Fabrication artisanale du produit : l`incongruence du discours par

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Fabrication artisanale du produit : l’incongruence du discours par rapport
à la marque influence t-elle le goût perçu ?
Marielle SALVADOR-PERIGNON
Docteur en Sciences de Gestion
Enseignant-chercheur
ESC Chambery
Savoie Technolac
73381 le Bourget du Lac cedex
Tél : 04 79 25 32 54
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Fabrication artisanale : l’incongruence modérée du discours par rapport à la marque
influence t-elle le goût perçu ?
Résumé : Cet article met en lumière l’influence du capital de marque sur le goût perçu d’un
produit alimentaire. Au travers du discours sur le mode de fabrication des produits, nous
étudions également l’influence de la congruence perçue par les consommateurs entre ce
discours et la marque. Nous émettons par ailleurs l’hypothèse que ce type de discours est à
même de générer des représentations mentales qui peuvent également influencer le goût
perçu.
Mots clés : goût, marque, capital marque, représentations mentales, congruence perçue.
Abstract: This paper highlights the brand equity influence on perceived taste of food product.
Through the advertising on the manufacturing process of products, we study the influence of
the perceived congruity by the consumers between this advertising and the brand also.
Besides, we put forward the hypothesis this kind of advertising is able to generate mental
representations which can also influence the perceived taste.
Key words : taste, brand, brand equity, mental representations, perceived congruity
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Introduction
Alors que l’homme de nos sociétés modernes est passé de la question vitale du « pouvoir
manger » à celle du « quoi manger »1, cette nouvelle liberté favorise paradoxalement les
errances et la recherche de nouveaux ou d’anciens repères gustatifs. Si les industries
agroalimentaires proposent aujourd’hui au consommateur des desserts aux « goûts fabriqués »
(Corbeau, Poulain 2001) de crème brûlée ou de tiramisu ; dans le me temps, d’autres
acteurs de la gastronomie privilégient le retour à la nature, en mettant en avant des plats à
base de fleurs, d’herbes et de racines2, ou en privilégiant les produits artisanaux. Synonymes
d’authenticité, ces produits deviennent le reflet d’un retour à de vraies valeurs, celles d’une
recherche de la qualité et du goût incomparable de l’aliment. Le goût constitue en effet un
critère majeur de qualité, que les individus évaluent grâce à leurs expériences passées si elles
existent, ou en réalisant des inférences à partir des attributs extrinsèques du produit (Pinson
1986), comme la marque ou le packaging. Alors que le camembert est désormais « de
campagne » et que les chips sont « à l’ancienne », nous nous sommes demandés jusqu’où ce
discours teinté d’artisanal pouvait influencer le goût perçu du produit chez les individus,
d’une part, et quelle était la part de l’influence du capital de marque dans ce goût perçu
d’autre part. Nous présenterons donc le cadre théorique de cette recherche, puis décrirons
l’ensemble de la validation empirique. Nous conclurons par les apports théoriques et
managériaux ainsi que ses limites et des propositions de voies de recherche.
Cadre théorique
1 François Ascher (2005)
2 Nous pensons ici aux chefs M. Veyrat à Annecy, ou à J. Chauvel à Le Perreux sur Marne. Alors que
dans le même temps, d’autres chefs pratiquent une cuisine moléculaire, comme F.Adria ou T.Marx
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Le goût à la frontière de différents champs disciplinaires
Si le goût est d’abord le sens permettant de distinguer les quatre saveurs fondamentales que
sont le sucré, le salé, l’acide et l’amer (approche physiologique), la perception sensorielle et la
sensation gustative qui en découle, déclenchent des réactions cognitives (des informations) et
affectives (du plaisir ou non). Cette approche psychologique tient également compte des
apprentissages sociaux et culturels du goût : l’homme fait appel à sa mémoire, à ses
expériences antérieures personnelles et à ses apprentissages pour reconnaître et classer les
aliments. Dès lors, l’approche anthropologique du goût définit celui-ci comme une
« élaboration sociocognitive qui procède d’une capacité de symbolisation innée du sujet et
d’un savoir commun propre à une culture » (Merdji 1995).
Cette dimension symbolique ayant une importance capitale dans le domaine alimentaire, la
prise en compte des représentations apparaît dès lors judicieuse puisque les individus achètent
des produits alimentaires pour se nourrir mais également pour ce qu’ils représentent (Gallen
2005). Les représentations sociales se situent à l’interface entre la dimension psychologique et
la dimension sociale d’un phénomène (Jodelet 1999). Ces images aux significations multiples
constituent pour les individus des systèmes de références pour faire face à toutes les situations
d’incertitude, « une manière d’interpréter et de penser notre réalité quotidienne, une forme de
connaissance sociale (…) élaborée et partagée » (Jodelet 1999). Elles sont une simplification
de la réalité permettant à l’individu de catégoriser les choses, les faits, les idées afin de
maîtriser son environnement. En ce sens, on peut considérer que les éléments les plus stables
d’une représentation, qui constituent ainsi son noyau central (Abric 1994), sont des éléments
stéréotypés. En sciences de gestion, Gallen (2005) les définit comme un ensemble de
croyances permettant au sujet de comprendre son environnement. Des croyances qui peuvent
être de nature informative lorsqu’elles concernent les attributs tangibles du produit
alimentaire, ou encore de nature évaluative lorsqu’elles sont en rapport avec les bénéfices
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procurés par le produit comme le goût. Nous avons tenté de faire émerger un noyau commun
en dégageant les éléments significatifs autour desquels se cristallisent les représentations du
mode de fabrication du produit. Car selon Lambert (1996), le système de représentations qui
domine encore aujourd’hui a intégré un univers du comestible qui s’est constitué avec des
aliments provenant du secteur primaire agricole, par opposition aux autres produits provenant
du secteur industriel qui formeraient l’univers du non comestible. La perception des produits
alimentaires actuels continuerait à s’élaborer de manière fréquente dans ce double univers de
représentations auxquelles sont associées des effets supposés positifs ou négatifs. Fischler et
Masson (2008) soulignent cette forte présence dans les discours européens, de l’opposition
radicale entre le frais-naturel et l’industriel-transformé, à la différence des Américains, et
allant de pair avec le sentiment d’une perte de goût des aliments perçus comme « moins
sains » qu’il y a quarante ou cinquante ans. En définitive, le système de production appliqué à
un produit alimentaire apparaît étroitement lié à son goût, avec un schéma mental simplifié.
Mais si la prise en compte du mode de production par les individus est évoquée, nous n’avons
pas trouvé dans la littérature de précisions sur la distinction entre des modes de fabrication
dont l’un serait industriel et l’autre artisanal. Dans l’étude réalisée par Aurier, Fort et Sirieix
(2005), le terroir est opposé dans les discours à l’industriel mais sans plus de précisions sur ce
terme employé. anmoins, il est raisonnable d’envisager que certaines dimensions du
terroir3 puissent être évoquées pour définir un produit artisanal.
Stimuli épistémiques et goût
Les stimuli épistémiques sont ceux issus de l’information sur le produit (prix, marque, label,
allégations nutritionnelles, ingrédients) et ceux qui contribuent à façonner les croyances des
individus à propos du produit, qui n’émanent pas directement de celui-ci mais davantage des
3 Proximité perçue entre le producteur et le consommateur, avec la région, avec le producteur,
importance du lieu d’achat, absence de packaging, de marque et de publicité, goût et typicité
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