gence et sobrement nommé « Le petit
café ». Durant un moment, les résidents
envisagent la vie sous un autre angle et
réfléchissent ensemble à des sujets aussi
originaux que le « confort ».
Plastiline
Un peu plus loin, une vaste pièce va bien-
tôt abriter des ateliers d’art plastique.
L’artiste Agnès Caffier devrait inaugurer
cette salle. Elle tentera de faire parta-
ger sa passion pour la Plastiline qu’elle
manipule depuis plusieurs années. Cette
matière ressemble à la pâte à modeler et
permet de mêler le cinéma d’animation
et le théâtre d’ombre pour exprimer ses
sensations et son univers.
Autre lieu symbolique de l’élan artistique
que veut se donner le Centre Louvel-
Tessier : le cyberespace situé au même
niveau. Composé de quinze ordinateurs,
il sera un lieu de formation de français
langue étrangère particulièrement axé
sur la question du logement. Il devra éga-
lement servir à l’élaboration d’un journal
rédigé et fabriqué par les résidents. Une
manière d’inscrire la culture dans la
durée.
Ces derniers ne resteront pas seuls face
à l’option culturelle. « Nous irons les
chercher pour les mettre dans une
dynamique de découverte. Nous n’au-
rons aucun mal à le faire. Beaucoup
d’entre eux sont en demande de recon-
naissance sociale et tous ces projets
vont leur donner l’occasion d’exister »,
explique Pascale Astier.
Liberté
Un animateur socio-culturel a été spé-
cialement recruté pour accompagner les
résidents dans leur démarche artistique. Il
devrait leur permettre de mieux exprimer
leurs envies mais également de partager
certaines sorties au théâtre ou dans des
musées. Plus généralement, la culture
sera complètement intégrée à l’accompa-
gnement classique. « J’ai sensibilisé mon
personnel de manière à ce que nous
puissions agir de façon coordonnée.
Nous aborderons aussi ces questions
avec les résidents lors des conseils de
vie sociale que nous animons tous les
mois », annonce Pascale Astier.
Selon la directrice du centre, cette
démarche doit permettre aux personnes
accueillies de retrouver des repères et de
l’envie : « nous accueillons des femmes
et des hommes qui ont connu la rue
durant plus de quinze ans et qui ont
tout perdu. Ils n’ont plus de projets. Leur
vie n’a plus de sens. L’art doit redonner
à leur existence un peu de perspective ».
Une vision que partage Hélène Thouluc,
chargée de mission culture à Emmaüs
Solidarité. « Nous avons souhaité un
espace de liberté qui leur soit quotidien-
nement accessible. Avec la culture on
se redécouvre, on découvre les autres.
On crée du lien et on reprend confiance.
Sans s’en apercevoir, on pose les fonde-
ments de la réinsertion sociale. »
Le Centre Louvel-Tessier a vocation à être
investi par les habitants du quartier. Ils
pourront profiter du lieu et tisser des
liens avec les personnes hébergées, met-
tant fin à de nombreux préjugés. Dès le
mois de novembre, par exemple, le centre
sera l’un des 70 espaces d’exposition par-
ticipant aux Rencontres photographiques
du 10e arrondissement de Paris avec ses
accrochages, ses rencontres et ses débats.
L’auditorium devrait aussi accueillir dans
les prochaines semaines des conseils de
quartier et des conseils de jeunes. « Cet
endroit donne une chance aux résidents
d’être vus et identifiés dans le quartier
comme des citoyens, pas uniquement
comme des personnes hébergées »,
conclut Hélène Thouluc.
n
Antoine Janbon
15
UNION SOCIALE - Novembre 2011 - N°251
Jean, révélé par
la scène
Dans la vie, Jean, 43 ans, est un
homme timide, le regard fuyant et
les paroles rares. Sur la scène en
revanche, il devient un véritable
lion, éclatant de talent, se révélant
aux autres autant qu’à lui-même.
Hébergé au Centre Louvel-Tessier,
après avoir connu la rue, cela fait un
plus de deux ans qu’il a découvert
le théâtre. « La première fois, je suis
allé à un atelier un peu par curio-
sité, sans a priori, juste pour voir. Je
restais au fond de la pièce pour que
personne ne me voie. Ma timidité
m’empêchait de me rapprocher. »
Pourtant au fil des séances, Jean
prend de la confiance, encouragé
par la troupe qui organise les ate-
liers. « Au début, je devais dire deux mots, puis deux phrases. Je me suis
aperçu que sur la scène, j’étais vu différemment, que je pouvais faire rire et
m’amuser avec le public. On peut dire que cela m’a fait du bien. »
Bien sûr, le théâtre n’a pas changé sa vie mais aujourd’hui, Jean n’envisage
pas de se passer de ce rendez-vous du lundi. « Cela me permet d’oublier le
quotidien, le chômage, le manque de perspectives. Sur les planches, je suis
quelqu’un d’autre mais en y réfléchissant bien, c’est peut-être là que je deviens
vraiment moi-même… »
AJ
© F. Stijepovic