proches ?, avec la direction ?, y a-t-il des méfiances réciproques ?, est-on dans le chacun pour
soi ?, etc.
La direction d'une institution a une influence considérable sur ces points. Même au niveau des
soins à strictement parler, elle a une influence : si elle induit une atmosphère de peur (peur que
ça tourne mal, peur de la famille, peur des procès, peur pour la réputation de la maison auprès
du public ou auprès d'instances officielles) cela influencera les professionnels, qu'ils soient
médecins, infirmières ou autres. Et, par exemple, le réflexe d'hospitaliser au moment d'une crise
deviendra pratiquement une obligation pour les responsables des soins.
2. Les valeurs dans une institution
Au niveau théorique, il n'y a pas trop de problèmes : il y a un accord général sur les valeurs
telles que le respect du pensionnaire, la dignité du patient ("mourir dans la dignité"…), la
qualité des soins, etc. A lire les chartes ou autres documents officiels de MR ou d'instances plus
larges, on s'aperçoit qu'il y a une plate-forme commune assez large, quasi unanime. Là n'est
donc pas le problème.
La question, si question il y a, sera de voir ce qui est mis en place pour favoriser la mise en
pratique de ces valeurs. Si, par exemple, les contraintes économiques sont aiguës et
régulièrement rappelées au point de créer un stress permanent - des "soins-chrono" au pas de
course - alors l'institution va exactement à l'encontre des valeurs qu'elle prétend favoriser.
Dans certaines institutions, le rappel des contraintes budgétaires s'apparente plus au
harcèlement qu'à autre chose. Il faut souligner ici que les contradictions entre comportements et
valeurs sont souvent peu conscientes dans le chef de ceux qui créent ces contradictions. Si le
gestionnaire est très attentif à l'équilibre des finances de sa maison, qu'il a une nature inquiète et
qu'il n'arrête pas d'en parler, il pourrait ne pas s'apercevoir que son souci de gestionnaire est en
train de miner le respect des valeurs qu'il souhaite honorer. Dans l'anecdote racontée en début
d'exposé, on peut faire le pari de la bonne foi du directeur et de son ignorance de la contre-
productivité qu'il crée au niveau des valeurs proclamées et de l'humanisation de sa maison. Et
comme il a induit une culture de non-communication entre son personnel et lui, il ne sera
probablement pas informé de si tôt de ces contradictions.
La question des valeurs doit donc être posée de manière très concrète : qu'est-ce qui se passe
sur le terrain ? L'analyse devra souvent porter sur les facteurs qui empêchent la réalisation des
valeurs : les contraintes organisationnelles, hiérarchiques, budgétaires, de temps, etc. qui
freinent les meilleures volontés ou les idéaux les plus élevés. Là est le poison des institutions :
les contraintes organisationnelles et hiérarchiques imposées aux agents les empêchent de
réaliser leurs objectifs fondamentaux en termes de qualité de soin, en termes de respect des
valeurs proclamées. On le voit, la dimension collective a une influence considérable : le
respect des valeurs dont on se réclame passe aussi - passe avant tout - par les structures mises
en place ou par la manière dont ces structures sont concrétisées.
3. Le rôle de la direction
A partir de ce qui vient d'être dit, on peut affirmer sans hésiter que le rôle de la direction est
absolument central. Tout en n'étant pas en lien direct avec les résidents jour après jour, tout en
n'étant pas la personne qui prend les décisions de soins ou des thérapies à instaurer, elle
influence considérablement le personnel qualifié qu'elle a engagé. Ni les médecins, ni les
infirmières ou autres soignants ne peuvent se permettre d'ignorer ses directives, directes ou
indirectes. Ils ne peuvent méconnaître les limites ou les contraintes organisationnelles
auxquelles ils sont confrontés.