
La sédation en soins palliatifs : revue historique de la littérature
La réflexion éthique autour de ces notions de souffrance peut apporter une clarification pour ces indications de la
sédation (20 ;22).
Pour Jean Claude Fondras, le débat sur la sédation illustre les contradictions entre éthique utilitariste et éthique
déontologique. Il appartient aux soignants d'éclairer leur positionnement afin de proposer une prise en charge
cohérente(23).
Des concepts-clé
A partir de 1991, le terme de sédation terminale, issu de l'anglais(24), est fréquemment utilisé, malgré la confusion
possible : est-ce une sédation réalisée chez un patient en phase terminale ou une sédation qui "termine" la vie du
patient ?
En 1994, Cherny et Portenoy introduisent la notion qui fera long feu : celle de symptôme réfractaire (refractory
symptom). L'usage actuel de ce terme, devenu assez courant en soins palliatifs, est souvent restrictif par apport à la
complexité de la définition initiale : "le caractère réfractaire peut être attribué à un symptôme lorsque celui-ci ne peut
être soulagé de façon adéquate malgré la recherche obstinée d'un traitement ayant une bonne tolérance, c'est à dire
qui respecte l'état de vigilance. Pour les patients atteints d'un cancer en phase avancée, affirmer le caractère
réfractaire d'un symptôme a de profondes implications. Cela suggère que la souffrance ne pourra être soulagée par
les mesures habituelles. Affirmer qu'un symptôme est réfractaire implique que le clinicien soit convaincu que de
nouvelles interventions (invasives ou non invasives)
1) sont incapables d'apporter un soulagement adéquat
2) sont associées à une morbidité aigue ou chronique excessive ou inacceptable 3) qu'il est très improbable que ces
interventions permettent la survenue d' un soulagement dans un délai de temps raisonnable."
Sédation et euthanasie
En 1996, la polémique avec l'euthanasie est relancée par un article qui qualifie la sédation d'euthanasie lente ("slow
euthanasia")(25). Il ne s'agit donc pas de considérer le risque de survenue d'un décès au cours d'une sédation
comme l'intrication de l'évolution de la maladie sous-jacente et d'éventuels effets indésirables des médicaments
comme le font certaines études(26), mais de proposer la sédation comme forme "socialement acceptable"
d'euthanasie.
Les tentatives de clarifications se font nombreuses (27 ;28). Pour éviter les confusions, Susan Chater propose
d'abandonner le terme de sédation terminale, "ambigu", au profit de celui de "sédation pour détresse intraitable"(29).
Il est difficile dans ce contexte de poursuivre sereinement la réflexion sur le recours à la sédation dans le cas de "
souffrances existentielles"." (30)
Le recours à la règle éthique du double effet(31) devient central dans les discussions, principalement dans la
littérature anglo-saxone. Cette règle postule que lorsqu'une action entraà®ne à la fois un effet désirable et un effet
indésirable, il reste éthiquement justifié d'agir, si on le fait dans la seule intention d'obtenir l'effet désirable.
Certains semblent considérer que l'application scrupuleuse de la règle met fin au débat(32), d'autres critiquent le rôle
prépondérant de l'intentionnalité(33 ;34). Quill en particulier discute la sédation dans un modèle de pensée utilitariste
o๠le défi est de trouver la moins mauvaise proposition permettant de soulager le patient qui souffre. Il semble dès
lors considérer le recours à la sédation, l'augmentation des doses d'antalgiques morphiniques, le suicide assisté,
l'abstention thérapeutique ou l'arrêt volontaire de l'alimentation et de l'hydratation comme éthiquement équivalents(
35).
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