Article original
IMAGERIE DU RACHIS CERVICAL
DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE
J-L. Drapé, A. Chevrot
Service de Radiologie B, CHU Cochin, APHP, Université Paris V.
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DOSSIER
RACHIS - Vol. 16, n°1, Février 2004
Latteinte du rachis cervical est fréquente, 60 à
70% environ des patients atteints de polyar-
thrites souffrant de douleurs ou d'autres trou-
bles fonctionnels ou de manifestations neurologiques.
80% des subluxations vertébrales apparaissent au
cours des 2 premières années d'évolution et la totalité
d'entre elles avant 5 ans. Les radiographies restent le
moyen le plus simple pour dépister une atteinte de la
charnière cervico-occipitale, sensibilisées par les
épreuves dynamiques en flexion-extension. L’IRM est
indiquée en cas de déficit neurologique. Elle permet
de localiser et d’évaluer le caractère inflammatoire du
pannus synovial, ainsi que le retentissement neurolo-
gique. Les infiltrations radio-guidées peuvent contenir
certaines poussées douloureuses, en particulier au
niveau de l’articulation C1-C2.
Signes généraux
L'atteinte prédomine au rachis cervical supérieur. Il
faut ajouter aux clichés habituels un cliché bouche
ouverte, de réalisation parfois difficile en cas d'arthri-
te temporomaxillaire et surtout des clichés de profil en
flexion et en extension (pour les articulations C1-C2) ;
un cliché de la jonction cervico-thoracique si besoin
en incidence oblique. La manipulation du malade doit
être prudente en cas d'instabilité rachidienne avec
risque neurologique. La tomodensitométrie (TDM) et
l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ont rem-
placé les tomographies traditionnelles pour identifier
les différents types de subluxation et apprécier leur
retentissement sur l'axeneural.
Le tropisme pour le rachis cervical s'explique par la
présence de nombreuses articulations synoviales :
occipito-atloïdiennes, atloïdoaxoïdiennes, interapo-
physaires et uncovertébrales. Les destructions dues à
la synovite sont aggravées par les importantes sollici-
tations mécaniques du rachis cervical qui entraînent
une distension capsuloligamentaire, des microfractu-
res et une dégénérescence discale.
L'atteinte cervicale est plus fréquente et plus évolutive
chez l'homme, dans les formes séropositives, cortico-
dépendantes, avec des nodules rhumatoïdes sous-cuta-
nés et dans les polyarthrites destructrices évoluant
depuis plusieurs années. La corrélation radioclinique
n'est pas toujours évidente : 30% des malades ont des
lésions radiographiques asymptomatiques dans certai-
nes séries. En fait, le potentiel évolutif est variable,
imposant une surveillance régulière.
Articulations occipito-
atloïdo-axoïdiennes
Erosions de l'apophyse odontoïde
L'érosion de l'odontoïde est fréquente, produite par le
pannus synovial péri-odontoïdien. Les érosions sont
aussi bien vues en scanographie et en IRM, mieux que
sur les clichés classiques (1) (Figure 1). L'érosion de
l'odontoïde (88 %) et le pannus (87 %) sont les signes
le plus souvent retrouvés en IRM (2) (Figure2).
L'ostéolyse étendue, accompagnée généralement d'une
subluxation antérieure C1-C2, peut réduire la dent à un
petit spicule osseux simulant une dent hypoplasique
congénitale (3). Les fractures de l'odontoïde sont pos-
sibles après un traumatisme minime, mais restent
rares. La résorption progressiveetcomplète du frag-
ment supérieur peut survenir,comme dans les fractu-
res simples de l'odontoïde (Figure2). La condensation
et la périostite avec productions osseuses à la face
antérieure de la dent sont rares en comparaison des
rhumatismes axiaux.
Subluxation atloïdo-axoïdienne
Subluxation antérieure
Elle représente 75% de toutes les subluxations cervi-
cales et peut survenir précocement, avant les érosions
de l'odontoïde. L'inflammation synoviale entre la face
postérieure de la dent et la face antérieure du ligament
transverse, entraîne une laxité ou une rupture du liga-
ment transverse. La subluxation antérieure de C1 est
définie chez l'adulte par une distance de plus de 3 mm
entre l'arc antérieur de C1 et l'odontoïde. Cette distan-
ce dépasse 10 à 12 mm lorsque les ligaments alaires et
apicaux sont également atteints. Un déplacement de
plus de 9 mm comporte un risque neurologique (2).
L'apparition de signes neurologiques et la récupération
neurologique seraient mieux corrélées à une distance
postérieure atlas-axis inférieure à 14 mm entre la face
postérieure de la dent et le bord antérieur de l'arc pos-
térieur de l'axis (4).
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Figure 2 : Pannus synovial avec érosion de l’extrémité supérieure de l’a-
pophyse odontoïde. Coupe sagittale T1.
Figure1:Erosion de la face postérieure de l’apophyse odontoïde.
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Imagerie du rachis cervical dans la Polyarthrite Rhumatoïde
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Au cours de la flexion, l'atlas se sépare lentement en
avant de l'axis, rétrécissant progressivement le canal
cervical par son arc postérieur. Pendant l'extension, la
subluxation C1-C2 se réduit le plus souvent quand C1
atteint l'horizontale avec parfois une sensation de res-
saut (Figure 3). La compression médullaire par l'odon-
toïde en avant et l'arc postérieur de C1 en arrière est
visible sur la myélographie, le scanner et l'IRM. Le
pannus périodontoïdien aggrave la compression
médullaire antérieure (Figure 4). L'injection de com-
plexe de gadolinium est ici particulièrement utile pour
montrer le renforcement du pannus inflammatoire par
le produit de contraste (Figure 5). La réduction en
extension n'élimine pas une compression médullaire
dans cette position par le pannus. Une TDM ou mieux
une IRM est nécessaire dans certains cas pour recher-
cher l'aggravation éventuelle de la compression en
extension par le pannus, qui peut compliquer l'intuba-
Figure 3 a et b : Subluxation antérieure C1-C2 en position neutre sur la radiographie de profil. Réduction lors de l’extension.
Figure 4 : Subluxation antérieure C1-C2 avec déficit neurologique. Coupe
sagittale T2. Pannus synovial périodontoïdien peu hypertrophique.
Atrophie et hypersignal intramédullaire.
Figure 5 : Subluxation antérieure C1-C2 avec rehaussement intense d’un
pannus synovial hypertrophique périodontoïdien après injection de gadoli-
nium.
BA
Gregor, Chamberlin, Wackenheim) et de face (lignes
bimastoïdienne et digastrique) utilisant le sommet de
l'odontoïde comme repère ne sont pas fiables en raison
de la fréquente érosion de l'odontoïde. Les mesures de
Ranawat et de Redlund-Johnel effectuées sur le cliché
de profil sont plus exactes. L'indice de Ranawat est la
distance séparant la ligne - centre de l'arc antérieur -
centre de l'arc postérieur au centre du pédicule de
l'axis. L'indice de Redlund-Johnel mesure la distance
séparant la ligne passant par le bord inférieur du corps
de l'axis à la ligne de Mac Gregor. Un index de
Redlund-Johnel (< 33 mm) ou de Ranawat (< 13 mm)
anormal s'accompagne de signes neurologiques avec
signes de compression en IRM (7). La TDM et surtout
l'IRM montrent l'odontoïde dans la fosse postérieure,
comprimant la jonction bulbomédullaire (Figure 6).
Les subluxations verticales entraînent le plus de com-
plications neurologiques, par la compression bulbo-
médullaire ou celle des artères vertébrales entre l'odon-
toïde et le trou occipital (8). L'IRM est capable de mon-
trer des signes de dissection de l'artère vertébrale (9).
Subluxation latérale
La subluxation latérale des articulations C1-C2 entraî-
ne une asymétrie entre la dent et l'atlas. Le déplace-
ment des masses latérales de C1 par rapport à C2 doit
être supérieur à 2 mm (10). La translation latérale est
arrêtée par le contact avec les apophyses articulaires
résiduelles, l'apophyse odontoïde plus tardivement. La
subluxation est visible sur l'incidence bouche ouverte
(Figure7). Le glissement latéral pur de C1 sur C2
n'entraîne pas de compression médullaire. Les
malades présentent une inflexion fixée de la tête du
côté du tassement osseux et une rotation de l'autre
côté.
Subluxation postérieure
En cas d'érosion de la dent, l'atlas peut se déplacer vers
l'arrière (6 à 7% des subluxations). Rarement, l'arc
antérieur de l'atlas se subluxe au-dessus de la dent. Les
rares fractures associées de la dent la favorisent. La
moelle n'est pas directement comprimée.
Subluxation multidirectionnelle
On citera la subluxation antérolatérale ou rotatoire et la
subluxation antéropostérieure, C1 se déplaçant à la fois
en avant et en arrière de C2 (11). La subluxation anté-
rieure et verticale est la plus fréquente, comme on l'a vu.
Au cours de l'évolution, la base plus large de la dent et le
corps de C2 se rapprochent de l'arc antérieur de C1, dimi-
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Figure 6 : Subluxation verticale de C2 avec impression basilaire et com-
pression de la jonction bulbo-médullaire. Coupe sagittale T1.
tion anesthésique (5). L'IRM est ainsi réalisée en
flexion et en extension. Un pannus de plus de 10 mm
d'épaisseur peut même à lui seul comprimer la moelle
en position neutre (Figure 5). La subluxation peut être
irréductible ou partiellement réductible, par interposi-
tion de pannus ou d'ossifications entre l'odontoïde et
l'arc antérieur de l'atlas ou par d'importantes altéra-
tions articulaires (5).
Subluxation verticale ou impression basilaire
Vue dans 20% des cas, souvent associée à la subluxa-
tion atlas-axis, elle peut être fatale (6). La luxation
verticale de la dent résulte de l'usure des masses laté-
rales de C1 et à un moindre degré des condyles occi-
pitaux et des apophyses articulaires supérieures de C2.
L'érosion associée du sommet de la dent peut diminuer
la compression (6). Le diagnostic repose sur l'image-
rie. Les repères habituels de profil (lignes de Mac
Imagerie du rachis cervical dans la Polyarthrite Rhumatoïde
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nuant la distance entre l'odontoïde et l'arc antérieur de C1,
ce qui traduit la subluxation verticale et non pas la réduc-
tion spontanée de la subluxation antérieure (Figure6).
Infiltration radioguidée C1-C2 de corticoïdes
Il est possible de contenir des poussées douloureuses
cervicales par une infiltration C1-C2 de corticoïdes.
Les arthrites latérales sont directement accessibles
alors que l’atteinte centrale C1-C2 n’est opacifiée que
dans 20% des cas environ (Figure8). La ponction se
réalise sous contrôle scopique par voie latérale ou pos-
térieure (12). L’arthrographie vérifie le positionne-
ment intra-articulaire et l’éventuelle opacification
contro-latérale. La cavité est habituellement de grande
taille avec des expansions diverticulaires.
Rachis cervical moyen
et inférieur
Subluxation antérieure
Les subluxations antérieures des corps vertébraux,
chez 10 à 20% des malades, augmentent avec la chro-
nicité et la gravité de la maladie . La pathogénie de l'at-
teinte discale est discutée : arthrites uncovertébrales
ou dégénérescence discale mécanique. La myélopathie
associée est rare. Les subluxations sont peu importan-
tes, même si des cas de luxation ont été décrits. Les
lésions limitées à un seul étage, siègent surtout en C3-
C4 et C4-C5, mais les atteintes de plusieurs étages
sont plus fréquentes, donnant un aspect en “marches
d'escalier” sur les clichés de profil (Figure 9). La dis-
tance séparant les murs postérieurs des deux vertèbres
rapportée au diamètre antéropostérieur du corps de la
vertèbre inférieure évalue le glissement. Dans la plu-
partdes cas, la subluxation n'est pas fixée : les défauts
d'alignement sont mieux vus sur les clichés de profil
en flexion et en extension. Un rachis cervical aligné
sur un cliché en position neutre peut révéler des sub-
luxations considérables lors de la flexion.
L'IRM détecte les étages compressifs et peut mettre en
évidence des signes de souffrance médullaire sous la
Figure 7 : Subluxation latérale C1-C2 secondaire à une arthrite destructri-
ce de l’articulation latérale gauche C1-C2. Cliché de face bouche ouverte.
Figure8aet b : Infiltration articulaireC1-C2 droite.A. Vue de profil. B. Contrôle de face après infiltration. Opacification isolée C1-C2 droite.
BA
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