Chapitre 1 Suites de fonctions - Institut de Mathématiques de

Universit´e de Bourgogne Licence de Math´ematiques
D´epartement de Math´ematiques R´esum´e du cours Compl´ements d’Analyse
Chapitre 1 Suites de fonctions
1. Suites de nombres, suites de fonctions
Dans tout ce chapitre, la lettre Kesigne le corps Rdes nombres r´eels ou le corps Cdes nombres
complexes. On sait qu’une suite (un) de nombres (d’´el´ements de K) converge vers u(ou tend vers
uou a pour limite (finie) u) si et seulement si :
ε > 0,Nεtel que n, n Nε=⇒ |unu|< ε.
C’est `a dire si les points de la suite (un) sont, `a partir d’un certain rang, tous aussi proche que
l’on veut de u. On sait aussi que la limite, si elle existe, est unique et on note:
u= lim
nun= lim
n→∞ un.
Vous savez aussi que si les limites de (un) et (vn) existent, la limite de la somme (un+vn) est la
somme des limites, la limite du produit (unvn) est le produit des limites etc...
Dans ce chapitre, nous allons ´etudier non pas des suites de nombres mais des suites de fonctions,
toutes d´efinies sur un mˆeme ensemble E.
D´efinition (Limite simple d’une suite de fonctions)
Si (fn)(n= 0,1,2, ...) est une suite de fonctions, toutes d´efinies sur un ensemble Eet `a valeurs
dans K, telle que, pour tout xde E, la suite (de nombres) (fn(x)) converge, on peut d´efinir une
nouvelle fonction de Evers Ken posant :
f(x) = lim
n→∞ fn(x) (xE).
On dit alors que (fn)converge vers fet que fest la limite ou la fonction limite de la suite (fn).
Plus pr´ecis´ement, on dit que la suite (fn)converge simplement sur Eou que fest la limite
simple de la suite (fn)sur E.
Le principal probl`eme que nous allons aborder dans ce chapitre est le suivant : supposons
que chaque fonction fna une propri´et´e agr´eable, est-il vrai que la fonction limite fa aussi cette
propri´et´e ?
Par exemple, si chaque fnest continue, fest-elle continue, si les fnsont d´erivables, de d´eriv´ees
f0
n,fest-elle d´erivable et a-t-on:
f0(x) = lim
n→∞ f0
n(x)?
si les fnsont int´egrables (au sens de Riemann) sur [a, b], fl’est-elle et a-t-on :
Zb
a
f(x)dx = lim
n→∞ Zb
a
fn(x)dx?
1
Tous ces probl`emes se ram`enent `a un probl`eme d’´echange de limites. Par exemple, dire que f
est continue au point x0, c’est dire :
lim
xx0
f(x) = f(x0).
Donc dire que la limite fde la suite de fonctions continues fnest continue au point x0, c’est ´ecrire
:
lim
xx0
f(x) = lim
xx0
lim
n→∞ fn(x) = lim
n→∞ lim
xx0
fn(x)
puisque cette derni`ere quantit´e est lim
n→∞ fn(x0) = f(x0).
La question est donc de savoir si l’ordre dans lequel on calcule ces limites est important ou non.
Nous allons d’abord voir que cet ordre est en g´en´eral essentiel sur des exemples.
2. Contre-exemples
Exemple 1
Le premier exemple est une ‘double suite’. Posons :
un,p =p
n+p(n= 1,2, ...;p= 1,2, ...).
Alors, bien sˆur, si nest fix´e :
lim
p→∞ un,p = 1 et donc lim
n→∞ lim
p→∞ un,p = 1.
Mais au contraire, si on fixe p,ona:
lim
n→∞ un,p = 0 et donc lim
p→∞ lim
n→∞ un,p = 0.
On voit donc que l’interversion des limites n’est pas une action anodine.
Exemple 2
On d´efinit les fonctions fnpar :
fn(x) = x2
n
X
k=0
1
(1 + x2)k(xR, n = 1,2, ...).
Alors fn(0) = 0 quel que soit net donc la suite (fn(0)) tend vers 0. D’autre part, si xn’est pas
nul, la suite (fn(x)) est le produit par x2de la somme des termes d’une suite g´eom´etrique de raison
1
1+x2. Cette somme converge donc et :
f(x) = lim
n→∞ fn(x) = x21
11
1+x2
= 1 + x2(x6= 0).
Sur cet exemple, on voit que la suite de fonctions continues (fn) tend vers une fonction fqui n’est
pas continue en 0.
Exemple 3
2
Posons :
fn(x) = sin(n2x)
n(xR, n = 1,2, ...).
Alors la suite (fn) tend simplement vers la fonction identiquement nulle :
f(x) = lim
n→∞ fn(x) = 0 xR.
On voit que chacune des fonctions fnest d´erivable, que fest aussi d´erivable mais que la suite des
fonctions f0
n:
f0
n(x) = ncos(n2x)
ne converge pas vers la fonction f0. En effet, elle ne converge mˆeme pas sur Rpuisque par exemple
:
lim
n→∞ f0
n(0) = +,alors que f0(0) = 0.
Exemple 4
D´efinissons la suite de fonctions (fn) sur [0,1] par :
fn(x) = nx(1 x2)n(x[0,1], n = 1,2, ...).
Si 0 < x 1, 1 x2est strictement plus petit que 1 et donc (1 x2)ntend vers 0 plus vite que n
lorsque ntend vers l’infini. On a donc :
f(x) = lim
n→∞ fn(x) = 0 si 0 < x 1.
D’autre part, fn(0) est toujours 0, la suite (fn(0)) tend donc aussi vers 0 et la suite (fn) tend vers
la fonction nulle. En posant t= 1 x2,ona:
Z1
0
x(1 x2)ndx =Z0
1
tndt
2=tn+1
2(n+ 1)t=1
t=0
=1
2n+ 2.
On a donc :
lim
n→∞ Z1
0
fn(x)dx = lim
n→∞
n
2n+ 2 =1
26=Z1
0
f(x)dx = 0.
Tous ces exemples montrent qu’il est impossible d’´echanger les limites sans pr´ecautions et qu’on
a besoin d’une notion de convergence ‘plus forte’ que celle de la convergence simple pour pouvoir
faire ces op´erations.
3. La convergence uniforme
D´efinition (Convergence uniforme)
On dit qu’une suite de fonctions (fn)converge uniform´ement sur Evers une fonction fsi pour
tout ε > 0, on peut trouver un nombre N(=Nε) tel que d`es que nest sup´erieur `a N,
|fn(x)f(x)|< ε,
pour tout xde E.
3
Une suite de fonctions (fn) qui converge uniform´ement vers f, converge aussi simplement vers
f. Il y a cependant une diff´erence importante entre les deux notions: la suite (fn) tend simplement
vers fsi on peut trouver pour chaque xde Eet pour chaque ε > 0 un nombre Nx,ε, qui (`a priori)
d´epend `a la fois de xet de εtel que |fn(x)f(x)|< ε lorsque nd´epasse Nx,ε. Alors que le nombre
Nqui apparaˆıt dans la d´efinition de la convergence uniforme ne d´epend pas de x: c’est le mˆeme
qui convient pour tous les x.
On peut aussi utiliser des quantificateurs : la diff´erence entre la convergence uniforme et la
convergence simple est alors une diff´erence de place de ces quantificateurs :
Convergence simple de (fn) vers f:
xE, ε > 0,N(= Nx,ε) tel que n, n N=⇒ |fn(x)f(x)|< ε.
Convergence uniforme de (fn) vers f:
ε > 0,N(= Nε) tel que xE, n, n N=⇒ |fn(x)f(x)|< ε.
Le ‘xE’ s’est d´eplac´e !
Par exemple, la suite de fonctions d´efinies sur [0,1[ par:
fn(x) = xn
converge simplement vers la fonction f:
f(x) = 0
mais pas uniform´ement. Si xest fix´e, il faudra que nd´epasse Log(ε)
Log(x)pour que |xn|< ε. Donc ‘au
mieux’ on doit prendre Nx,ε =hLog(ε)
Log(x)i+ 1 et lorsque xtend vers 1, ce nombre tend vers l’infini.
Il est impossible de trouver un Nqui convienne pour tous les xde [0,1[ `a la fois.
Une application directe de la d´efinition est :
Proposition (Formulation ´equivalente)
Soit (fn)une suite de fonctions d´efinies sur Equi converge simplement vers la fonction f.
Posons:
Mn= sup
xE
|fn(x)f(x)|.
(par convention Mn= +si la fonction |fnf|n’est pas born´ee). Alors la suite (fn)converge
uniform´ement vers fsur Esi et seulement si la suite (Mn)tend vers 0 quand ntend vers l’infini.
Preuve
Supposons d’abord que la suite (fn) converge uniform´ement vers fsur E. Alors
ε > 0,Ntel que xE, n, n N=⇒ |fn(x)f(x)|< ε.
Donc d`es que nd´epasse N, tous les nombres |fn(x)f(x)|sont plus petits que ε, donc Mnε,
d`es que nN, c’est `a dire : Mn0.
R´eciproquement, si la suite (Mn) tend vers 0, pour tout ε > 0, on peut trouver Ntel que d`es
que nd´epasse N,Mn< ε, ce qui implique que, pour tous les xde E,|fn(x)f(x)|< ε, donc (fn)
converge uniform´ement sur Evers f.
4
La quantit´e Mn, lorsqu’elle est finie s’appelle aussi la norme de la convergence uniforme de la
fonction fnf. Elle se note alors :
Mn=kfnfk= sup
xE
|fn(x)f(x)|.
On a aussi un crit`ere de Cauchy ‘uniforme’
Th´eor`eme (crit`ere de Cauchy uniforme)
Une suite de fonctions (fn)d´efinies sur Econverge uniform´ement sur Esi et seulement si, pour
chaque ε > 0, on peut trouver un nombre Ntel que pNet qNimplique
|fp(x)fq(x)|< ε,
pour tous les xde E. Ceci s’´ecrit aussi:
ε > 0,Ntel que xE,
p, p N
et
q, q N
=⇒ |fp(x)fq(x)|< ε.
Preuve
Si la suite (fn) converge uniform´ement sur Evers une fonction f, alors pour tout ε > 0, il
existe un Ntel que l’on ait, pour tous les xde E,|fn(x)f(x)|<ε
2, d`es que n>N. Alors, si
p > N,q > N et xE,ona:
|fp(x)fq(x)| ≤ |fp(x)f(x)|+|f(x)fq(x)|< ε.
R´eciproquement, si on a cette in´egalit´e, on fixe d’abord un xde E. La suite de nombres (fn(x))
est de Cauchy dans K, donc elle converge vers un nombre f(x). Autrement dit, nous avons trouv´e
une fonction fqui est la limite simple de la suite de fonctions (fn).
Dans l’in´egalit´e du th´eor`eme, on fait tendre qvers l’infini, on obtient :
ε > 0,Ntel que xE, p, p N=⇒ |fp(x)fq(x)| ≤ ε.
Ceci signifie que la suite de fonctions (fn) converge uniform´ement vers fsur E.
L’int´erˆet du crit`ere de Cauchy est que l’on n’a pas besoin de connaˆıtre la limite fpour prouver
que la suite (fn) converge uniform´ement.
4. Convergence uniforme et continuit´e
C’est l’un des principaux th´eor`emes du cours. Tout d’abord, le fait que la limite des fonctions
soit uniforme permet d’´echanger l’ordre des limites :
Th´eor`eme (interversion des limites)
Soit (fn)une suite de fonctions toutes d´efinies sur un ensemble m´etrique Eet `a valeurs dans K
(ou Kd) et convergeant uniform´ement sur Evers une fonction f. Soit aun point d’accumulation
de E. On suppose que, pour chaque n,
lim
xafn(x) = ln.
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