
Quand la physiopathologie est confirmée par les grandes études statistiques et
toutes les deux sont corroborées par l’impression et l’intuition cliniques, il s’agit d’un
grand moment pour la pensée médicale et c’est ce qui se passe en ce qui concerne
le traitement de l’insuffisance cardiaque. Ce que dit la physiopathologie, c’est que la
défaillance du muscle cardiaque active des mécanismes compensateurs
neurohormonaux, bénéfiques dans un premier temps car elles permettent
d’augmenter le débit cardiaque ; mais ils sont vite dépassés et devient délétères ; le
système rénine-angiotensine secrète l’angiotensine responsable d’une
vasoconstriction et de la sécrétion de l’aldostérone, laquelle, à son tour, entraîne une
rétention hydro-sodée et une fibrose myocardique. Quant à l’activation du système
adrénergique, bénéfique à ses débuts car augmentant le débit cardiaque, elle
devient vite délétère par épuisement des récepteurs bêta adrénergiques et seul
persiste alors leur effet vasoconstricteur.
De plus, cette activation adrénergique est responsable d’un effet arythmogène.
Ces mécanismes apparaissent très vite comme un « ami qui vous veut du bien » plus
néfaste que bénéfique, et le but du traitement est de les neutraliser en bloquant le
système rénine-angiotensine par les IEC et les sartans, le système adrénergique par
les bêtabloquants et l’aldostérone par les anti-aldostérones. Ces trois familles (IEC-
AAII, bêtabloquants et anti-aldostérones) ont été longtemps, les seules qui ont pu
montrer un bénéfice dans de grandes études de morbi-mortalité, et sont la base du
traitement de l’insuffisance cardiaque. L’Ivabradine vient de rejoindre ce club très
fermé après l’étude SHIFT. Les diurétiques de l’anse soulagent d’une façon
spectaculaire les symptômes mais n’ont pas d’effet démontré sur la mortalité. La
digoxine réduit les hospitalisations mais n’a pas d’effet non plus sur la mortalité. Le
traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée est actuellement
bien codifié et pourtant, il a fallu quelques décennies pour montrer ce qui parait
évident aujourd’hui. Dans les années 70, la culture du cathétérisme a mis au premier
plan l’altération de la contractilité ventriculaire et la réduction de la FEVG, et il
semblait évident à l’époque que la recherche devait s’orienter vers le développement
de molécules inotropes positives capables d’améliorer la contractilité ventriculaire ;
mais très vite on s’est rendu compte que la stimulation d’un myocarde défaillant
pouvait être néfaste et on a évolué vers un nouveau paradigme consistant à
neutraliser ces mécanismes neurohormonaux.
Avant de développer ces six familles qui sont la base du traitement de l’insuffisance
cardiaque, nous débuterons par une mise au point sur la place des autres
thérapeutiques cardio-vasculaires dans le traitement de l’insuffisance cardiaque :
Les nitrés : n’ont pas montré de bénéfice en terme de morbi-mortalité et n’ont
de place qu’en désespoir de cause en cas de persistance de symptômes
malgré un traitement maximal. Ils ont une action sur la réduction de la pré
charge et la réduction de l’insuffisance mitrale. Il est conseillé de faire une
fenêtre thérapeutique de 8 heures pour éviter les échappements
thérapeutiques sous nitrés et de leur préférer la molsidomine pour cette
raison.
TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE SYSTOLIQUE