E N U N E R É F É R E N C E . . . Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et insuffisance cardiaque : réflexions sur Val-HeFT RÉFÉRENCE A randomized trial of the angiotensin-receptor blocker valsartan in chronic heart failure. Cohn JN, Tognoni G, for the Valsartan Heart Failure Trial Investigators. ❏ N Engl J Med 2001 ; 345 : 1667-75. LE FOND Le Valsartan Heart Failure Trial (Val-HeFT) est une étude randomisée contre placebo en double-aveugle évaluant l’intérêt d’un traitement antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II ou “ARA II” (valsartan, dose cible : 160 mg x 2 par jour, atteinte pour 84 % des patients) pour 5 010 patients insuffisants cardiaques recevant déjà un traitement standard. Pour la grande majorité des patients, il s’agissait de cardiopathies ischémiques (57 %) ou de myocardiopathies dilatées idiopathiques (31 %) sous-jacentes. Étaient en classe NYHA II 62 % des patients, en classe NYHA III 36 % des patients, et en classe NYHA IV 2 % des patients. La fraction d’éjection ventriculaire gauche était en moyenne à 27 %. Les patients recevaient dans 93 % des cas des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), dans 85 % des cas des diurétiques, dans 67 % des cas de la digoxine et dans 35 % des cas des bêtabloquants. À 23 mois, la mortalité est similaire pour les groupes ARA II et placebo. Le critère combiné (décès, arrêt cardiaque ressuscité, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, utilisation de drogues i.v. inotropes positives ou vasodilatatrices) est de 13 % moindre sous ARA II (risque relatif = 0,87, p = 0,009), essentiellement en raison d’une réduction de 24 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque en tant que premier événement. Lors d’une analyse des sous-groupes en fonction de la prescription chez ces patients d’un IEC et/ou d’un bêtabloquant, l’adjonction de valsartan s’avère délétère lorsque le patient reçoit déjà les deux classes thérapeutiques, à l’inverse des autres sous-groupes, IEC, bêtabloquant, ou absence des deux, pour lesquels l’évaluation du risque relatif est en faveur de l’adjonction d’ARA II. COMMENTAIRES IEC et bêtabloquants représentant le traitement de référence, quelle est la place d’un ARA II pour traiter l’insuffisance cardiaque ? L’étude Val-HeFT modifiera-t-elle nos habitudes de prescription ? Globalement, l’adjonction de valsartan au traitement conventionnel de l’insuffisance cardiaque ne réduit pas la mortalité, mais diminue l’incidence des hospitalisations pour nouvelle poussée d’insuffisance cardiaque. Pour les patients (32 %) recevant déjà le traitement “optimal” (IEC + bêtabloquant), la prescription de l’ARA II est délétère. Pour une minorité de patients sans IEC (près de 3 % sous bêtabloquant et de 5 % sans bêtabloquant), chez lesquels on peut supposer une intolérance aux IEC (toux), il est déjà logique de proposer un ARA II à la suite des études ELITE (Lancet 1997), ELITE II (Lancet 2000), et RESOLVD (Circulation 1999). Reste le sous-groupe numériquement le plus important, traité par IEC sans bêtabloquant (3 034 patients, soit 60 % de la population analysée) : la première question à se poser est sans doute celle de la réalité de la contre-indication ou d’une intolérance aux bêtabloquants qui justifie pour un aussi grand nombre l’abstention de ce traitement. La seconde interrogation réside dans l’alternative suivante : en cas d’impossibilité d’envisager un bêtablocage, vaut-il mieux optimiser le traitement par IEC pour atteindre les doses cibles préconisées (dans l’étude Val-HeFT, par exemple, les doses moyennes de ramipril sont de 6 mg/jour et celles de captopril de 80 mg/jour), et/ou adjoindre un ARA II en admettant une complémentarité d’action, ainsi que cela était suggéré lors de l’étude pilote RESOLVD, où l’association autorisait une meilleure prévention du remodelage ventriculaire que chacun des traitements pris séparément ? Pour conclure, si le traitement de l’insuffisance cardiaque repose en premier lieu sur les IEC et les bêtabloquants, en cas d’intolérance aux IEC (toux) ou de contre-indication ou intolérance aux bêtabloquants, un traitement par ARA II semble aujourd’hui représenter une alternative raisonnable. BIBLIOGRAPHIE. Sont annexées à la publication des résultats de Val-HeFT 30 références, où l’on retrouve les principales études sur les IEC (SOLVD, CONSENSUS...), les bêtabloquants (CIBIS II, MERIT-HF...), les ARA II (ELITE II, RESOLVD...) dans le cadre de l’insuffisance cardiaque. MOTS-CLÉS. Insuffisance cardiaque - Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion - Bêtabloquants. TIRÉS À PART. Dr Cohn, at the Cardiovascular Division, Mayo Mail Code 508, University of Minnesota Medical School, 420 Delaware St., SE, Minneapolis, MN 55455, États-Unis. C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil 38 La Lettre du Cardiologue - n° 354 - avril 2002