betabloquants et sport - Club des Cardiologues du Sport

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Bêtabloquants
et sport
Les bêtabloquants, classe thérapeutique majeure, possèdent leurs indications précises. De par leurs actions multiples,
ils peuvent être soit bénéfiques, soit limitants lors de la pratique sportive , ce en fonction de la spécialité -pratiquée .
Ils sont donc placés au rang de substances dopantes et sont interdits dans
MOTS CLÉS
certaines disciplines . Cela souligne la nécessité de pouvoir, en toutes circonsBêtabloquant, performances,
tances, en justifier l'utilisation. L'hypersélectivité des bêtabloquants de dernière
cardiosélectivité,
génération, associée à une bonne connaissance de leur pharmacodynamique ,
compétition,
permet une meilleure prise en charge des patients sportifs relevant de leur utiliste de produits dopants
lisation.
Dr Jean-Claude Verdier, Institut Cœur Effort Santé, Pa ri s.
> Bêtabloquants :
des médicaments
efficaces
également grâce à des prises adaptées: migraines, tremblements essentiels, palpitations, anxiété ...
Seuls sont étudiés ici les effets à long
terme (1).
Les effets "non désirés"
Les effets bénéfiques
• Dans le cadre d'un traitement au
long court
Leur action protectrice sur le système
cardiovasculaire est bien établie. Ils
sont notamment largement utilisés
dans le traitement de la cardiopathie
coronaire et font partie du traitement
de l'insuffisance cardiaque.
lls participent au contrôle des troubles
du rythme (tachyarythmie, fibrillation
atriale, extrasystoles ventriculaires .. .) et
des tachycardies fonctionnelles (hyperadrénergie, hyperthyroïdie ... ).
Le traitement de l'hypertension artérielle, nécessitant une bithérapie
dans près de 50 % des cas, fait largement appel à eux, d'autant plus si
cette pathologie s'accompagne d'une
baisse de la réserve coronarienne très
préjudiciable à l'effort (2).
Ces effets cardiovasculaires résultent
essentiellement d'une action bloquante
sur les récepteurs de type bêta 1.
Pour toutes ces raisons, les récentes
recommandations européennes préconisent leur utilisation (3).
Lors d'une prise ponctuelle, il est souvent rapporté une asthénie physique
et psychique, voire sexuelle.
Lors d'un traitement au long co urt,
cette asthénie n'est pas plus fréquente
qu'avec tout autre type de molécule.
Les effets dus au blocage des récepteurs bêta 2 sont bien connus (4):
- limitation de la bronchodilatation ;
-limitation de la vasodilatation périphérique;
- limitation à la libération d'insuline
et de glucagon ;
-limitation à la lipolyse et à la glycogénolyse.
Les effets métaboliques sont fonction
de la durée de l'exercice et très dépendants du degré d'entraînement (5).
Grâce au progrès de la recherche
pharmaceutique, "l'hypersélectivité" bêta 1 a été développée et
a fortement réduit ces effets indésirables.
Cutilisatiori de molécules "cardiosélectives" permet donc de conserver les
effets bénéfiques du blocage des récepteurs bêta 1 sur le système
cardiovasculaire, en limitant les
effets indésirables du blocage des
récepteurs bêta 2 sur le système
ventilatoire et sur les performances (6).
• Traitement "ponctuel"
Certains syndromes en bénéficient
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Cardio &Sport • no2
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> Bêtabloquants
et performance
Activités physiques brèves
et intenses
Il y a peu d'impact négatif des bêtabloquants lors des efforts de type isométrique qui ne nécessitent pas une
augmentation importante du débit
cardiaque. En effet, lors de ce type
d'exercice, les vaisseaux intramusculaires sont fortement comprimés lors
de la phase de contraction, perfusant
faiblement les masses musculaires
mobilisées.
Sur le plan du métabolisme énergétique, ce type d ' effort mobilise les
filières de type anaérobie, peu
consommatrices de substrats apportés
par la circulation (lipides, glucides).
Seule la vitesse d'élimination des
déchets et de reconstitution des stocks
énergétiques sera altérée, imposant des
phases de récupération plus longues.
Ceci souligne l'importance de phases
d'échauffement et de récupération
active.
Activités physiques
de longue durée
Elles imposent certes une augmentation majeure du débit cardiaque,
mais au profit des territoires musculaires actifs.
Après une période d 'adaptation au
traitement, grâce à la baisse des résistances périphériques et au phénomène de redistribution vasculaire, il
n'est pas noté de baisse significative
de la consommation maximale
d'oxygène ou des capacités lors d'une
épreuve d'effort (6).
Sur le plan du métabolisme énergétique, ces efforts mobilisent la filière
aérobie, basée sur la lipolyse et la
glycogénolyse. Elle sera plus ou
moins perturbée en fonction de l'intensité et de la durée de l'exercice : un
footing de 40 minutes, effectué à
60 % de V0 2 max, se déroulera avec
aisance, tandis qu'une course d'endurance, entamée à 75 % de V0 2max,
risque de se terminer au pas.
Cardio & Sport • n°2
Mais il n'est pas rare de rencontrer
des marathoniens sous petite dose de
bêtabloquants.
Les modifications induites soulignent
l'intérêt de réaliser une épreuve d'effort avec analyse des échanges
gazeux lors de la prescription des
activités physiques.
De plus, il est difficile d ' utiliser les
règles classiques de prescription :
exprimer l'intensité des activités en
pourcentage de la FMT (Fréquence
Maximale Théorique). Les seuils ventilatoires et leur correspondance en
fréquence cardiaque (FC) seront ici
très utiles (7).
> Les bêtabloquants
en pratique sportive
Trois points sont à retenir.
1. A chaque fois qu'ils sont nécessaires, savoir les prescrire dans leurs
indications.
2. La prise de bêtabloquants ne
contre-indique pas la pratique des
activités physiques.
3. Les bêtabloquants sont interdits en
compétition (sauf AUT).
Au final, chez un sportif, à chaque
fois que cela est possible et à bénéfice
thérapeutique équivalent, il convient
de privilégier un autre traitement. 1
Activités physiques
en compétition
Toute compétition, y compris contre
soi-même, est stressante, avec son
cortège de sueurs froides, tremblements, tachycardie ... Le remède
miracle serait-ille bêtabloquant?
C' est pourquoi les bêtabloquants
font partie des produits interdits dans
certaines disciplines (tir, saut à ski,
automobile) et sont inscrits en tant
que substances dopantes.
Comme pour tout traitement, le
médecin est souverain, mais devra
accompagner sa prescription d'une
autorisation à usage thérapeutique
(AUT).
La prescription thérapeutique
Comme pour tout médicament, il
faut tenir compte d'éventuelles modifications de la pharmacocinétique :
l'entraînement régulier influence l'absorption digestive par modification
des circulations gastro-intestinales et
du temps de transit. De même, le
volume de distribution est modifié
(pourcentage de masse maigre, pourcentage de masse grasse, augmentation des protéines plasmatiques et du
volume plasmatique). De plus, la clairance hépatique est majorée.
Ceci souligne la nécessité de personnaliser le traitement (8) et de rappeler
au patient qu'une bonne hydratation
est indispensable.
8
Bibliographie
1. Gullestad Let al. The effect of acute
vs chronic treatment with beta-adrenoceptor blockade on exercise performance, haemodynamic and metabolic
parameters in healthy men and
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8. Persky AM et al. A review of chronic
exercise and physical fitness level on
resting pharmacokinetics. lnt J Clin
Pharmacol Ther 2003; 41 : 504-16.
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