coordonnent leurs comportements et coopèrent afin de résoudre un certain nombre de problèmes est
à notre espèce ce que la trompe est à l'éléphant : un trait remarquable qui nous rend uniques et nous
distingue clairement d'autres êtres vivants, en faisant de l’espèce Homo sapiens une espèce
particulièrement sociale et coopérative. Comme la trompe de l'éléphant, la coopération humaine
peut paraître un peu extrême ou extravagante quand on la compare aux autres formes vivantes,
mais, comme la trompe de l’éléphant (sur l’origine évolutive de laquelle les scientifiques sont
parfois en désaccord), elle n’a rien de nécessairement mystérieux.
Le comportement ultracoopératif humain peut facilement être observé dans la vie de tous les
jours: nombre d’entre nous votent, donnent leur sang, trient leurs déchets pour les recycler, aident
leurs voisins, ou participent et font don à des associations caritatives, sans pour autant attendre de
bénéfices personnels en retour. En fait, en dépit de leur banalité, tous ces exemples constituent des
situations dans lesquelles chaque individu maximiserait ses bénéfices en s’abstenant de coopérer (ce
qui lui épargnerait les efforts et autre coûts nécessaires pour agir) et en laissant les autres faire le
travail à sa place (ce qui lui permettrait de tirer le maximum de profit de l'action des autres). C’est
ce que fait par exemple celui qui ne va pas voter par paresse, en espérant que les autres voteront
pour le candidat de son choix, ou celui qui refuse de faire l’effort de trier ses déchets, en espérant
que les autres le fassent tout de même. Cependant, si chaque individu choisit d’agir de façon
égoïste, et si personne ne coopère, alors tout le monde se retrouvera dans une situation pire que si
tout le monde avait coopéré. Si personne ne vote, alors le système politique ne fonctionne plus, et si
personne ne trie ses déchets, alors tout le monde pâtira de la situation écologique. Autrement dit,
dans ces situations, tout le monde s’accorde pour dire que la situation serait bien meilleure si tout le
monde coopèrait que si tout le monde agissait de manière égoïste, mais chaque individu a des
raisons égoïstes de ne pas coopérer. On appelle des situations sociales de ce type des problèmes
d'action collective
.
Or, nous sommes les descendants d'une longue lignée d’hominiens qui, il y a plus de cent
mille ans, devaient déjà affronter des problèmes d’action collective : la chasse coopérative, la garde
des enfants ou la défense du groupe contre d’autres groupes constituent toutes des situations dans
lesquelles le groupe ne peut survivre que grâce à la coopération de ses membres. L’espèce humaine
a donc dû développer des capacités spécifiques pour répondre à ces problèmes et favoriser la
Le plus petit problème d’action collective est ainsi le dilemme du prisonnier à deux joueurs (voir chapitre
“Raisonnement et décision”). On peut concevoir un problème d’action collective comme un dilemme du prisonnier
à ‘N’ joueurs.