L
e 18 mai dernier, les nouvelles recommandations sur
le diagnostic et le traitement de l’insuffisance car-
diaque chronique (ICC) ont été diffusées sur le site
web de la Société européenne de cardiologie. Attendues lors du
congrès annuel de cette société à Munich en septembre 2004, ces
recommandations ont été publiées avec un temps de retard en rai-
son notamment de divergences d’opinion entre spécialistes de
l’insuffisance cardiaque et spécialistes rythmologues sur l’inter-
prétation à donner aux récentes études sur le défibrillateur implan-
table.
La nécessité d’actualiser la version publiée en 2001 était appa-
rue en raison notamment de :
–la publication de nouveaux essais portant sur les bêtabloquants
(SENIORS) ;
–la publication de trois études utilisant les antagonistes des récep-
teurs de l’angiotensine II (ARA 2) : deux dans le postinfarctus
avec insuffisance cardiaque et/ou dysfonction ventriculaire
gauche (OPTIMAAL et VALIANT), une dans l’insuffisance car-
diaque chronique (CHARM) ;
–l’essor de la resynchronisation ventriculaire, avec la publica-
tion des essais COMPANION et CARE-HF.
C’est essentiellement sur ces trois points que portent les modifi-
cations principales, même si des ajustements ont été apportés au
reste du texte.
Globalement, la stratégie de diagnostic et de traitement de l’ICC
due à une dysfonction systolique n’est pas modifiée : les inhibi-
teurs de l’enzyme de conversion (IEC) demeurent la référence et
sont recommandés en première intention. La place du traitement
bêtabloquant est confortée par la publication de SENIORS, étude
menée chez des patients âgés de plus de 70 ans ; et les doutes qui
figuraient dans la version précédente sur le sous-groupe de
patients en arythmie complète par fibrillation auriculaire, à par-
tir d’une analyse rétrospective de CIBIS II, n’ont pas été confir-
més dans d’autres études. Vu le sous-emploi des médicaments
recommandés chez les patients âgés, notamment pour les bêta-
bloquants, la publication de SENIORS, qui porte sur le nébivo-
lol, est importante, et les nouvelles recommandations réaffirment
le principe, chez les patients les plus âgés, d’un traitement iden-
tique à celui utilisé chez les patients plus jeunes.
Une nouvelle place est faite aux ARA 2 à la lueur des essais
récents. La version 2001 des recommandations était d’une grande
prudence en raison de l’absence de bénéfice supplémentaire
démontré du losartan par rapport au captopril et des résultats en
demi-teinte de l’essai Val-HeFT,dans lequel l’addition de val-
sartan à un IEC ne modifiait pas la mortalité, mais réduisait les
hospitalisations cardiovasculaires ou pour insuffisance cardiaque,
et également en raison de la crainte d’une interaction négative
entre sartans et bêtabloquants. Une telle interaction n’a pas été
retrouvée dans les trois études sus-mentionnées, qui ont inclus
plus de 20 000 patients, ce qui laisse penser que les résultats ini-
tialement observés étaient le fruit du hasard.
Dans le postinfarctus avec dysfonction ventriculaire gauche ou
insuffisance cardiaque, OPTIMAAL n’a pas démontré de béné-
fice en faveur d’une stratégie privilégiant le losartan par rapport
à une autre privilégiant le captopril, mais cette étude a eu le mérite
de montrer qu’il n’y avait pas d’infériorité de la première stra-
tégie. VALIANT a confirmé cette donnée dans la même indi-
cation, et ces deux études ont logiquement conduit à écrire que
ARA 2 et IEC ont un effet comparable dans le postinfarctus à
risque. VALIANT a en outre montré qu’il n’y avait pas de béné-
fice à donner simultanément un IEC et un sartan chez ces patients,
et que la combinaison du double blocage du système rénine-
angiotensine augmentait la fréquence des effets indésirables.
Les résultats de CHARM dans l’insuffisance cardiaque chronique
ont été intégrés et permettent de conclure que, en cas d’intolérance
aux IEC, l’addition d’un ARA 2 à un bêtabloquant (55 % de la
population étudiée) réduit la mortalité cardiovasculaire et les hos-
pitalisations pour insuffisance cardiaque de façon significative.
L’amplitude de l’effet observé est du même ordre de grandeur
que celui observé avec les IEC (CHARM-Alternative). En addi-
tion à un IEC, un sartan réduit la mortalité cardiovasculaire
(CHARM-Added) et les hospitalisations pour insuffisance car-
diaque (CHARM-Added et Val-HeFT). Dans cette indication, la
question, chez les patients demeurant symptomatiques en dépit
d’une trithérapie bien conduite, demeure posée de savoir s’il faut
*Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Nouvelles recommandations
sur la prise en charge
de l’insuffisance cardiaque chronique
New ESC guidelines for the management of chronic heart failure
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M. Komajda*
La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005
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ÉDITORIAL