3. ACOUSTIQUE PHYSIOLOGIQUE ET PSYCHOACOUSTIQUE 3.1

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3. ACOUSTIQUE PHYSIOLOGIQUE ET PSYCHOACOUSTIQUE
3.1 Introduction
L’impression de gène que produit un bruit dépend de nombreux facteurs, physiques et psychophysiologiques, et pas seulement de son intensité physique .
Les multiples causes de la gène imputée au bruit peuvent être:
* l’intensité sonore,
* le spectre du bruit,
* sa durée,
* la vitesse d’accroissement du niveau lors d’un bruit impulsionnel,
Mais la gène sonore est due à bien d’autres causes :
* physiologiques (état de santé, anxiété, fragilité, …),
* psychologiques (état mental, intro ou extraversion, connaissance, acceptation ou non de l’activité
professionnelle produisant ce bruit, …)
* sociologique (milieu socio-culturel, relations affectives avec le voisinage, …).
Il est donc évident qu’aucune échelle de niveau sonore objective, ne peut donner une indication de
gène ressentie, dans ces conditions, il est très difficile de préciser le niveau de bruit admissible
dans une situation d’exposition sonore donnée.
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3.2 L’oreille humaine
3.2.1 Données physiologiques
Comme le montre la figure 3.1, l’oreille est composée de trois parties :
- l’oreille externe (pavillon et conduit auditif) ;
- l’oreille moyenne (tympan et chaîne des osselets) ;
- l’oreille interne (appareil vestibulaire et la cochlée).
Figure 3.1 : L'oreille humaine.
L’oreille externe , constituée du lobe ou pavillon et du canal auditif, reçoit les ondes sonores qui
excitent le tympan ; organe de jonction avec l’oreille moyenne .
L’oreille moyenne possède trois petits os (chaîne des osselets) agissant comme des bielles et un
piston. Ces osselets transmettent les variations de pression acoustique vers l’oreille interne
qui est constituée de deux systèmes séparés : les canaux semi-circulaires pour l’équilibrage et la
cochlée ou limaçon, spirale osseuse qui contient l’organe de l’audition : l’organe de Corti. La
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cochlée en forme d’escargot, remplie de liquide et séparée longitudinalement en deux par la
membrane basilaire.
En réponse à un stimulus acoustique, le liquide dans le limaçon actionne la membrane basilaire
sur la surface supérieure de laquelle se trouvent 15000 à 20000 cellules ciliées. Celles-ci
enregistrent le mouvement et le transforment en impulsions nerveuses qui sont transmises au cerveau
par le nerf cochléaire.
Du point de vue de la sécurité, les dangers concernant l’oreille externe sont très faibles
Au niveau de l'oreille moyenne contenant la cavité tympanique de fréquence de résonance située
vers 1300 à 1500 Hz, les risques de déchirure du tympan ou de lésions de la chaîne des
osselets sont réels sous contraintes sonores élevées et prolongées.
Il existe au niveau de l’oreille moyenne des muscles commandés par le cerveau qui, par tension,
permettent d’atténuer l’intensité du bruit reçu sur certaines fréquences. Ce réflexe stapédien
d'autoprotection fait partie de cette “crispation” qui est créée lorsque l'on est, par exemple, devant
une presse à emboutir en action.
Lors de l'exposition à des bruits intenses transitoires, on observe une destruction
irréversible d’une partie des cellules ciliées sensorielles de l’oreille interne .
A cette destruction correspond une diminution progressive de l’acuité auditive. Plus il y a de cellules
détruites, moins le cerveau est capable de compenser cette perte d’information. Cette perte est
normalement plus importante aux fréquences voisines de 4 à 6 kHz auxquelles l’oreille est plus
sensible.
Les bruits impulsionnels ou transitoires et de chocs sont à cet égard les plus dangereux, de
par leur brièveté tels que tir, choc d’un marteau-pilon sur la pièce, qui occulte l'efficacité du réflexe
stapédien. On conçoit aisément qu'en l'absence d'information “d'avertissement” le réflexe stapédien
n'étant pas mis en œuvre, le risque de traumatisme et de surdité soit beaucoup plus grand.
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3.2.2 Les principales sensations sonores
La sensation auditive associée à la fréquence d’un son est la hauteur tonale ou tonie. Pour
l’échelle musicale, elle s’étend du grave à l’aigu. La tonie dépend principalement de la fréquence du
son, mais aussi de son intensité et de sa composition spectrale.
Le timbre ou richesse du son dépend des harmoniques accompagnant le fondamental, parfois
de leurs phases respectives.
Un son harmonique ou pur au sens physique (vibration sinusoïdale) n’est pas agréable à l’oreille. Au
contraire, un son riche en harmoniques (instruments de musique) paraît agréable et sa composition
spectrale caractérise le timbre de chaque instrument.
L’oreille apprécie aussi la vitesse de variation d’un bruit, elle est sensible aux transitoires et
les variations rapides de niveau perturbent plus ou moins la perception.
3.2.3 Les lois de l'audition : courbes isosoniques de Fletcher
Malgré son extraordinaire qualité, l'oreille humaine n’est pas un transducteur acoustique
linéaire et ses capacités sont limitées en amplitude et en fréquence.
Pour une personne jeune et otologiquement saine, le système auditif humain n'analyse qu'une partie
des bruits qui lui parvient dans la gamme de fréquence audible allant de 16 Hz à 20 kHz.
L'oreille est plus sensible aux sons entre 2 et 5 kHz pour l’être moins aux plus hautes et plus
basses fréquences dans des proportions différentes
- le seuil d'audition, fixé à 20 µPa à 1000 Hz (soit 0 dB) en onde plane harmonique se
diffusant librement ;
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- le seuil de douleur, situé au-dessus de 130 dB.
Bien qu'une augmentation de 6 dB représente un doublement du niveau de pression
acoustique, une augmentation d'environ 10 dB est nécessaire pour que, subjectivement, le
son nous paraisse deux fois plus fort
Le plus petit changement perceptible est d'environ 3 dB.
Courbes d'égales sensations sonores ou isosoniques de Fletcher et Munson pour des sons
harmoniques, et ce pour des niveaux de référence choisis à 1000 Hz.
La courbe de sensibilité de l'oreille est l'inverse des courbes de pression provoquant l'isosonie.
Figure 3.2 : Courbes d'isosonie ou d'égale intensité acoustique.
(d'après Fletcher et Munson)
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3.2.4 Réseau de pondérations physiologiques
Les sonomètres autorisent la mesure de la sensation sonore réellement ressentie par l'oreille en
fonction de la fréquence ils peuvent simuler les courbes isosoniques de Fletcher.
Il résulte de ceci quatre caractéristiques internationalement reconnues modifiant le signal de façon
inverse aux courbes isosoniques de Fletcher, appelées : pondérations “A”, “B”, “C” et “D”
- la pondération “A” sera utilisée pour les niveaux sonores inférieurs à 55 dB ;
- la pondération “B” sera utilisée pour les niveaux compris entre 44 et 85 dB ;
- la pondération “C” sera utilisée pour les niveaux supérieurs à 85 dB ;
- la pondération “D” sera réservée aux bruits d'avion.
Les mesures en pondération physiologiques seront notées en dB(A), dB(B), dB(C) et dB(D). Sans
pondération, la notation sera dB ou dB(lin) (linéaire).
Figure 3.3 : Filtres de pondérations physiologiques. (affaiblissement
sonore à appliquer au dB lin).
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3.2.5 Courbes NR d'évaluation du bruit (Noise Rating)
Les courbes isosoniques d'égales sensation d'intensité acoustique de Fletcher et Munson, ont été
établies pour des sons purs .
Un tracé du même genre a été refait avec des sons de bandes d'octave de l'analyse en fréquence
pour obtenir les courbes NR données par la recommandation ISO R 1996 [3] et la norme NF S
30-010 [4].
La fréquence de 1000 Hz est toujours la référence. On constate toujours une sensibilité de l'oreille
beaucoup plus faible aux basses fréquences qu'aux aiguës.
Utilisation des courbes NR :
- on fait l'analyse en fréquence du bruit par bandes d'octave ;
- on reporte le spectre trouvé sur le réseau de courbes NR ;
-
on détermine la courbe immédiatement supérieure à tous les points relevés. Le numéro de
cette courbe est le résultat de l'évaluation sonore.
-
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Figure 3.4: exemple de report sur les courbes NR
N.B.
Si l'analyse a été effectuée par 1/3 d'octave, on ajoutera 5 dB (10 log 3 = 4,77 dB).
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Corrections à apporter à la suite de l'utilisation des courbes NR :
- Son pur aisément perceptible
:
+ 5 dB ;
- Son transitoire ou intermittent et de chocs
:
+ 5 dB ;
- Bruit limité aux heures de travail
:
- 5 dB ;
- Bruit pendant 25 % du temps de travail
:
- 5 dB ;
-
6%
:
- 10 dB ;
-
1,5 %
:
- 15 dB ;
-
0,4 %
:
- 20 dB ;
-
0,1 %
:
- 25 dB ;
- Campagne très tranquille
:
+ 5 dB ;
- Campagne
:
0 dB ;
- Zone urbaine résidentielle
:
- 5 dB ;
- Zone urbaine industrielle
:
+ 10 dB ;
- Zone industrielle
:
+ 15 dB.
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3.3 Les effets du bruit
3.3.1 Les effets physiologiques du bruit
Le bruit a pour conséquence :
- un effet de masque .
De la même façon qu'une odeur en masque d'autres, une ambiance sonore va perturber la
transmission d’autres sons. Le bruit masquant peut être dans la zone de fréquence
conversationnelle (difficile de se départir du masque) ou, en général, plus haut (utilisation de
moyens de protection individuel comme les casques ou bouchons d'oreilles).
On notera que l'agressivité des sons purs et leur rareté font que de nombreuses alarmes les
utilisent pour mieux “se détacher” du bruit ambiant ;
- une difficulté de localisation spatiale.
Normalement, le processus de captation sonore est très peu directif dans de bonnes
conditions d'écoute ; et l'on n'a pas besoin de faire face à la source pour la découvrir.
Cette faculté disparaît progressivement quand le masque augmente.
- une adaptation auditive.
C'est une sorte d'accommodation à un bruit prolongé qui diminue la sensibilité auditive par une
modification essentiellement musculaire, au niveau de l'oreille moyenne. Elle ne présente pas de
caractère pathologique, et elle disparaît rapidement quand le bruit cesse ;
- une gêne pour réaliser un travail.
Par exemple, les exigences mentales d’un travail de plus en plus informatisé semblent rendre les
opérateurs plus sensibles à des bruits considérés habituellement comme non traumatisants
(inférieurs à 85 dB pondération A ) ;
- la fatigue auditive.
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Au point de vue physiologique, la fatigue auditive consiste essentiellement en une diminution
passagère de l’activité du récepteur de l’oreille après une diminution sonore (on récupère une
audition normale après une période plus ou moins longue de repos en ambiance calme) ;
3.3.2 Les effets pathologiques du bruit
On peut les classer en trois catégories :
- le traumatisme ;
- la surdité professionnelle ;
- les effets divers.
Le traumatisme acoustique
Le traumatisme acoustique est une lésion apportée par un phénomène physique extérieur
soudain, et de courte durée, sur le système auditif. Il possède un caractère transitoire , par
opposition à l'action de longue durée du bruit provocant la surdité. Le résultat sur le plan auditif reste
le même, à savoir perte de sensibilité partiellement ou sur toute l'étendue du spectre.
On fera la distinction entre le traumatisme qui est considéré comme accident du travail, alors
que la surdité est une maladie professionnelle
La surdité professionnelle
L’exposition à un bruit intense et prolongé provoque des pertes auditives qui se développent en
général en trois phases :
- on constate, d’abord, une perte d’audition de 30 à 40 dB, dans les fréquences comprises
entre 4000 et 6000 Hz. Cela ne provoque pas de gêne pour la conversation, et n’est donc
repéré que par l’examen audiométrique ;
- par la suite, la perte d’audition s’étend à des fréquences plus basses (3000, 2000 et
1000 Hz), et la personne ne comprend plus les paroles puis n’entend plus les voix, en
commençant par les voix aiguës. C’est une phase d’installation de la surdité ;
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- la troisième étape comporte une perte générale d’audition, atteignant 100 à 110 dB. Il s’agit
d’une phase d’infirmité.
La surdité professionnelle est la seconde maladie professionnelle en nombre de cas reconnus (1
maladie professionnelle sur 4 en France) et en coût financier : les surdités professionnelles
représentent 50 % des indemnisations de maladies professionnelles.
(Ce coût est répercuté sur les cotisations de l'entreprise et représente en moyenne 100 000 euros
par surdité reconnue professionnelle. )
Les effets divers du bruit
Les bruits ont également d’autres effets. Ils aggravent les situations de stress : manifestations
cardio-vasculaires, digestives, glycémiques,
sur le sommeil (augmentation de la fatigue
générale, fatigue nerveuse), sur les comportements (agressivité, anxiété), sur le système oculaire
(dilatation de la pupille, rétrécissement du champ de vision), sur le métabolisme basal, etc … .
Remarque
Quand on traite du bruit dans un souci sécuritaire, on ne doit pas ignorer les effets des infrasons et
notamment des ultrasons utilisés, par exemple, en soudage dans l’industrie du plastique. Des
études en cours montrent que des expositions prolongées dans un champ intensif d’ultrasons
peuvent altérer gravement les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière . La
protection auditive est souvent inutile car ces vibrations sont transmises par conductibilité
osseuse.
Dans le domaine des infrasons, les risques sont aussi très grands . En effet, cette gamme
englobe des fréquences émises par de nombreuses partie du corps (par exemple, le cerveau a une
sensibilité particulière autour de 7 Hz). Si une source extérieure les fait vibrer à leur propre
fréquence de résonance, leur mouvement risque d’être dangereusement amplifié, et là encore des
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expositions répétées et prolongées dans un champ intensif peuvent être à l’origine d’hémorragies
internes.
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