Précisions sur la prise de décision par consentement Rédigé par Marie Steenkiste, suite à une réunion difficile plénière de mai 2015. Bonjour à chacun-e, Suite au climat de notre dernière plénière, après ce temps de recul et en avoir discuté en GT Valeurs et Projet Social, il a été convenu que je vous partage les remarques et propositions, ci-dessous. Au préalable, je précise que mon propos n’est pas de revenir sur les paroles et échanges qui ont eu lieu lors du « tour de table » de clôture du dimanche soir, mon intention et celui du GT V et PS est de favoriser des échanges fluides, respectueux de chacun et de tous et de mettre en œuvre les outils de communication en ce sens. Présentement, mon propos est donc une invitation à regarder ensemble ce qui, au-delà des responsabilités individuelles, a pu contribuer aux dysfonctionnements et tensions dans lesquels nous nous sommes laissé-es embarquer. Parmi les outils que nous utilisons et qui auraient pu/dû réguler la situation, il en est un en particulier sur lequel je vous propose de s’arrêter un instant, pour observer ce qui s’est passé : le processus de décision dit « par consentement ». Pour rappel, dans ce processus : * chacun doit pouvoir disposer de la possibilité d’objecter de manière souveraine et avec la garantie que son expression soit accueillie sans jugement ni reproche (sinon comment se sentir suffisamment confortable et en confiance pour exprimer sa posture ou son ressenti singulier dans un groupe qui, à l’instant de cette expression, peut penser ou ressentir tout autrement). *accueillir une objection de façon positive, c’est reconnaître et vivre celle-ci, non comme un frein ou un obstacle, mais comme un atout, un moteur qui permet d’aller plus avant dans la réflexion et la recherche de la meilleure solution possible, pour le groupe et pour chacun (cela implique d’apprendre à gérer ses réactions de frustration et d’admettre que notre « mental personnel »(égo), aussi performant soit-il, ne détient pas toujours la meilleure solution à lui seul) *Lorsqu’une personne exprime une objection, il lui est demandé de s’adresser au cercle et non à quelqu’un en particulier (ainsi le groupe ne se retrouve pas parasité ou « témoin-otage » d’un conflit ou rapport de force interpersonnel qui n’a pas sa place dans cet espace et à ce moment là). La personne nomme alors que quelque chose « coince » en elle, qu’elle atteint une limite qui l’empêche d’aller plus avant ou dans le sens proposé. En s’adressant ainsi au groupe, deux éventualités peuvent advenir : enrichir le groupe de son point de vue et (peut-être) influer sur la décision ET recevoir l’appui, la bienveillance, des propositions du groupe pour (peut-être) dépasser ce qui fait obstacle à l’intérieur de soi, repousser ses limites et grandir. Par ce double mouvement, la croissance est au rendez-vous pour la personne ET pour le groupe. En cela, nous (Collectif de Croix-Haute) rejoignons notre double souhait que le groupe joue un rôle d’appui possible et bienveillant pour la transformation-évolution de chacun-e (dans le respect de nos différences et de nos rythmes de changement, donc en douceur) et que chacun contribue (avec une intention positive) à l’évolution-maturation du groupe. Au regard de ces rappels, si nous examinons avec honnêteté, individuelle et collective, le déroulement de notre dernière plénière nous pouvons voir en quoi nous avons « dérapé » et dévoyé l’outil « objection » : *en ne s’adressant pas toujours au groupe/au cercle mais en exprimant nommément son opposition ou désaccord envers quelqu’un-e (facteur de la mise en place d’une cristallisation de ce qui oppose et donc d’un rapport de force ou conflit interpersonnel) *en réagissant émotionnellement à la parole de l’un-e par l’expression de sa propre frustration-peurcontrariété, émotions qui ont joué comme autant de freins à l’écoute de la différence et à la possibilité d’évoluer. *en interprétant l’objection comme un obstacle et en jugeant (ouvertement ou non) l’autre comme étant un-e « empêcheur-se de »....ce qui, non seulement le/la stigmatise, mais en plus fige les expressions en terme d’oppositions avec pour conséquence de priver ou ralentir le groupe et/ou l’individu dans l’évolution-enrichissement de sa réflexion (au lieu d’être dans du « ET » on est entrés dans du « OU ») *en ne donnant/prenant pas le temps d’un tour complet d’expression sur le sujet qui fait débat, sous prétexte que certain-es avaient déjà objecté et du coup soit disant « bloquaient » la décision, l’outil était non seulement dévoyé mais surtout il se retournait contre l’individu ET le groupe en les privant, là encore, tous les deux d’une possible évolution. Donc, en y regardant de plus près, il apparaît que cet outil de prise de décision et d’expression dit « par consentement » peut-être fabuleux lorsqu’il est totalement mis au service de la relation et de la communication positive et bienveillante. Mais si, comme cela a été le cas dimanche dernier, il est quelque peu « dévoyé » (détourné de sa voie) il devient alors un outil de contribution voir de renforcement du rapport de force et des oppositions. Bien sûr dans l’observation de ces différents points chacun-e est invité-e regarder la responsabilité qui lui revient (moi y compris, cela va sans dire) afin de faire les ajustements nécessaires pour éviter la reproduction des tensions et difficultés que nous avons vécues. Je propose aussi que : *tous-tes et chacun-e soyons attentifs-ves lors de nos prochaines réunions à l’usage que nous faisons des outils de communication que nous avons choisi. *nous nous autorisions, si nous les voyons être mal utilisés, à interpeller le groupe pour réguler la situation sans attendre. Avec, comme toujours, la confiance partagée que chaque difficulté rencontrée est l’occasion de grandir.....Ainsi, ce que nous avons vécu de compliqué ou difficile lors de notre dernière plénière nous offre, collectivement et individuellement, l’opportunité d’avancer encore en maturité. Sachant qu’au-delà du 1er élan, notre choix de s’engager sur ce chemin de transition et d’utiliser des outils tels que la décision par consentement ou la communication non-violente, implique de faire un sacré chemin personnel de transformation! Pas aisé tous les jours tant la culture globale de notre société incite et éduque à l’individualisme et la compétition! Certain-es ou à certains moments nous nous sentons bien avancé-es, dégagées de ce « formatage » et cela est enthousiasmant, puis à d’autres ou pour d’autres il y a de la rudesse, de la difficulté ou de la résistance au changement. Telle est notre condition humaine, avec nos hauts et nos bas, nos lumières et nos parts d’ombre, nos compétences-ouvertures et nos limites-fermetures. La chance, et plus, l’opportunité, d’être ensemble sur ce chemin, c’est l’attention, la bienveillance mutuelles que nous décidons-choisissons de nous offrir, dans une vigilance à accueillir-aider-soutenir-accompagner l’autre sur cette voie de transformation afin qu’au final nos parts de changement, individuel et commun, produisent un monde différent, tel que nous souhaitons qu’il advienne. Ce processus d’évolution, personnel et collectif, demande du temps, les processus de décision par consentement et la CNV demandent aussi du temps pour se dérouler correctement (c'est-à-dire pour produire leurs effets bénéfiques). Pour respecter ce temps, ce rythme, avec le GT V et PS, je me fais ici le relai de certain-es d’entre nous qui ont plusieurs fois exprimé, avec sagesse, combien il est nécessaire que nous allégions l’OdJ de nos plénières et que nous redonnions leur sens premier à nos plénières « bis », à savoir un temps de partage autour d’activités autres qu’intellectuelles afin de se connaître et se rencontrer autrement, dans la détente et dans le « faire ensemble » qui participent aussi au « vivre ensemble » et à entretenir notre connexion avec notre précieux environnement naturel. L’intellect est un outil précieux et indispensable pour mener à bien un projet tel que le nôtre et en même temps soyons attentifs-ves à ce qu’il n’envahisse pas tout le champ de nos relations et du projet......Ne devenons pas « des plantes hors sol » en s’enfermant dans la seule activité du « penser ensemble »;-)). Nous savons tous-tes, intuitivement ou par l’expérience, combien la Terre et notre corps sont nos plus sûrs allié-es pour nous guider vers l’équilibre, vers ce qu’il y a de plus vivant et vibrant en nous !