Les bases électrophysiologiques de l`électrocardiogramme

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Les bases électrophysiologiques de
l'électrocardiogramme
Professeur Bernard DENIS
Septembre 2002 (Mise à jour Janvier 2005)
Pré-Requis :
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Anatomie et physiologie
Sémiologie clinique
Sémiologie paraclinique
Pharmacologie
Références :
1er, 2ème, 3ème cycle de médecine, préparation au concours de l’Internat :
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Collège des Enseignants de Cardiologie sous la direction de Xavier André-Fouët,
Cardiologie, Université Claude Bernard Lyon I, Presses Universitaires de Lyon
(PUL).
Denis B., Machecourt J., Vanzetto G., Bertrand B., Defaye P., Sémiologie et
Pathologie Cardiovasculaires, Edité par B.Denis, 1999.
Et pour approfondir :
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Vacheron A., Le Feuvre C., Di Matteo J., Cardiologie, 3ème édition Mars 1999,
Expansion Scientifique publications.
Braunwald E., Heart disease : a textbook of cardiovascular medicine. 5ème édition
1997, Editions W.B. Saunders, Philadelphie.
Liens :
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Sémiologie et pathologie cardiovasculaires, Site Internet du Service de Cardiologie
du CHU de Grenoble : http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/CardioCD/cardio/index.html
1. Le système de commande du cœur
Il comprend :
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Le nœud sinusal de KEITH et FLACK, près de l'orifice de la veine cave supérieure.
Le nœud d'ASCHOFF-TAWARA, ou centre nodal, entre les oreillettes et ventricules,
à la naissance de la cloison interventriculaire.
Le faisceau de HIS et ses deux branches font suite au centre nodal et sont situés dans
le septum interventriculaire
Le réseau de PURKINJE représente la terminaison du faisceau de HIS, il se ramifie
sous l'endocarde.
2. Propriétés du système de commande
2.1. L'automatisme
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Les cellules du système de commande se dépolarisent périodiquement, sans excitation
extrinsèque ; mais chez un sujet normal, seul le centre sinusal (dont l'automatisme est
plus rapide) impose son rythme à l'ensemble du système.
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C'est le pace maker physiologique (si le centre sinusal est défaillant, le centre nodal
prend la relève sur un rythme plus lent).
2.2. La conductibilité
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Elle permet de transmettre l'onde de dépolarisation depuis le centre sinusal et nodal,
jusqu'aux cellules myocardiques.
Ainsi, chez le sujet normal, l'excitation issue du centre sinusal diffuse aux oreillettes et
atteint le centre nodal ; l'influx parcourt le faisceau de HIS, ses branches, et le réseau
de PURKINJE et entraîne la contraction des ventricules.
3. Bases électrophysiologiques
3.1.
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Le potentiel monophasique unicellulaire
La cellule myocardique au repos est électropositive en surface, électronégative à
l'intérieur.
Si l'on place une électrode à la surface de la cellule et une autre à l'intérieur, une
différence de potentiel de - 90 mV s'inscrit sur l'appareil enregistreur. Cet état est
stable (il ne l'est pas pour les cellules automatiques que nous n'étudierons pas ici).
Lorsque la cellule est excitée (stimulus mécanique, chimique ou électrique), la surface
devient électronégative et l'intérieur électropositif : c'est la dépolarisation. La
différence de potentiel entre la surface et l'intérieur de la cellule est de + 30 mV.
Ce changement de polarité est très rapide, de l'ordre de la milliseconde ; c'est la phase
0. Puis se succèdent :
o la phase de repolarisation initiale ou phase 1,
o la phase 2 de dépolarisation maintenue ou plateau,
o la phase 3 de repolarisation, la cellule redevient positive à l'extérieur, négative
à l'intérieur.
o la phase 4 est une phase de polarisation stable (sauf pour les cellules
automatiques : voir troubles du rythme).
Durant la phase 4 de repos, la cellule contient beaucoup de potassium et peu de
sodium.
Pendant la phase 0, la membrane devient très perméable au sodium, qui pénètre dans
la cellule. Il y a donc un brusque mouvement d'ions responsable des variations de
potentiel qui sont enregistrées par l'électrocardiogramme. Suit l'entrée du calcium et
une sortie de potassium pendant la phase 2.
Durant la phase 3, le sodium et le calcium ressortent.
Pendant la phase 4, une pompe sous la dépendance de l'ATPase membranaire rétablit
la concentration de potassium intracellulaire.
Schéma : potentiel monophasique unicellulaire
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : vecteur de dépolarisation
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : activation d’un faisceau de fibres myocardiques parallèles
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : activation de la paroi du ventricule gauche
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
3.2. Notion de vecteur électrique instantané élémentaire
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Une cellule au repos ne génère aucune variation de champ électrique.
o Si l'on place une cellule myocardique dans un liquide physiologique, des
électrodes placées en A et B, à distance de la cellule, dans le liquide physiologique, ne transmettront aucune variation de potentiel à l'appareil enregistreur.
La dépolarisation de la cellule : phase zéro, crée une variation de champ électrique
dans le milieu entourant la cellule.
o Si le stimulus est appliqué à l'extrémité O de la cellule, la dépolarisation se
propage à l'autre extrémité.
o La variation de champ électrique peut être mesurée en millivolts, elle est
orientée et son point origine est connu. On peut donc l'assimiler à un vecteur.
o La durée de la dépolarisation cellulaire étant très courte (moins d'une
milliseconde), ce vecteur est dit vecteur électrique instantané élémentaire.
L'électrode qui voit venir la dépolarisation recueille un potentiel positif.
o L'électrode qui voit fuir la dépolarisation recueille un potentiel négatif.
o L'amplitude du potentiel enregistré est égale à la projection du vecteur
électrique instantané élémentaire sur la droite passant par le point O (site initial
de la dépolarisation) et l'électrode exploratrice. Cette droite peut être appelée
ligne de dérivation.
Durant la phase 1 et 2, la cellule est totalement dépolarisée.
o Il n'y a pas de variation de champ électrique dans le milieu entourant la cellule
et chaque électrode enregistre un potentiel nul.
o Le tracé revient donc au zéro, c'est-à-dire à la "ligne de base" ou "ligne
isoélectrique".
Pendant la phase 3, la cellule se repolarise.
o Il y a réapparition de charges positives à la surface de la cellule, la progression
se faisant à partir du point O.
o Le sens du courant étant inversé, les électrodes A et B vont enregistrer une
variation de potentiel de sens opposé à celle de la dépolarisation.
Schéma : Activation ventriculaire
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : Activation ventriculaire
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
3.3.
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Notion de vecteur instantané résultant
Pour simplifier, seule la dépolarisation sera étudiée dans ce qui va suivre.
Lorsque plusieurs cellules (par exemple une préparation d'un fragment de myocarde)
sont dépolarisées simultanément (le stimulus étant appliqué à une extrémité O du
fragment), l'ensemble des vecteurs élémentaires constitue un vecteur résultant
instantané.
3.4.
Succession de vecteurs résultants instantanés : genèse de
l'électrocardiogramme
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On dispose plusieurs fragments de myocarde dans un milieu conducteur (liquide
physiologique). Des électrodes exploratrices sont disposées selon deux dérivations
perpendiculaires OX-OY. Les fragments de myocarde sont dépolarisés
successivement à partir du point O. Les électrodes permettent d'enregistrer des
variations de potentiels correspondant à la succession de vecteurs résultants
instantanés.
Cette succession de vecteurs donne une image très proche de celle de la dépolarisation
myocardique.
En connectant les deux dérivations OX-OY à un oscilloscope, on obtient des points
qui dessinent une boucle formée par le déplacement de l'extrémité des vecteurs
résultants instantanés.
3.5. La dépolarisation des ventricules
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SODI PALLARES et DURRER ont précisé la séquence de dépolarisation chez le
chien et chez l'homme.
Elle peut être résumée ainsi :
o Dépolarisation du septum interventriculaire de gauche à droite.
o Dépolarisation de la région antérieure et septale des ventricules. Dans le même
temps, le sous endocarde du ventricule gauche se dépolarise.
o Le ventricule droit est dépolarisé de façon tangentielle, tandis que le ventricule
gauche se dépolarise de l'endocarde à l'épicarde de façon radiaire, d'avant en
arrière.
o Enfin, la dépolarisation atteint la région postéro-basale des ventricules.
L'ensemble de la dépolarisation des ventricules dure 8/100 seconde. Des électrodes
placées judicieusement autour du thorax recueillent les variations de potentiel et grâce
à des dérivations orthogonales on peut enregistrer le vectocardiogramme :
représentation de la progression de la dépolarisation dans le myocarde.
3.6. La repolarisation des ventricules
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La repolarisation se propage de l'épicarde à l'endocarde ; elle suit donc, à l'inverse, le
chemin de la dépolarisation. Étant donné le sens des charges électriques, l'onde T
s'inscrit en positif lorsque l'électrode exploratrice voit fuir l'onde de repolarisation
Ainsi, pour une fibre isolée, l'onde T est négative alors que pour le cœur entier, l'onde
T est positive.
4. Les dérivations électrocardiographiques
4.1.
Dérivations bipolaires
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Les variations de potentiel sont enregistrées entre deux électrodes placées à la surface
du corps.
On appelle ligne de dérivation la droite théorique passant par les deux électrodes
d'enregistrement.
I ou D I = bras droit, bras gauche
II ou D II = bras droit, jambe gauche
III ou D III = bras gauche, jambe gauche
Ces trois dérivations forment les côtés du triangle d'EINTHOVEN. En théorie, ce
triangle est équilatéral et le cœur en occupe le centre.
Schéma : Triangle d’Einthoven
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
4.2.
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Les dérivations unipolaires des membres
Une électrode exploratrice est placée à la surface du corps, elle est reliée au pôle
positif de l'électrocardiographe.
Le pôle négatif de l'électrocardiographe est relié à une électrode neutre ou indifférente
(borne centrale de WILSON).
o aVR = bras droit borne centrale
o aVL = bras gauche borne centrale
o aVF = jambe gauche borne centrale.
La ligne de chacune de ces trois dérivations passe par un des sommets du triangle et
son centre géométrique.
Les dérivations bipolaires et unipolaires des membres étudient l'activité électrique
cardiaque dans le plan frontal.
4.3. Les dérivations unipolaires précordiales
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L'électrode exploratrice est reliée au pôle positif de l'appareil, le pôle négatif à la
borne centrale.
Elles explorent l'activité électrique cardiaque dans un plan approximative-ment
horizontal :
o V1 = 4ème espace intercostal droit au bord droit du sternum
o V2 = 4ème espace intercostal gauche au bord gauche du sternum
o V3 = entre V2 et V4
o V4 = 5ème espace intercostal gauche, sur la ligne médio-claviculaire gauche.
o V5 = sur la ligne axillaire antérieure à la même hauteur que V4
o V6 = sur la ligne axillaire moyenne à la même hauteur que V4
o V7 = sur la ligne axillaire postérieure à la même hauteur que V4 V5 V6
o V8 = sur la ligne scapulaire gauche, même hauteur.
o V3R et V4R sont situés à droite, en position symétrique de V3 et V4.
Il peut être utile, parfois, d'enregistrer les précordiales un espace au dessus.
5. L'électrocardiogramme normal
5.1. Conditions d'un bon enregistrement
Pour être correctement interprété, un électrocardiogramme doit remplir certaines conditions :
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L'étalonnage doit être correct. Pour cela, le test de 1 millivolt que l'on envoie dans
l'appareil doit provoquer un signal rectangulaire dont la hauteur doit être de 1 cm
lorsque l'appareil est réglé sur la sensibilité correspondante, cette hauteur étant
mesurée sur papier millimétré.
La vitesse de déroulement doit être connue. Elle est habituellement de 25
mm/seconde ; chaque millimètre correspond, dans ces conditions, à 4/100 seconde.
La ligne isoélectrique (tracée par l'appareil lorsqu'il n'enregistre aucune différence de
potentiel) doit être horizontale et parfaitement nette, c'est-à-dire exempte de parasites,
en particulier dus au courant alternatif ou à un tremblement musculaire, exempte de
ressauts dus à une mauvaise connexion électrique.
Les fils doivent être branchés sur les électrodes correspondantes, sinon de graves
erreurs d'interprétation peuvent être commises.
Le tracé doit comporter les 12 dérivations principales au minimum, c'est-à-dire, dans
l'ordre : les trois dérivations standard (D I, D II, D III), les trois dérivations unipolaires
des membres (aVR, aVL, aVF), les six dérivations précordiales de V1 à V6.
5.2. Le complexe P QRS TU
Schéma : complexe P QRS TU
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
5.2.1.
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durée : 8/100 seconde
amplitude : 2 mm en D II
positive dans toutes les dérivations sauf VR (parfois VL) où elle est négative, sauf V1
V2 où elle est souvent diphasique.
5.2.2.
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Intervalle PR
temps de conduction auriculo-ventriculaire.
Durée : 12 à 20/100 seconde, mesurée du début de P, au début du complexe QRS.
5.2.3.
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L'onde P
Complexe QRS
durée : 8/100 seconde
Les ondes de grande amplitude sont désignées par une lettre majuscule, les autres par
une lettre minuscule :
o l'onde Q est la première déflexion négative
o l'onde R est la première déflexion positive
o l'onde S est la déflexion négative qui fait suite à R
o l'onde R' est la deuxième déflexion positive qui fait suite à S.
L'onde Q :
o durée < 4/100 seconde
o amplitude < 3 mm
o elle est physiologique en D I VL V5 V6
o elle est toujours pathologique en V2.
Schéma : différents aspects du complexe rapide
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
5.2.4.
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Segment ST et onde T
Le point J marque la fin de QRS.
La première partie de l'onde T est très lentement ascendante. C'est le segment ST.
L'onde T présente une partie ascendante lente, une partie descendante rapide. L'onde T
est positive dans toutes les dérivations sauf VR, souvent V1, parfois V2, D III où elle
peut être négative. La durée de QT est de 36/100ème de seconde pour un rythme de
75/mn.
5.2.5.
L'onde U
• Elle suit l'onde T, elle dure environ 20/100 seconde.
5.3. Axe de P QRS T dans le plan frontal
5.3.1.
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Calcul de l'axe de QRS dans le plan frontal
Lorsqu'on parle de l'axe électrique de QRS, il s'agit de l'axe du vecteur maximum de
QRS.
La somme algébrique des déflexions de QRS (dans chaque dérivation, les déflexions
négatives sont soustraites des déflexions positives) est reportée sur la droite
correspondante du triaxe de BAILEY. Des perpendiculaires passant par l'extrémité de
chaque vecteur D I D II D III permettent d'obtenir l'axe de la résultante correspondant
au vecteur maximum de QRS dans le plan frontal.
En pratique, il est plus facile de retrouver l'axe QRS à l'aide de parallélogrammes.
Cela introduit une légère erreur sans importance cliniquement.
Le triaxe de référence est orienté dans le sens horaire : D I représente le zéro, D II +
60°, D III + 120°.
L'axe normal de QRS se situe entre + 30° et + 60°.
Il est "dévié à gauche" lorsqu'il s'approche ou se situe au delà de 0°.
Il est "dévié à droite" lorsqu'il s'approche ou se situe au delà de + 90°.
Schéma : Triaxe de Bayley
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
5.3.2.
L'axe de P
• L'axe de P est calculé de la même façon, il se situe entre + 50° et + 60°.
5.3.3.
L'axe de T
• L'axe de T varie entre - 10° et + 83° ; la valeur moyenne est de + 38°.
5.3.4.
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Exemple de variation morphologique
S DI Q D III ou S1 Q III dit "rotation horaire" :
o physiologique, positionnelle : cœur vertical, thorax longiligne ;
o pathologique : son apparition brutale signe le cœur pulmonaire aigu.
Schéma : Axe de QRS dévié à droite : +100°
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : Axe de QRS dévié à gauche : -20°
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
Schéma : Deux principes simples pour le calcul des QRS
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
ECG : Electrocardiogramme normal
Femme 53 ans. Rythme sinusal à AP = + 60°, PR = 160 ms,
AQRS = QRS normal = 80 ms, QT = 32O ms, T négatif en V1 physiologique
Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
ECG : Electrocardiogramme subnormal
Homme 36 ans. Rythme sinusal à AP = + 30°, PR = 160 ms, AQRS = + 59°, durée de QRS = 90 ms, QT = 300
ms.
A noter l'absence d'onde Q physiologique en I, aVL et V6, ce qui pourrait correspondre à un bloc incomplet de
branche gauche.
(Service de Cardiologie du CHU de Grenoble)
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