
Caillot adhérent
Injection
Clip
Coagulation
Embolisation
Chirurgie
Intestin grêle 1–7 Angiodysplasie
Tumeurs
Diverticule
de Meckel
Dieulafoy
Embolisation
Chirurgie
APC
Clip
Affections
anorectales
10–15 Ulcère thermo‑
métrique
Fissure
Varices rectales
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de réaliser la coloscopie sans préparation avec un système
de lavage perendoscopique à l’aide d’une pompe hydrique.
Délai
Le délai optimal de la coloscopie reste controversé. Les
recommandations de l’ASGE de 2005 préconisent la réali
sation de la coloscopie dans les 12 à 48 heures suivant l’ad
mission du patient. La réalisation précoce d’une colo scopie
augmente le taux de détection de la source hémorragique et
améliore leur prise en charge. La réalisation d’une coloscopie
précoce (< 24 heures) vs retardée (> 24 heures) n’entraîne pas
de différences en termes de mortalité. Une coloscopie effec
tuée dans les 24 heures diminue la durée d’hospitalisation,
entraîne moins de transfusion et le coût lié à l’hospitalisation
est moindre. Elle doit être envisagée de manière précoce chez
un patient stabilisé associé à une préparation colique optimale.
Risque
Le risque de perforation varie de 0,3 à 1,3 %.
Scanner injecté
Performance, modalités de réalisation
Sa sensibilité est de 85,2 % et sa spécificité de 92,1 %.
Deux facteurs améliorent ses performances diagnos‑
tiques :
la sévérité de l’hémorragie (seuil de détection de 0,3 ml/min) ;
une hémorragie active.
Le caractère intermittent du saignement implique de
réaliser le scanner dès que possible une fois le diagnostic
clinique d’HDB confirmé. Trois phases sont requises : non
injecté, au temps artériel et veineux.
Avantages
Examen non invasif, facilement accessible qui ne nécessite
aucune préparation et reproductible.
La présence d’un saignement actif permet de choisir le
mode d’intervention en fonction de la localisation et de gui
der le geste thérapeutique. L’autre avantage de cet examen
est d’apporter des renseignements sur l’étiologie. À l’inverse,
l’absence de saignement actif peut aider dans la stratification
de la gravité et envisager de différer l’endoscopie pour la réa
liser dans des conditions de préparation optimales.
Inconvénients
Néphrotoxicité, le risque allergique, les difficultés d’inter‑
prétation liées à la présence de corps métallique (prothèse
de hanche), l’exposition aux rayonnements et l’absence de
possibilité thérapeutique.
Malgré le manque d’études de stratégie, notamment
coût–efficacité ; le scanner de par sa facilité d’accès semble
s’imposer dans l’algorithme de prise en charge des HDB. Il
doit être réalisé de manière précoce chez un patient ayant
une hémorragie active sévère.
Autres méthodes d’investigation
La scintigraphie aux globules rouges marqués est peu uti‑
lisée en France, du fait de sa faible disponibilité et de son
caractère peu spécifique pour topographier le site hémorra‑
gique. L’artériographie ne doit plus à ce jour être utilisée à
titre diagnostique, car moins sensible que le scanner (seuil
de 0,5 ml/min) et plus invasive.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
d’intérêt.
Bibliographie
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Radiol 2013;23:1181–90
1 / 4 100%

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