Les Barrières à l`entrée : un retour aux origines1

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Les Barrières à l’entrée : un retour aux origines1
Olivier Maillard
Directeur des Programmes Bachelor
Groupe Sup de Co La Rochelle (France)
[email protected]
Résumé
La position à l’égard des barrières à l’entrée a évolué depuis la fin des années 70. Certains
éléments, considérés antérieurement comme à l’origine de barrières, apparaissent maintenant
sous un jour plus favorable. Les travaux de von Weiszäcker (1980), Demsetz (1982) et
Baumol, Panzar et Willig (1982) ne sont pas étrangers à ces évolutions en fournissant aux
autorités chargées de favoriser la concurrence un certain nombre de critères normatifs à
l’aune desquels juger une structure de marché. L’idéal concurrentiel reste toutefois celui de la
concurrence pure et parfaite et la référence, celle de l’équilibre. Certains économistes, parmi
lesquels les économistes de la tradition autrichienne, en appellent à revenir à la conception
classique de la concurrence, qui tourne le dos à l’idée de structure et de statique
(caractéristiques de la vision pure et parfaite de la concurrence) et met l’accent sur les
comportements et la dynamique. Les seules barrières susceptibles d’être observées dans cet
environnement sont les barrières légales. Les lois antitrust deviennent dès lors inutiles et
seuls comptent la liberté d’entrée, les droits de propriété et le contrat.
Summary
The way we are analysing barriers to entry has changed in the early eighties under the
influential writings of Von Weiszäcker (1980), Demsetz (1982) and Baumol, Panzar and
Willig (1982). Their normative approach give the antitrust authority the opportunity to lead a
policy guided by the promotion of efficiency. Perfect competition and equilibrium remain
however the reference. Some economists, stemming essentially from the austrian tradition, are
promoting the classical vision of competition, a dynamic and behavioural approach, unlike the
structural and static view of the standard model. The only barriers in the classical world are
legal. The antitrust laws are then useless and freedom of entry, property rights and contract
are central features.
Certaines idées, exposées dans ce texte, ont été présentées au séminaire 3DI de l’Université Paris II
Panthéon-Assas de même qu’au séminaire du Centre d’Analyse des Processus de Marché (CAPM) de
l’Université Paris I, Paris II et Paris IX. Je remercie vivement les participants de ces séminaires et tout
spécialement David Bounie et Alain Redslob pour leurs commentaires. Les formules d’usage
s’appliquent bien entendu.
1
2
Introduction
L’une des prédictions les plus importantes de la théorie économique pose que
des profits anormalement élevés ne peuvent perdurer dans une industrie
concurrentielle car leur présence attirera de nouvelles firmes. L’accroissement de la
production qui suivra ramènera le prix au niveau concurrentiel, c’est-à-dire au
minimum de la courbe de coût moyen. Le taux de profit réalisé par les firmes
rejoindra alors un niveau normal, celui-la même qu’elles pourraient obtenir en
affectant leurs ressources dans des projets alternatifs de risque équivalent.
La libre-entrée assure donc une allocation efficiente des ressources dans
l’économie. Si, contrairement aux implications de la théorie, la convergence des taux
de profit n’est pas observée, trois explications peuvent être avancées : tout d’abord,
les risques peuvent être significativement différents d’une industrie à l’autre ;
ensuite, la convergence peut être lente, en raison de taux d’entrée/sortie
particulièrement faibles, et, pour finir, l’absence de convergence peut révéler
l’existence de barrières à l’entrée. Les deux premières objections peuvent être
aisément contournées empiriquement en adoptant une démarche dynamique et en
corrigeant les taux de rendement économique des différences de risque. C’est sur le
dernier point, celui de l’existence de barrières à l’entrée, que se focalise toutes les
oppositions. En effet, de nombreux désaccords existent sur la définition même des
barrières à l’entrée, sur les sources de ces barrières et, partant, sur les implications de
politique concurrentielle.
Les définitions traditionnelles des barrières à l’entrée mettent l’accent sur les
différences d’opportunités des firmes installées et des firmes candidates à l’entrée (I).
Certaines objections formulées à leur encontre permettent de renouveler l’analyse
des barrières à l’entrée et de l’action des autorités en charge de la concurrence (II).
Les progrès en matière de compréhension des barrières à l’entrée sont non
négligeables mais ils ont lieu dans un cadre théorique particulier, celui de la
concurrence statique. Un retour à la vision classique de la concurrence, et à son
expression contemporaine par les économistes autrichiens, permet d’améliorer la
compréhension du phénomène concurrentiel et de ses entraves (III). L’évolution de la
jurisprudence du Conseil de la Concurrence montre que ce dernier a intégré nombre
d’avancées théoriques lui permettant de mieux fonder ses décisions mais n’a pas pris
à son compte le paradigme autrichien (IV).
3
I.
Les définitions traditionnelles des barrières à l’entrée
On doit à Bain (1956) et Sylos-Labini (1957) d’avoir les premiers développé le
concept de barrières à l’entrée et souligné le rôle crucial de la concurrence
potentielle2. La portée de leurs travaux est double.
Bain et Sylos-Labini ont, tout d’abord, permis de dégager les facteurs
caractérisant les structures industrielles, et plus particulièrement les barrières à
l’entrée. Ces barrières peuvent être qualifiées de naturelles dans la mesure où elles
sont indépendantes de l’action des firmes installées. En effet, seules les conditions
économiques prévalant dans certaines industries peuvent bloquer l’entrée d’une
firme sur une marché.
Ils sont, ensuite, à l’origine de l’idée que certains comportements adoptés par
les firmes installées, telles que les stratégies de prix, de production,
d’investissements, de recherche & développement, de promotion et de publicité,
peuvent influencer les facteurs de structure et plus particulièrement l’accès des
entrants potentiels. On parlera, dans ce cas, de barrières stratégiques et la structure de
marché est endogénéisée3. Ces comportements stratégiques sont certes très pauvres
chez Bain et Sylos-Labini, comme l’a souligné Modigliani (1958), reflétant sans doute
la croyance que seuls les facteurs structurels sont réellement déterminants à long
terme, mais ils marquent le début d’un ensemble de travaux qui cherchera à
modéliser les réactions des firmes installées à la menace d’entrée grâce, notamment,
aux apports de la théorie des jeux.
I.1. – Des divergences de conception en matière de barrières à l’entrée…..
Bain (1956) donne la définition suivante des barrières à l’entrée :
« Les barrières à l’entrée sont les avantages que détiennent les entreprises en
place dans une industrie sur les entrants potentiels, ces avantages se manifestant
2 La reconnaissance de la concurrence potentielle comme mécanisme de contrôle des comportements
de certaines firmes en position d’exploiter un certain pouvoir de marché revient incontestablement à
J.B. Clark (1902). Toutefois, les travaux de Bain et Sylos-Labini ont remis ce concept au cœur de l’étude
des structures de marché.
3 Salop distingue les barrières à l’entrée « innocentes » des barrières à l’entrée « stratégiques » (Salop,
1979). Cette distinction est celle que nous retenons nous-mêmes, mais elle n’est pas sans poser
problème. En effet, il apparaît difficile de bien séparer ce qui dans une certaine dépense relève d’une
simple volonté de maximiser les profits en absence d’entrée et ce qui relève au contraire d’une volonté
délibérée d’empêcher l’entrée. Dans le premier cas, la firme en place serait supérieure (en raison d’une
technologie plus efficiente par exemple) et capable d’empêcher l’entrée comme un produit-joint de la
maximisation du profit. Dès lors, l’entrée est entravée pour des raisons exogènes, relatives aux
fonctions de coût et de demande. Dans le second cas, la firme installée est moins (ou autant) efficiente
que la firme candidate à l’entrée mais elle dispose d’un avantage dû à des engagements de ressources
antérieures.
4
dans leur capacité à vendre au-dessus du prix concurrentiel, sans attirer de nouvelles
firmes dans l’industrie » (Bain, 1956, p.3).
Sur un plan empirique, l’observation de profits anormalement élevés et
persistant est donc, pour Bain, le signe de la présence de barrières à l’entrée dans le
secteur considéré, l’ampleur des profits constituant une mesure du niveau de ces
barrières. C’est la définition usuelle des barrières à l’entrée.
La définition que donne Stigler (1968) des barrières à l’entrée, en mettant
l’accent sur l’existence d’une asymétrie dans les fonctions de coût entre les firmes
installées et les nouveaux arrivants, semble coïncider, au premier abord, avec celle de
Bain :
« Une barrière à l’entrée est un coût de production qui doit être supporté par
une firme voulant pénétrer un marché sans que celles en place aient à le faire »
(Stigler, 1968, p.67)
Mais au-delà de cet accord apparent sur la définition des barrières à l’entrée,
chacun met l’accent sur les opportunités différentes auxquelles ont à faire face les
firmes en place et les firmes candidates à l’entrée, des divergences existent.
Bain définit les barrières à l’entrée du point de vue de la firme installée.
L’évaluation de la barrière à l’entrée nécessite de comparer les profits de l’entreprise
établie avant l’entrée et ceux de son rival après l’arrivée sur le marché, sachant que
cette entrée peut susciter une réaction de la firme établie.
Stigler se place du point de vue des firmes postulantes. La présence de
barrières à l’entrée pour Stigler est décelée par la comparaison des profits de la firme
installée avec ceux de la firme entrant potentiel, si celle-ci produisait la même
quantité que la firme en place. Si la différence de profits est positive, en faveur de la
firme installée, on a une mesure des avantages que possède cette dernière par
rapport à la firme potentielle, c’est-à-dire une mesure des barrières à l’entrée. En
d’autres termes, une barrière à l’entrée n’existera que si les deux firmes ne sont pas
également efficientes, une fois pris en compte les coûts d’entrée.
Les deux définitions coïncident si aucune firme n’entre sur le marché, puisque
dans ce cas la barrière à l’entrée se réduit au profit de la firme en place. Par contre, si
l’entrée est rendue simplement plus difficile, les deux définitions divergent. La
définition de Bain indiquera une barrière à l’entrée plus «élevée » que celle de Stigler.
Les divergences de conception en matière de barrières à l’entrée entre Bain et
Stigler apparaissent encore plus clairement lorsque l’on s’intéresse aux sources de ces
barrières.
5
I.2. - …. Accentuées par des désaccords sur les sources de ces barrières
Prenons l’exemple des économies d’échelle qui constituent pour Bain une
source importante de barrières à l’entrée. En effet, en présence d’économies d’échelle
dans la production, la taille minimum efficiente peut représenter une part importante
du marché. Les entrants potentiels, dans la mesure où ils sont souvent de taille
modeste, connaissent alors un désavantage en terme de coûts de production et font
face à un dilemme. D’un côté, s’ils choisissent un volume de production faible, le prix
qui s’impose à eux après leur entrée est proche de celui observé avant l’entrée mais
les coûts unitaires, en raison d’une échelle réduite, sont très élevés. D’un autre côté, si
la taille des nouvelles firmes est importante, les coûts unitaires sont bas mais la
production additionnelle aura pour effet de réduire le prix de marché et les profits de
l’industrie. Dans les deux cas, les économies d’échelle découragent l’entrée4.
Pour Stigler, en revanche, il faut chercher une autre explication à l’absence (ou
à la difficulté) d’entrée sur le marché. Les économies d’échelle ne sauraient constituer
une barrière à l’entrée car les entrants ont accès aux mêmes conditions de coût que
les firmes installées5. Ils peuvent donc bénéficier des mêmes opportunités d’échelle
que les firmes en place pour peu qu’ils atteignent la taille minimum efficiente. Le
problème est en fait celui de la taille insuffisante du marché et non pas celui d’une
quelconque barrière à l’entrée. Si nous définissons, comme le fait Stigler, une barrière
comme un différentiel de coût défavorable aux entrants, celle-ci n’existe pas dans le
cas étudié ci-dessus et le nombre de firmes installées est conjointement déterminé par
les économies d’échelle et les conditions de la demande. L’absence d’entrée n’est que
la conséquence d’un niveau trop faible de la demande, laquelle est insuffisante pour
permettre aux firmes de produire une quantité comparable.
La seconde source de barrières à l’entrée identifiée par Bain, la plus
importante à ses yeux, est la différenciation des produits6. Lorsque les produits sont
différenciés, l’élasticité prix croisée de la demande n’est pas infinie lorsque les prix
sont égaux. Ainsi, une firme installée peut, si elle parvient à différencier son produit,
fixer un prix au-dessus du coût marginal, sans qu’une firme candidate à l’entrée
puisse détourner l’ensemble des consommateurs du bien proposé par la firme
installée. A l’origine de cette différenciation selon Bain se trouve essentiellement la
publicité mais aussi les caractéristiques du produit (durabilité, complexité et
4 Ce résultat est très sensible à ce que Modigliani appelle le « postulat de Sylos-Labini ». Ce postulat
stipule que les candidats à l’entrée anticipent une absence de réaction des firmes installées, celles-ci
maintenant leur production au niveau antérieur à l’entrée. Cette menace de la part des firmes
installées peut ne pas être crédible dans la mesure où le profit qu’elles réalisent peut être inférieur
dans ces circonstances à celui qu’elles pourraient obtenir en accommodant l’entrée, c’est-à-dire en
baissant leur niveau de production.
5 La définition des barrières à l’entrée au sens de Stigler met l’accent sur le différentiel de coût actuel
entre la firme installée et les firmes entrantes. Ainsi, un coût supporté au moment de l’entrée par les
seules firmes entrantes est une barrière à l’entrée, même si la firme ou les firmes en place avai(en)t à le
supporter au moment de leur entrée respective (McAfee, Mialon, and Williams (2004, p.462)).
6 Les avantages absolus de coûts constituent une autre source de barrières à l’entrée pour Bain mais
nous l’omettons ici car notre objet n’est pas d’être exhaustif mais de souligner les divergences entre
Bain et Stigler.
6
fréquence d’achat) et les connaissances limitées du produit à la disposition du
consommateur qui rendent ce dernier dépendant de la réputation du produit. La
publicité, en parvenant à différencier le produit concerné et en développant auprès
des consommateurs un sentiment de loyauté, confère aux entreprises en place un
avantage considérable. Celui-ci ne pourra être, selon Bain, surmonté par les
entreprises candidates à l’entrée que si elles réduisent le prix de leurs produits ou si
elles engagent des dépenses publicitaires plus importantes (ou une combinaison des
deux stratégies) . Ces stratégies étant très coûteuses pour les entreprises nouvelles,
l’entrée est entravée7.
Reprenons la définition de Stigler. La différenciation ne peut être considérée
comme une barrière à l’entrée que si les coûts associés (les dépenses publicitaires en
l’occurrence) sont plus élevés pour une firme nouvelle que pour une firme déjà en
place. Kaldor (1950) notait déjà, à ce propos, que l’efficacité des dépenses de publicité
était une fonction directe et croissante de la taille des firmes : c’est l’idée du « pulling
power » des dépenses des firmes les plus importantes (Kaldor, 1950, p. 116)8.
Bain (1956) reprend cette intuition et l’enrichit en distinguant deux types
d’économies d’échelle dans la publicité : les économies d’échelle de nature pécuniaire
et les celles de nature technologique. Les économies d’échelle du premier type peuvent
être observées si le prix payé par message publicitaire par un annonceur est d’autant
plus faible que le nombre de messages achetés par celui-ci est élevé (on parle dans ce
cas de « discount » ou de « dégressif », c’est-à-dire d’une réduction tarifaire concédée
par les supports aux annonceurs). Les économies d’échelle technologiques résultent,
quant à elles, d’une plus grande efficacité de la fonction de production de la
publicité.
La liaison publicité et économies d’échelle pose de sérieux problèmes, comme
le soulignent Arndt et Simon (1983) dans un article très critique.
Sur le plan conceptuel d’abord. Il est pour le moins impropre de parler
d’économies d’échelle (dans la publicité) dans la mesure où les économies d’échelle
ne sont susceptibles d’être observées que si l’ensemble des inputs (et pas seulement
les dépenses de publicité) est modifié dans une même proportion9. Dans le cas où
seules les dépenses publicitaires sont modifiées, on parle de rendements marginaux.
Les firmes candidates à l’entrée doivent surmonter un certain nombre d’obstacles, parmi lesquels
celui de convaincre les consommateurs d’essayer leurs produits, alors que ces derniers font face à des
« switching costs » (coûts d’aiguillage), qui les pousseraient plutôt à être fidèles à leurs marques
(Klemperer, 1987). Dans cette hypothèse, l’effort publicitaire des nouveaux arrivants (ou la qualité du
produit proposé) doit être conséquent pour surmonter ce handicap.
8 Dans la mesure où les firmes installées sont, au moins initialement, plus importantes que les firmes
candidates à l’entrée, cela signifie que les dépenses de publicité avantagent les firmes en place.
9 C’est en réalité le concept d’économies d’échelle lui même qui pose problème, comme le suggère
Gold (1981). L’hypothèse de fixité des proportions dans lesquelles l’entreprise utilise les facteurs de
production tend à minimiser ou empêcher les bénéfices dont la réalisation attendue constitue souvent
un motif important de modification de l’échelle de production.
7
7
Cette confusion, vraisemblablement entretenue par la relative facilité avec
laquelle on peut estimer la valeur de l’élasticité des ventes par rapport à la publicité
(qui est un indicateur de l’efficacité marginale de la publicité et non de rendements
d’échelle), est d’autant plus regrettable qu’il n’y a pas de correspondance logique et
automatique entre ces deux notions. En effet, une firme peut connaître des
rendements marginaux décroissants dans ses dépenses de publicité et malgré cela
bénéficier d’économies d’échelle.
La seconde difficulté découle de la précédente et réside dans l’impossibilité de
séparer dans les économies d’échelle, ce qui est dû spécifiquement à la publicité de ce
qui peut être dû aux autres intrants. L’avantage de taille observé peut provenir de
toute autre chose que de la publicité, dans la mesure où les économies d’échelle sont
évaluées non pas en modifiant la taille d’une entreprise (toutes choses égales par
ailleurs)10 mais en comparant les entreprises de taille différente. Par conséquent,
même si l’on parvient à montrer que les dépenses de publicité sont plus efficaces
lorsque la taille de l’entreprise est plus importante, cette efficacité accrue peut
provenir, par exemple, d’un réseau de distribution plus étendu, d’une stratégie
marketing différente ou d’un processus de production différent entre les firmes et
non pas de la publicité.
La théorie traditionnelle des barrières à l’entrée a pour objet d’expliquer la
persistance de profits anormaux dans certaines industries. Ce sont les différences de
coûts entre firmes installées et firmes candidates à l’entrée qui seraient à l’origine des
profits élevés. Ces différences de coûts sont décrites par Bain comme provenant de la
publicité, du capital et de l’existence d’économies d’échelle. Ainsi, selon Bain, les
firmes établies peuvent exploiter les caractéristiques structurelles du marché dans
l’espoir d’obtenir des profits élevés et persistants. Il en est tout autrement pour
Stigler qui considère que ces écarts de coûts révèlent un niveau d’efficience supérieur
des firmes installées et non un comportement stratégique.
L’accent mis par ces définitions sur les différences d’opportunités des firmes
en place et des firmes entrantes n’est pas sans poser problème selon Demsetz (1982).
Ce dernier considère, en effet, que cette façon de définir les barrières à l’entrée
empêche de voir d’autres types de barrières, telles les barrières légales. Ainsi, la
licence nécessaire pour exercer l’activité de chauffeur de taxi n’est pas une barrière à
l’entrée au sens de Stigler car tant les taxis installés que les taxis potentiels doivent
supporter ce coût. De même, elle ne constitue pas non plus une barrière pour Bain
car le prix de la licence dissipera les profits. Cette façon d’appréhender les barrières à
l’entrée contient, de surcroît, des jugements de valeur implicites : certaines barrières
seraient acceptables sous prétexte, en conservant l’exemple de la licence de taxi, que
l’on chercherait à protéger les consommateurs de la fourniture de services de taxi de
mauvaise qualité.
Ce qui se révèle très difficile empiriquement sauf à considérer un échantillon d’entreprises que l’on
pourrait suivre dans le temps.
10
8
Ces objections, mais aussi le mouvement de déréglementation enclenché dès la
fin des années 70, furent l’occasion de renouveler considérablement l’analyse des
barrières à l’entrée.
II.
Le renouveau de l’analyse des barrières à l’entrée
Deux directions distinctes furent prises, à peu près simultanément.
La première, menée en ordre dispersé, prend comme point de départ commun
la définition des barrières à l’entrée de Stigler et se fixe pour objectif de rendre
explicites les implications de bien-être de ces barrières. Les travaux les plus
marquants sont ceux de Fisher (1979), Von Weizsäcker (1980) et Demsetz (1982). Tous
partagent l’idée générale que l’on ne doit pas systématiquement associer aux
barrières à l’entrée l’idée d’inefficience et que les autorités doivent en conséquence
mener leur politique de concurrence avec la plus extrême prudence.
La seconde, plus radicale, considère que les seules barrières à l’entrée
réellement pertinentes sont les barrières technologiques, c’est-à-dire celles qui
résultent d’une combinaison d’économies d’échelle et de contraintes
d’investissement. C’est la théorie des marchés contestables de Baumol, Panzar et
Willig (1982).
II.1 – La prise en compte des aspects normatifs
Von Weizsäcker (1980) définit les barrières à l’entrée comme :
« … un coût de production qui doit être supporté par une firme voulant
pénétrer un marché mais qui n’est pas supporté par les firmes déjà en place et qui
implique une distorsion dans l’allocation des ressources d’un point de vue social »
(Von Weizsäcker, 1980, p. 400)
Cette définition des barrières à l’entrée prolonge apparemment celle de Stigler.
Elle privilégie pourtant, contrairement à celle de Stigler, une approche normative, en
cherchant à identifier quand les obstacles à l’entrée de nouveaux concurrents
peuvent avoir des conséquences socialement néfastes. On ne pourra donc parler de
barrières à l’entrée que dans le cas où les effets de la restriction de la concurrence
sont négatifs d’une point de vue social. Ainsi, les obstacles qui peuvent apparaître
chez Bain comme une barrière à l’entrée ne sont pas systématiquement considérés
comme telle par Von Weizsäcker.
Ce dernier reprend les deux sources de barrières à l’entrée pour Bain étudiées
plus haut : les économies d’échelle et la différenciation des produits.
A l’aide d’un modèle simple et d’une démarche en deux étapes11, Von
Weizsäcker montre que lorsqu’il y a des économies d’échelle dans la production, et
La première étape consiste à examiner, pour un nombre donné de firmes dans l’industrie, les prix et
productions d’équilibre et à comparer ces valeurs avec leurs grandeurs optimales. La seconde étape
11
9
avec certaines spécifications paramétriques plausibles, on observe trop de firmes à
l’équilibre. Dans ces configurations, les autorités doivent veiller à ce que de nouvelles
firmes n’entrent pas dans l’industrie en question et que les firmes existantes
produisent davantage à un coût plus faible12.
Von Weizsäcker examine ensuite le cas de la différenciation des produits et
plus particulièrement d’une de ses variantes : la réputation ou « goodwill ». Dans
l’approche traditionnelle des barrières à l’entrée, la réputation sert de mécanisme de
différenciation aux firmes présentes depuis un certain temps sur le marché et
fonctionne apparemment comme une barrière à l’entrée à l’encontre des firmes
n’ayant pas encore eu, contrairement aux entreprises en place, l’opportunité de
construire leur « histoire » au travers de relations marchandes.
A l’aide d’un modèle de marchés proposant des produits différenciés de
qualité différente, l’auteur montre qu’il y a trop peu de firmes produisant des biens
de qualité élevée et trop de firmes produisant des produits de faible qualité. On peut
expliquer cela par le fait qu’il est coûteux pour les consommateurs de déterminer si
un producteur offre des biens de qualité élevée ou basse. En raison des coûts
d’information, les firmes nouvellement installées qui proposent un bien de haute
qualité doivent concéder un rabais sur leur produit jusqu’à disposer d’une réputation
sur le marché. Ces coûts tendent à réduire le nombre de firmes de haute qualité.
Alors que le résultat du marché n’est pas efficient dans ce modèle, il y a trop
de firmes ayant fait le choix d’une qualité basse et pas assez de firmes ayant fait celui
d’une qualité élevée, Von Weizsäcker maintient qu’on ne peut pas parler de barrières
à l’entrée. Les profits élevés, réalisés par les firmes proposant des produits de qualité
élevée et jouissant d’une réputation sur le marché, sont nécessaires pour encourager
les entrants à offrir des produits de qualité. Dans la mesure où il y a trop peu
d’offreurs de bonne qualité sur le marché, l’incitation offerte par des profits plus
élevés, ceux réalisés par les firmes ayant une bonne réputation, apparaît socialement
bénéfique. Les profits élevés dont bénéficient des firmes ayant adopté des produits
de qualité élevée ne sont pas dus à des barrières à l’entrée et ne reflètent pas un
quelconque pouvoir de monopole. La réputation de ces firmes accroît l’efficience du
marché en réduisant les coûts d’information : il ne s’agit en aucun cas d’une barrière
à l’entrée. Mais de quoi s’agit-il alors ?
Les propriétaires d’un capital réputation ne sont pas avantagés par rapport
aux nouvelles firmes proposant une qualité identique, mais encore inconnue, car la
prime versée par les consommateurs aux premiers incite les nouveaux entrants à
produire des biens de qualité élevée. Le modèle proposé par Von Weizsäcker permet
de voir que l’activité consistant à produire des biens de qualité élevée est souspermet au nombre de firmes présentes sur le marché de varier. La comparaison du nombre de firmes à
l’équilibre (provenant de la dissipation du profit individuel dans la situation de Cournot) et du
nombre optimal (issu de la maximisation du surplus social) nous renseigne sur la relation exacte entre
économies d’échelle et barrières à l’entrée au sens de Von Weizsäcker.
12 Ces conclusions contredisent celles de la vision traditionnelle des économies d’échelle et des
barrières à l’entrée.
10
optimale, non pas parce que les firmes sont surprotégées mais bel et bien parce
qu’elles sont insuffisamment protégées. Il est juste, lorsque les firmes en place se
trouvent être surprotégées, de parler de barrière à l’entrée mais dans le cas où elles
sont trop peu protégées, comme c’est le cas ici, il est préférable de parler d’externalités
positives. Dans cette dernière configuration, la différenciation des produits n’est pas la
cause de la distorsion observée mais apparaît plutôt comme un remède.
Dans le cas des économies d’échelle comme dans celui de la différenciation,
l’intervention gouvernementale doit donc veiller à accroître, et non pas à réduire, la
protection des firmes installées !
Fisher (1979) et Demsetz (1982) adoptent des positions proches de celles de
Von Weiszäcker. Ils considèrent en effet que ce qui semble être une barrière à l’entrée
en équilibre partiel, et qui pourrait être source d’inefficience si l’analyse se limitait à
cette dimension, ne peut être systématiquement considérée comme tel dans une
approche d’équilibre général.
L’intervention publique doit distinguer les frictions de l’économie jugées non
désirables de celles jugées désirables. Parmi ces frictions jugées désirables, il en existe
une chère à Demsetz : les droits de propriété. Ceux-ci, qui prennent la forme de
marques déposées, de brevets, de droits d’auteur par exemple, ont pourtant la
particularité d’ériger des barrières légales à l’entrée. Ces droits de propriété
garantissent aux firmes concernées de pouvoir fixer un prix au-delà du coût de
production et donc de réaliser durablement des profits élevés. Une distorsion
allocative apparaît et, si l’on suit les enseignements de la théorie standard des
barrières à l’entrée, ces droits de propriété devraient être suspendus. Pour Demsetz,
cette distorsion dans l’allocation des ressources est pure illusion car si ces droits de
propriété ne sont pas garantis, l’incitation à innover et à lancer de nouveaux produits
diminue et les véritables coûts de production sont majorés. Le coût marginal utilisé
dans le calcul des profits ne se limite pas à un coût de production privé, c’est un coût
d’opportunité total qui prend en compte le coût social de l’absence des droits de
propriété. Ce coût est naturellement supérieur au coût privé et peut même excéder le
prix. La prise en compte du coût social épuiserait les profits selon Demsetz. La
définition de Bain des barrières à l’entrée, centrée sur l’observation de profits positifs,
ne tient alors plus.
Les implications normatives des travaux sur les barrières à l’entrée de
Demsetz, Fisher et de Von Weizsäcker, sont considérables. Ces travaux suggèrent, en
effet, que les structures de marché observées constituent des structures
raisonnablement efficientes et que dans un monde imparfait, celui dans lequel nous
vivons, ce qui est appelé barrière à l’entrée reflète en réalité les intérêts des
consommateurs pris au sens large. Plutôt que de permettre aux ressources de se
déplacer dans les industries réalisant des profits élevés, il est dans l’intérêt du point
de vue du bien-être des consommateurs de prendre en compte le rôle des
externalités, des coûts d’information et de transaction. Les barrières à l’entrée
11
apparaissent alors comme « des réponses de second rang aux frictions du monde
réel » (Encaoua, Geroski et Jacquemin, 1986, p. 74)13.
II.2 – La vision technologique des barrières à l’entrée : l’apport des marchés
contestables
La théorie des marchés contestables va encore plus loin dans cette logique
puisque seules les conditions techniques de production, c’est-à-dire le niveau des
économies d’échelle et d’envergure, et les forces de la demande (dans une moindre
mesure cependant) déterminent la structure d’une industrie à un moment donné,
c’est-à-dire le nombre et la taille des entreprises présentes.
Il est en effet supposé que l’entrée a lieu sans désavantage pour la firme
entrante (elle a accès à une technologie identique à celle de la firme en place) et que
cette entrée est tout à fait réversible (sortie libre, au sens de peu coûteuse). La
structure de marché observée à un instant donné est alors forcément efficiente. Il n’y
a pas dans cette théorie de place pour les barrières stratégiques14, la concurrence
potentielle étant élevée au même rang que la concurrence effective dans la mesure où
elle exerce un contrôle parfait du pouvoir de monopole (Baumol, Panzar et Willig,
1986).
L’applicabilité de la théorie des marchés contestables dépend de manière
cruciale de la capacité des firmes postulantes à pratiquer la stratégie du hit and run.
Spence (1983) rappelle que pour la menace d’une entrée de type hit and run puisse
contraindre efficacement le comportement de la firme installée (ou des firmes
installées), deux hypothèses doivent être vérifiées :
la première est que le temps nécessaire à la firme entrante pour entrer
et quitter l’industrie doit être inférieur au temps nécessaire aux firmes
installées pour réagir et modifier leurs prix. En d’autres termes, les
mouvements de capitaux sont supposés instantanés alors que les prix
sont fixes ;
la seconde pose que la demande doit répondre instantanément aux
changements de prix ou aux différentiels de prix. Si tel n’est pas le
cas, la firme entrante ne percevra pas la totalité des revenus de son
investissement immédiatement, ce qui découragera l’entrée.
Les implications de politique publique sont directes. Un marché parfaitement
contestable est tel que l’entrée est une option qui peut être exercée sans coût de sorte
que la moindre possibilité de profit est exploitée. Par conséquent, même si ce marché
Ce point est particulièrement bien souligné par Combes et Linnemer qui estiment que certaines
stratégies limitant l’entrée de concurrents sont difficiles à condamner per se. Ainsi, « plus
d’investissement en R&D de la part des entreprises en place augmente le bien-être, mais creuse l’écart
entre elles et les entrants potentiels. Cette ambiguïté est bien illustrée par les problèmes que les Etats
rencontrent dans la mise en œuvre des politiques de brevets » (Combes et Linnemer, 1997, p. 143)
14 La constestabilité exclut les coûts irrécupérables, les pré-engagements, l’asymétrie d’information et
les comportements stratégiques qui caractérisent pourtant de très nombreux marchés « réels » et qui
constituent un domaine de recherche très dynamique en économie industrielle. Encaoua, Geroski et
Jacquemin (1986) proposent une revue, certes relativement ancienne, mais excellente de ces travaux.
13
12
se trouve occupé par un nombre réduit de firmes, ces dernières se comportent
comme en situation de concurrence pure et parfaite en fixant un prix égal au coût
marginal (ou, dans le cas où il n’y a qu’une seule firme, comme un monopole
parfaitement réglementé proposant un prix égal au coût moyen). Dans ces
conditions, ce marché présente les mêmes propriétés en matière d’efficience que
celles d’un marché de concurrence pure et parfaite et, comme dans ce dernier cas,
l’intervention gouvernementale ne peut en rien améliorer le bien-être social (Baumol
et Willig, 1981).
L’idée que la rivalité peut s’exercer sur un marché sans que le nombre
d’offreurs soit important constitue l’apport essentiel de la théorie des marchés
contestables15. Cette théorie semble, au premier abord, indiquer un retour aux thèses
classiques, dont les économistes « autrichiens » actuels se réclament. La théorie des
marchés contestables présente toutefois un certain nombre de limites aux yeux de ces
derniers :
1)
Comme le rappelle Ikeda (1991), la théorie des marchés contestables
n’a pas l’ambition d’étudier la dynamique du marché mais celle de
chercher à déduire un nouvel ensemble de résultats ou constructions
d’équilibre ;
2)
Elle pose ensuite comme hypothèse centrale que tous les offreurs
(firmes installées et entrants potentiels) ont accès à la même
technologie, aux mêmes marchés d’inputs et aux mêmes prix des
inputs. C’est oublier que la rivalité concurrentielle a pour objectif de
découvrir les coûts les plus bas qu’il est possible d’atteindre. En
d’autres termes, on ne peut considérer les fonctions de coûts des
entreprises comme si elles constituaient des données objectives16.
3)
Elle considère finalement que les barrières à l’entrée sont
exclusivement technologiques et ignore l’importance des barrières
légales et institutionnelles.
Le concept de barrières à l’entrée a été profondément « dépoussiéré »
consécutivement aux travaux de Demsetz, Fisher et Von Weizsäcker et ceux des
marchés contestables. Les conditions des interventions publiques destinées à
favoriser la concurrence ont été précisées. L’action publique en matière de
concurrence sort d’une certaine manière légitimée de ces débats17. Or, certains
« La vision traditionnelle soutient que le mécanisme d’équilibre concurrentiel requiert une taille peu
importante pour chaque firme active sur le marché du produit considéré, en plus de la liberté d’entrée.
Nous montrons que l’on peut se dispenser de la condition de petite taille et s’en remettre à la seule
liberté d’entrée qui caractérise les marchés parfaitement constestables » (Baumol et ali, 1986, p. 344).
16 Cette critique s’adresse également aux travaux de Von Weizsäcker (et dans une certaine mesure à
ceux de Demsetz) dans lesquels le calcul du surplus social (comme mesure de la performance sociale)
suppose implicitement une stabilité des fonctions de demande et d’offre. Or, la rivalité qui s’exerce sur
le marché, ne laisse pas ces dernières inchangées.
17 Y compris de la littérature des marchés contestables ! En simplifiant, si l’entrée est libre et la sortie
sans coûts, en d’autres termes si les marchés sont contestables, alors aucune manipulation stratégique
ne pourra éviter à une firme dominante de fixer son prix au coût marginal. L’action publique dans le
cadre des lois antittrust doit remplacer l’intérêt porté au nombre et à la distribution des firmes par
l’objectif de réduction des coûts irrécupérables. L’objectif de la théorie des marchés contestables n’est
15
13
économistes contestent le bien-fondé des ces interventions et regrettent que la notion
de concurrence utilisée dans les débats consacrés aux barrières à l’entrée soit celle de
la concurrence pure et parfaite. Ils proposent une conception alternative de la
concurrence qui permettrait de préciser les véritables barrières à l’entrée qui sont
celles érigées par la puissance publique.
III.
Vers une nouvelle vision de la concurrence ? Une réponse à
la théorie des barrières à l’entrée
Les économistes se limitent habituellement à considérer comme socialement
désirables certains coûts et à condamner certaines dépenses jugées improductives et
anti-concurrentielles. Parmi ces coûts figurent :
« les coûts qui doivent être encourus pour créer et maintenir une bonne réputation,
pour supporter les risques de l’innovation, et pour construire une échelle appropriée
permettant de répondre aux attentes des consommateurs, …. » (Demsetz, 1982, p.
56).
Ces coûts, que le bon sens et l’expérience quotidienne des hommes d’affaire
pousseraient à qualifier de pro-concurrentiels, ne sont pas considérés comme tels par
la théorie de la concurrence pure et parfaite18.
Doit-on alors conclure, comme McNulty (1968) nous invite à le faire, que la
théorie économique serait incapable d’intégrer dans un modèle de concurrence tout
ce qui est, par essence, concurrentiel19 ? Assurément, non. Le problème, selon
McNulty, vient de ce que les économistes assimilent l’idée de compétition, qui est
avant tout un comportement, un état d’esprit, à la notion de structure du marché, qui
est représentatif d’un état, dont l’incarnation idéale est la concurrence pure et
parfaite20. Il est nécessaire, poursuit McNulty, de revenir à la conception classique de
concurrence qui seule est capable de réconcilier la concurrence avec des dépenses
telles que les dépenses de publicité ou d’innovation.
pas, pensons-nous, de rejeter l’intervention publique mais bien au contraire de poser les conditions
d’une intervention efficiente. En cela, cette littérature se rapproche de l’analyse normative de Von
Weizsäcker et Demsetz, pour lesquels l’équilibre de concurrence pure et parfaite et ses attributs
d’efficience constituent la référence qui doit guider toute intervention publique.
18 La condition de Dorfman et Steiner, relative aux dépenses de publicité, est parfaitement
représentative de cette position (Dorfman et Steiner, 1954).
19 « …C’est un des grands paradoxes de la science économique que chaque acte de compétition de la
part d’un homme d’affaires est la marque, dans la théorie économique, d’un certain degré de pouvoir
de monopole, alors que les concepts de monopole et de concurrence parfaite ont cette caractéristique
commune importante : les deux sont des situations dans lesquelles la possibilité de tout comportement
concurrentiel a été écartée par définition » (McNulty, 1968, p. 641).Hayek ne dit pas autre chose :
« Faire de la publicité, vendre moins cher, et améliorer (« différencier ») les biens ou les services
produits sont des activités exclues par définition – la concurrence « parfaite » signifie en fait l’absence
de toute activité concurrentielle » (Hayek, 1948, p. 96).
20 Stigler partage l’opinion de McNulty selon laquelle « l’amalgame des concepts de concurrence et de
marché était malencontreux, chacun méritant un traitement complet et séparé » (Stigler, 1957, p. 271).
14
Pour les classiques, en effet, la concurrence prend de multiples formes mais
celles-ci ont en commun de refléter un certain type de «rivalité » entre les
participants au marché. La concurrence est donc un mode de comportement adopté
par l’ensemble des intervenants dans une industrie. Des pratiques courantes telles
que la publicité, l’innovation en matière de produit, la réduction des prix constituent
des éléments concurrentiels. Adam Smith met bien en évidence que c’est cette rivalité
multiforme qui est à l’origine d’un processus guidant le marché vers les prix naturels
et non, comme dans les exposés modernes, les propriétés de l’état final de
concurrence parfaite, qui se manifeste instantanément.
Charles Coquelin, dans son Dictionnaire d’Economie Politique, résume
admirablement la position classique :
« La concurrence apparaît encore et surtout comme le principal agent du
progrès. Tous ces industriels, maîtres de leurs actions et responsables de leurs
œuvres, stimulés comme ils le sont par la concurrence incessante de leurs rivaux,
s’ingénient à qui mieux mieux à simplifier le travail, à améliorer les méthodes, à
perfectionner les procédés connus et à inventer des procédés nouveaux » (Coquelin,
1864, p. 450).
Aux yeux des économistes classiques, la concurrence est un concept
essentiellement dynamique et procédural. La concurrence est vue comme une force
régulatrice, un principe organisateur de la société (« guiding force ») qui revêt toute
son importance dans la résorption, via une modification des prix essentiellement
(mais pas seulement), des déséquilibres existants sur les marchés.
L’accent mis par les économistes néo-classiques sur une structure de marché
considérée comme idéale, réalisant les conditions de la concurrence pure et parfaite,
a vidé la concurrence de son contenu. De surcroît, l’idée même de concurrence
potentielle, cruciale pour la question des barrières à l’entrée, semble échapper à ces
économistes. Cournot (1838), par exemple, ne s’intéressa pas aux conditions d’entrée,
de sorte que sa définition de la compétition était également valable pour les
industries composées d’un nombre important de firmes même si l’entrée de
nouvelles firmes était impossible21.
Sraffa (1926) fut le premier à dénoncer le caractère abstrait du modèle de
concurrence pure et parfaite et marque le début d’un ensemble de travaux consacrés
à la théorie de la concurrence imparfaite. En effet, l’état normal de l’économie est une
situation intermédiaire entre la concurrence et le monopole, laissant par exemple une
large place aux dépenses de publicité :
Qu’on en juge ! « Les effets de la concurrence ont atteint leur limite, lorsque chacune des
productions partielles Dk est insensible, non seulement par rapport à la production totale D = F(p),
mais aussi par rapport à la dérivée F’(p), en sorte que la production partielle Dk pourrait être
retranchée de D, sans qu’il en résultât de variation appréciable dans le prix de la denrée » (Cournot,
1838, p. 143).
21
15
« Toute firme qui tente d’étendre son activité au-delà de son propre marché,
en envahissant ceux de ses concurrents, doit supporter des dépenses importantes de
marketing afin de surmonter les barrières qu’auront érigées ses adversaires ; mais
d’un autre côté, sur son propre marché et sous la protection de ses propres barrières,
elle jouira d’une position privilégiée par laquelle elle obtiendra des avantages qui, si
ce n’est pas leur ampleur mais au moins dans leur nature, sont égaux à ceux dont
bénéficie un monopoleur ordinaire » (Sraffa, 1926, p. 191).
Les travaux de Sraffa ainsi que ceux de Chamberlin et Robinson ont conduit à
redéfinir le concept de monopole : chez les classiques, il est le produit d’un privilège
alors que dans la théorie de la concurrence monopolistique, il est le résultat de
l’action d’un offreur, via la différenciation par exemple. La publicité, par exemple, est
un moyen de renforcer le pouvoir de monopole. Bain et les économistes qui se sont
intéressés à la relation entre les structures de marché et les performances sont bien les
héritiers de Chamberlin et Robinson.
Les travaux de l’Ecole de Chicago, et en particulier ceux de Demsetz et Stigler,
ont permis de rendre compatibles certains éléments du fonctionnement des marchés
et l’idée de concurrence22.
Pour autant, l’approche de la concurrence imparfaite et celle de l’économie de
l’information ne parviennent pas à rendre compte de la véritable dynamique
concurrentielle si l’on en croît les économistes autrichiens. Kirzner partage avec
McNulty le jugement selon lequel la théorie de la concurrence pure et parfaite ne
saurait être une théorie de la concurrence23 :
« La théorie dominante de la concurrence pose la connaissance comme un
préalable indispensable : sans connaissance complète à travers le marché, la
concurrence est imparfaite. Mais, pour le théorie de la découverte entrepreneuriale,
la concurrence est un processus par lequel la connaissance est découverte et
communiquée » (Kirzner, 1997, p. 48, les expressions en italique ont été rajoutées).
La position des autrichiens peut être résumée de la manière suivante : le
processus de marché est fondamentalement entrepreneurial et le processus
entrepreneurial est toujours concurrentiel.
Le processus de marché est tout d’abord fondamentalement entrepreneurial.
La concurrence est un processus dont le déroulement fait apparaître des
informations. L’entrepreneur y tient une place centrale. Celui-ci participe à cette
C’est le cas notamment de la publicité. Voir les travaux de Stigler (1961), Telser (1964), Nelson
(1970,1974) et Benham (1972).
23 De même, les autrichiens défendent l’idée que les apports des économistes classiques en matière de
concurrence auraient été « contaminés » par la vision néo-classique. Voir, à ce propos, l’ouvrage de
Machovec (1995). Ce dernier remet en cause la thèse défendue par Stigler selon laquelle la conception
classique de la concurrence aurait atteint sa forme définitive dans la formulation mathématique de
Cournot du modèle de concurrence pure et parfaite. Dans une contribution récente, Kirzne retrace
magistralement l’histoire du modèle de concurrence pure et parfaite (Kirzner, 2000).
22
16
dynamique en cherchant constamment des opportunités de profit. Il fait tendre
l’économie vers un équilibre qu’elle n’atteint pas pour autant car dès que les
opportunités sont saisies, d’autres apparaissent et ainsi de suite. En effet,
l’entrepreneur, de par son activité de recherche crée de l’information24, laquelle est
utilisée par d’autres. Ce processus est perpétuel. Les opportunités étant permanentes
et les perceptions subjectives, de nouveaux entrepreneurs apparaissent et renforcent
le processus.
Le processus entrepreneurial est ensuite toujours concurrentiel. Pour que la
concurrence-rivalité soit productive et non pas dommageable, certaines institutions
(dont les droits de propriété et le contrat) viennent renforcer le concurrence et
permettent de se prémunir contre les pratiques éventuellement déloyales des autres.
L’action de l’entrepreneur ne peut jamais être totalement bloquée. En d’autres
termes, il n’y a pas de barrières à l’entrée à l’activité entrepreneuriale dans la mesure
où il ne peut pas y avoir de pouvoir de monopole sur cette activité ! Par contre,
l ‘entrée entrepreneuriale dans un certain secteur peut être entravée, obligeant
l’activité d’entrepreneur à s’exercer ailleurs.
Les seules barrières à l’entrée sont celles résultant de la volonté des pouvoirs
publics (l’Etat peut être la cause de l’imperfection de la concurrence en bloquant
l’émergence des droits de propriété ou en vidant le contrat de son contenu, deux
mécanismes incitatifs fondamentaux de l’activité entrepreneuriale) et celles
provenant du contrôle exclusif d’un intrant essentiel au processus de production.
L’existence de profits supérieurs aux profits entrepreneuriaux, ces derniers
récompensant la « vigilance » de cet acteur, constitue une rente de monopole
provenant de l’exercice solitaire du contrôle d’un facteur de production ou d’un
privilège (Kirzner, 1973, pp. 88 – 134).
Le mérite des autrichiens est d’être revenu à la conception classique du
monopole25 et d’insister, dans le débat qui nous intéresse, sur les barrières légales à
l’entrée, seules véritablement pertinentes, puisque seules à restreindre le droit de
propriété26.
La concurrence permet de faire émerger les données mêmes que les schémas de représentation
habituels supposent connus à l’avance, comme l’ont montré Hayek et Kirzner qui se sont penchés sur
le processus de collecte et d’utilisation de cette information dans une économie de marché
décentralisée. C’est sur cette question que les économistes de la tradition autrichienne sont en total
désaccord avec les économistes de l’information.
25 Voir à ce propos Rothbard (Rothbard, 1962, p. 591).
26 La propriété exclusive d’un input essentiel à la production d’un bien empêche l’entrée sur le marché
considéré d’autres entrepreneurs. Mais, pour Kirzner, cette façon de voir les choses est purement
statique. En effet, la rente de l’entreprise détenant le monopole d’une ressource peut être comprise
comme un simple profit entrepreneurial dû à une plus grande vigilance initiale. L’acquisition de cette
ressource, « dans un domaine ouvert à tous les entrepreneurs, était une étape normale du processus
entrepreneurial-concurrentiel non entravé » (Kirzner, 1973 , p. 201). Le contrôle monopolistique des
ressources, et la capacité de la firme à tirer profit de cette position sur le marché du produit, ne sont
que le résultat d’une démarche entrepreneuriale réussie, que les autorités en charge de la concurrence
n’ont pas à sanctionner.
24
17
Ces barrières ne sont guère étudiées dans la littérature des barrières à l’entrée,
si ce n’est dans les écrits de Von Weizsäcker et Demsetz par exemple, pour être, pour
certaines, finalement très rapidement justifiées, en raison de leurs effets « socialement
bénéfiques ». Il faut pourtant reconnaître à ces auteurs le mérite d’avoir voulu
spécifier les conditions sous lesquelles une politique pro-concurentielle était
souhaitable.
Mais c’est justement cette volonté de mettre en place des critères normatifs,
prédéfinis, permettant de juger une structure de marché ou une organisation
industrielle qui paraît dérisoire aux économistes autrichiens. Ces derniers, s’inspirant
des travaux relatifs à l’impossibilité du calcul économique en régime socialiste, ne
reconnaissent pas aux autorités pro-concurrentiels la capacité d’estimer les fonctions
de demande et de coût nécessaires pour atteindre l’objectif de maximisation du bienêtre social qu’elles se sont fixées. Cette critique s’adresse tout particulièrement, mais
pas exclusivement, aux travaux de Von Weizsäcker : la fonction de demande y est
supposée connue de même que la fonction de coût du producteur alors que ce sont
des éléments subjectifs évoluant en permanence (Block, 1994, p. 40).
Devant ces difficultés insurmontables, les économistes de la tradition
autrichienne réclament la suppression pure et simple de l’ensemble des institutions
chargées de favoriser la concurrence (le législateur devant se contenter de faire
respecter les droits de propriété et les contrats) et l’élimination des seules véritables
barrières à l’entrée érigées par le législateur lui-même.
IV.
Remarques conclusives
La position à l’égard des barrières à l’entrée a évolué depuis la fin des années
70. Certains éléments, considérés antérieurement comme à l’origine de barrières,
apparaissent maintenant sous un jour plus favorable.
Von Weizsäcker montre, dans le cadre de ses modèles (avec anticipations
rationnelles et avec hypothèse de Cournot), que les dépenses destinées à empêcher
l’entrée de nouveaux concurrents ne sont pas nécessairement socialement néfastes.
Ainsi, une hausse de l’échelle minimum efficiente ou une hausse des dépenses en
« goodwill » (qui est une variante de la différenciation du produit) peuvent générer
du bien-être.
Baumol et ali définissent les conditions dans lesquelles la concurrence
potentielle est un vecteur suffisant de discipline des firmes installées.
L’idéal concurrentiel reste toutefois celui de la concurrence pure et parfaite.
L’analyse des barrières à l’entrée et les politiques publiques de réglementation de la
concurrence, dans leur grande majorité, continuent d’adopter une approche en
termes de structure alors que notre compréhension du phénomène concurrentiel et
de ses entraves gagnerait à privilégier une approche en termes de processus.
18
Alors que les références théoriques des politiques de concurrence
communautaire et française restent largement structuralistes, l’examen de la
jurisprudence semble montrer, si l’on en croît Glais (1998), que ces politiques ne font
pas obstacles aux « rapprochements susceptibles de contribuer à la promotion de
l’efficience », qu’elles prennent en compte la variable temps dans le diagnostic d’une
position dominante et l’importance de la concurrence potentielle dans l’examen des
projets de concentration.
L’examen du rapport d’activité 2003 du Conseil de la Concurrence27 montre
que les décisions relatives à l’organisation de la concurrence semblent, en effet, avoir
tenu compte de certaines avancées théoriques (les marchés contestables par
exemple28 et la promotion de l’efficience29) mais ignorent encore très largement
l’analyse processuelle du courant autrichien.
Certes, il n’est plus question pour les autorités de la concurrence d’égaliser les
conditions initiales de concurrence pour assurer le bon fonctionnement de la
concurrence sur un marché. Toutefois, l’insistance portée par le Conseil de la
Concurrence aux prix prédateurs (un prix est dit prédateur si celui-ci est inférieur au
coût marginal ou, pour des raisons de commodité de calcul, au coût variable moyen)
montre à quel point l’idée de subjectivité des coûts, chère aux économistes de la
tradition autrichienne, n’a pas encore été intégrée dans les arrêts du Conseil de la
Concurrence.
La théorie autrichienne du monopole revient à réserver la notion de barrière à
l’entrée aux seules barrières légales (dans ce cas le monopole acquis n’a supposé
aucune dépense et est insusceptible d’être contesté) et souligne ainsi l’inutilité des
lois anti-trust qui, bien loin de favoriser la maximisation des gains à l’échange ou du
surplus social, objectif par ailleurs hors de portée en raison de la méconnaissance des
fonctions de demande et de coût, a pour effet de redistribuer ces gains vers les
concurrents30.
Le Conseil de la Concurrence constitue, avec la DGCCRF, sous la tutelle du Ministère de l’Economie
et des Finances, les autorités françaises de concurrence. La lecture du rapport d’activité du Conseil de
la Concurrence montre le rôle de plus en plus central de la Cour d’Appel, et dans une moindre mesure
de la Cour de Cassation, qui ont, après des années de relative passivité, à maintes reprises en 2003
tenté d’amender la jurisprudence du Conseil de la Concurrence. Ainsi, sur 20 arrêts au fond pris par la
Cour d’appel, seuls 8 ont confirmé une décision antérieure du Conseil.
28 « … l’entrée de nouveaux concurrents doit intervenir assez rapidement pour exercer une véritable
pression concurrentielle. …. L’entrée sur le marché n’est normalement considérée, comme intervenant
en temps utile, que si elle s’effectue dans un délai de deux ans » (Conseil de la Concurrence, p. 42,
2004).
29 « Le 2° de l’article L.420-4 l (du Code du commerce) précise, pour sa part, que ne sont pas soumises
aux dispositions des articles L. 420 – 1 et L. 420 – 2, les pratiques « dont les auteurs peuvent justifier
qu’elles ont pour effet d’assurer le progrès économique, y compris par la création ou le maintien
d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du progrès qui en résulte sans
donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie
substantielle des produits en cause » (Rapport d’activité du Conseil de la Concurrence, p. 282, 2004)..
30 Cette critique est évacuée dans le rapport d’activité du Conseil de la Concurrence en rappelant que :
« …. (l’) indifférence à l’intentionnalité des parties (de porter atteinte à la concurrence) ne saurait
surprendre et se justifie par la nature même du droit de la concurrence, qui protège avant tout la
27
19
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répressive est la défense de l’ordre public économique. Il s’intéresse donc moins aux conditions
subjectives dans lesquelles interviennent les pratiques qu’au cadre dans lequel celles-ci s’inscrivent, et
à leur incidence sur le marché » (Rapport du Conseil de la Concurrence, p. 74, 2004, les éléments en
italique ont été rajoutés par mes soins).
Les chiffres des saisines nouvelles (97 au total, dont 79 saisines contentieuses et 18 demandes
d’avis) marquent depuis 2001 un net ralentissement, traduisant probablement « une modération de
certaines catégories de saisissants (ainsi qu’) un meilleur filtrage à l’arrivée des demandes » (rapport
d’activité du Conseil de la Concurrence, p. 16, 2004).
20
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