3ème colloque international du réseau SYAL « Systèmes Agroalimentaires Localisés »
Alimentation et Territoires « ALTER 2006 »
Introduction
Depuis les années 80, la production du beurre de karité est devenue une des
ressources naturelles stratégiques pour lutter contre la pauvreté au Burkina Faso1. La crise
économique généralisée des vingt dernières années (politiques d’ajustement structurel,
dévaluation, etc.) a en effet entraîné une paupérisation croissante de la population et
particulièrement des femmes. Perçues par les organismes de développement comme une
des solutions permettant de faire face à l’augmentation de leurs responsabilités (migration
masculine, veuvage, etc.), de nouvelles formes d’organisations féminines sont promues.
La formation de groupements, organisés autour d’une ressource spécifique en vue
de sa commercialisation, est devenue une des conditions sine qua non des organismes de
développement pour octroyer un soutien financier. Principalement situées dans les centres
urbains, ces structures collectives sont constituées dans le but de professionnaliser les
productrices dans le domaine technique et réglementaire : qualification des amandes et du
beurre de karité, apprentissages de nouvelles techniques de transformation, formation à la
gestion et au marketing. Ces nouveaux cadres de référence pour des pratiques collectives
de production sont censés permettre à ces productrices de répondre aux exigences du
marché international et en particulier à celles des industries cosmétiques. De plus, la
promotion commerciale du beurre de karité, en tant que produit à forte valeur ajoutée issu
d’une activité spécifiquement féminine, est présentée par l’Etat comme une des voies
permettant de sortir le pays de sa pauvreté, ce qui place alors les groupements dans une
position de très grande visibilité.
L’objectif de notre article est de montrer à travers l’analyse de ces nouvelles
structures collectives, l’organisation et le fonctionnement de ces économies féminines
socialement enchâssées2. Trois hypothèses fondent cet objectif :
- Le renforcement d’une filière d’exportation du karité, marqué par de
nouvelles régulations institutionnelles et soutenu par l’Etat, s’inscrit
nécessairement dans des logiques économiques et sociales localisées.
1 Selon le Rapport mondial sur le développement humain de 2005 du PNUD (Programme des Nations Unies
pour le développement), le Burkina Faso se trouve parmi les 5 pays les plus pauvres du monde. 81 % de la
population qui vit en deçà du seuil de pauvreté monétaire avec 2 $ par jour.
http://hdr.undp.org/reports/global/2005/francais/pdf/HDR05_fr_HDI.pdf
2 Nous reprenons ici le concept d’embeddedness développé par Karl Polanyi (1983) qui montre comment
l’économique et le social sont étroitement « enchâssés », l’un ne pouvant fonctionner sans l’autre.
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