C’est J. M. KEYNES (1883-1946) qui théorise dans « la théorie générale » (1936) la possibilité d’une insuffisance de la
demande globale nécessaire au maintien de l’activité économique au niveau assurant le plein emploi de la main-
d’œuvre disponible. Et c’est sur le terrain macroéconomique qu’il situe sa démonstration. Celle-ci s’appuie sur un
changement radical du statut de l’épargne. Produit d’un arbitrage rationnel dans la pensée néoclassique, l’épargne se
retrouve définie par soustraction chez Keynes : elle est la part du revenu qui n’est pas consommée. Elle est un reste, un
résidu. Elle n’est plus le revers de l’investissement, elle n’est plus que de la non dépense. Qui doit être compensée par
de la dépense - l’investissement - pour que la dépense globale reste à la hauteur de l’offre globale. Et là, rien n’est
moins sûr a priori. Un équilibre de sous-emploi est dès lors possible.
• Si l’épargne est un reste, c’est que le niveau global de la consommation ne résulte pas d’un arbitrage avec elle. Il est
déterminé ailleurs. Par quoi ? Par le niveau du revenu global lui-même. KEYNES invoque, de façon assez vague, une
fonction de consommation macroéconomique qui relie le niveau global de consommation au revenu global.
• Il donne une spécification de cette fonction : la propension marginale à consommer : quand le revenu global
augmente, la consommation globale augmente aussi, mais en proportion moindre. La propension marginale à
consommer c’ mesure cette proportion : c’ = ∆C/∆R c’ < 1
b) La théorie keynésienne a suscité des critiques.
• Le courant néoclassique a cherché à l’intégrer dans son corpus en lui trouvant des fondements microéconomiques.
• Les essais de vérification empiriques de la fonction keynésienne ont donné des résultats probants, mais incapables de
rendre compte de la complexité du phénomène. Ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où la définition keynésienne
est peu rigoureuse parce qu’elle ne relève que du bon sens étayé par une connaissance empirique de la vie économique.
Et qu’elle vise un but qui la dépasse - montrer la possibilité du sous-emploi.
• Pour mieux rendre compte des faits observés, des travaux de microéconomie ont fait intervenir d’autres facteurs
déterminant du niveau de la consommation au niveau macroéconomique:
- l’inertie de la consommation par rapport au revenu courant : théories de J. DUESENBERRY et de T. BROWN.
- la prise en compte d’un effet de richesse : le consommateur ne se réfère pas uniquement à son revenu courant, mais
tient compte de l’ensemble de ses revenus futurs, qu’il anticipe - càd de la richesse globale à laquelle il aspire : théories
du revenu permanent de M. FRIEDMAN et du cycle de vie de F. MODOGLIANI.
3 - APPROCHES SOCIOLOGIQUES
• La consommation n’est pas seulement l’expression de la rationalité économique d’un homo economicus abstrait
œuvrant sur des marchés. Elle s’inscrit aussi dans l’épaisseur des rapports sociaux, qui ne se réduisent pas aux relations
de marché. Elle est un acte social au sens où :
- elle est marquée par des habitudes, des normes, des valeurs et des représentations collectives qui lui donnent du
sens
- elle permet à l’acteur social de se positionner dans les différents champs et milieux sociaux par des pratiques
largement symboliques qui permettent tout à la fois de se différencier et de s’intégrer.
On mentionnera quelques contributions majeures de la sociologie à l’étude de la consommation.
• L’effet de démonstration. Selon J. DUESENBERRY (1918 -) les membres d’un groupe social donné ont tendance à
imiter la consommation d’un groupe au revenu supérieur (supérieur mais proche) pour faire la démonstration de leur
statut (1949). Ce constat conforte la théorie keynésienne selon laquelle les ménages pauvres auraient une propension à
consommer plus forte que la moyenne. Cela tiendrait au fait qu’ils tentent d’imiter les plus riches qu’eux. Cependant la
plus forte propension à consommer des ménages modestes tient surtout au fait que certaines consommations sont
difficilement compressibles. Ainsi, plus le revenu est faible, plus la consommation en prend une part importante.
• L’effet de distinction et la consommation ostentatoire. T. VEBLEN (1857-1929), dans une étude de la haute
bourgeoisie aux Etats-Unis (Théorie de la classe de loisir - 1899) remarque que celle-ci gaspille du temps dans les
loisirs et des biens dans sa consommation. Le but de ce gaspillage est de montrer son statut social supérieur - il est
ostentatoire. Le concept de consommation ostentatoire est très important en sciences sociales. Il a été repris par d’autres
sociologues, tels que P. BOURDIEU et J. BAUDRILLARD.
L’effet VEBLEN décrit une conséquence que peut avoir la consommation ostentatoire : l’augmentation du prix d’un
biens conduit à l’augmentation de sa consommation.
• La consommation comme langage. Dans « le système des objets » (1968) J. BAUDRILLARD (1929-2007) se livre à
une réflexion sur les objets du quotidien. Il constate que ceux-ci ne puisent plus leur sens dans leur fonction pratique
mais dans leur matérialité. Leur diffusion industrielle et leur sujétion aux consignes versatiles de la mode ne les
empêchent plus de se constituer en un système cohérent de signes. La consommation devient un langage. Deux ans
après, dans « La société de consommation » il définit le rôle de la consommation dans les sociétés occidentales comme