PROJET ARFI 2015 MANGER MAIN en PSYCHOGERIATRIE MISE EN PLACE D’UNE ALIMENTATION ALTERNATIVE ET ADAPTEE A CERTAINES PERSONNES ATTEINTES DE LA MALADIE D’ALZHEIMER Présenté par l’équipe de soins du Service F et service pluridisciplinaire (logistique et diététique) - Centre de long séjour des Charmilles - 42400 Saint-Chamond Photographie du service en Novembre 2011 : Lors du passage régulier de la diététicienne dans l’unité de soin de psycho-gériatrie, les remarques concernant les repas sont nombreuses : pas assez de plats adaptés, difficultés à mettre des patients dans une texture précise comme le menu haché ou mixé. L’équipe n’est pas satisfaite des plats envoyés par la cuisine, elle est découragée par l’inadéquation des menus proposés et les résidents se salissent beaucoup à table. Lentilles ou carottes râpées se retrouvent plus sur la table ou sur le sol que dans leurs estomacs ! Les patients sont agressifs, ne restent pas à table et les soignants ont du mal à les aider dans la prise alimentaire. La cadre du service a entendu parler d’une nouvelle texture de plats : le « manger main ». Une première réunion a lieu et l’aventure commence ! L’équipe qui a travaillé sur le projet Mme SESSIECQ – PEYSSONEAUX et Mme PARRIN : cadre de soins et FF cadre de soins Unité F Soignants du service : Mme THOLLET IDE, Mme PIERRERA AS, Mme BENREDJEM APH Mme PITIOT : diététicienne et le service diététique Mme ZANOVELLO : infirmière hygiéniste pour l’hygiène des mains des résidents avant le repas Mr TERRASSE : Chef de cuisine Mme DURUPT : Cadre Supérieure de Santé Gériatrie Mme ZIGNA : Directrice des Services Logistiques Situation antérieure : Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, la perturbation de la perception des aliments est souvent associée à une perte des repères alimentaires qui rythment la journée. Pour bon nombre d’entre eux, les troubles praxiques entraînent très souvent des difficultés à utiliser convenablement les couverts classiques, d’où les nombreuses salissures et des comportements désordonnés à table. Il est donc difficile pour eux de manger des carottes râpées, des lentilles, ou même un plat mixé, par exemple. Une majorité d’entre eux sont d’ailleurs dénutris. La consommation de produits de complémentation hyper-protéinés dans ce service est parallèlement très importante. Le constat est que les briquettes ou les crèmes sont rarement consommés en entier et entraînent vite une lassitude. Ne serait-il pas plus agréable pour cette population, de recevoir des préparations alimentaires classiques, identifiables et moins onéreuses telles des bâtonnets de fromage secs ? QUELQUES IDEES : Dans de nombreux établissements accueillants ce type de patients, des menus spécifiques ont été aménagés. Appelés « Menu-doigts ou Manger-mains », ils ont permis une meilleurs acceptation du repas par les résidents, donc une meilleure nutrition et permettent un retour à l’autonomie. A la demande de Mme SESSIESQ-PEYSSONNEAUX, un repas test « manger doigts » a été organisé le jeudi 10 Novembre dernier dans l’unité, en présence du psychologue de l’EHPAD. Des aliments complets d’un genre nouveau, sous forme de bâtonnets, composés de viande et légumes ont été proposés aux pensionnaires les plus perturbés. Rapidement, après quelques minutes de découverte, ils ont portés les aliments à la bouche et ont terminé la portion qui leur était proposée. Une terrine de fruits parfum poire et chocolat a également eu du succès. Monsieur Terrasse avait proposé des gourdes de compote comme dessert. Une patiente a su immédiatement comment l’utiliser et les autres résidents ont déversé le contenu sur leurs fromages blancs. Les tests sont concluants. Une réflexion a été menée par l’équipe également sur les types d’aliments classiques en collectivité que ces pensionnaires pourraient manger seuls comme les pommes de terre dauphines, la terrine de poisson, les quenelles, les galets de légumes…. Un nouveau test sera réalisé sur toute l’unité, à plus grande échelle. De nombreuses études de gérontologie montrent que les patients Alzheimer et une majorité de grands vieillards éprouvent le besoin d’une collation nocturne. Cette collation procure de l’apaisement, et facilite le retour au sommeil. Elle permet également d’augmenter l’apport calorique de la journée. PRATIQUEMENT : Possibilité d’ajouter une collation de nuit, pour les résidents qui le nécessitent, avec le logiciel repas DATA-MEAL Possibilité de livrer les collations nuit avec le repas du soir Possibilité de commander du matériel de type ergothérapie pour faciliter la prise des aliments (tapis antidérapant, butée et couverts ergonomiques…) Le menu spécifique « Manger-mains » pourrait être étendu aux autres patients du long séjour. • Chez une partie de nos patients atteints de la maladie d’Alzheimer, on constate des troubles praxiques avec une difficulté à utiliser les couverts, qui sont laissés de côté. Ils utilisent facilement leurs mains pour porter la nourriture à la bouche, mais les préparations alimentaires ne sont pas adaptées… L’aide au repas est totale ou partielle : le menu mixé est fréquemment donné à cause des problèmes de mastication et de déglutition mais le nourrissage à la cuillère est souvent mal vécu par le patient et le refus alimentaire est fréquent. Le travail est pénible pour les soignants qui sont démotivés et qui ont l’impression de réaliser un geste invasif assimilé au gavage, surtout par manque de temps. Le stress est important pour l’équipe soignante au moment du service des repas. • Les résidents sont agités à table. Ils ont du mal à rester assis et déambulent facilement pendant le temps du repas, ce qui ne facilite pas la prise d’aliments. L’administration des traitements est fastidieuse pour l’équipe soignante. Les résidents présentent aussi des réflexes d’opposition, de défense, des refus de manger ou des troubles compulsifs. Ils ont bien souvent perdu les repères alimentaires, qui rythment la journée. • Les salissures sont très importantes après le repas souvent inadapté ( plats en sauce, légumes qui s’écrasent, aliments qui glissent entre les doigts..) et peu de nourriture est réellement consommée par les résidents, ce qui entraine un gaspillage quotidien. • La perte d’appétit est fréquente et entraîne rapidement un déficit protéino-énergétique. La dénutrition s’installe avec une perte de poids, une baisse de l’albuminémie et influe sur l’état physique et le déclin cognitif du patient. Les relevés de poids mensuels en baisse sont significatifs d’un manque d’apports énergétiques. PHOTO PREVUE • La perte d’appétit est fréquente et entraîne un déficit protéino-énergétique. La dénutrition s’installe avec une perte de poids, une baisse de m’albuminémie et influe sur l’état physique et le déclin cognitif du patient L’historique du manger main : D’origine plutôt anglo-saxonne, ce nouveau mode alimentaire appelé aussi « finger-food » correspond globalement aux plats que l’on retrouve dans un buffet dinatoire. Cheminement du projet: Nous réfléchissons tous ensemble, dans le service, à ce qu’un enfant de 18 mois à 2 ans est capable de manger seul et le premier catalogue de plats « manger main » est écrit en collaboration avec les soignants. Il faut ensuite passer en revue tous les plats existants dans le menu gériatrique actuel et ne garder que ceux qui sont compatibles avec cette nouvelle façon de s’alimenter. Le projet remporte immédiatement un vif succès auprès de notre Direction des Services Logistiques et le chef de cuisine est d’accord pour tester les nouveaux produits élaborés par les fournisseurs en agroalimentaire : des bâtonnets composés de viande et légumes et des bouchées tendres pouvant remplacer la viande du menu. Le but du projet est d’arriver à proposer des aliments qui restent moelleux et qui se portent à la bouche facilement sans changer de texture, sans s’effriter. En réorganisant l’offre alimentaire par un menu spécifique adapté, toute l’année, notre objectif est de redonner de l’autonomie aux résidents dans un souci de bientraitance. PHOTO PREVUE Les enjeux majeurs : nourrir un patient atteint de la maladie d’Alzheimer : Points négatifs : Ce nouveau mode alimentaire n’est pas sans perturber les codes sociaux occidentaux, car manger à l’aide de ses mains peut être porteur de préjugés : manque de propreté, manque de respect des conventions sociales. Il peut accroître la peur, chez les proches, d’une accélération de la régression. La mise en place de ces repas spécifiques, passe par une information pédagogique auprès des soignants et surtout des familles des résidents. Certaines préparations sont données froides et les soignants sont réticents. . Points positifs : Dès le début du projet, les retours sont positifs. Les soignants constatent un changement de comportement chez beaucoup de résidents : devenus plus sereins, les repas, se font désormais dans une ambiance plus calme, ils restent plus longtemps à table et sont moins agités. Beaucoup de patients servis auparavant en texture mixée deviennent capables de se nourrir à nouveau seuls avec les bouchées présentées. Des stabilisations et reprises de poids sont observées. Les repas sont devenus moins intrusifs et respectent le résident en lui donnant plus d’autonomie. On constate la disparition des souillures sur les vêtements. Avec ce nouveau menu nous redonnons aux résidents, la liberté de s’alimenter de façon autonome. Non voyant, malvoyant, ou désorienté dans l’espace et le temps, le résident peut utiliser ses mains et porter seul les aliments à sa bouche. La prestation hôtelière est améliorée, avec des préparations colorées, agréables au goût, qui stimulent l’appétit. L’éventail de plats proposés au quotidien dans le service est beaucoup plus large et permet ainsi un meilleur équilibre alimentaire Ils sont de forte densité calorique et permettent d’améliorer les apports nutritionnels et favoriser ainsi le maintien ou la reprise de poids Les nouvelles préparations stimulent plus l’appétit en utilisant le sens du toucher et l’odorat du patient. Le rythme alimentaire est mieux respecté qu’avant avec un temps passé à table de plus d’une heure et les repas se déroulent avec plus de sérénité Les résidents peuvent à nouveau gérer leur faim et leur plaisir gustatif. Les résidents mangent mieux et sont plus calmes à table Des reprises de poids sont rapidement constatées Les dates clés Premières réflexions dans le service à partir de novembre 2011 Premiers groupes de travail en octobre 2012 Présentation et validation au CLAN en mars 2012 Ecriture d’un catalogue de plats ou préparations possibles et essais de nouveaux produits en février 2012 Création des menus « manger main » et paramétrage du logiciel repas du menu manger main sur les quatre saisons de repas sur l’année 2013 et 2014 Démarrage du projet en Automne 2013 Apéritif dinatoire de présentation aux familles le 1er Avril 2014 grâce à la participation de la cuisine centrale Eléments budgétaires Le budget alloué aux repas du menu manger main n’est pas supérieur à celui utilisé pour les repas à texture modifiés (menu haché ou menu mixé…) Les points essentiels de la conduite du changement Il a fallu repenser complètement l’organisation des repas et créer de toutes pièces, un nouveau menu, paramétré entièrement sur le logiciel repas par le service diététique. Le projet a induit plus de temps de préparations en cuisine centrale, pour les plats spécifiques, qui sont actuellement produits en petite quantité. Une information pédagogique a été nécessaire auprès des soignants et des familles pour appréhender et transmettre cette nouvelle façon de manger. Une participation volontaire des agents du service est indispensable pour sa mise en œuvre : par la participation aux réunions, aux différentes réflexions, aux essais de produits, et participation à la préparation quotidienne de certains aliments (boissons servies au verre, tartinage des purées de légumes sur le pain de mie, découpe de certains plats comme les terrines en bâtonnets …) Principaux changements induits par le projet pour chaque population concernée Pour les résidents : nouvelle présentation des aliments dans l’assiette, retour à l’autonomie et au calme Pour les soignants : plus de satisfaction accompagnement de meilleure qualité pendant le repas Pour les familles : satisfaction devant l’amélioration de l’appétit de leurs proches Pour les médecins : amélioration des critères biologiques et anthropologiques liés à la surveillance de la dénutrition Pour le service logistique : moins de gaspillage alimentaire Les principaux risques Travail d’équipe pluridisciplinaire et de collaboration entre les cuisines, le service et le service diététique : une bonne communication est nécessaire Perturbation des valeurs et des représentations liées aux repas : manger avec ses mains Perturbation des codes occidentaux, risques d’incompréhensions et de préjugés (manque de propreté, de conventions sociales, accélération de la régression). Risque de fausses routes pour certains résidents Risque de contamination par des mains insuffisamment lavées avant le repas ( matières fécales ou terre …) Les leviers de conduite du changement L’implication de tous les acteurs a été nécessaire dans un projet de cette envergure, parce qu’il nécessite une prise de conscience générale de la place laissée au patient Alzheimer, en temps qu’individu, dans le dispositif de soins. Les tests réalisés plusieurs jours de suite ont été rapidement concluants et encourageants et ont donné envie de poursuivre le projet. Communication : Apéritif dinatoire : présentation aux familles des résidents du service Conseil des familles : présentation à l’ensemble des familles des résidents en secteur gériatrique Article journal interne Hôpital du Gier : présentation à l’ensemble du personnel du HdG Formation : formation des nouveaux arrivants dans le service à ce nouveau menu Les moyens nécessaires - Il est clair que la charge de travail à fournir pour la mise en place d’un projet comme celui-là se situe dans la phase d’expérimentation et d’organisation : travail au sein de l’équipe soignante, élaboration des menus, paramétrages informatiques, tests, surveillance du nouveau dispositif…. Et demande plusieurs mois d’étroite collaboration entre tous les acteurs - D’un point de vue technique : augmentation de la charge de travail en cuisine centrale mais alimentation mieux consommée qu’auparavant et diminution importante du gaspillage et diminution ensuite du nombre de parts produites dans le menu gériatrique classique Evolution du projet : Mise en place du projet dans le service de Psycho-gériatrie dans un premier temps (cantou et UHR) Perspective de proposer cette alimentation (à moyen et long terme) à tous les résidents en long séjour, en secteurs de gériatrie, court séjour gériatrique, MPR et en cancérologie. Conclusion : Cette refonte des repas permet une avancée de la prise en considération des besoins des personnes âgées, vers une autonomisation de l’alimentation. Le repas peut ainsi redevenir un moment de bien-être. Il permet d’apporter à nouveau, sérénité et plaisir.