
Convaincre dans l’incertitude. Les publicitaires et les chiffres Alexandre Coutant
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Des chiffres interrogés
La présentation de ces méthodes au sein des ouvrages à destination des
professionnels donne systématiquement lieu à leur remise en question.
Les auteurs s’interrogent sur la standardisation des méthodologies, sur les
critères interrogés et, bien sûr, sur l’impact sur les ventes. La circulation
de la publicité est reconnue, de l’aveu même des praticiens, comme un
phénomène bien trop complexe pour être évalué par un seul critère,
comme l’impact ou la persuasion 1. La question de l’évaluation par les
ventes demeure un autre point sensible aux yeux de tous les acteurs du
secteur du marketing et de la communication : bien que chacun s’accorde
sur la difficulté de réduire les avantages apportés par un investissement
publicitaire aux effets sur les ventes, ce critère demeure le plus recherché
par l’annonceur qui, faute d’instruments de mesure précis pour évaluer
les autres effets bénéfiques pouvant être tirés d’une campagne, s’en tient
aux domaines où des chiffres s’avèrent plus facilement accessibles. La
préservation et l’accroissement des parts de marché conservent ainsi une
importance primordiale dans l’évaluation alors même que d’autres fonc-
tions sont reconnues à l’activité publicitaire.
Les spécificités de la relation agence / annonceur
Les agences subissent deux contraintes spécifiques qui peuvent aider à
éclairer l’utilisation qu’ils font des chiffres dans leurs relations de travail
avec l’annonceur. Les agences, premièrement, s’adressent à deux publics :
les consommateurs et les annonceurs en accordant leur préférence aux
annonceurs. Deuxièmement, les agences doivent composer avec
l’incertitude inhérente aux campagnes publicitaires.
Un double public
La première particularité du travail des publicitaires réside dans le fait
que ceux-ci cherchent à séduire avec le même produit un double public
aux caractéristiques différentes : les consommateurs et les annonceurs.
Les campagnes, réalisées pour une cible marketing prédéfinie, doivent
tout d’abord séduire l’annonceur, qui n’interprétera pas nécessairement
un projet selon les mêmes cadres que les consommateurs visés. Or, en
1 C’est notamment les conclusions tirées par la grande association interprofes-
sionnelle américaine Advertising Research Foundation d’une vaste étude
menée tout au long des années 1980 aux États-Unis.