l`objection de conscience et le refus en « conscience

publicité
L’OBJECTION DE CONSCIENCE ET LE
REFUS EN « CONSCIENCE »
QUELQUES ÉLÉMENTS DE
RÉFLEXION ÉTHIQUE ET JURIDIQUE
Congrès du SIDIIEF
3 juin 2015
Secteur Juridique
Yves Clermont, conseillère syndicale
Michel Mailhot, 6e vice-président
Introduction
Avant d’aborder le cœur du sujet, l’objection de
conscience et le refus de conscience qui est une
notion voisine, il faut définir quelques termes utiles
aux fins d’une meilleure compréhension du thème
principal. L’auteur Thierry Pauchant s’exprime ainsi
au regard des notions – clés dans le cadre de
notre présentation :
Introduction (suite)
 « Le droit est un ensemble de principes qui
règlent les rapports entre les personnes et qui
servent à définir les lois.
 La déontologie est un ensemble de règles
émises par une profession ou une
organisation qui régissent les comportements
et prescrivent les responsabilités.
Introduction (suite)
 La morale est une réflexion critique et un
ensemble d’impératifs et d’interdits qui
résultent de l’opposition du bien et du mal,
considérés comme absolus. La morale est
influencée, mais non dictée par le droit et
les mœurs et est parfois confondue avec la
notion de moralisation, perdant ainsi sa
fonction réflexive.
Introduction (suite)
 Enfin, l’éthique est une réflexion critique et
un désir plus diffus de vivre une vie bonne,
influencée, mais non dictée par le droit, les
mœurs et la morale. Bien que l’éthique
partage avec la morale la réflexion critique,
elle est souvent plus indépendante des
absolus.
Qu’est-ce que la conscience?
Avant d’aborder la question de l’objection de conscience dans
le domaine de la santé, il faut se poser une autre question et
c’est la suivante :
QU’EST-CE QUE LA CONSCIENCE?
Il est difficile selon plusieurs auteurs, y compris M. Wicclair de
définir scientifiquement et sur le plan philosophique la notion
conscience. En substance, la conscience est le siège des
décisions morales. Les motifs de conscience sont notamment :
religieux, éthique, moral, humanitaire, politique et social.
Qu’est-ce que l’objection de conscience
selon une définition générale
L’historique de la notion d’objection de
conscience :
Origine de l’objection de conscience au début du
XXe siècle : le service militaire, à savoir le refus de
porter les armes, pour tuer des personnes (voir
notamment à ce sujet l’auteur américain Wicclair,
2014).
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé
GÉNÉRALITÉS
Historique : À l’origine, l’objection de conscience a été exercée dans
le domaine médical de l’avortement et de la stérilisation (WICCLAIR,
2014)
Une définition de l’objection de conscience dans le domaine des
soins de santé : un-e professionnel-le de la santé qui refuse de
dispenser des services ou des soins ou des traitements qu’il peut ou
doit dispenser légalement et ce refus repose sur la « conscience »
(« conscience based ») du professionnel à savoir pour des motifs
éthiques ou religieux (WICCLAIR, 2011, 2014).
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé (suite)
Aujourd’hui l’objection de conscience est encore associée au domaine de la
« reproduction » mais il y a élargissement de son « champ d’application »
notamment sur des questions touchant aux points suivants :
 Suicide assisté;
 Euthanasie;
 Don d’organes après le décès;
 Maintien prolongé ou abrégement de la vie par des moyens techniques
ou autres.
 Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé (suite)
 Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
 Ainsi la législation américaine fédérale et étatique permet aux
professionnel-le-s de la santé de refuser de poser certains actes
médicaux :
• Les soins de fin de vie : le suicide assisté, la sédation
palliative et autres;
• Les soins reliés à la reproduction : avortement, stérilisation,
reproduction assistée et la contraception d’urgence
(pilule du lendemain).
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé
(suite) Liberté de conscience
Quelques normes nationales applicables au Québec
 Art. 3 de la Charte des droits et libertés du Québec
(libertés de conscience et de religion);
 Art. 2 de la Charte canadienne des droits et libertés
(libertés de conscience et de religion).
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé
(suite) Droit de la santé des usagers
Quelques normes nationales
 Art. 1 et 2 de la Charte des droits et libertés du
Québec (droit à la vie et au secours);
 Art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
(vie, liberté et sécurité).
L’objection de conscience ou le refus en
conscience dans le cadre de soins de santé
(suite)
Quelques considérations
 Il peut y avoir d’autres motifs de refus de dispenser
des services, des soins et des traitements qui ne
sont pas reliés à des motifs religieux ou éthiques
(« no conscience based ») et qui le sont pour des
motifs médicaux ou légaux.
Pourquoi protège-t-on « l’objection de
conscience » ou le « refus en conscience »
dans certains pays et états
À cet égard, il existe un certain nombre
d’approches développées par l’auteur
américain Wicclair en 2011 et 2014.
Pourquoi protège-t-on « l’objection de
conscience » ou le « refus en conscience »
dans certains pays et états
1re approche absolutiste « conscience
absolutism » (WICCLAIR, 2014)
 Protection de la liberté de conscience afin d’éviter la
détresse morale;
 Afin de protéger l’intégrité morale et l’autonomie
professionnelle des professionnel-le-s de la santé
(défense d’une certaine conception de la Vie).
Pourquoi protège-t-on « l’objection de
conscience » ou le « refus en conscience »
dans certains pays et états
2e approche « Incompatibility thesis » (WICCLAIR,
2014)
Si une personne (professionnel-le de la santé) ne veut pas
dispenser des soins, services et traitements, il doit choisir
ou aurait dû choisir un autre domaine que celui de la
dispensation de soins, traitements et services reliés au
domaine de la santé.
Pourquoi protège-t-on « l’objection de
conscience » ou le « refus en conscience »
dans certains pays et états
3e approche plus « conciliante » : une
professionnelle de la santé est autorisée à ne pas
poser certains actes qui heurtent sa conscience en
demandant des mesures d’accommodements
raisonnables. Il s’agirait d’une objection de
conscience avec droit de refus limité et encadré.
La situation juridique au Québec en matière
d’« objection de conscience »
Les médecins
Existence d’un groupe de travail en éthique clinique du
Collège des médecins qui existe depuis 1999 qui
étudie la question. (Voir aussi sur le site du Collège
des médecins. Aldo Québec où le Collège des
médecins énonce des positions sur certaines
questions et notamment sur l’objection de conscience).
La situation juridique au Québec en matière
d’« objection de conscience » (suite)
24. Le médecin doit informer son patient de ses
convictions personnelles qui peuvent l'empêcher de lui
recommander ou de lui fournir des services
professionnels qui pourraient être appropriés, et l'aviser
des conséquences possibles de l'absence de tels
services professionnels.
Le médecin doit alors offrir au patient de l'aider dans la
recherche d'un autre médecin.
La situation juridique au Québec en matière
d’« objection de conscience » (suite)
Les infirmières
LA PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE EN MATIÈRE DE SOINS INFIRMIERS
L’auteure Danielle Blondeau dans l’ouvrage susmentionné
au chapitre intitulé « Introduction : quelques considérations
éthiques et déontologiques, code de déontologie et
modèles » écrit à propos des valeurs professionnelles ce
qui suit :
La situation juridique au Québec en matière
d’« objection de conscience » (suite)
LA PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE EN MATIÈRE DE SOINS INFIRMIERS
(suite)
La dimension éthique de l’art infirmier :
« L’exercice de la profession infirmière comporte des
exigences morales de plusieurs ordres. L’ordonnance
première n’est rien d’autre que le respect de la vie humaine.
En effet, le seul enjeu de la santé et de la vie enracine
profondément la profession infirmière dans le terrain de la
moralité.
La situation juridique au Québec en matière
d’« objection de conscience » (suite)
LA PROBLÉMATIQUE ÉTHIQUE EN MATIÈRE DE SOINS INFIRMIERS
(suite)
Une deuxième ordonnance vient de la base même de cette
profession construite autour de l’idée de service, définie
comme responsabilité fondamentale du sens des autres.
Une troisième découle d’un fait par définition éthique, pour
ainsi dire, soit la relation entre les patients et le personnel
infirmier.
Quelles sont les normes déontologiques
applicables en lien avec la notion d’objection de
conscience et le processus thérapeutique ! (suite)
Code de déontologie des infirmières
Processus thérapeutique
42. L'infirmière ou l'infirmier doit, dans le cadre de
ses fonctions, prendre les moyens raisonnables pour
assurer la sécurité des clients, notamment en
avisant les instances appropriées.
D. 1513-2002, a. 42.
Quelles sont les normes déontologiques
applicables en lien avec la notion d’objection de
conscience et le processus thérapeutique ! (suite)
43. À moins d'avoir une raison grave,
l'infirmière ou l'infirmier qui fournit des soins et
traitements à un client ne peut l'abandonner.
D. 1513-2002, a. 43.
Quelles sont les normes déontologiques
applicables en lien avec la notion d’objection de
conscience et le processus thérapeutique ! (suite)
46. L'infirmière ou l'infirmier ne peut refuser de
collaborer avec les professionnels du domaine
de la santé qui donnent des soins, des
traitements ou des services nécessaires au
bien-être du client.
D. 1513-2002, a. 46. »
Quelles sont les normes déontologiques
applicables en lien avec la notion d’objection de
conscience et le processus thérapeutique ! (suite)
Commentaire : Nous ne trouvons pas dans le Code
de déontologie des infirmières une clause de
conscience formulée comme dans d’autres codes de
déontologie de professionnel-le-s de la santé.
Note : Il est à noter que les infirmières auxiliaires et
les inhalothérapeutes sont assujetties à des normes
semblables.
Quelles sont les normes déontologiques
applicables en lien avec la notion d’objection de
conscience et le processus thérapeutique ! (suite)
Les pharmaciens
Code de déontologie des pharmaciens qui découle de la Loi sur
les pharmaciens et du Code des professions
« 26. Le pharmacien doit informer son patient lorsque ses
convictions personnelles peuvent l'empêcher de lui
recommander ou de lui fournir des services pharmaceutiques
qui pourraient être appropriés, et l'aviser des conséquences
possibles de l'absence de tels services. Il doit alors offrir au
patient de l'aider dans la recherche d'un autre pharmacien.
Loi québécoise concernant les soins de vie
La loi concernant les soins de fin de vie vise
notamment les soins palliatifs offerts aux
personnes en fin de vie et l’aide médicale à
mourir ainsi que la mise en place du régime de
directives médicales anticipées. Il est à préciser
que les dispositions législatives ne sont pas en
vigueur.
Loi québécoise concernant les soins de vie
(suite)
50. Un médecin peut refuser d'administrer l'aide médicale à
mourir en raison de ses convictions personnelles et un
professionnel de la santé peut refuser de participer à son
administration pour le même motif.
Un tel médecin ou un tel professionnel doit alors néanmoins
s'assurer de la continuité des soins offerts à la personne,
conformément à ce qui est prévu à son code de déontologie
et à la volonté de la personne.
L’insubordination
Au regard de l’objection de conscience, dans un contexte de
professionnels qui ne sont pas des salariés et/ou des
professionnel-le-s de la santé sont des travailleurs
autonomes pour certains, il peut exister une plus grande
latitude sur ce plan, mais dans un contexte de professionnels
salariés syndiqués qu’en est-il ?
C’est ici que se pose un autre problème juridique, celui de
l’insubordination reliée au domaine des relations de travail et
du rapport employeur – employé en droit du travail.
L’insubordination (suite)
L’insubordination d’un salarié constitue le principal
motif justifiant l’imposition d’une mesure
disciplinaire. L’insubordination correspond au refus
d’obéir, à l’indiscipline et à l’adoption d’une attitude
générale démontrant le refus d’exécuter les ordres
de l’employeur.
L’insubordination (suite)
Claude Daoust et Gilles Trudeau énumèrent neuf exceptions
au devoir d’obéissance immédiate du salarié parmi lesquelles
se trouvent:
 Ordre contraire à la convention collective
 Refus d’obéir justifié uniquement par un motif personnel
 Ordre concernant l’apparence personnelle du salarié
 Ordre portant atteinte à des droits individuels fondamentaux
 Cas des officiers ou des délégués syndicaux
L’insubordination (suite)
CAS
Un cas afin d’illustrer la problématique : un salarié syndiqué
dans l’affaire de Ouilhen et du CH de Verdun – décision
arbitrale rendue par l’arbitre Foisy en 2014.
Faits : Refus de vaccination contre le VPH par un infirmier
scoalaire pour le motif que l’information transmise aux parents par
le CSSS et le MSSS est incomplète et le consentement des
parents n’est pas donnée d’une façon libre et éclairée.
Conclusion
La notion d’objection de conscience est appelée à se
soulever et à se développer peut-être plus fréquemment
dans un contexte multiculturel et multi-religieux. Des
« collisions » sont à prévoir entre les notions reliées à la
liberté de conscience des professionnel-le-s de la santé
et de droit des patients à la santé et tous les principes
qui y sont reliés, et ce, dans un contexte technique et
scientifique de plus en plus complexe.
La réflexion est ouverte…
Téléchargement