Bordes (2002b) travaille sur la constitution des groupes affinitaires. Les dyades sont le plus
souvent unisexes, malgré une demande massive de mixité (Hebrard, 1986, enquête SPRESE).
L’auteur y voit l’influence de la logique interne des activités. Bordes note également que la
cohésion des groupes ainsi constitués est en moyenne faible. Il faut dire que dans ce cas
beaucoup de laissés pour compte se retrouvent ensemble, et que le rejet des groupes mixtes
peut générer des groupes sans affinité particulière.
L’auteur note également que les regroupements affinitaires (dyades) ne se reproduisent pas
systématiquement. Si c’est le cas en gymnastique, les dyades sont beaucoup plus labiles en
badminton, athlétisme, et sports collectifs. L’idée que les groupes affinitaires sont cohésifs et
stable semble n’être qu’une illusion.
Bordes (2002b) analyse les effets de la cohésion du groupe et du niveau d’habileté initial dans
trois APS (gymnastique, relais et tennis de table). On n’obtient aucun effet évident de la
cohésion, sauf en relais où un groupe de niveau faible et à faible cohésion régresse en
performance. L’auteur conclut au fait que les phénomènes complexes observés en cours
d’EPS ne peuvent être se résumer aux résultats de laboratoire.
Les collectifs stables
Paradoxalement, l’équipe sportive, le club, le collectif stable qui constituent un des piliers des
pratiques sociales de référence et des expériences émotionnelles qu’elles véhiculent, sont
complètement évincés de l’enseignement de l’Education Physique. Il n’est pas rare même de
voir soutenir l’idée qu’il soit nécessaire de modifier la constitution des équipes de manière
systématique, de manière à intégrer l’ensemble des élèves et à éviter la cristallisation de clans.
La mise en projet de collectifs stables, sur le modèle de l’équipe sportive, permet l’émergence
d’une véritable dynamique de groupe, fondée sur la cohésion, la solidarité, la communauté
d’intérêts (Rey, 2000). Ces processus essentiels ne peuvent apparaître que si l’on laisse au
groupe suffisamment de temps et de stabilité (Gréhaigne, 1997). La solution qui consiste à
faire perdurer les groupes sur plusieurs cycles consécutifs est rarement exploitée, mais semble
à ce niveau digne d’intérêt. Bordes (2002a) affirme à ce sujet que « selon la logique des
savoirs dispensés, l’on retrouve des grandes tendances qui font converger structure des tâches
et formes d’organisation de l’espace social. Sur ce dernier point, il apparaît que les aspects
pragmatiques semblent définitivement l’avoir emporté sur les positions idéologiques des
années 60 et 70 ».
La constitution de groupes stables peut permettre de donner du sens aux projets d’équipes tout
au long du cycle, de constituer ces « communautés d’intérêt » dont parle Galichet (1998).
Selon l’auteur, un groupe se constitue en communauté d’intérêt à partir du moment au chaque
membre du collectif devient attentif à la performance de l’autre et solidaire de ces progrès.
C’est à cette condition qu’une véritable éducation à la citoyenneté, débouchant sur une
transformation profonde des attitudes des élèves, peut être réalisée.
Durand (2001, p. 163) relate un épisode renvoyant à cette dynamique des groupes stables :
lors d’une leçon de basket-ball, une fille sort du terrain, au prétexte que les garçons de son
équipe ne la font pas jouer. L’enseignant rappelle alors à la classe qu’ils sont constitués en
équipes stables jusqu’au tournoi interclasse, et que chacun doit être concerné par les progrès
des membres de son équipe. La suite de la leçon est caractérisée par un engagement important
de chacun, et une coopération constructive entre élèves.