UNIVERSITÉ LYON 2 Institut d’Etudes Politiques de Lyon Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Michel Anne-Sophie Quatrième année d’IEP Séminaire : La construction européenne à la croisée des chemins : quelles orientations entre approfondissement et élargissement ? Sous la direction de Laurent GUIHERY soutenu le 4 septembre 2008 Année universitaire 2007-2008 Table des matières Introduction . . Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques . . I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificité . . A- D’une grande puissance à un petit Etat . . B- Une histoire politique et sociale fondatrice . . II/ L’idiosyncrasie économique et sociétale . . A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieur . . B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, Egalité . . Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? . . I/ L’Etat-Providence social-démocrate . . 66 A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence .. B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrate . . II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation . . A/ Une flexibilité partagée . . B/ Une sécurité assurée . . C/ Une activation développée . . III/ Une évaluation critique du système social danois . . A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critique . . B- Le contrat social sous pression ? 170 .. Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe . . I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la «flexsécurité» . . A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’Etat Providence? . . B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleux . . II/ Une approche européenne de la «flexsécurité» . . A- Vers une approche commune de la «flexsécurité» . . B- Raisons et enjeux d’une implication européenne . . Conclusion . . Annexes . . Le triangle d’or . . Les réformes de la politique de l’emploi au Danemark depuis 1994 . . An overview of the Danish system of “flexicurity” . . Les principes communs de «flexsécurité» . . Bibliographie . . Résumé . . Abstract . . 4 7 7 7 9 13 13 17 21 21 21 23 26 26 30 32 37 38 41 46 46 47 51 54 55 57 63 65 65 66 67 68 70 76 77 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Introduction Le matin à Copenhague, il n’est pas rare de voir un député danois en costume, se rendant au parlement en sifflotant sur son vélo, sa mallette de travail solidement accrochée sur le porte bagage. Assurément, la capitale danoise respire «la douceur de vivre». Dans une ville où les vélos ont remplacé les voitures, où les maisons colorées bordent des rues pavées, où les parcs et canaux oxygènent le centre-ville, il règne une atmosphère de village. La quiétude et la sérénité sont les premiers sentiments qu’inspire la vie dans la capitale. Copenhague est la vitrine de l’Etat danois. Ville la plus cosmopolite du Danemark, elle cultive son dynamisme tout en préservant un haut niveau de qualité de vie. La capitale symbolise ainsi la réussite de l’Etat-Providence social-démocrate danois. Durant l’année universitaire 2006-2007, j’ai effectué mon année de mobilité à l’université de Sciences Politiques de Copenhague. Cette année passée en immersion dans la capitale danoise fut l’occasion de découvrir la réalité du modèle danois. Désirant comprendre les facteurs déterminants qui en font un modèle de référence, j’ai pu également m’apercevoir de l’existence de certaines tensions. Ayant pris le recul nécessaire un an après mon retour, écrire ce mémoire est l’occasion d’achever mon expérience danoise en mettant à profit les connaissances acquises durant mon année d’immersion. Le Danemark, petit état d’Europe du Nord, se caractérise par un modèle de société particulier, fondé sur l’homogénéité et le consensus. Inscrit dans une longue histoire politique et sociale, ce modèle s’adapte régulièrement aux caractéristiques changeantes du contexte international. Ainsi grâce à une mutation du modèle dans les années 90 le Danemark est devenu aujourd’hui un des Etats les plus dynamiques de l’Union Européenne. La réussite de l’Etat danois a suscité l’admiration de ses voisins européens. Le modèle de société danois est devenu un modèle de référence. En 2004, dans un rapport destiné à 1 l’Assemblée Nationale, Pierre Méhaignerie s’interroge: Existe-t-il un «miracle danois»? . Le concept du «miracle danois» traduit la volonté des états européens de trouver une inspiration qui leur permettrait de retrouver un certain dynamisme économique tout en développant un haut niveau de cohésion sociale. Cependant l’image du miracle s’est peu à peu estompée. Les spécificités du Danemark sont alors apparues comme déterminantes. Le contexte historique, social et culturel de ce petit Etat nordique aurait ainsi raison de sa vocation à l’exportation. Au stade actuel de la réflexion (Fin 2007), ce mémoire se propose donc de réfléchir à la question suivante: les spécificités du modèle danois empêchent-elles de considérer ce modèle comme une source d’inspiration ? 1 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre 2004. 31 pages 4 MICHEL Anne-Sophie_2008 Introduction Il s’agit, par cette étude, de sortir d’une opposition stérile entre un optimisme naïf consistant à penser que l’on peut transposer un modèle et un pessimisme excessif nourri par une insistance trop forte sur les spécificités systémiques du modèle. Etudier les caractéristiques du modèle danois pour comprendre ce qui en fait un ensemble idiosyncratique est le premier objectif. Le contexte historique, la structure économique ainsi que les caractéristiques sociétales ont fait émerger un système social spécifique. Reposant sur trois piliers, le système dit de «flexsécurité» est un exercice d’équilibriste. Il suppose, en effet, de concilier la flexibilité, la sécurité et l’activation. Si en anglais le terme de «flexicurity» fait pratiquement l’unanimité, la combinaison lexicale de la flexibilité et de la sécurité connaît plusieurs variantes en français. On parle aussi bien de «flexicurité», de «flexsécurité», voir de «flexisécurité». Le terme retenu dans cette étude est celui de «flexsécurité». C’est, en effet, l’expression qui est apparue le plus souvent au cours des lectures. Véritable incarnation d’un Etat-Providence social-démocrate, fondé sur l’universalité et la redistribution, le Danemark organise son modèle de société autour d’une homogénéité constamment entretenue grâce aux piliers de la sécurité et de l’activation. La cohésion sociale est ainsi un facteur clé de ce modèle. Etudier le modèle danois est donc l’occasion de mener une réflexion sur ce qui fait un modèle de société. Il semble que si l’établissement de règles et la construction d’institutions soient des facteurs constitutifs d’une société, le développement d’un lien social apparaît déterminant. Ce dernier repose sur des valeurs partagées ainsi que sur une vision commune de l’avenir. La volonté de vivre ensemble s’exprime à travers la solidarité, pilier d’une société. En définissant les bases de la solidarité ainsi que les conditions du lien social, l’Etat providence, revêt une importance déterminante dans les sociétés européennes contemporaines. En étudiant le modèle danois, il s’agit de découvrir un Etat-Providence social-démocrate et donc de se pencher sur le concept même d’Etat-Providence théorisé par Gøsta Esping Andersen. Réussir à trouver un équilibre entre la solidarité et la compétitivité est la vocation des Etats-Providence existants dans les sociétés européennes contemporaines. Ayant apparemment trouvé cet équilibre, le modèle danois est devenu un modèle de référence. Il ne faudrait cependant pas omettre d’évoquer les limites de ce modèle. En effectuant une évaluation critique de l’activation comme en mettant en lumière les tensions existantes, il s’agit de nuancer la réussite de l’Etat-Providence danois. En effet, les politiques actives de l’emploi sont critiquées pour leur manque d’efficacité tandis que la question de l’immigration met au défi l’homogénéité et le contrat social de base de la société. Malgré ces tensions, le modèle danois est devenu une source d’inspiration en Europe. En effet, le «Danemark connaît une situation économique et sociale absolument 2 exemplaire» . Par cette phrase, Michel Rocard, préfacier de l’ouvrage de Mogens Lykketoft, exprime le sentiment de nombreux observateurs européens. Ce mémoire est donc aussi l’occasion d’ouvrir la réflexion sur le modèle danois en tant que source d’inspiration en Europe. A Lisbonne en 2000, les Etats membres de l’Union Européenne se sont fixés des objectifs ambitieux: «Devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus 2 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 5 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice dynamique au monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une 3 amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale» est le défi que les européens se sont engagés à relever. Afin d’atteindre les objectifs de Lisbonne, les Etats européens cherchent l’inspiration parmi les modèles qui semblent les plus performants. Déterminer les atouts dont dispose le ème modèle danois pour répondre aux défis du XXI siècle permet d’envisager la pertinence de ce modèle en tant que source d’inspiration. Cependant s’inspirer d’un modèle peut s’avérer périlleux. Un certain nombre de contraintes limitent cette ambition. En effet, chaque société possède une façon qui lui est propre de faire société, d’organiser la solidarité et la compétitivité. Comme les états européens ont aussi des caractéristiques communes, s’intéresser au niveau européen peut permettre de sortir de l’opposition stérile évoquée précédemment. Etudier le modèle danois est l’occasion de se pencher sur la reprise du concept de «flexsécurité» par l’Union Européenne. Il s’agit ainsi de voir dans quelle mesure le niveau européen peut s’avérer un niveau pertinent de régulation. En établissant un cadre commun de référence l’Union met l’accent sur les valeurs partagées par les Etats membres. L’intérêt porté par l’Union à la question sociale au travers de la reprise du concept de «flexsécurité» témoigne de l’importance grandissante de la cohésion sociale au sein de l’Union. Les différentes caractéristiques historiques, économiques et sociales du Danemark (chapitre premier) ont fait émerger un Etat Providence performant reposant sur le système social de la «flexsécurité» (chapitre deuxième). L’ensemble caractérise l’idiosyncrasie danoise. Malgré ses spécificités le modèle danois est une source d’inspiration en Europe (chapitre troisième). La «flexsécurité» s’inscrit désormais dans un contexte européen. L’Union Européenne entreprend de mettre en place des principes communs de «flexsécurité» supposés à même de permettre aux Etats européens de répondre aux défis ème du XXI siècle. 3 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages 6 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques Définir une structure sociale, un ensemble de règles s’appliquant à la société, est la fonction d’un «modèle de société». Le modèle danois ne se résume pas à son système social mais s’inscrit dans un contexte à la fois historique, économique et social particulier. Mettre en lumière cette histoire danoise est le premier objectif de ce chapitre. En effet 4 la continuité historique est la grande clé de cette construction du modèle danois . L’étude des caractéristiques économiques et sociales du Danemark nous permet, dans un second temps, de comprendre le caractère idiosyncratique de cette société. Ce premier chapitre a pour objectif de permettre l’acquisition des clés de compréhension indispensables à l’étude du système social danois. Poser les bases de cette idiosyncrasie danoise nous permet de nous immerger dans «le modèle danois». En effet les spécificités du contexte historique, économique et social tout comme celles de la structure actuelle de l’économie et de la société sont déterminantes pour la suite du mémoire. I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificité Replacer le Danemark dans son contexte historique, économique et social nous permet d’obtenir les premiers facteurs d’explications du «modèle danois». En effet, les traditions et l’histoire d’un pays sont primordiales lorsqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement d’une société. A- D’une grande puissance à un petit Etat Si la province du Jutland et les îles danoises sont peuplées depuis des milliers d’années c’est vers 980 que le pays est unifié par le roi Harald « à la dent bleue », également à l’origine de l’instauration de la monarchie en 950. Le Danemark est donc un très vieil Etat-Nation et la plus ancienne monarchie d’Europe encore en place. En effet, monarchie constitutionnelle depuis 1849, la continuité du Danemark est actuellement assurée par la reine Margrethe II. Aujourd’hui si petit parmi ses voisins scandinaves, le Danemark a pourtant connu pendant des siècles un développement digne des plus grands. C’était, en effet, la plus 5 grande puissance d’Europe du Nord avant de perdre petit à petit la plupart de ses territoires et de subir l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale. 4 5 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 7 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice a. Les Danois Vikings Elément fondateur de cette symbolique de puissance, le mythe «Vikings» fait partie intégrante de l’imaginaire danois. En effet, l’histoire du Danemark se mêle à celle des fameux guerriers nordiques. Aux côtes des Suédois et des Norvégiens, les Danois ont ainsi ème parcouru l’Europe jusqu’au XI siècle. En menant des expéditions, parfois sanglantes, souvent violentes, les Vikings ont répandu la crainte et la terreur chez les peuples européens. Mais leurs nombreuses conquêtes sont aussi à l’origine du mythe du guerrier valeureux, violent mais brave et courageux. Le passage des Vikings a ainsi souvent semé des sentiments mêlés de crainte et d’admiration. Cette réputation leur confère encore aujourd’hui une grande notoriété ainsi qu’une certaine respectabilité. A travers les «villages Vikings» comme celui de Roskilde, les Danois continuent de faire perdurer le mythe et la symbolique de ce peuple de conquérants valeureux mais dangereux. b. Les Danois conquérants Des siècles durant, le Danemark s’est inscrit dans cette histoire d’un peuple conquérant. Plus grande puissance d’Europe du Nord, le Royaume danois a contrôlé la Suède, la Norvège, la mer Baltique, des territoires en Allemagne et même l’Angleterre de 1013 à 1042. L’Union de Kalmar de 1397 est la preuve de cette puissance passée. En effet, cette union scandinave réunit sous le joug danois la Suède et la Norvège. Si l’Union avec la Suède prend fin assez rapidement (en 1526), la Scanie (partie sud de la Suède) fait partie du Danemark jusqu’en 1658. ème Les guerres permanentes entre le royaume danois et la Suède au XVII siècle font perdre au Danemark sa suprématie dans la mer Baltique au profit de la Suède. Le royaume danois décide alors de participer aux campagnes napoléoniennes contre l’Angleterre. Mais la chute de Napoléon est synonyme de lourdes pertes pour le royaume danois. En effet, le congrès de Vienne de 1815 officialise la naissance de la Norvège. Cette perte de territoire est le début d’une longue série pour le Danemark. En 1864 après la défaite du Danemark face à la Prusse de Bismark, les provinces du Schleswig-Holstein sont rattachées à l’Allemagne. C’est un profond traumatisme pour les Danois car ces provinces représentent presque un tiers des territoires danois. De nombreux habitants, souhaitant rester Danois, se réfugient alors au Danemark. Mais les pertes de territoires s’enchaînent puisqu’en 1944 c’est au tour de l’Islande de se déclarer indépendante. Puis en 1948 les îles Féroé ainsi que le Groenland votent leur autonomie. Cette histoire de grande puissance qui a été peu à peu dissoute explique que le 6 Danemark soit un petit pays, homogène et surtout viscéralement attaché à sa liberté . Acteur important de l’Europe du Nord pendant des siècles, le Danemark s’est aussi forgé une tradition de confiance et de sécurité qui a tout de même été mise à mal par la période de 7 l’occupation durant la seconde guerre mondiale. 6 7 8 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques c. Les Danois occupés Après avoir été la plus grande puissance d’Europe du Nord, les Danois ont eu à subir l’occupation d’une autre grande puissance: celle des Allemands pendant la seconde guerre mondiale. Neutre durant la première guerre mondiale, le Danemark n’échappe pas à l’invasion des Allemands le 9 avril 1940. Cependant contrairement aux autres pays occupés, le Danemark conserve ses institutions et fonctionne à peu près normalement jusqu’en 1943. En effet, le gouvernement de rassemblement national, dirigé par Stauning, choisit pour le Danemark, une politique de négociation et de complaisance avec les Allemands. Le Danemark bénéficie alors d’un statut particulier qui lui permet de conserver une apparence de normalité. Pour le gouvernement social démocrate en place, cette stratégie de coopération plus ou moins loyale avec l’ennemi répond, non pas à une quelconque obédience aux principes de ce régime totalitaire, mais à une analyse pragmatique et réaliste de la situation selon laquelle seule cette stratégie permet de préserver la société danoise. Cette relation ambiguë avec l’occupant prend fin en 1943. En effet, les actions menées par les résistants Danois ont raison de cette « cohabitation » : les autorités allemandes dissolvent le gouvernement danois. Jusqu’à la fin de la guerre, le Danemark connaît donc une période plus dure d’occupation et des grèves éclatent. Les résistants s’opposent avec vigueur aux partisans de la complaisance. Cette occupation a mis à l’épreuve la société danoise et la cohésion du pays. Pour retrouver une union politique il faut attendre la prise de pouvoir par les soviétiques en Tchécoslovaquie en 1948. En effet, ce coup de force provoque une réaction d’unité chez les Danois, qui ne veulent pas être occupés de nouveau. Ils affirment alors leur unité face à l’adversité et font renaître la cohésion. Les sociaux-démocrates dominent les gouvernements durant une grande partie des années suivantes. Ainsi, depuis leur première prise de pouvoir en 1924 jusqu’en 1982, le parti social-démocrate n’a été éloigné du pouvoir 8 que pendant douze ans . Cette grande puissance dominant ses voisins qu’était le Danemark a donc été réduite ème jusqu’au point de devenir un petit état d’Europe du Nord, occupé par l’ennemi au XX siècle. Ce contexte historique singulier est à l’origine de certains fondamentaux de la société danoise, à savoir l’attachement à la liberté et à l’identité danoise, mais aussi une capacité à faire preuve d’unité face aux épreuves (pertes de territoires, occupation). En effet, les danois ont compris l’importance de la cohésion au fur à mesure que croissait leur vulnérabilité visà-vis de l’extérieur. La preuve du développement de cette cohésion et de la tradition du ème consensus à la danoise se lit dans l’histoire politique et sociale du pays au XX siècle. B- Une histoire politique et sociale fondatrice Si l’aperçu historique sur le très long terme permet déjà de mettre en place certains traits marquants de la société danoise, l’histoire contemporaine est l’occasion de revenir sur les bases, toujours en vigueur, du fonctionnement du système social. a. Emergence de la social-démocratie 8 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 9 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice ème La social-démocratie danoise émerge dans la deuxième moitié du XIX siècle en conséquence de l’échec de la révolution que souhaitait mener les travailleurs danois 9 pour faire valoir leurs droits. «La coupe est pleine» , titre un hebdomadaire danois en 1872, résumant ainsi la situation sociale explosive. Un temps tentés par la révolution, les premiers sociaux démocrates se réorientent assez rapidement vers une ligne pragmatique 10 et réformatrice qui devient une caractéristique des mouvements socialistes nordiques. ème La fin du XIX siècle est, en effet, caractérisée par une ébullition théorique incarnée par le suédois Wicksell, acteur majeur de l’école économique scandinave. Il initie le cadre de pensée à l’origine du Keynésianisme ainsi qu’une façon de penser qui permet aux 11 mouvements nordiques de développer une politique dite de gauche mais non marxiste . Inspirateurs de la social-démocratie, les économistes produisent des théories qui sont appliquées par les dirigeants sociaux-démocrates. 12 Application de cette ligne pragmatique et réformatrice, le «compromis de septembre» est signé en 1899. Tournant dans l’histoire sociale contemporaine du Danemark, il émerge à la charnière des deux siècles car le contexte s’y prête et la réflexion théorique permet la maturité nécessaire à l’élaboration de ce compromis. Véritable acte fondateur du système social danois, cet accord permet au Danemark ème de commencer le XX siècle sur des bases solides. Ce compromis est un élément de compréhension primordial du système, d’autant plus qu’il est toujours en vigueur aujourd’hui. Il s’agit d’un règlement à l’amiable entre les employeurs et les salariés dans lequel les deux parties se reconnaissent mutuellement une légitimité et définissent respectivement leurs obligations et droits mutuels fondamentaux. Tandis que les salariés admettent que les employeurs gèrent librement leur force de travail, les employeurs, de leur côté, reconnaissent le droit d’association et d’organisation des travailleurs. Si différents accords et règlements sont venus compléter ce compromis (règlement sur les conflits du travail en 1908, accord de collaboration entre les employeurs et salariés en 1947) il n’a jamais été remis en question et sert donc toujours de principe de base au système social. b. Le système social à l’épreuve de la crise La flexibilité est donc un principe fondateur du système social. La demande de protection des emplois n’a jamais vraiment été formulée par les travailleurs dans la mesure où le volet sécurité s’est développé à la suite du compromis constitutif du système social. 9 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages 10 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages 11 12 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome 1, p. 39-63. 10 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques ème Tout au long du XX siècle l’état danois développe une politique de «bien être 13 social» en bâtissant un Etat-Providence dont l’objectif est de fournir «une protection du 14 berceau au tombeau» à ses citoyens. La couverture sociale universelle est l’élément central de ce second volet «sécurité» du système social danois. Son financement est assuré par l’état, au travers des impôts, depuis 1969. ème La seconde moitié du XX siècle est caractérisée par l’expansion de l’EtatProvidence. En effet les dépenses publiques augmentent de façon continue: alors qu’il représentait 24,1% du PIB en 1960, le montant des dépenses publiques s’élève à 69,7% 15 du PIB en 1993 . Cette montée en puissance est ralentie par l’arrivée de la crise pétrolière. Les années 1970 sont difficiles pour l’économie danoise. En 1979 le ministère des finances tire la 16 sonnette d’alarme en annonçant que «l’économie court à l’abîme» . En effet l’augmentation du taux de chômage rend les contribuables moins complaisants à l’égard des impôts. Le parti du progrès (Fremskridtspartiet), anti-taxes et nationaliste, fondé en 1972 par Mogens Glistrup, figure emblématique de l’extrême droite danoise, devient la troisième force politique du pays dans les années 70, avant de décliner et d’être éliminé par le parti 17 d’extrême droite Folkeparti dans les années 90 . De plus, le succès des politiques économiques anglo-saxonnes efface la référence social-démocrate dans les années 80. Devenus, au début des années 90 les «hommes 18 malades» de l’Europe, les pays nordiques, et notamment le Danemark, ont perdu leur efficacité économique et sociale. c. La rénovation du modèle Cette crise profonde du modèle social danois agit comme un électrochoc et entraine une refonte importante du système au début des années 90. Le nouveau gouvernement social-démocrate de centre-gauche arrive au pouvoir en janvier 1993. Dirigé par le premier ministre Poul Nyrup Rasmussen, il a la lourde tâche de rénover le modèle danois pour l’adapter aux nouvelles exigences qu’impose une économie mondialisée. Le ministre des finances, Mogens Lykketoft, entreprend de redresser les dépenses publiques. Des coupes budgétaires, l’établissement de règles contraignantes dans l’emploi des fonds publics, une réorientation des dépenses en faveur de l’éducation et de la recherche ainsi qu’une réduction des pensions de retraite, des allocations familiales et des 13 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state. Oxford university press, 2002, 278 pages. 14 15 16 17 18 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 11 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice indemnités chômage permettent de diminuer le poids des dépenses publiques dans le PIB: 19 Il passe de 69,7% en 1993 à 55,1% en 2004 . Le gouvernement mène une politique de réformes structurelles qui vise, non seulement à retrouver une efficacité économique mais également à renforcer l’attractivité et le dynamisme économique du territoire. Il décide, notamment, de simplifier les procédures administratives. Au Danemark il est désormais possible de créer son entreprise en quatre 20 jours . L’accent est mis sur le développement des nouvelles technologies et sur leur insertion dans le système scolaire afin de développer une éducation de haute qualité. Les 21 établissements scolaires bénéficient ainsi d’un ordinateur pour deux élèves . Les sociaux-démocrates souhaitent également renforcer le troisième volet du système social afin d’endiguer le chômage. Ils développent alors les politiques actives de l’emploi, centrées sur la formation. «L’activation» mêle incitation et contrainte pour favoriser la reprise 22 d’un emploi . La politique du gouvernement de Poul Nyrup Rasmussen est couronnée de succès puisque quelques années après le début des réformes, le Danemark renoue avec l’efficacité et la croissance. De 1994 à 2002 le PIB augmente de 2,3% environ tous les ans. Alors que 23 le taux de chômage était de 9,6% en 1993, il n’est plus que de 4,9% en 2005 . La performance économique danoise est le résultat d’une politique fondée sur la demande. En effet la politique de baisse des taux d’intérêts stimule la demande et 24 l’investissement des particuliers et des professionnels . En novembre 2001, un nouveau gouvernement de centre droit, dirigé par Anders Fog Rasmussen, arrive aux affaires. Le parti du premier ministre, le parti de droite, Venstre, doit compter sur le soutien du parti libéral mais aussi sur l’appui du parti populiste, Danskefolkeparti, créé par des opposants à l’immigration, pour s’assurer une majorité au 25 parlement . Reconduit en 2005, le gouvernement actuel s’engage à mener une politique de l’emploi. Il a notamment transformé le ministère du travail en ministère de l’emploi, pour symboliser 26 sa volonté. En 2002, la réforme «plus de personnes au travail» a pour objectif la création d’un marché du travail ouvert, capable d’accueillir toutes les composantes de la population active. L’idée maitresse de la réforme est que le marché du travail doit être accessible à tous. 19 SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 20 21 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages. 22 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages 23 24 25 26 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome 1, p. 39-63. 12 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques Atteindre cet objectif passe, pour le gouvernement, par l’instauration de règles plus sévères dans les politiques actives de l’emploi. La mobilité géographique des travailleurs est, par exemple, renforcée avec l’instauration de la limite de quatre heures de voyage journalier pour l’acceptabilité d’un emploi. Les allocations chômage sont réduites pour 27 certains groupes, notamment les jeunes et les immigrants . Le second chapitre, consacré exclusivement au fonctionnement et à l’évaluation de l’état providence social-démocrate danois sera l’occasion d’évoquer plus en détail les ème réformes récentes. Mais ce premier aperçu du déroulement politique et social du XX siècle au Danemark nous permet de comprendre d’où vient ce modèle et sur quelles bases il s’est développé. Les récents développements de l’économie danoise et le succès des dernières années s’inscrivent dans la continuité historique du développement économique du Danemark. Le pays a réussi les transitions successives: Entre la société agraire du début du siècle et la société industrielle puis celle qui a suivi entre la société industrielle et la société de services ème de la fin du XX siècle. Auparavant centrée sur l’agriculture, l’économie s’est tournée vers les activités innovantes et s’est ouverte à l’international. Les années de crise (années 70-80) ont provoqué une prise de conscience de la grande sensibilité danoise au contexte international et donc la nécessité pour le Danemark de 28 constamment renforcer sa compétitivité . De plus, le fait que le retour à l’équilibre à la fin des années 90 n’ait pas été automatique mais ait nécessité une sérieuse réforme de l’économie danoise, a renforcé la légitimité d’une constante adaptation du modèle. C’est désormais ancré dans les mentalités: une auto-évaluation permanente de l’efficacité économique et sociale du système est la condition sine qua non de sa survie. La mise en contexte historique de cette première partie nous a permis de poser le cadre de l’étude. Il s’agit désormais de s’interroger sur les caractéristiques qui font de ce pays un exemple unique parmi les économies européennes: un petit pays à la structure économique particulière et une société fondée sur des principes de confiance, de sécurité et d’égalitarisme. II/ L’idiosyncrasie économique et sociétale Découvrir la structure de l’économie danoise ainsi que les fondements sociétaux du pays nous permet de progresser dans la compréhension du modèle danois. Il s’agit également de comprendre sur quelles caractéristiques repose l’idiosyncrasie du Danemark. A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieur Petit pays européen par sa taille, le Danemark est l’une des économies les plus dynamiques de l’Union Européenne. 27 28 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 13 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice 2 29 Si sa superficie (43 094 km ) comme son nombre d’habitants (5,4 millions en 2007 ) le classent parmi les petits Etats membres de l’UE, son PNB par habitant (32 465 dollars 30 en 2003 ) lui permet d’être la seconde économie la plus dynamique de l’Union après le Luxembourg. Ce PNB très élevé le classe aussi cinquième économie du monde derrière le Luxembourg, l’Irlande, la Norvège et les Etats-Unis. Une économie riche et dynamique qui bénéficie d’un faible taux de chômage, (4,8% en 31 2006 ), le rapprochant d’une économie de plein emploi. La croissance danoise est tirée par les exportations. En effet ce pays est tourné vers l’extérieur, une caractéristique particulière qui a des conséquences sur la structure de l’économie et le marché de l’emploi. Le Danemark se doit, en effet, d’être hautement compétitif pour créer des richesses et maintenir son dynamisme. a. Une économie d’exportation En raison de la taille réduite de son marché intérieur, le Danemark compte sur son commerce extérieur pour développer son PIB. Concentrées sur quelques produits comme les biens d’équipement industriels, les produits pharmaceutiques, les produits agricoles ou bien encore le pétrole et le gaz naturel, les exportations portent la croissance danoise: elles représentent plus du tiers du PIB 32 (32%) . L’importance historique du secteur primaire est représentée par les firmes exerçant une activité en lien avec l’agriculture et la place des produits agricoles, surtout alimentaires 33 (porc, poisson, céréales), dans l’exportation: environ 10% du total . Le Danemark exporte également des produits manufacturés grâce à une industrie spécialisée. Ainsi, quelques entreprises danoises ont acquis une certaine notoriété sur des niches en forte croissance comme la bière, les éoliennes, les composants pour le chauffage 34 et la climatisation, le transport maritime ou encore les jouets . Fait assez inhabituel: en 2005, la balance commerciale danoise affichait un excédent 35 de 85 milliards de couronnes (soit plus de 11 milliards d’euros). Alors que les importations 29 30 31 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 32 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/ TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008. 33 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/ TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008. 34 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 35 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/ TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008. 14 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques ont tendance à compenser les exportations, la récente montée des cours du pétrole a fait augmenter l’excédent commercial. En effet le Danemark est exportateur net d’énergies fossiles depuis 1999. En exploitant les gisements de la mer du Nord, il profite de la montée des cours des hydrocarbures. Le Danemark est également leader dans le domaine de la technologie environnementale et des énergies alternatives grâce à ses champs d’éoliennes. Ne possédant pas de ressources énergétiques hydrauliques et nucléaires, le pays a investi massivement dans l’éolien en mettant en place un parc d’éoliennes, non seulement sur terre mais aussi en mer. Les 36 éoliennes fournissent 20% des besoins énergétiques . Le pays profite également de la croissance du transport maritime due à l’augmentation des échanges au niveau mondial car il est leader dans le domaine. La société anonyme Møller-Mærsk est la plus grosse entreprise du Danemark (60000 employés dans le monde en 2005). C’est aussi la première compagnie maritime et le plus grand armateur de porte37 conteneur au monde . Compétitif dans le domaine des services, le Danemark peut compter sur la multinationale ISS, héritage d’une société de sécurité danoise fondée en 1901. En effet, ISS 38 se situe aujourd’hui parmi les plus grands groupes mondiaux fournisseurs de services . Ainsi ce petit pays nordique possède quelques grands groupes leader dans des domaines dynamiques. Mais ce sont surtout les nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) qui fondent sa compétitivité. En effet le développement économique est majoritairement assuré par un tissu très dense de PME. Ce sont elles qui dominent le secteur privé: dans les années 90, presque 60% des 39 entreprises avaient moins de 20 employés . Les PME sont privilégiées car elles paraissent plus à même de s’adapter aux changements permanents d’un contexte international mondialisé. Les PME sont ainsi l’atout compétitif du Danemark. b. Une économie hautement compétitive Pour la troisième année consécutive, le classement établi par the Economist Intelligence Unit (EIU) en 2007place le Danemark en tête des pays où il fait bon investir et faire des affaires La comparaison entre 82 pays du monde est basée sur différents indicateurs, parmi lesquels l’ouverture aux investissements internationaux ou les conditions du marché de l’emploi. La première place du Danemark est une reconnaissance du dynamisme de son 40 économie . 36 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 37 38 39 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 40 KJAERHOLM, Have Anne. Denmark is best to business – again (en ligne). 30-07-2007. Consultable sur Internet. http:// www.copcap.com/composite-10526.htm. Consulté le 19.12.07 MICHEL Anne-Sophie_2008 15 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Le forum économique mondial classe, quant à lui, le Danemark troisième derrière les 41 Etats-Unis et la Suisse dans son classement des pays les plus compétitifs . Le petit pays nordique est en effet un lieu attractif pour les investisseurs étrangers qui ont investi près de 350 milliards de couronnes (Près de 47 milliards d’euros) sur le territoire en 2003, soit presque autant que ce que les danois investissent à l’étranger (375 milliards 42 de couronnes (Près de 50 milliards d’euros) . La majorité des investissements est réalisée dans la finance et les services. L’ouverture danoise est donc un trait important de l’économie du pays: Les échanges 43 extérieurs représentent près des deux tiers du PIB (64%) . Les trois quart de ces échanges sont réalisés entre pays européens. Si les partenaires privilégiés du Danemark sont l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, l’économie danoise commerce également avec les grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine et entretient des liens plus étroits avec les pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne mais aussi la Russie. En effet, le Danemark, qui fait office de «pont» entre l’Europe continentale et les pays Nordiques, compte aussi profiter des opportunités offertes dans la région Baltique après 44 l’élargissement de l’Union Européenne en 2004 . La croissance du Danemark est donc rythmée par la capacité de ses entreprises à capter des marchés à l’exportation. Pour être performante, une économie basée sur une dynamique d’ouverture à l’étranger doit être hautement compétitive. Le degré d’ouverture ne peut perdurer que si le Danemark assure l’efficacité de son économie, ce qui passe par un haut taux de participation des travailleurs sur le marché de l’emploi mais également par une main d’œuvre qualifiée et capable de s’adapter aux changements. Ainsi la structure de l’économie a des incidences sur la physionomie du marché de l’emploi. En 2005, le taux de participation des danois ayant entre 16 et 66 ans au marché de l’emploi est de 76,5% dont 3,2% travaillent dans le secteur primaire, 20,8% dans le secteur secondaire, 40,8% dans le tertiaire et 35,2% dans le secteur public. Employant plus du tiers de la population active, le secteur public produit une grande majorité de services, notamment 45 dans le domaine de la protection sociale, de la santé et de l’éducation . 41 HILBERS,Paul ; ZHOU, Jianping. Bulletin du FMI , FMI, Département Europe du 6 Novembre 2006. Volume 35 numéro 20 16 pages 42 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/ TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008. 43 LELARGE, Carole. Fiche signalétique du Danemark. Mission économique du Danemark à Copenhague. Février 2008. 4 pages. 44 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/ TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008. 45 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 16 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques Le haut taux de participation sur le marché du travail est valable aussi bien pour les hommes que pour les femmes: taux de participation de 79% pour les hommes et de 73% 46 pour les femmes en 2005 . S’inscrivant dans la continuité de cette présentation de la structure de l’économie danoise, le second chapitre, consacré au fonctionnement du système social, explicitera les facteurs de la compétitivité danoise, et notamment ce haut taux d’emploi. B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, Egalité Au-delà d’une structure économique particulière, ce sont des caractéristiques sociétales qui font l’idiosyncrasie danoise. Dans la lignée de la première partie historique qui a permis de découvrir les principes chers aux danois, il s’agit maintenant d’évoquer un tryptique fondamental qui fait la cohésion sociale du Danemark. a. La liberté couplée à l’identité La dimension symbolique du langage est connue: en danois le mot «salut» veut dire «avoir le cou libre», tout un symbole. L’attachement des danois à leur liberté prend ses sources dans leur histoire commune. Elle est donc fortement ancrée dans les mentalités et s’exprime dans toutes les facettes de la vie en société. Elle est, notamment, synonyme de libre choix dans le fonctionnement du système social. En effet, c’est cet attachement farouche à la liberté qui encourage les danois à accepter un haut niveau de flexibilité sur le marché de l’emploi. Le libre choix est aussi encouragé dans les assurances sociales, de plus en plus nombreuses à exister dans le 47 privé, en complément de la couverture universelle . L’attachement à la liberté s’exprime également dans la conviction qu’ont les danois 48 d’appartenir à un monde particulier et original . En effet, leur histoire a développé une forte identité nationale. En perdant peu à peu ses territoires la grande puissance d’Europe 49 du Nord s’est forgée une identité, «la Danéité» qui perdure aujourd’hui. Cette forme particulière d’identité danoise consiste en un attachement fort à l’idée d’une nation distincte et souveraine. «La dialectique danoise consiste en une gestuelle symbolique d’identification nationale 50 et un pragmatisme dicté par l’interdépendance avec l’extérieur» . Ainsi, la «danéité» n’est pas synonyme de repli sur soi, elle se concilie avec le pragmatisme, élément indispensable pour un pays dépendant économiquement de l’extérieur. Cette caractéristique identitaire explique l’adhésion du Danemark à l’UE en 1973 puis le rejet du traité de Maastricht (TUE) en 1992. En effet le Danemark a adhéré pour des raisons 46 47 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 48 49 50 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 La danéité concept officiel, Courrier international hebdo n° 814. 8 juin 2006 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques, Paris le 7 septembre 2005, 12 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 17 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice économiques mais a rejeté le TUE car les danois n’avaient pas associé leur adhésion à un symbole politique : ce traité remettait en cause leur identité nationale et leur souveraineté. Ainsi, si aujourd’hui l’adhésion à l’Union est acquise, la forme que doit prendre l’UE fait toujours débat. Même si l’intérêt national est de plus en plus reformulé pour intégrer 51 «l’internationalisme et l’européanité» , les Danois conservent leur «danéité». b. Confiance et sécurité, les maître mots «A Copenhague, on laisse les enfants dormir dans leur landau, sur le trottoir, pendant 52 que les parents vont au café ou au restaurant» affirme le professeur Jonathan Schwartz . La vie danoise est, en effet, construite autour des sentiments de confiance et de sécurité. Encore une fois le langage joue un rôle symbolique: les danois ont inventé des mots, qui n’ont pas de traduction exacte en français, pour traduire ces caractéristiques centrales de leur culture. Le «Hygge» exprime le sentiment de réconfort et la convivialité. Synonyme du savoir vivre à la danoise, il traduit l’importance des liens sociaux dans la culture danoise. Un moment «hyggelig» se vit ainsi à plusieurs. Quant au mot «Tryghed» il traduit littéralement le sentiment de sécurité. Evoquant le confort, l’idée de cocon, il est aussi synonyme d’une protection, aussi bien matérielle que morale. Ces deux expressions soulignent l’état d’esprit régnant au Danemark. La confiance personnelle est un des traits les plus marquants de la société. Elle peut s’expliquer, entre autres, par le facteur religieux. En effet la confiance à autrui semble plus forte dans les pays de culture protestante, notamment dans les pays scandinaves. Le protestantisme valoriserait les communautés locales autonomes, propices à une organisation démocratique tandis que le catholicisme fonctionnerait plus sur le mode de la centralisation et de la hiérarchie, organisation qui inciterait à la prudence dans les relations sociales. De plus, la culture protestante s’est accompagnée de la promotion de l’éducation, ème notamment de l’alphabétisation au XVI siècle développant une culture tournée vers l’apprentissage des connaissances qui aurait favorisé l’ouverture au monde, la tolérance, 53 et le haut niveau de confiance interpersonnelle des pays protestants . Le haut niveau de confiance qui caractérise les relations à autrui se retrouve également dans les relations sociales. En effet, comme l’historique politique et social l’a montré, la confiance sociale s’est installée comme base du système social lors du compromis de septembre en 1899. Sans éradiquer le conflit, cet accord pose la négociation comme prémice à toute discussion. La 51 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages. 52 LORTIE, Marie-Claude, Heureux comme un danois (en ligne). 7 octobre 2007 http://www.cyberpresse.ca/article/20071007/ CPACTUEL/710070602/-1/CPACTUEL Consulté le 23 juin 2008 53 BRECHON, Pierre. Les valeurs politiques en Europe : effet du contexte national et des attitudes religieuses.Archives de sciences sociales des religions, vol. 93,1996, pp. 99-128 18 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques confiance sociale s’exprime sous la forme d’un «consensus conflictuel» entre les parties 54 prenantes au dialogue social . La confiance est un atout important pour le bon fonctionnement d’une société. Ainsi Adam Smith, qui est souvent considéré comme le premier grand théoricien et défenseur de l’économie de marché, a également souligné le rôle indispensable des relations de confiance et des normes morales comme socle de l’économie de marché. Dans The Theory of Moral Sentiments, (La Théorie des sentiments moraux) publiée en 1759, il évoque le rôle de la sympathie, qui est selon lui, «la capacité à s’identifier aux autres par l’imagination, à juger et orienter ses propres actions du point de vue d’un spectateur impartial et juste» dans 55 le fonctionnement des marchés . Le développement de relations basées sur la confiance développe un fort sentiment de sécurité. Tout comme la confiance, le sentiment de sécurité se retrouve également dans le système économique. A la question «Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre emploi ou activité présent en terme de sécurité d’emploi?» posée à tous les pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) par cette organisation, l’Autriche, l’Irlande et le Danemark arrivent en tête avec un score supérieur à 70%.C’est dans les pays où la protection de l’emploi est forte, comme en France ou en Italie, que les 56 scores sont les plus faibles: 54% . En effet, si la sécurité de l’emploi est faible au Danemark, il existe une forte sécurité au niveau de l’employabilité. La sécurité est multidimensionnelle: tandis que la sécurité de l’emploi renvoie à la possibilité de garder un emploi déterminé chez un certain employeur, la sécurité d’employabilité est plus large: c’est la possibilité de détenir un emploi, mais pas 57 forcément chez le même employeur . Les sentiments de confiance et de sécurité, piliers de la société danoise, sont renforcés 58 par «la passion de l’égalité» des Danois. C. L’égalitarisme danois La cohésion sociale est une exigence très forte au Danemark. Elle est assurée par l’homogénéité de la société. Cette dernière n’est pas donnée, elle est voulue. En effet le Danemark cultive son homogénéité sociétale. 54 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 55 ALGAN Yann, CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages. 56 TRONQUOY, Philippe Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Le modèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages 57 TRONQUOY, Philippe Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Le modèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages 58 Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires sociales en 1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 19 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Elle se fabrique à chaque instant car le système est tourné vers l’inclusion sociale: éviter que quiconque ne soit marginalisé est un principe fondamental du système. C’est pourquoi 59 la pauvreté de masse est inconnue au Danemark . 60 «L’état c’est nous tous» affirme le premier ministre danois . En effet l’égalitarisme se traduit dans l’absence d’inégalités fondamentales entre les différentes catégories de la société. Le fossé qui sépare les élites des masses est faible. De plus, les employés du secteur public ne bénéficient pas de statut particulier. «Les serviteurs de la couronne» qui possédaient un emploi à vie ne sont plus qu’une petite minorité. Les autres sont régis par des règles fixées dans des conventions collectives au même titre que les employés du 61 secteur privé . L’éventail des salaires comme celui des revenus sont assez faibles étant donné le peu d’emplois dits «de basse qualité» au Danemark. Les revenus sont également resserrés en raison du haut taux d’imposition sur les hauts salaires, et du caractère fortement redistributif 62 du système . Enfin l’égalitarisme s’exprime aussi entre les genres: l’égalité entre les hommes et les femmes est une priorité pour les Danois. Ainsi les femmes participent à la création de richesses dans les mêmes proportions que les hommes: le taux d’emploi des femmes est presque égal à celui des hommes, ce qui est une exception danoise parmi les pays 63 européens . Le second chapitre offre l’occasion d’étudier plus en profondeur le côté égalitaire du système ainsi que ces éventuelles limites. Il permet également de développer la réflexion sur le rôle des femmes dans la société. Présenter les grandes caractéristiques qui font du Danemark un pays unique a permis de compléter la mise en contexte de ce premier chapitre. En effet, le Danemark a développé une économie hautement compétitive tournée vers l’extérieur. La société danoise apparaît comme une société homogène, fondée sur la confiance et un fort sentiment de sécurité. Conclusion du chapitre: Découvrir le Danemark était l’objectif de ce premier chapitre. Une fois le cadre de la réflexion posé et les éléments nécessaires à la compréhension du système social mis en avant, il s’agit désormais d’étudier le système social danois dans le détail. Différents points évoqués dans ce premier chapitre vont trouver un prolongement dans le second chapitre qui étudie les fondements de l’Etat-Providence danois, le fonctionnement du système ainsi que les atouts et limites du modèle. 59 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 60 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques, Paris le 7 septembre 2005, 12 pages 61 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 62 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (En ligne). Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur Internet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages 63 20 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois , Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Dans la continuité du premier chapitre, nous poursuivons l’immersion dans «le modèle danois» à travers une étude qui mêle les traditions, l’économie, la société et les mentalités danoises. L’Etat Providence est le cœur de toutes les économies européennes. En effet, c’est lui qui organise la solidarité au niveau de la société. Concept vital pour la cohésion nationale, l’Etat Providence est pourtant au cœur des débats. Certains s’interrogent sur sa pertinence 64 dans une économie mondialisée et affirment la nécessité de son renouvellement . Qu’en est-il de l’Etat Providence danois? Un système de protection sociale se caractérise par quatre dimensions: l’accès à la prestation, la nature et le niveau de cette prestation, le mode de financement et les structures 65 de décision, d’organisation et de gestion . L’objectif de ce chapitre est d’étudier ces quatre dimensions dans le cas danois. Il s’agit donc de se plonger dans l’Etat-Providence social-démocrate afin d’évaluer les aspects positifs mais aussi les limites et les critiques que suscite le système. I/ L’Etat-Providence social-démocrate L’Etat-Providence fait partie intégrante de l’identité nationale danoise. Caractérisé par une très haute conception de l’égalité et de la solidarité, l’Etat Providence danois a été classé par G ø sta Esping Andersen dans la catégorie de l’Etat-Providence social-démocrate. Par l’approche théorique du concept d’Etat-Providence il s’agit de comprendre la pertinence et les différents enjeux qui existent derrière le système de protection sociale. 66 A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence 64 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. 65 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages 66 ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 21 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Dans Les trois mondes de l’Etat-Providence, un essai sur le capitalisme moderne, l’auteur danois G øs ta Esping Andersen mène une étude comparative des différents Etats Providences. Pour cela il établit un indicateur, le critère de démarchandisation, ainsi qu’une typologie. a. L’indicateur de «démarchandisation» L’objectif de l’auteur étant d’établir une typologie des types d’Etat-Providence, il cherche à construire un indicateur qui lui permettrait de différencier les Etats-Providence les uns des autres. Dans la lignée de Karl Polyani et de de Karl Marx il s’intéresse à l’impact des systèmes sur la dépendance des individus par rapport au marché. Le capitalisme tend à transformer l’homme en marchandise dans la mesure où l’homme doit vendre sa force de travail pour subvenir à ses besoins. Mais il existe des situations dans lesquelles le travail ne permet pas d’assurer une existence viable et d’autres où l’individu n’est pas en mesure de travailler. L’Etat-Providence s’avère donc indispensable pour pallier les dérives inhérentes au capitalisme. En définissant comment l’homme peut, dans certains cas, s’affranchir du marché, l’Etat67 Providence permet l’existence d’un capitalisme «à visage humain» . Cette réflexion conduit Andersen à établir l’indicateur de «démarchandisation» qui mesure le degré d’affranchissement par rapport au marché que le système permet. Plus la population bénéficie d’un accès étendu aux droits sociaux et plus le degré de «démarchandisation» est élevé. A l’inverse, plus les conditions d’accès au système social sont restrictives, plus le degré est faible. L’impact de l’Etat-Providence sur les structures de classe est également pris en compte car le système peut renforcer les hiérarchies sociales comme il peut permettre une société plus égalitaire. b. Typologie des Etats-Providence Grâce à cet indicateur, trois ensembles de pays se distinguent: -Les pays anglo-saxon, de tradition libérale, se caractérisent par une forte dualisation de la société: la redistribution concerne seulement les plus pauvres, la hiérarchisation entre les catégories sociales est forte. L’assistance est fondée sur l’évaluation des besoins, et les transferts sont modérés. -Les pays comme la France ou l’Allemagne, de tradition corporatiste, sont caractérisés par un système conservateur dans lequel les droits sont fondés sur l’assurance sociale, et sur la préservation des valeurs familiales traditionnelles. La conservation des statuts prime sur la recherche du plein emploi. 68 -Enfin les pays nordiques, de tradition social-démocrate, représentent l’idéal type d’Andersen. En effet leur régime, universaliste et égalitaire, permet de réaliser «la fusion 69 entre bien-être et travail» . L’Etat-Providence social démocrate est complètement axé sur la recherche du plein emploi. Cependant le système offre des prestations indépendantes de 67 MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002, Pages 211-242 68 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages 69 ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. 22 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? la réalisation de cet objectif. Le système d’assurance sociale est universel, ce qui conduit à une faible hiérarchisation des classes. Ce sont les héritages historiques et sociaux qui expliquent la diversité entre les types d’Etat-Providence. Mis en place après la seconde guerre mondiale, les systèmes de protection sociale possèdent tous des modalités d’application différentes dans les quatre dimensions qui caractérisent un système de protection sociale. Ainsi les critères d’accès aux prestations, mais aussi le niveau des ces prestations, tout comme le mode de financement 70 ou bien encore les structures d’organisation sont divers . Dans l’Etat-Providence social démocrate, qui nous intéresse plus particulièrement, l’accent est mis sur la citoyenneté. C’est elle qui conditionne l’accès au système social. Cette conception universaliste passe par une «défamilialisation» des politiques sociales. L’objectif de l’Etat est de renforcer l’indépendance de chacun et l’égalité entre les hommes et les femmes. Cet Etat-Providence minimise également le degré par rapport auquel la protection des 71 individus dépend de leur richesse sur le marché . Il vise une forte cohésion sociale et la préservation des pays nordiques de la pauvreté par une redistribution élevée. B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrate Le système social danois serait donc un idéal type de l’Etat-Providence social-démocrate. Quelles sont les principes de base de ce système social? a. L’universalité Le système est dit universaliste car la population accède à des droits sur une base universelle, sans lien avec le versement de cotisations ou la mise en évidence de besoins 72 à satisfaire . Il n’y a en général aucun lien direct entre emploi et citoyenneté sociale, tous les citoyens et résidents ont droit en principe à la plupart des prestations et services. Par conséquent, l’accès aux allocations familiales, au système de santé et à l’aide aux personnes handicapées et invalides ne dépend pas de la participation au marché du travail. Il existe cependant d’importantes exceptions, en particulier en cas de risque de chômage et d’âge avancé. En effet, il importe de relativiser ce principe d’universalisme, posé comme une évidence et un principe intemporel de l’Etat-Providence danois. En effet, il semblerait qu’une tendance vers le développement d’une protection dépendante du marché du travail se fasse jour. «Posséder le statut d’employé est donc devenu de plus en plus important dans le cadre 73 de la citoyenneté sociale au Danemark» . 70 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages 71 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.Oxford university press, 2002, 278 pages. 72 ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ? La réforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220 pages. 73 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 23 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Il n’en reste pas moins qu’au-delà de l’universalisme le système est hautement «défamilialisant». En effet la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes est une exigence, à la fois morale et économique au Danemark. Si ce principe répond au principe d’égalitarisme, évoqué au premier chapitre, il répond également à un souci d’efficacité économique. Contrairement aux Etats Providences conservateurs qui placent la famille au centre du système de protection sociale, l’Etat Providence social-démocrate, est « défamilialisant » dans la mesure où les prestations sociales sont destinées à l’individu et non à la famille. Grâce à un puissant engagement en faveur de l’égalité des sexes, ainsi qu’au développement d’un vaste système d’accueil des jeunes enfants, et à une politique généreuse de congés parentaux, le Danemark assure l’indépendance de chacun et 74 permet aux femmes de participer pleinement au marché du travail En effet, ce mode de fonctionnement explique le fort taux de participation des femmes au marché de l’emploi: 73% en 2005. Elles sont ainsi pratiquement au même niveau que les hommes: 79% en 75 2005 . Le Danemark atteint déjà le taux préconisé par l’Union Européenne dans la stratégie 76 de Lisbonne de 2000 qui est de 70% des femmes sur le marché de l’emploi en 2010 . b. La redistribution L’Etat-Providence social-démocrate est aussi caractérisé par la volonté de combler les déficiences du marché. Les danois ont donc établi un système de redistribution des ressources. Si les citoyens sont tous considérés de la même façon, il existe un système de compensation pour les moins bien dotés en ressources. La forte redistributivité des revenus que permet le système social est propice au nivellement des inégalités. Or de faibles inégalités favorisent le développement d’un sentiment d’appartenance à une même communauté. C’est pourquoi la redistribution est un des piliers de la cohésion sociale. Ce sont les titulaires d’un bas revenu qui bénéficient d’un taux de remplacement net élevé de leurs revenus en cas de chômage. De plus l’indemnité est modestement décroissante avec la durée de l’inactivité car l’objectif du système est d’éviter la paupérisation des chômeurs. Plus le salaire est élevé, plus le taux de remplacement est 77 faible . Au Danemark il existe un impératif moral de justice sociale. Combinés, l’universalisme et la redistribution, sont les fondements moraux d’un Etat-Providence social démocrate, qui, en théorie, place tous les citoyens sur un même pied d’égalité, et lutte contre la marginalisation. Pilier de la cohésion sociale, la redistributivité et l‘égalité seraient aussi 78 corrélés positivement à la confiance . 74 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages 75 76 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages 77 78 Developpement dans le volet sécurité ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages. 24 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? c. Le financement par l’impôt La portée de la redistribution étant globale, le système est très couteux. Il est financé 79 majoritairement par l’Etat grâce à l’impôt . Le secteur privé, très libre dans son fonctionnement, offre en contrepartie des salaires élevés, ce qui permet de garantir, grâce aux prélèvements fiscaux, que personne ne soit 80 81 exclu de la société . En effet les salaires danois sont les plus élevés d’Europe . Ce sont aussi les plus imposés: le taux d’imposition moyen de l’impôt sur le revenu est 82 de 53% du revenu d’une famille et 55% du revenu du travail . La TVA, quant à elle, est à 25%. Les impôts indirects sur certains produits comme les voitures, les tabacs, l’alcool et même les livres sont également élevés. Aussi les prélèvements obligatoires représentaient 83 52% du PNB danois en 1996, bien au dessus de la moyenne européenne (42,4%) . Le haut niveau des prélèvements sert à financer des dépenses publiques toujours 84 élevées malgré la politique de baisse menée depuis les années 90 , et notamment le système de protection sociale. En effet, ce sont principalement la TVA et l’impôt sur le revenu qui assurent le financement de la protection sociale. Les cotisations sociales jouent un rôle mineur, voire nul: le patronat ne cotise pas pour l’assurance chômage par exemple. De plus, 85 les impôts sur les sociétés sont relativement bas (Taux d’imposition moyen: 28%) . Pour conclure cette partie introductive sur l’Etat-providence social démocrate il faut souligner l’importance du plein emploi comme pilier d’un tel système. En effet l’EtatProvidence social démocrate n’est efficace qu’en cas de haut niveau de participation au marché de l’emploi. C’est une condition indispensable au bon fonctionnement d’un système dans lequel presque tout le monde reçoit des fonds et pratiquement tout le monde contribue 86 à leur financement. . La survie du modèle danois passe aussi par la cohésion sociale et la solidarité: « Le modèle danois (…) c’est d’abord faire société ensemble ; c’est affirmer concrètement qu’il nous faut gagner tous ensemble, sans laisser personne au bord de la route » 87 . Articuler la solidarité avec l’objectif du plein emploi est la fonction du triangle d’or. 79 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 80 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages 81 82 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO Country Employment Policy Review, 1999, p 9 83 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 84 85 86 Voir historique LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 87 FREMAUX Philippe, in LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle logique, ancré dans l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet : http:// base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007) MICHEL Anne-Sophie_2008 25 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation « Does Denmark have some secret formula that combines the best of Adam Smith with the 88 best of the welfare state? » Le système social danois repose sur trois piliers formant «le triangle d’or» de la «flexsécurité»: «Un triangle dont le premier angle est la flexibilité du marché du travail, le second est le haut niveau de la protection sociale et le troisième est celui de la politique 89 active de l’emploi» (Voir annexe 1). Ce triangle aux angles complémentaires caractérise ce qu’on a coutume désormais d’appeler la «flexsécurité». Ce concept a émergé durant la seconde moitié des années 90 aux Pays-Bas. En 1999 les Néerlandais votent la loi «flexibilité et sécurité» qui prévoit l’assouplissement des protections du contrat permanent en échange de l’accroissement des protections accordées aux contrats temporaires sur le marché du travail. Le concept est ensuite repris, non pas pour désigner une réforme, mais plutôt pour évoquer un modèle social qui permet d’allier un haut degré de flexibilité et de fluidité du marché du travail avec un degré élevé de sécurité de revenu et de protection sociale. C’est le Danemark qui incarne cet exemple de modèle social et qui s’approprie le concept en y 90 ajoutant l’image du triangle d’or . Pour fonctionner la «flexsécurité» suppose la conciliation entre les trois piliers. «Le 91 principal défi consiste à trouver le parfait équilibre entre ces trois éléments distincts» . A/ Une flexibilité partagée Comme l’historique du premier chapitre nous l’a montré, la flexibilité est le premier pilier introduit dans le système social danois. En effet le principe reste basé sur «le compromis de septembre» de 1899. a. La liberté de licencier et de recruter La flexibilité danoise se caractérise tout d’abord par la grande facilité qu’ont les entreprises à licencier ou à recruter selon leurs besoins. En effet, la législation est peu contraignante, surtout pour les licenciements. Les périodes de préavis sont très courtes. Un ouvrier du bâtiment peut par exemple être licencié 92 en trois jours sans indemnités , la règle étant qu’un salarié ayant travaillé six mois bénéficie d’un mois de préavis, puis de trois au terme d’un an de travail. A partir de trois ans dans 88 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages 89 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002. 15 pages 90 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages 91 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques, Paris le 7 septembre 2005, 12 pages 92 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 26 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? l’entreprise il bénéficie d’un mois de préavis supplémentaire par an (mais le maximum est 93 de six mois de préavis) . Les périodes de préavis font l’objet d’aménagements dans des accords collectifs qui, selon les branches, prévoient des redéploiements sur d’autres postes après licenciement ou la possibilité de bénéficier de formations rémunérées pour obtenir un autre emploi. De plus les partenaires sociaux s’accordent sur la nécessité d’éviter tout licenciement arbitraire et sur l’obligation de fournir une justification à l’employé présent depuis au moins 94 neuf mois. Ainsi la plupart des accords de base incluent des protections contre les licenciements abusifs, spécifiant qu’un licenciement doit résulter de motifs «raisonnables» 95 liés au travail de l’employé ou à des motifs économiquescrédibles . Si les abus sont encadrés, ce n’est pas par la loi mais par les conventions collectives négociées entre partenaires sociaux, le plus souvent sans l’intervention de l’Etat. b. La liberté de négocier entre partenaires sociaux Au Danemark, «l'essentiel du «droit du travail», au sens classique du terme, est le fait 96 d'accords entre employeurs et salariés, librement consentis» . Dans la plupart des cas les règles sont fixées dans des conventions collectives négociées entre les fédérations syndicales et les représentants du patronat. D’une durée triennale, elles sont le résultat d’accords obtenus dans une logique de consensus et non 97 d’affrontement . ème La culture de la collaboration s’est développée tout au long du XX siècle. En effet les partenaires sociaux privilégient la sortie de crise par la négociation dans la logique du consensus conflictuel, évoqué précédemment. Les principaux acteurs sociaux sont l’organisation patronale Dansk Arbejdgiverforening (DA) et la fédération syndicale majoritaire Landsorganisationen i Danmark (LO). La centrale LO, regroupant dix-huit syndicats, est reconnue comme la représentante de la grande majorité des salariés. Forte de ses 1.700 000 membres environ, elle compte 150 permanents. Financée intégralement par les cotisations de ses membres, elle offre un syndicalisme de services. Le montant d’une adhésion annuelle est de l’ordre de 150 à 200 euros. Ce prix élevé est à mettre en regard des avantages que l’adhésion procure. En effet, 93 94 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 95 BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/ BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008. 96 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche, études, veille. Août 2007. 6 pages 97 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche, études, veille. Août 2007. 6 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 27 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice en cotisant à la centrale, les employés cotisent à l’assurance chômage mais peuvent aussi 98 bénéficier de garanties bancaires ou du paiement des jours de grève . Le pourcentage élevé de syndiqués au Danemark (80% des salariés membres d’un syndicat) est dû au fait que, dans la plupart des cas, l’assurance chômage est lié à l’affiliation 99 au syndicat . De son côté la principale organisation des employeurs, DA, regroupe la majorité des 100 employeurs soit plus de 12 000 entreprises dans tous les secteurs . Depuis les accords sur le contenu des conventions collectives adoptés en 1936 et 1938, les conventions doivent traiter de toutes les questions liées aux conditions de travail. Ainsi la durée du travail, de 37 heures hebdomadaire actuellement, est fixée par la négociation 101 tout comme les heures supplémentaires ou les périodes de préavis . Si les négociations sont parfois tripartites, l’Etat ne joue, la plupart du temps, qu’un rôle subsidiaire. Il n’est pas garant du fonctionnement du marché. Cependant malgré une tradition de non intervention, le gouvernement et le parlement participent au dialogue social depuis les années 30. En effet des règles régissant l’intervention de l’Etat dans la régulation des conflits de travail ont été introduites par la loi en 1934. La même année, un bureau de conciliation a été créé. Il agit en tant que médiateur dans les conflits sociaux. Aujourd’hui, ce médiateur officiel peut intervenir, sur sa propre initiative, dans la négociation pour prévenir l’éclatement d’un conflit. L’Etat participe également à des négociations tripartites au sujet de l’augmentation des salaires 102 par exemple . Parfois les deux partenaires sociaux principaux s’allient contre le gouvernement. En 103 effet, il s’agit pour eux de favoriser les échanges «gagnant-gagnant» . Ainsi lorsque le ministère de l’emploi a proposé de réduire les allocations chômage en 2003, les syndicats de travailleurs ont résisté. Ils ont bénéficié du soutien des employeurs pour qui, une réduction de la couverture sociale aurait eu pour corollaire une demande de renforcement de la protection des emplois. Ainsi les deux parties ont fait alliance pour conserver leur système 104 et le ministère a finalement retiré sa réforme . c. La mobilité, une liberté? 98 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 99 100 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre 2004. 31 pages 101 LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle logique, ancré dans l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/ dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007) 102 MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages. 103 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 104 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages. 28 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Les partenaires sociaux travaillent donc en étroite coopération. Beaucoup d’employeurs savent qu’il est dans leur intérêt d’entretenir des relations stables avec les employés. De leur coté les travailleurs reconnaissent certains avantages à la flexibilité. En effet, celle-ci leur permet d’organiser leur carrière professionnelle selon leur trajectoire de vie. Il s’agit de favoriser la conciliation entre monde du travail et vie privée, selon les différentes périodes 105 de la vie . Cette flexibilité passe par une importante mobilité des travailleurs danois. La capacité d’adaptation est une exigence au Danemark : en Novembre 2004, le premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen affirmait ainsi au congrès national du parti libéral: «In the old days, people would probably have said that security in the labour market equalled a good, steady job and long terms of notice in case of dismissal. But in the labour 106 market of the future, security will mean being able to adapt to new situations» . En effet, la flexibilité sur le marché du travail a pour corollaire la haute mobilité des travailleurs. Chaque année, environ un tiers de la population active, soit 600.000 à 700.000 personnes, changent de travail. La durée moyenne d’emploi est d’ailleurs une des plus 107 faibles au monde . La mobilité s’explique par la flexibilité du marché du travail mais également par l’ouverture à l’international du Danemark. Si certains travailleurs, environ 400 000 en 2004, soit 16% de la population active, 108 connaissent une période de chômage , les moments de transition entre deux emplois sont courts car la mobilité ne touche pas que les moins qualifiés, elle est générale. Le développement des hautes technologies crée de plus en plus d’emplois très qualifiés aux statuts atypiques, comme les consultants ou les indépendants, qui sont, par définition, des emplois mobiles. Cependant si cette mobilité concerne toutes les catégories, force est de constater que les conditions de la mobilité ne sont pas les mêmes selon la qualification. Tandis que les plus qualifiés ont plutôt tendance à choisir leur mobilité, les moins qualifiés et les plus jeunes 109 sont plus nombreux à la subir . La mobilité danoise est une mobilité entre entreprises, elle est très peu géographique, en raison de la géographie du Danemark et de la concentration de l’activité sur quelques 110 bassins d’emploi (Comme Copenhague) . 105 BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market – a review.CARMA (Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages. 106 BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market – a review.CARMA (Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages. 107 MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States-Contrasts and Similarities, Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages. 108 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 109 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome 1, p. 39-63. 110 MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche économique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 29 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Malgré une flexibilité et une mobilité accrue, le sentiment de sécurité des salariés danois 111 est très élevé : En effet, les Danois sont nombreux à s’estimer occuper un emploi de bonne qualité et à se considérer en sécurité. Le Danemark se situe ainsi aux premier et deuxième 112 rangs des pays de l’OCDE sur ces critères en 2003 . B/ Une sécurité assurée Le sentiment de sécurité qu’éprouvent les employés danois s’explique par le fait que le système de protection sociale organise une protection généreuse des risques. La sécurité est ainsi le second pilier de la «flexsécurité». a. Un droit universel à la retraite 113 La protection sociale couvre tout d’abord le risque vieillesse . Le droit à la retraite, introduit en 1956, est la véritable incarnation de l’universalisme du système. La retraite est, en effet, versée à tous les résidents à partir de l’âge de 65 ans à condition d’avoir résidé au moins deux ans dans le pays. (Afin de recevoir une retraite complète, il faut avoir résidé au Danemark pendant 40 ans). Les conditions de résidence sont les seules à respecter car le droit à la retraite est indépendant d’une participation au marché du travail ou d’autres revenus et richesses. En outre, un système de préretraite très avantageux a été instauré en 1978. Les personnes qui avaient cotisé pendant 25 ans à l’assurance chômage pouvaient cesser de travailler à partir de 60 ans et percevoir une allocation du même type que l’allocation chômage jusqu’à l’âge de la retraite, c’est-à-dire 67 ans. Mais devant le succès de la mesure le gouvernement a réformé le système en 1998. Afin de limiter les dépenses publiques il a rendu les règles plus strictes. L’âge de la retraite a été baissé à 65 ans pour limiter à cinq ans la période de préretraite. De plus, l’Etat perçoit désormais une cotisation spéciale des personnes qui souhaitent bénéficier du système et celles qui n’en bénéficient pas reçoivent, 114 quant à elles, une prime de l’état . Le système de protection sociale couvre aussi le risque chômage. Sorte de «garantie 115 dommages» au salarié qui a été licencié rapidement et/ou brutalement , le filet de sécurité danois transmet ses prestations par deux institutions complémentaires. En effet, un système à deux vitesses assure la protection des personnes sans emploi: environ 80% des travailleurs sont membres d’un fond d’assurance pour le chômage tandis que les 20% non assurés restants sont éligibles à l’assurance sociale. b. L’assurance chômage, pilier de la sécurité 111 112 LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ». Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004 AUER, Peter. Panorama des systèmes de mobilité et de transitions : perspectives internationales et prospective, in Les troisièmes entretiens de l’emploi : Transitions et trajectoires , 19 et 20 mars 2003, Les Actes, 241 pages. 113 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’« activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 114 115 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche économique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages. 30 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Les fonds d’assurance chômage ont été mis en place par les travailleurs à travers ème l’action des syndicats au début du XX siècle. Reconnus par l’Etat en 1921, ils sont subventionnés depuis cette date à hauteur d’environ 60% de leurs ressources. (Le complément étant assuré par les cotisations des salariés). L’assurance chômage est donc un système facultatif, géré par les caisses privées, agréées par l’Etat et proches des syndicats. Le système est géré par l’autorité centrale du marché de l’emploi (Arbejdsmarkedsstyrelsen) qui opère sous l’autorité du ministère de l’emploi. C’est l’Etat qui finance à 80% les allocations chômage. Mais en pratique, la gestion des fonds revient aux organisations syndicales. Il existe ainsi trente-six fonds pour les salariés, et un pour 116 les cadres . Le système de l’assurance chômage a été réformé en 1994: la durée et le montant des indemnisations ont été réduits. La période d’indemnisation est passée de sept à quatre ans et les allocations sont plafonnées à 1800 euros par mois pour un temps plein. Malgré cette réforme la couverture sociale reste généreuse car l’allocation est, en principe, équivalente à 90% du salaire précédent. Cependant si le taux de compensation des bas salaires est très 117 élevé, le taux moyen est plus proche des 60% que des 90% du salaire . De plus, l’accès aux allocations est soumis au respect de certaines conditions. Il faut en effet être affilié depuis au moins un an à une caisse d’assurance chômage agréée par l’Etat. Il faut également avoir travaillé au moins 52 semaines au cours des trois dernières années (équivalent temps plein). Enfin il faut s’être inscrit, dès le premier jour du chômage, 118 auprès des services de l’emploi car l’indemnisation commence dès l’enregistrement . Lorsque les chômeurs arrivent en fin de droit ou lorsqu’ils font partie des 20% qui ne sont pas membres d’un fonds d’assurance chômage, c’est le système de l’assistance sociale qui assure la protection des individus. c. L’assistance sociale, dernier filet de sécurité Si les travailleurs non assurés représentent 20% de la population active, ils constituent en revanche une part beaucoup plus importante des travailleurs au chômage. En effet les personnes les moins attachées au marché de l’emploi se retrouvent en général dans ce groupe. Initialement aide aux «pauvres méritants», l’assistance sociale était basée sur les 119 résultats de tests dit des «besoins, des moyens et du travail» . Cette assistance est accordée en dernier recours: elle vient se substituer aux autres formes d’aide ou compléter un revenu personnel très bas. Encore aujourd’hui l’assistance est accordée selon les besoins, afin de couvrir le coût de la vie. Son montant dépend du 116 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 117 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 118 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre 2004. 31 pages 119 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 31 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice revenu du ménage: de 940 euros pour un individu seul, le montant de cette allocation de 120 survie peut aller jusqu’à 1260 euros pour les citoyens ayant des enfants à charge . C’est la couverture universelle de la protection sociale. Par tradition, l’assistance sociale 121 est gérée par les autorités municipales . En effet, décider de qui était pauvre méritant et qui ne l’était pas supposait une gestion de proximité de l’individu. Celle-ci a été conservée dans un souci d’efficacité. L’efficacité est un souci permanent pour le gouvernement danois. En effet, un tel régime d’allocations chômage crée un fort effet « désincitatif » chez les demandeurs d’emplois: «Denmark is one of the countries in the OECD-area with the largest dis-incentive problems for low-paid workers. According to OECD (1996), more than half of the employed workers in Denmark had effective replacement rates in the range from 81 to 100 per cent. Only Sweden 122 had a higher percentage of the employed in this range of replacement rates» . L’impératif de justice sociale semble primer sur l’incitation à la reprise d’un emploi. Mais si tel était réellement le cas, le système serait déséquilibré. C’est pourquoi le haut niveau de sécurité fourni par le système de protection sociale est contrebalancé par l’obligation de participer aux politiques actives du marché de l’emploi. Ces dernières réintroduisent 123 l’incitation à la reprise d’un travail . La politique de l’emploi a été profondément réformée tout au long de ces quinze dernières années et les mesures actives se sont multipliées. L’activation s’est aussi accompagnée d’un processus de décentralisation. C/ Une activation développée Preuve de l’importance qu’ont prises les politiques de l’emploi dans le système social danois, le niveau des dépenses dans le domaine est le plus élevé d’Europe. En effet, 4,3% du PIB a été investi dans «l’activation» en 2003 alors que la moyenne dans l’Europe des quinze 124 était de 2,3% . a. Le contrat d’activation Introduites en 1979 les mesures actives de la politique de l’emploi ont pris leur essor dans les années 90, à l’occasion de la profonde réforme du système social. Le terme d’activation, «aktivering» en Danois, a été inventé par les suédois, les premiers à élaborer des politiques actives de l’emploi. 120 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 121 HAMMER, Bo ; ROSHOLM, Michael ; SVARER, Michael. A Danish Profiling System, Working Paper No. 2004-13, university of Aarhus, Denmark. 2004. 25 pages. 122 PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics, University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop “Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages. 123 ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages. 124 MELIS, Africa. Dépenses consacrées aux politiques du marché du travail 1998-2003 conditions sociales, n°17/2005, Luxembourg, Eurostat, 8 pages. 32 MICHEL Anne-Sophie_2008 », Statistiques en Bref, Population et Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Cette politique est basée sur la conviction que les chômeurs ont à la fois des droits et des devoirs. Si par le passé le chômage était considéré comme un phénomène structurel dont les travailleurs étaient les victimes innocentes, devant être indemnisées jusqu’à ce que la conjoncture économique soit plus favorable, aujourd’hui le chômage est perçu comme 125 un défaut de qualification . Le système repose sur la notion très ancienne de droits et d’obligation, «Regt og pligt» en danois. En effet, aux débuts de l’assistance sociale, le pauvre devait être «méritant» pour avoir droit à l’aide. Cela signifiait qu’il ne devait pas être responsable de sa situation en n’ayant pas fait preuve d’immoralité dans sa vie. De plus, en échange de l’aide fournie 126 il devait travailler pour la paroisse ou la municipalité . ème Cet état d’esprit a perduré tout au long du XX siècle. Ainsi, jusqu’à une date récente 127 les bénéficiaires de l’aide sociale n’avaient pas le droit de partir en vacances . Le système s’apparente à un contrat entre le chômeur et les autorités de l’emploi: «Le contrat qui établit la confiance entre l’individu et le service de l’emploi, les communes et caisses syndicales d’assurance chômage consiste dans le fait que si la personne se conforme aux engagements qu’elle prend avec la caisse et le service public de l’emploi, elle 128 . voit ses risques généreusement couverts» Le système danois étant fortement lié à une logique de plein emploi, la pression sociale 129 vient s’ajouter à l’éthique collective . En effet l’éthique du travail est très forte. Pour preuve, les individus qui n’ont jamais travaillé sont qualifiés de «profiteurs», «misbruger» en danois. L’activation a une vocation universelle, s’appliquant à tous, quelle que soit la situation de l’individu au regard de l’emploi. Elle consiste en un ensemble diversifié de services de formation qui sont proposés, et parfois imposés, aux chômeurs afin qu’ils améliorent leurs compétences. «Le problème ne se trouve plus au niveau de la demande d’emploi mais du 130 côté de l’offre» . La réforme du système social en 1994 est l’occasion de mettre l’accent sur l’obligation d’activation pour les demandeurs d’emploi. Un plan d’action individuel, appelé «individual handlingsplan» est alors mis en place. Il s’agit d’un contrat individuel entre le chômeur et 125 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’ « activation » de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 126 ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ? La réforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220 pages. 127 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 128 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 129 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 130 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 33 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice le service public de l’emploi. Ce dernier offre une large palette de services d’activation au 131 chômeur qui doit lui permettre de réintégrer le marché du travail . Le contrat fixe des obligations réciproques: tandis que le service public s’engage à fournir des offres de formation de qualité, l’individu se doit de respecter le parcours négocié et d’aboutir à un résultat. Le respect du contrat est primordial car désormais les allocations sont conditionnées à ces obligations d’activation. Le chômeur est donc tenu de participer aux mesures actives d’offre d’emploi sous peine de voir ces indemnités réduites. Depuis 2002, il n’y a plus de distinction entre la période dite «passive» durant laquelle les personnes recevaient des allocations et pouvaient demander à participer à des mesures d’activation et la période «active» où la participation était obligatoire. Aujourd’hui les bénéficiaires doivent s’inscrire dans une mesure d’activation dans les six premiers mois de 132 chômage . La réforme de 2002, intitulée «plus de personnes en emploi», « Flere i arbejd » en 133 danois , visait l’incitation à la recherche d’emploi. L’objectif était d’augmenter la population active de 60 000 personnes à l’horizon 2010 mais aussi le nombre d’emplois en s’assurant que le travail serait toujours plus rémunérateur que le chômage. C’est pourquoi la période passive a été supprimée. (Liste des réformes en annexe 2). b. L’activation décentralisée 134 La politique de l’emploi est gérée de façon décentralisée . En effet, dès 1994, les conseils régionaux composés de représentants de fédérations d’employeurs, syndicats, et des autorités locales, ont été chargés de choisir les programmes d’activation les plus appropriés avec les besoins locaux. La régionalisation est donc un élément important du fonctionnement du système. La planification régionale est censée permettre une gestion de proximité et renforcer l’implication des partenaires sociaux. Dans un souci constant d’efficacité, les autorités ont diminué le nombre de municipalités en 2007 de sorte qu’elles comprennent toutes au moins 135 30 000 habitants . Elles sont donc passées de 271 à 98, les régions ont-elles aussi été réduites de 14 à 4. Les différents acteurs locaux se doivent donc de coopérer entre eux tout en assurant également la coordination avec le niveau national qui continue d’exercer un contrôle et de fixer des objectifs prioritaires comme la prévention du chômage de longue durée. Le conseil national de l’emploi et l’agence de l’emploi établissent des contrats annuels qui servent de cadre au niveau régional. 131 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 132 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 133 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages. 134 LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ».Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004 135 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages. 34 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? En effet, ce sont les conseils régionaux de l’emploi (partenaires sociaux et exécutif régional) qui fixent les objectifs des agences régionales de l’emploi. Ces dernières assurent le suivi et l’accompagnement des chômeurs. Si les politiques d’activation sont une initiative gouvernementale, leur mise en œuvre est assurée en collaboration avec les partenaires sociaux qui contribuent au contrôle général des formations, participent à l’identification des priorités, la définition des cursus de formation, ce qui assure une cohérence avec les besoins de qualification des entreprises, 136 et un contrôle permanent de la qualité des formations professionnelles . Auparavant, différents bureaux s’occupaient des bénéficiaires selon qu’ils dépendaient du régime d’assurance chômage ou de l’assistance sociale. En 2007, les deux réseaux se sont rapprochés pour créer un réseau d’accueil unique: 98 «jobcentres» proposent désormais les mêmes prestations d’accompagnement aux deux catégories de demandeurs 137 d’emploi . Cette décentralisation, très poussée, s’explique par la tradition danoise de gestion de proximité. Aujourd’hui, la fonction publique locale représente 70% des effectifs totaux de la 138 fonction publique . c. Un panel de mesures Les bénéficiaires de l’assistance sociale ne forment pas un groupe homogène: on y retrouve de jeunes célibataires qui ont terminé leurs études mais n’ont pas encore trouvé de travail ainsi que des chômeurs de longue durée sans qualification ou bien des personnes qui n’ont jamais travaillé. L’action communale se doit donc d’être diversifiée. Les communes proposent parfois, pour les plus éloignés du marché du travail, une «activation sociale» qui ne vise pas en priorité de réinsérer la personne dans l’emploi mais plutôt de lui assurer un contact humain. Il s’agit de rétablir le lien social pour empêcher toute marginalisation. La gestion de proximité prend, dans ce cas précis, toute son importance. Cette gestion doit assurer le maintien d’un lien social mais elle est également gage d’efficacité. Les autorités municipales sont très motivées pour faire embaucher leurs bénéficiaires aussi vite que possible par le fait qu'elles supportent 50% des dépenses (l'autre moitié leur est remboursée par l'Etat). Une commune efficace parvient à économiser des 139 prestations ce qui lui procure des ressources pour d’autres fonctions . Pour ceux qui ne sont pas très éloignés du marché du travail, les mesures d’activation doivent toutes viser un travail clairement identifié. Depuis la loi «plus de personnes au travail» de 2002, le système des offres d’activation a été simplifié dans un objectif de rationalisation et d’efficacité. Il existe désormais trois grandes catégories: -Le conseil et la formation (Vejledning og opkvalificering), un appui sur le court terme. 136 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages 137 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages. 138 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française . (En ligne). Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur Internet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages 139 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 35 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice -Le stage en entreprise (Virksomhedspraktik), la mesure qui a connu le plus grand succès. -L’emploi subventionné, public ou privé (løntilskud) vise particulièrement l’acquisition 140 de nouvelles compétences . d. L’activation couplée à la formation La mise en place des politiques d’activation répond à un besoin de formation. Véritable clef de voûte du dynamisme économique et de l’égalité des chances, les danois ont fait de la formation professionnelle un enjeu national. S’il n’est pas surprenant que l’éducation soit considérée comme une responsabilité publique, le fait est plus rare pour la formation professionnelle. La longue tradition d’intervention de l’Etat dans le domaine de la formation professionnelle s’explique par la structure économique du Danemark. En effet, les PME, dominantes dans le tissu économique, n’avaient pas les ressources nécessaires pour former efficacement leurs employés, c’est pourquoi le secteur public a pris en charge leur formation. Traditionnellement, la formation s’adressait donc à toute la population active et pas seulement aux chômeurs. Cette caractéristique originale est encore vraie aujourd’hui puisque les chômeurs représentent seulement un quart des travailleurs qui effectuent des formations dans le cadre 141 du système public . La nécessité d’assurer à tous une formation tout au long de la vie est donc ancrée dans la mentalité danoise. Elle fait partie intégrante de la protection sociale. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le dynamisme danois est fondé sur la haute compétitivité de son économie. Or celle-ci passe par une main d’œuvre très qualifiée, plus à même de s’adapter aux nouveaux défis d’une économie mondialisée. La haute qualification est également un 142 moyen d’assurer le plein emploi, condition du maintien du système . Grâce aux offres de formation des politiques actives de l’emploi, la formation professionnelle est répandue à tous les âges de la vie: huit danois de 25 à 64 ans sur dix 143 ont suivi une formation en 2003 . En plus des offres de formation qu’offre le système d’activation, les danois peuvent étudier dans les hautes écoles populaires, «højskole» en danois, créées par le pasteur Nicolas Grundtvig en 1844. Indépendantes mais subventionnées par l’Etat, l’admission à ces écoles est libre et l’enseignement y est diversifié. En permettant aux adultes d’acquérir de nouvelles connaissances, ces écoles participent pleinement au développement d’une 144 société de la connaissance . 140 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 141 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 142 VIELLE, Pascal. Flexicurité : redéfinir la sécurité des citoyens. (En ligne) Bruxelles : Observatoire social européen, octobre 2007 ; 13 p. Consultable sur Internet : http://www.ose.be/files/PolicypapersOSE/OSEPolicypaper1-Vielle.pdf 143 KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Population et conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages. 144 36 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Ainsi la formation professionnelle s’inscrit dans la continuité de la priorité donnée à l’éducation. En effet la société danoise investit massivement dans la formation initiale: En 2005 les dépenses publiques consacrées à l’éducation ont représenté 8,5% de son PIB, 145 soit le niveau de dépense le plus élevé parmi les pays européens . Le niveau d’éducation danois est donc très élevé: La part des 25-35 ans ayant atteint une formation de deuxième cycle est de 86% (contre 68% en Grande Bretagne), de 80% pour la tranche d’âge 35-44 ans, et encore de 72% pour la tranche d’âge 55-64 ans (46% 146 en France) en 2003 . L’importance de la formation est une des clés de compréhension du système. En effet il a été étudié dans un paragraphe précédent que la population active était fortement mobile. Or cette mobilité se lit en miroir avec une formation professionnelle importante qui permet de gérer les périodes de transition. Grâce à ce système (ainsi qu’à une forte indemnisation) le chômage n’est pas vécu 147 comme un état d’isolement. Il devient un état provisoire, donc banalisé. La «flexsécurité», souvent présentée comme un compromis entre les exigences de la flexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les salariés, s’apparente plutôt à un contrat de société. Le triangle d’or fonctionne en assurant un équilibre entre les intérêts des uns et 148 des autres . (Aperçu du système en annexe 3). Cependant créer une alchimie entre les trois angles du triangle reste un défi permanent. Si la «flexsécurité» couplé à une politique macro-économique saine et stable fait le succès 149 du modèle danois , il s’agit désormais d’étudier les défis auxquels le Danemark doit faire 150 face. Le contrat de société danois montre-t-il des signes de faiblesse? . III/ Une évaluation critique du système social danois Qualifié «d’idéal type», l’Etat Providence social démocrate fait figure de premier de la classe parmi les économies européennes. Le «triangle d’or» permet en effet de concilier efficacité économique et cohésion sociale. Bénéficiant d’un taux de chômage proche du plein emploi 145 ANDRÉN, Birgitta ; SCHMIDT, Pascal. L’éducation en Europe, Statistiques clés 2002/2003 , Statistiques en Bref, Population et conditions sociales, n°10/2005, Eurostat, Luxembourg. 12 pages. 146 KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Population et conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages. 147 DELCOURT, Christian. Emploi : le « miracle » danois est-il transposable en Belgique ? ETOPIA, Centre de recherche et d’animation en écologie politique. Analyse n°22. Octobre 2005. 6 pages 148 BOISSARD, Sophie. Mobilité, formation et parcours professionnels : les multiples visages de la – flexicurité – dans et hors de l'entreprise. (En ligne). Centre d'Analyse stratégique; In Note de veille n°45 du 12/02/07, 8 pages. http://www.strategie.gouv.fr/ IMG/pdf/Note_de_veille_45_12.02.07.pdf . Consulté le 14 mai 2008. 149 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques, Paris le 7 septembre 2005, 12 pages 150 FREDERIKSEN, Claus Hjost. Discours du ministre de l’Emploi à la Conférence sur la flexicurité in MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ? Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche économique et sociale) - n° 97 novembre 2005, 12 pages. MICHEL Anne-Sophie_2008 37 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice et d’un taux d’emploi très élevé, le Danemark parvient également à prévenir l’apparition 151 d’une pauvreté de masse . Le système danois serait ainsi la preuve «qu'il est possible de s'adapter à la 152 globalisation par le haut, sans renoncer sur le fond à son modèle social .» ème L’Etat Providence social-démocrate aurait-il réussi le tournant du XXI siècle? Si le succès danois a été mis en lumière jusqu’ici, il convient désormais d’évoquer les limites du système. En effet certaines critiques remettent en question l’efficacité de la «flexsécurité» tandis que l’alchimie du triangle d’or est soumise à rude épreuve par l’apparition de nouveaux défis. A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critique Malgré le succès apparent de l’Etat-Providence social démocrate danois, il est possible d’établir une évaluation critique du triangle d’or, et notamment de la politique d’activation, dont l’efficacité est sérieusement discutée. a. Un rapport coût/efficacité discuté Le système a l’inconvénient d’être très couteux pour la collectivité. En effet, comme nous l’avons vu dans la partie précédente, le Danemark, qui dépense près de la moitié de son PIB dans les services publics, finance son Etat providence par l’impôt. Le taux d’imposition danois est ainsi le deuxième taux d’imposition le plus élevé au monde derrière le taux 153 suédois . Les contribuables danois peuvent donc se permettre d’être exigeants. Le coût du système doit, en effet, être compensé par son efficacité. Le taux de chômage est souvent utilisé comme preuve incontestable du succès du modèle danois. De plus de 10% au plus 154 fort de la crise dans les années 90, le taux de chômage est descendu à 4,8% en 2006 , un chiffre qui correspond à, environ, 130 000 personnes au chômage, ce qui signifie que le Danemark est quasiment dans une situation de plein emploi. Mais derrière ce très bas taux de chômage, une autre réalité se profile: de nombreux danois qui participent à des mesures de la politique de l’emploi ou sont en préretraite ne sont 155 pas comptés dans les chiffres du chômage. Ils seraient environ 284 000 (chiffre de 2005) . La prise en compte de ces citoyens engagés dans des mesures d’activation augmente considérablement le taux de chômage: de 130 000 le nombre de chômeurs passe à 444 000. 151 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages 152 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages 153 ème Voir I du 2 chapitre 154 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79 155 PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics, University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop “Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages. 38 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? La population active étant d’à peu près trois millions de personnes (lorsque l’on réintègre 156 les inactifs), le taux de chômage serait plutôt de l’ordre de 14,8% . Cependant, l’indicateur du taux d’emploi apparaît plus fiable. Le rapport coût/efficacité s’en trouve alors amélioré car au Danemark, le taux d’emploi des 15 à 64 ans est parmi les plus élevés d’Europe. En 2005 il dépasse de plus de dix points la moyenne européenne: 157 76 % contre 65 % . b. Les effets mitigés de la politique d’activation 158 Qualifiée d’activation stérile (meningsløs aktivering) , l’efficacité de la politique active de 159 l’emploi est critiquée par certains qui n’hésitent pas à parler «d’usine à activation» . Ces expressions traduisent le désenchantement face aux résultats des politiques actives de l’emploi. En effet, certaines études ont révélé le peu d’efficacité de ces mesures, mettant en lumière leurs différents effets. Tout d’abord, il existerait un effet de blocage, dit effet «locking160 in» selon lequel les recherches d’activité seraient réduites pendant la période d’activation . Paradoxalement, c’est pendant la durée du programme d’activation que les personnes auraient le moins de possibilités de rechercher un emploi. La tendance naturelle des 161 individus en stage ou en formation serait de cesser de chercher un travail . Participer à une mesure d’activation inciterait même certains à retarder leur retour sur le marché du travail. Cet effet désincitatif est en complète contradiction avec l’objectif de la politique d’activation, qui, par définition, est de réintroduire l’incitation à la recherche d’emploi. En miroir de cet effet de blocage, il existerait un «effet motivation» selon lequel la personne chercherait plus activement un travail dans la période précédant sa participation à un programme d’activation. Cet effet est aussi appelé «effet de dissuasion» car il met en évidence le peu d’attractivité de la mesure d’activation. Ainsi les personnes seraient plus motivées à trouver au plus vite un emploi avant le début de leur formation. Cet effet est détecté empiriquement par une augmentation de la fréquence d’obtention d’un emploi à 162 l’approche de la période d’activation . 156 157 Calcul personnel ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 158 MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States – Contrasts and Similarities, Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages. 159 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 160 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002. 15 pages 161 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 162 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la france ? CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2006 MICHEL Anne-Sophie_2008 39 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice L’effet incitatif qu’est censée exercer la politique d’activation est alors détourné: l’incitation n’apparaît pas a posteriori de la participation à une mesure de formation mais avant cette dernière. 163 «L’effet qualification» serait l’effet le plus positif qu’engendreraient les politiques d’activation. En effet, les compétences de la personne «activée» s’étant accrues après la fin du programme de formation, cette personne peut bénéficier d’une augmentation de qualification, multipliant ainsi ses chances d’accès à l’emploi. Cependant, cet effet positif est nuancé par un autre qualifié de «creaming effect» selon lequel ce sont souvent les personnes les plus dotées en ressources qui bénéficient des offres d’activation de meilleure qualité. Cet effet est assez logique et économiquement efficace mais en contradiction avec l’objectif de la politique d’activation qui est d’offrir les 164 mêmes chances à tous . Ainsi, les programmes d’activation n’auraient pas significativement permis aux groupes les plus défavorisés d’entrer ou de rejoindre le marché du travail.Quant à ceux qui ont retrouvé un emploi grâce à une mesure d’activation, il semblerait qu’ils en auraient retrouvé 165 un de toutes façons . Ces effets généraux de la politique d’activation varient fortement suivant le type de mesure étudié. Celle qui est la plus prisée par les travailleurs semble aussi la plus efficace. Il s’agit du stage en entreprise privée. En effet, cette mesure engendrerait un effet positif sur la recherche d’emploi plus rapidement que les autres formations données dans le public: 59% des personnes ayant suivi une formation privée en 2002 étaient financièrement indépendantes en 2003. Par contre, seulement 25% des personnes ayant reçu une formation publique ou une activation municipale en 2002 étaient financièrement 166 indépendantes en 2003 . Cependant peu de personnes reçoivent les offres du privé. La majorité des offres concerne des formations publiques ou des mesures d’activation municipales qui, 167 apparemment, ne contribuent pas à une évolution vers l’indépendance financière . Le passage en revue de ces quelques effets, mis en évidence par les études sur l’activation, corrobore l’idée d’une faible efficacité du système. De plus, malgré les mesures d’activation, des difficultés de recrutement subsistent pour des travaux pénibles ou peu 168 qualifiés . 163 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002. 15 pages 164 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002. 15 pages 165 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 166 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83 167 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 168 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre 2004. 31 pages 40 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? L’activation est aussi critiquée pour avoir favorisé la stigmatisation de certaines catégories de travailleurs. En effet, parfois assimilée à un système de tri, l’activation joue un rôle clef pour déterminer si une personne est en mesure de retourner sur le marché du 169 travail ou si elle doit recevoir de l'aide d'un des divers régimes d’assistance sociale . Mesure clé de la stratégie consistant à éradiquer le risque d’exclusion des moins qualifiés, l’activation n’empêcherait donc pas la marginalisation de certaines catégories de la population. La lutte contre l’exclusion sociale reste d’actualité. En effet, le système danois est confronté à de nouvelles tendances qui mettent son équilibre social sous pression. B- Le contrat social sous pression ? 170 «Pour autant ce modèle, à la fois fortement empreint de libéralisme économique et d’égalitarisme social qui, aujourd’hui, donne de bons résultats, résiste-t-il à des perspectives 171 à plus long terme?» En effet, au moment où le Danemark remplace les modèles précédents (suédois, japonais, américain…) comme modèle de référence en termes de performances économiques et sociales, le système rencontre un certain nombre de tensions. Concilier l’efficacité économique avec l’impératif de justice sociale reste un défi permanent. a. Vers la dualisation du système? En rajoutant des conditions d’éligibilité, en réduisant la durée des prestations et en amplifiant la politique d’activation, les réformes menées depuis le milieu des années 90 ont modifié la 172 «social citizenship», c’est-à-dire la nature des droits sociaux . En quoi le contrat social du modèle, basé sur l’universalisme et l’exigence d’égalité estil aujourd’hui remis en question par une certaine tendance à la dualisation mais surtout par le durcissement de la société à l’égard des populations immigrées? Le compromis constitutif du système repose sur un contrat social qui est l’expression d’une volonté collective. Un système hautement redistributif vise à lutter contre l’exclusion en améliorant les qualifications des travailleurs. L’objectif est, en effet, de maintenir un niveau 173 d’employabilité élevé afin d’assurer le plein emploi . Ce compromis s’est construit sur une 169 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 170 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages 171 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre 2004. 31 pages 172 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (en ligne). Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur Internet : http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages 173 WAECHTER, Philippe. Suède et Danemark : Vivre sans l’euro in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006. Pages 62-73 MICHEL Anne-Sophie_2008 41 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice 174 «passion de l’égalité» . Les niveaux élevés de redistribution sont largement acceptés car les catégories sociales moyennes et aisées en bénéficient également. Cependant, depuis les réformes de ces quinze dernières années, l’universalisme aurait tendance à s’effriter. En effet, l’ouverture vers le haut de l’éventail des revenus et un 175 individualisme accru caractériseraient la tendance actuelle du système. L’universalisme serait menacé dans la mesure où la population considérerait de plus en plus l’Etat comme «une gigantesque assurance, un mécanisme qui permet de mutualiser les risques de la vie, et de moins en moins (…) comme un système conçu pour organiser la redistribution des 176 revenus et la réduction des inégalités .» De plus en plus, la société assigne au système l’objectif de réaliser des solidarités entre générations et non plus entre classes sociales. En effet, dans les années à venir, le Danemark va devoir relever le défi démographique. En raison du nombre croissant de retraités, plus d’un adulte sur quatre aura plus de 65 ans 177 d’ici 2040 . Le vieillissement de la population engendre une augmentation de la charge des retraites et une diminution des cotisations finançant le système. Ainsi le poids des dépenses publiques dans le PIB passerait de 50% aujourd’hui à plus de 57% en 2040 alors que les 178 recettes elles n’augmenteraient que de 5,3% . Le défi démographique est lié au défi fiscal: plus la population vieillit plus il est difficile de continuer à fournir des services de haute qualité sans augmenter les taxes: «Il n’est pas aisé de concilier l’ampleur des prélèvements obligatoires assurant la solidarité en réponse 179 à de nouveaux besoins et la préservation des incitations à l’activité et à l’innovation .» La préservation des incitations à l’activité reste une priorité. Il s’agit, en effet, d’assurer le plein emploi, sur lequel repose la viabilité du système. Le taux d’activité au sein de la population en âge de travailler doit nécessairement être élevé pour maintenir le financement du système. Or, entre 1960 et 1990, le nombre de personnes vivant des transferts sociaux est passé de 200 000 à 900 000 ce qui signifie qu’environ 25% des personnes âgées entre 16 et 64 180 ans n’ont pas d’emploi et vivent d'allocations publiques . Cette situation risque de mettre 181 en danger l’équilibre économique de l’Etat Providence . 174 Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires sociales en 1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages 175 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages 176 177 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 178 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 179 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (Centre pour la recherche économique et ses applications). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages 180 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 42 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? En effet, le défi du plein emploi est lié à celui de la croissance économique. Tant que le niveau d'activité économique demeure fort, le système paraît assez équilibré. Mais si le taux de chômage venait à augmenter, le système d’indemnisation subirait une forte pression. C’est pourquoi, «plutôt que d'un triangle d'or, il vaudrait mieux parler d'un carré: le quatrième 182 angle, c'est la croissance économique.» L’exigence permanente de dynamisme et de compétitivité pour assurer le plein emploi conduit à exclure du marché du travail ceux qui échouent à remplir les normes de productivité exigées. Ainsi, le système social danois doit aussi faire face à une tendance à la marginalisation de certaines catégories de la population. En effet, les réformes de ces dernières années, notamment le plan pour l’emploi de 2002, ont concentré leur action sur certaines catégories de travailleurs, notamment les 183 chômeurs et les étrangers, prenant le risque de les stigmatiser . Cependant, cette évolution est à nuancer. En effet, le taux de pauvreté du Danemark est un des plus faibles des pays développés: 8% de la population disposait de moins de 60 % du revenu médian en 1998 contre 12 % aux Pays-Bas, 18 % en France et 21 % au 184 Royaume-Uni . De plus, les danois restent très attachés à leur Etat Providence et privilégient l’exigence 185 de cohésion sociale à la stigmatisation des chômeurs . Si l’Etat providence danois reste profondément institutionnalisé et ancré dans les mentalités, les Danois semblent plus 186 réservés sur les politiques d’aide aux immigrés . b. L’immigration, un défi à relever L’immigration est un défi de taille pout le modèle danois. En effet, il implique de réconcilier 187 la diversité et la solidarité . Les résidents d’origine étrangère représentent 6% environ de la population totale, soit 300 000 personnes dont la moitié est constituée de musulmans. 181 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche, études, veille. Août 2007. 6 pages 182 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche, études, veille. Août 2007. 6 pages 183 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome 1, p. 39-63. 184 MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 185 LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre for Comparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages. 186 LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre for Comparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages. 187 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MICHEL Anne-Sophie_2008 43 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Or, cette catégorie de la population, souvent peu qualifiée, utilise les services publics plus qu’elle ne contribue à leur financement. La création d’un tel déséquilibre met en danger 188 le système qui repose sur la contribution de tous au financement des services publics . Les immigrants, moins formés en moyenne que les danois, éprouvent plus de difficultés à remplir leur contrat d’activation que les autres. Le système de droits et d’obligation est ainsi déséquilibré. Mais la question de l’immigration est surtout politique. Elle accentue la division partisane dans un pays habitué à la logique du consensus. Le parti du peuple (danskfolkparti), dont la ligne politique est basée sur l’opposition aux étrangers, a gagné 25 parlementaires aux élections législatives de novembre 2007. Le gouvernement actuel doit compter sur le soutien de ce parti populiste pour s’assurer la majorité au parlement. A l’heure actuelle une véritable course se joue entre l’intégration sociale des immigrants et la patience du contribuable de classe moyenne. En effet, la capacité qu’aura le Danemark à concilier l’immigration avec son système social dépend du succès de l’intégration. La question de l’immigration est très délicate car elle a des incidences sur la classe moyenne danoise. Or c’est sur cette dernière que repose le système social. Une défection de la classe 189 moyenne, mettrait donc en danger la survie du modèle . ème Les tensions existantes au sein du système social danois en ce début de XXI siècle conduisent certains observateurs à s’interroger sur la viabilité du modèle danois dans le 190 futur: «Can the Danish system survive?» . Cette troisième partie du second chapitre a permis de mettre en évidence certains côtés négatifs du modèle danois. En établissant une évaluation critique du système il nous est apparu que si la réussite est palpable, certaines tensions font peser un danger sur le consensus et les fondements de l’Etat-Providence. Conclusion du chapitre : Le système social danois repose sur le «triangle d’or». Concilier la flexibilité avec la sécurité de la protection sociale et l’activation de la population est un exercice d’équilibriste. Performant, le système danois, n’est pas pour autant exempt de critiques. Certaines tensions ont été mises à jour dans la troisième partie, créant le doute sur la capacité de survie du modèle. Le modèle danois est-il adapté aux exigences nouvelles posées par la mondialisation? «Can a model like the Danish one survive as a social democratic island in a turbulent sea 191 of globalization? » . En s’interrogeant sur la pertinence du système social danois à répondre aux défis du ème XXI siècle, le dernier chapitre étudie la propension à l’exportation de ce modèle, et notamment de la «flexsécurité». 188 189 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages. 190 191 44 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate? Après avoir étudié le système social dans son ensemble tout au long de ce second chapitre, il s’agit désormais de se concentrer sur la question de l’exportation du modèle. Malgré ses spécificités, le modèle social danois peut-il servir de source d’inspiration? MICHEL Anne-Sophie_2008 45 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe «The Danish social system, an export model? 192 » L’étude du modèle danois a mis en évidence les différents aspects qui en font un système idiosyncratique. Par ses fondements, son inscription dans un contexte historique et social particulier, son mode de fonctionnement fondé sur la «flexsécurité», cet Etat Providence social-démocrate est spécifique. Malgré ses spécificités, il est considéré comme un modèle de référence parmi les systèmes sociaux européens. En effet, le modèle danois est une source d’inspiration, non seulement pour ses voisins européens, comme la France, mais également pour l’Union Européenne. Cette dernière voit dans le modèle danois, le système le plus adapté pour ème répondre aux défis du XXI siècle. C’est pourquoi elle a fait de «la flexsécurité» un des principes directeurs de ses orientations communautaires pour la période 2007-2013. Ce dernier chapitre se propose donc de voir en quoi le système social danois peut avoir une certaine vocation à l’exportation. Il s’agit tout d’abord de constater que les européens font face à de nouveaux défis. En s’interrogeant sur la pertinence de «la flexsécurité» à y répondre, il convient de mettre en évidence les enseignements que peut apporter ce système aux autres pays européens, tout en soulignant les limites que peut comporter une démarche d’inspiration. Enfin, s’intéresser à la reprise du concept de «flexsécurité» par l’UE permet de voir en quoi et dans quelle mesure le niveau européen peut être un niveau pertinent de régulation dans ce domaine. I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la «flexsécurité» Le modèle danois a fait l’objet d’une attention particulière en Europe ces dernières ème années. En effet, en ce début de XXI siècle, les Etats européens doivent renouveler le fonctionnement de leur Etat-Providence. De nouveaux défis mettent à l’épreuve le dynamisme et la cohésion sociale des sociétés européennes. Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les européens ont cherché à s’inspirer des meilleures pratiques. En suivant la méthode du «benchmarking» le système de la «flexsécurité» apparaît comme une référence. Néanmoins, si ce système ne manque pas d’atouts pour faire face aux nouveaux enjeux, s’inspirer d’un modèle social particulier peut s’avérer un exercice périlleux. 192 46 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’Etat Providence? ème L’entrée dans le XXI siècle nécessite la redéfinition d’un équilibre, économique et social, au sein des sociétés européennes. Concept à succès, «la flexsécurité» émerge des exercices de «benchmarking» comme le système le mieux adapté aux nouvelles exigences de compétitivité et le plus à même de faciliter l’évolution vers une économie de la connaissance. a. De nouveaux défis à relever ème Le contexte économique et social du XXI siècle bouleverse l’équilibre des sociétés européennes. Les défis à relever sont en effet nombreux: le vieillissement de la population, 193 les 17 millions de chômeurs dans l’Union Européenne , la segmentation du marché du travail entre les plus qualifiés et les autres, sont autant de tendances qui pèsent sur le 194 dynamisme économique et déséquilibrent la cohésion sociale des sociétés européennes . La mondialisation est un facteur d’explication parmi d’autres de ces évolutions de la société contemporaine. En effet, le progrès technologique, les évolutions démographiques, l’éclatement de la famille traditionnelle jouent aussi un rôle fondamental. C’est cette conjonction de facteurs internes et externes qui permet d’expliquer 195 l’obsolescence de l’Etat-Providence «à l’ancienne» . En effet, accusés d’être contreproductifs, les Etats-Providence européens subissent une forte pression. Les nouveaux 196 enjeux économiques et sociaux rendent leur renouvellement indispensable . Construits au début des années 50, les Etats-Providence ont conçu leurs politiques sociales au moment de l’âge d’or de l’économie industrielle. Les protections offertes par ces dernières semblent «désajustées» par rapport à l’environnement économique et social actuel marqué par les exigences de la mondialisation et les nouvelles évolutions 197 sociétales . Si les Etats-Providence d’après-guerre n’avaient pas permis de déconnecter complètement les opportunités des origines sociales, ils avaient entrainé une certaine égalisation des conditions de vie. Mais dans la société postindustrielle actuelle, la tendance à la dualisation de l’économie entre les plus qualifiés et les autres est encore plus forte. Certains Etats-Providence, comme les Etats-providence conservateurs, connaissent même 193 COMMISSION EUROPEENNE.Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final. Consultable sur Internet : uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 194 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do? 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008. ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 195 196 GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 197 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. MICHEL Anne-Sophie_2008 47 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice une situation d’«état social sans travail» par l’exclusion sociale. 198 dans laquelle les moins qualifiés sont menacés ème Répondre aux défis du XXI siècle est donc la préoccupation actuelle des pays européens qui s’interrogent sur la façon la plus adaptée de s’investir dans un système économique mondialisé tout en conservant et en renouvelant leur cohésion sociale et des mécanismes de solidarité. Sur le marché du travail, notamment, il s’agit de «garantir un nouvel équilibre susceptible de concilier à la fois le développement des entreprises et de l'emploi, la mobilité de l'emploi inhérente aux mutations économiques et la sécurité des salariés contre le risque 199 de chômage .» Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les européens ont adopté, en 2000, la stratégie 200 de Lisbonne . Elle vise à faire de l’Union Européenne l’économie la plus compétitive du monde d’ici 2010. Elle fixe aussi pour objectif la réalisation d’une économie de la connaissance. Les européens se sont donc accordés sur des objectifs ambitieux. Afin de les atteindre ils ont développé le «benchmarking»: cette méthode permet de trouver les meilleures pratiques pour s’en inspirer. b. S’inspirer des meilleures pratiques Le «benchmarking» est une technique qui vient de l’art militaire. Elle consistait à connaître le mieux possible la composition et l’armement des troupes pour mieux contrer l’ennemi. Reprise par le marketing dans les années 50, elle est aujourd’hui utilisée dans les entreprises. Il s’agit de trouver dans le monde économique ceux qui sont les plus performants afin d’adapter leurs processus à sa propre entreprise. C’est donc une technique qui consiste à se comparer aux champions pour se rapprocher de leurs expériences et de leurs idées. Utilisée désormais en politiques publiques, cette technique de «benchmarking» s’inscrit dans une logique d’inspiration 201 mutuelle à l’échelle européenne . Les Etats européens y ont de plus en plus recours. La France, par exemple, mène des expériences de comparaison entre pays européens. Ainsi Eric Besson, secrétaire d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques, a été chargé par le président de la République, Nicolas Sarkozy, d’établir une comparaison entre les pratiques mises en œuvre dans les pays nordiques (Danemark, Suède) mais aussi en Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne et Italie. 198 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. 199 BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/ BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008. 200 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages 201 BARRE, Rémi ; PAILLARD, Sandrine. Le « benchmarking » des politiques de la science, de la technologie et de l'innovation. Recherche, innovation, société, Collection Futuris, 11 juillet 2003. 18 pages. 48 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe A travers cette comparaison, la France cherche à s’inspirer des pays qui ont su trouver un équilibre entre le dynamisme économique et le renouvellement des formes de cohésion sociale. Différentes expériences de «benchmarking» sont aussi menées par des organisations internationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économique 202 (OCDE). Dans une étude de 2004 (Perspectives de l’emploi de 2004) , l’organisation met en évidence la pertinence du concept de «flexsécurité» dans le contexte économique et social actuel, notamment en louant le principe «d’activation». Elle fait l’éloge du triangle d’or sans toutefois omettre d’en évoquer les limites du système, également évoquées à la fin du second chapitre de ce mémoire. 203 Le concept de «flexsécurité» est ainsi devenu un «buzzword» , très en vogue en Europe depuis une quinzaine d’années. En effet, le retournement de la situation économique du Danemark entre le milieu des années 90 et le début des années 2000 a fait émerger le modèle danois comme un modèle de référence. Parce qu’il semble avoir réussi à combiner une croissance économique satisfaisante avec un Etat-Providence efficace au moment où les libéraux affirmaient que le modèle scandinave devenait obsolète, le modèle danois est devenu une source d’inspiration en 204 Europe , et notamment en France. En effet, en septembre 2004, Jean-Louis Borloo, alors ministre du travail, évoque, dans son plan de cohésion sociale «la flexsécurité» danoise (qui) constitue une source 205 d’inspiration privilégiée pour mettre en place des solutions novatrices » . «What can we learn from Denmark? » 206 . Le concept de «flexsécurité» aurait donc ème des atouts pour répondre aux exigences du XXI siècle et atteindre les objectifs fixés 207 à Lisbonne. C’est pourquoi, s’il «n’existe pas de modèle clef en main» , la «flexsécurité» ème pourrait néanmoins être une source d’inspiration pertinente en ce début de XXI siècle. ème c. Les atouts de la « flexsécurité » au XXI siècle Les Etats Providence européens sont à la recherche d’une façon nouvelle de concilier leur intégration dans un système mondialisé avec la sauvegarde de la solidarité sociale. Le concept de «flexsécurité», prôné par certains exercices de «benchmarking» est-il la réponse adéquate aux nouveaux enjeux? 202 OCDE. Réglementation relative à la protection de l’emploi et performance du marché du travail. (En ligne) OCDE, Perspectives de l’emploi, 2004. Consultable sur Internet : http://www.oecd.org/dataoecd/8/22/34847005.pdf . Consulté le 12 juin 2008. 203 204 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages. 205 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 206 LARSON, Allan in BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 207 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages MICHEL Anne-Sophie_2008 49 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice «La flexsécurité» ne manque, en effet, pas d’atouts pour répondre aux nouvelles ème exigences du XXI siècle. Son premier pilier lui permet de s’inscrire efficacement dans la mondialisation en étant hautement compétitive. L’adaptation et la réactivité rapide qu’impose une économie mondialisée, sont garanties par une certaine flexibilité dans la gestion des entreprises et de la main d’œuvre. De plus, comme la stratégie de Lisbonne l’a établit, l’Union Européenne doit devenir une économie de la connaissance. En misant sur l’investissement dans le capital humain, les second et troisième piliers de la «flexsécurité» participent pleinement à la réalisation de cet objectif. En effet, la volonté d’exclure le risque de marginalisation sociale ainsi que l’accent mis sur la formation initiale et continue caractérisent le système social. Améliorer les compétences des travailleurs renforce leur employabilité. Ainsi la «flexsécurité» permet de gérer les périodes de transitions entre les différentes étapes de la vie. Sécuriser les périodes de transition c’est justement l’un des objectifs primordiaux d’une économie fondée sur la richesse du capital humain. Ressource la plus importante des 208 sociétés européennes , la mobilisation de cette dernière doit être une priorité. En effet, les pays européens, et plus généralement les pays industrialisés, fondent désormais leur compétitivité sur l’innovation technologique et sur une main d’œuvre hautement qualifiée. Atteindre un Etat providence «parétien» c’est-à-dire optimal, nécessite donc d’investir dans l’éducation et la formation. Il s’agit de faire en sorte que le monde ne soit pas complètement polarisé entre «quelques îlots d’excellence dans une mer 209 d’ignorance» («islands of excellence in a sea of ignorance») . Les nouveaux risques de polarisation sociale nécessiteraient alors le passage «d’un 210 système social infirmier à un système investisseur» . Il s’agit de penser la dynamique sociale en termes de trajectoires de vie et de se demander: «Quels sont les investissements nécessaires aujourd’hui pour éviter d’avoir à indemniser demain? Comment éviter les effets 211 cumulatifs des handicaps sociaux tout au long de la vie?» 212 «L’investissement social» doit permettre à tous d’acquérir les compétences nécessaires dans une économie de la connaissance. La solidarité sociale ne doit plus être perçue comme un coût mais comme un investissement, facteur de richesses dans le futur. Développer les compétences est aussi une façon de multiplier les opportunités et donc de renforcer la mobilité sociale, élément indispensable. En effet, «We cannot afford not 208 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 209 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. 210 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 211 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 212 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 50 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe st 213 to be egalitarians in the advanced economies of the 21 century» . C’est pourquoi, en favorisant l’égalité des chances pour tous, l’investissement social est aussi synonyme de justice sociale. Trois catégories de la population devraient bénéficier de l’investissement social en priorité. Renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la vie en société permettrait d’ouvrir aux femmes le «deuxième âge de l’émancipation» (Titre de l’ouvrage de Dominique Meda et Hélène Périvier publié au Seuil/la république des 214 idées en 2007 ). La capacité et la motivation pour apprendre dépendant des conditions économiques et sociales de l’enfance, il serait également primordial de concentrer des ressources importantes sur les premiers âges de la vie. L’Etat-providence permettrait ainsi de prévenir l’exclusion et de préparer une main d’œuvre bien formée. Enfin il incombe à l’Etat-Providence de répondre au défi du vieillissement en assurant la retraite des personnes 215 âgées . Le Danemark a bien intégré l’idée que le «social» est aussi un facteur qui appartient pleinement à la croissance économique. En effet, le système social danois a fait de la 216 sécurité et du bien être, des objectifs, à la fois économiques et sociaux . Grâce à ses deux piliers, l’universalité et l’égalité, soutenus par le caractère redistributif du système, le modèle ème danois ne manque donc pas d’atouts pour répondre aux exigences du XXI siècle. Il 217 semble donc que, s’«il n’y a pas de modèle à suivre il y a des leçons à apprendre» . «Les idées danoises peuvent s’avérer instructives pour d’autres pays qui se demandent comment résoudre le dilemme consistant à réconcilier le dynamisme de marché avec la 218 sécurité sociale et personnelle .» Cependant s’inspirer d’un système social étranger comporte d’importantes limites qui relativisent la portée bénéfique des exercices de «benchmarking». B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleux La «flexsécurité» semble disposer de nombreux atouts pour atteindre les objectifs fixés à Lisbonne. Mais des contraintes de taille rendent l’exercice d’inspiration périlleux. Parmi elles, le poids de l’histoire comme celui des mentalités sont autant de limites qui s’avèrent déterminantes dans l’équilibre d’une société. a. Le poids de l’histoire 213 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990. 310 pages. 214 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 215 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 216 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages. 217 218 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MICHEL Anne-Sophie_2008 51 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Comme les deux premiers chapitres nous l’ont démontré, le système social danois est le résultat d’une longue histoire et d’une culture institutionnelle, politique, sociale, 219 particulière . La cohérence sociétale de ce système repose sur une volonté collective 220 d’atteindre des objectifs partagés. Il existe «un dessein d’ensemble .» «Apprendre vraiment du Danemark c’est donc assimiler qu’une réforme du système d’emploi et de protection sociale doit pouvoir s’inscrire dans une cohérence sociétale 221 propre .» Il apparaît donc primordial de toujours «contextualiser» car les différences entre les systèmes, que ce soit au niveau politique, institutionnel, social ou bien culturel, sont souvent déterminantes. S’inspirer d’un autre système que le sien comporte des limites qui sont dépendantes de l’histoire et des mentalités de chacun. 222 En effet, en sciences sociales, les politiques sont dépendantes de l’histoire . Partie intégrante d’un contrat social implicite existant entre les gouvernants et les citoyens, les politiques sociales sont le résultat de contraintes héritées du passé. Il existe «un chemin de dépendance» qui rend la mise en œuvre des réformes difficiles. 223 La théorie de la «path dependency» élaborée par Pierson explicite les raisons des résistances au changement. Ce sont des politiques sociales institutionnalisées qui génèrent le développement d’une certaine inertie. Ainsi, une fois que le chemin est pris, il semble difficile d’en changer. La question des conditions du passage d’une situation à une autre est primordiale. Les mesures innovantes doivent être assez polysémiques de façon à agréger des intérêts et des interprétations contradictoires. Le changement est ainsi parfois d’abord accepté à la 224 marge avant de se développer progressivement . Changer de «chemin de dépendance» semble particulièrement difficile au sein des systèmes sociaux continentaux basés sur le travailleur et la famille, dans lesquels la majorité des droits sont acquis par le travail, et la plupart des prestations contributives et financées par les cotisations sociales. En effet, dans ces systèmes le poids du passé a engendré le développement d’un état d’esprit particulier, qui diffère fortement de celui qui règne au sein du modèle danois. b. Le poids des mentalités Le modèle de la «flexsécurité» serait difficilement concevable dans les pays dans lesquels l’esprit civique et la confiance font défaut. En effet ce sont des facteurs clés dans le modèle danois. Il semble alors difficile d’implanter un système similaire au sein d’une population possédant une mentalité différente. Ce serait même contreproductif pour Yann 219 220 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages FREMEAUX, Philippe. Dossier modèle social . Alternatives économiques, N°247, Mai 2006, Pages 50-58 221 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages 222 223 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002, Pages 211-242 224 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages 52 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe Algan et Pierre Cahuc, auteurs d’une étude sur l’esprit civique régnant dans les sociétés 225 européennes . Selon cette étude, la méfiance et la tendance à l’incivisme sont plus présentes dans les Etats-providence corporatistes. Ils prennent l’exemple de la France: à la question «En règle générale pensez-vous qu’il est possible de faire confiance aux autres ou que l’on est jamais assez méfiants?», les résultats montrent un niveau élevé de confiance dans les pays nordiques (66% en Suède, 60% au Danemark) et à l’inverse un niveau très faible en France puisque seulement 21% des personnes interrogées déclarent faire confiance aux autres. ème Sur les vingt six pays de l’OCDE étudiés, la France se classe au 24 rang. Les Français seraient donc plus méfiants que les habitants des pays nordiques. Cette méfiance envers autrui va de pair avec un incivisme plus fréquent. Les Français seraient ainsi plus nombreux à considérer qu’il peut être acceptable de ne pas payer dans les transports publics ou de ne pas régler ses impôts voire même qu’il peut être normal de demander indument des aides publiques: Sur la période 1980-2000, il n’y a que 38 % des Français qui considèrent qu’il n’est jamais justifié de réclamer indûment des indemnités alors que ce chiffre atteint un peu plus de 89 % au Danemark. Ces traits culturels seraient liés au fonctionnement du modèle social conservateur depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, les systèmes construits sur des bases corporatistes montrent des niveaux de confiance et d’esprit civique plus faibles que les systèmes sociaux-démocrates. Le corporatisme, en segmentant la société, opacifierait les relations sociales. En créant des statuts différents selon les professions, il renforce, en effet, l’extrême diversité des droits sociaux. Cette opacité favoriserait la recherche de rentes, entretiendrait la suspicion mutuelle et serait une menace pour la solidarité. «Le mélange de corporatisme et d’étatisme est au cœur de la défiance actuelle et des dysfonctionnements du modèle social» selon 226 Yann Algan et pierre Cahuc . Ainsi, l’étatisme viderait le dialogue social de son contenu et favoriserait la corruption en réglementant de façon détaillée les différents pans de la société. En rapprochant cette mentalité du fonctionnement du marché du travail l’étude montre que le manque de confiance rendrait plus difficile la coopération, d’où l’intervention constante de l’Etat. Mais le manque de dialogue social engendre aussi la suspicion entre les parties prenantes. Une sorte de spirale de la défiance rend difficile l’évolution des modèles conservateurs vers «un système socio-démocrate de type scandinave, fondé sur un véritable dialogue 227 social et une redistribution des richesses moins inégalitaire» . Ainsi, le poids des contraintes héritées du passé a engendré des mentalités différentes selon les systèmes sociaux. Les exemples évoqués dans ce paragraphe sont des limites que l’on peut apposer à la volonté des européens de s’inspirer du modèle danois. En effet, 225 ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implement the Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre 2005. 41 Pages 226 ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages. 227 ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implement the Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre 2005. 41 Pages MICHEL Anne-Sophie_2008 53 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice il existe dans chaque pays un état donné du contrat social. «Tous les systèmes sociaux européens prennent des formes particulières qui résultent toujours d’un arbitrage politique dans la combinaison de la solidarité familiale, de l’action de l’Etat, de l’organisation du travail 228 et du rôle du marché .» Vouloir s’inspirer d’un système, unique à bien des égards, implique donc de prendre quelques précautions. Cependant, les limites ne doivent pas nourrir un trop fort pessimisme. S’il semble naïf de penser que l’on peut importer n’importe quel dispositif de façon isolée, il faudrait aussi éviter «un pessimisme excessif nourri par une insistance trop forte sur la cohérence systémique et les caractéristiques spécifiques découlant de l’héritage 229 historique» . Il s’agit donc de trouver une façon de s’inspirer efficacement d’un modèle qui semble XXIème posséder de nombreux atouts pour répondre aux nouveaux défis du siècle en respectant les particularités de chaque système social. Le niveau européen peut-il être un niveau pertinent de régulation dans ce domaine? La seconde partie de ce chapitre, consacré à la vocation à l’exportation du modèle danois, se propose d’étudier la reprise du concept de la «flexsécurité» au niveau européen et de voir en quoi ce dernier pourrait mettre à profit les atouts du concept pour atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne. II/ Une approche européenne de la «flexsécurité» «Tous les États membres de l'UE sont confrontés au même défi de la modernisation et de l'adaptation à la mondialisation. Par conséquent, pour faciliter les débats nationaux à la lumière des objectifs communs de la stratégie pour la croissance et l'emploi, il semble bon de parvenir à un consensus au niveau de l'UE sur une série de principes communs de «flexsécurité». Ces principes communs pourraient servir de cadre de référence utile dans le contexte de la mise en place de marchés du travail plus ouverts et plus réactifs et de lieux 230 de travail plus productifs» . Cet extrait de la communication de la Commission européenne de juin 2007 résume la volonté de l’Union Européenne d’agir plus concrètement dans le domaine social. En effet, en adoptant en 2000 la stratégie de Lisbonne, les Etats membres comme les institutions européennes ont rendu indispensable la coopération dans des domaines qui étaient, jusque là, réservés aux Etats. L’enjeu est désormais de définir des orientations communes en matière de politique d’emploi et de protection sociale. Depuis 2000 un certain nombre d’avancées ont permis à 228 229 PADIS, Marc-Olivier. La France insulaire. Esprit, l’Europe plurielle, juillet 2005. Pages 47-53 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages 230 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 54 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do? 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008. MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe l’Union Européenne d’aboutir à la mise en place de principes communs de «flexsécurité». Le développement de la dimension sociale de l’Union est une conséquence de la constante extension des domaines de compétences de l’Union Européenne, mais également une preuve de l’importance que prend la cohésion sociale pour l’Union. A- Vers une approche commune de la «flexsécurité» Au-delà d’une inspiration entre pays européens, l’Union Européenne s’est saisie du concept de la «flexsécurité» pour développer une dimension sociale européenne encore embryonnaire. a. Reprise d’un concept «Les Etats européens doivent progresser davantage vers une économie de la connaissance dynamique et performante, en distribuant plus équitablement les fruits de la prospérité dans 231 la société .» Par cette phrase, la Commission européenne rappelle les objectifs fixés à Lisbonne. ème Ce sommet fut l’occasion d’établir une stratégie pour le XXI siècle afin, nous l’avons étudié dans la première partie de ce troisième chapitre, d’apporter une réponse pertinente aux nouveaux défis. Preuve de l’importance que prend la question sociale au sein de l’Union, les Etats 232 européens se sont accordés sur la notion «d’état social actif» à Lisbonne en 2000. Depuis cette date, de nombreuses études ont été menées pour réfléchir à la meilleure façon d’atteindre les objectifs de Lisbonne. Ainsi, en novembre 2004, le rapport Kok préconise le développement de la flexibilité dans le fonctionnement des marchés de l’emploi ainsi que 233 le développement de nouvelles formes de sécurité pour les salariés . Puis en 2006 ce sont les dirigeants européens qui demandent à la Commission européenne d’étudier l’élaboration d’une approche commune de la flexsécurité qui tiendrait 234 compte des particularités nationales . Le 23 novembre 2006, la Commission lance une consultation publique à la suite de la publication d’un livre vert intitulé «Moderniser le droit ème du travail pour relever les défis du XXI siècle». La communication publiée par la Commission européenne le 27 juin 2007 prend en compte les résultats de la consultation publique, terminée le 31 mars 2007. Le titre de la communication, «Vers des principes communs de «flexsécurité»: des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité» annonce la volonté 231 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 232 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do? 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008. BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages 233 GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73. 1er octobre 2007. 9 pages 234 GARABIOL, Philippe. La « flexsécurité »: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n °73. 1er octobre 2007. 9 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 55 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice 235 de définir «un socle de principes communs» sur la «flexsécurité» . Huit principes sont énumérés dans la communication (Annexe 4): ils doivent permettre «aux Européens de tirer 236 le meilleur parti des mutations rapides d'une économie mondialisée» . Ils ont été adoptés par les ministres de l’Emploi des vingt-sept Etats-Membres en décembre 2007. b. Mise en place d’un cadre de référence «Plus de flexibilité grâce à de nouvelles sécurités», tel est le leitmotiv de la Commission 237 européenne . En reprenant le concept de «flexsécurité», l’Union pense avoir trouvé un moyen de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Parce qu’elle suppose de combiner la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles, les stratégies d’apprentissages tout au long de la vie et les politiques actives du marché du travail la «flexsécurité» serait le moyen le plus approprié de s’adapter aux 238 changements dus à la globalisation et aux évolutions démographiques . Elle représente, pour l’Union Européenne, «l’opportunité historique d’élever simultanément l’efficacité économique et l’égalité sociale à un plus haut niveau en Europe, 239 en prenant en compte la diversité et le contexte particulier de chaque Etat membre» . Cependant l’Union ne dispose pas de compétences dans le domaine de la politique sociale. C’est pourquoi elle a opté pour l’élaboration d’un cadre de référence commun, une sorte de «boite à outils» devant permettre à chaque Etat membre d’adapter le concept à son contexte national. En effet, «le niveau communautaire intervient pour l’essentiel dans 240 la diffusion de cadres cognitifs d’interprétation des problèmes économiques» . Etablir des principes communs, tout en laissant une large marge d’appréciation et d’adaptation au niveau national, est le mode d’action de l’Union. Etant donné que chaque Etat membre se caractérise par des spécificités qui lui sont propres, une approche européenne, restant au stade de la définition d’un cadre commun, pourrait s’avérer pertinente. En effet, «il n’existe pas un modèle unique de «flexsécurité» à mettre en œuvre dans toute l'Union Européenne. Les décisions sur des mesures concrètes ne peuvent être prises que par les Etats membres, mais l'Union peut jouer un rôle utile en identifiant des principes 235 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008. 236 GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73. 1er octobre 2007. 9 pages 237 PARLEMENT EUROPEEN. Un modèle social européen pour l'avenir. Résolution du Parlement européen sur un modèle social européen pour l'avenir (2005/2248(INI)) 9 pages 238 BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways, Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages 239 BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways, Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages 240 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 56 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe communs et des moyens de faciliter les débats et l'évolution des politiques au niveau 241 national . Le rôle de l’Union serait donc de coordonner les différentes pratiques et de «souligner des réorientations nécessaires, pour vivre la transition d’une économie industrielle à une 242 économie de service positivement» . En déclinant les huit principes communs établis par l’Union Européenne, les Etats membres orienteraient ainsi leurs actions dans la même direction. Combiner la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles, s’adresser à tous les travailleurs et pas seulement aux sans emploi, soutenir l'égalité entre les hommes et les femmes, entretenir un climat de confiance et un vaste dialogue entre tous les intéressés et assurer une attribution efficace des ressources, sont quelques uns des huit principes communs de «flexsécurité» qui doivent permettre d’améliorer la capacité d’insertion professionnelle des travailleurs, encourager leur capacité d’adaptation ainsi que celle des entreprises mais également renforcer l’égalité des chances. Avec ces principes communs, L’Union s’engage dans le domaine social. Cependant le social n’est pas une compétence communautaire, il convient donc de s’interroger sur les raisons d’une implication de l’Union dans ce domaine ainsi que sur les enjeux que la question sociale pour cette dernière. B- Raisons et enjeux d’une implication européenne Politique embryonnaire de l’Union, la politique sociale s’est développée à un rythme assez ème lent jusqu’au début du XXI siècle. Mais l’adoption de la stratégie de Lisbonne a accéléré la prise en compte de la question sociale au niveau de l’Union Européenne. En faisant de la politique de cohésion un des piliers de la construction européenne, l’Union en a même fait une de ses priorités. Si l’implication européenne résulte en partie de la logique d’engrenage, elle repose aussi sur le rôle clé joué par la cohésion sociale dans l’intégration européenne. a. Dans la logique européenne Depuis sa création l’Union n’a cessé d’élargir ses domaines de compétences. Dans la logique de la théorie «néo fonctionnaliste», elle s’est appuyée sur l’effet d’engrenage, le 243 «spill over», pour étendre ses domaines d’influence . Dans cette logique, la coopération dans un domaine particulier entraine, par un effet d’engrenage, la nécessité d’une coopération dans un domaine annexe. 241 CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE. L’Europe dans la mondialisation. Actes du colloque 22 & 23 novembre 2007. École militaire. Centre d’Analyse stratégique. 127 pages 242 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées. Février 2008. 243 HAAS, Ernst, The uniting of Europe : political, social and economic forces 1950-1957, Stanford, Stanford University Press, 1968. MICHEL Anne-Sophie_2008 57 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Les différentes politiques d’une société étant indissociables les unes des autres, il semble que l’Union soit aujourd’hui trop impliquée dans la vie des citoyens européens pour 244 se désintéresser de la question sociale . Cette dernière n’est pas une compétence communautaire mais elle n’est pas complètement absente du débat européen. En effet, l’adoption d’un premier programme de travail social en 1974 a marqué le début de l’intérêt de l’Union pour la question sociale. Parmi les développements ultérieurs, l’adoption d’une charte sociale à Maastricht en 1992 ainsi que l’instauration d’un nouveau titre sur l’emploi dans le trait d’Amsterdam en 1997 ont été des avancées importantes. 245 1997 a aussi marqué le début de la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) . En 2000, la lutte contre «l’exclusion sociale» ainsi que «la modernisation des systèmes de protection sociale» ont été ajoutés dans le traité de Nice (article 137 du Traité instituant la Communauté Européenne (TCE)). La politique sociale s’est ainsi développée en tant que politique d’accompagnement du marché commun dans la logique d’engrenage. Mais à l’heure actuelle, l’élargissement des compétences de l’Union Européenne conduit à la nécessité d’amplifier cette logique d’engrenage. En effet, il semble que la coexistence des différents systèmes sociaux devienne un obstacle au dynamisme de l’économie européenne et rende plus difficile le 246 développement d’une cohésion sociale européenne . La logique de «spill over» trouve donc, avec la dimension sociale de l’Union, une nouvelle occasion de s’appliquer. En effet, les Etats membres partagent un bien commun qui est le marché unique. Or celui-ci est basé sur des principes cardinaux qui sont les quatre libertés fondamentales des traités européens à savoir: la liberté des personnes, des marchandises, des capitaux et des services. La complète application des ces quatre libertés nécessiterait la coopération dans le domaine social. En effet, il semble que “The more you increase the potential mobility of all European-citizens, the more difficult it will be to have 247 very different welfare-state systems coexisting in the Community .” L’achèvement du marché unique dépend de l’application totale de la libre circulation. Or cette dernière reste imparfaitement assurée au sein de l’Union. Garantir la mise en œuvre complète des quatre libertés reste un défi permanent comme l’a récemment démontré Alain Lamassoure dans son rapport du 8 juin 2008 sur les citoyens et l’application du droit 248 communautaire . En effet, ce rapport fut l’occasion de mettre en évidence les difficultés concrètes rencontrées par les citoyens européens «mobiles», c’est-à-dire ceux qui vivent et travaillent dans un autre pays que celui de leur nationalité et/ou ont une famille mixant différentes nationalités. 244 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008 245 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008 246 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 247 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages 248 LAMASSOURE, Alain. Le citoyen et l’application du droit communautaire. Rapport au président de la République. 8 juin 2008. 188 pages. 58 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe Une réflexion sur la compatibilité des systèmes sociaux doit donc être menée car elle est une condition de la bonne application de la libre circulation, elle-même condition de 249 l’achèvement du marché unique . Cependant, “Europe cannot and should not have a strategy for reforming national labour market and social policies. It is up to each national government to devise and implement 250 its own strategy” . En effet, si l’Union peut intervenir en fixant un cadre commun de référence, elle ne doit pas pour autant empiéter sur les compétences propres des Etats membres. Elle doit donc plutôt construire une double stratégie, combinant son action avec celle des Etats. Ayant acquis une expérience dans la gouvernance à plusieurs niveaux, l’Union Européenne pourrait être à même de gérer le partage de compétence et de légitimité dans le domaine 251 252 social . En effet, l’Union est un exemple de «la gouvernance multi-niveaux» , un mode de gouvernance complexe qui nécessite de faire coexister entre eux différents niveaux de régulation. Achever le marché unique est la priorité pour l’Union Européenne. Les Etats, en parallèle, se doivent de réformer leurs marchés du travail et leurs politiques sociales afin de ème répondre aux défis du XXI siècle. “Only if reforms are implemented both at European and national levels will the European Union be able to reap the full benefits of the Single Market and the monetary and be able to 253 enjoy the opportunity of globalisation and technological change .” b. Un modèle social européen? L’implication croissante de l’Union dans le domaine social conduit à s’interroger sur l’existence d’un modèle social européen, un concept qui ne fait pas l’unanimité. En adoptant des principes communs de «flexsécurité» l’Union Européenne a, en effet, relancé le débat sur l’existence d’un modèle commun aux européens. Le sociologue Pierre bourdieu avait appelé à la mise en place d’un «welfare state» européen. Mais le concept fait débat entre ceux pour qui, la diversité des systèmes sociaux prime sur les points communs et ceux qui admettent que les situations nationales sont différentes mais pour qui, le fait que tous les Etats européens soient face aux mêmes défis, 254 conduit à une approche commune de la question sociale . 249 CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI)) Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007 250 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages 251 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008 252 HOOGHE, Liesbet : MARKS, Gary. Multi-Level governance and eruopean integration. Rowman & Littlefield Publishers, Inc. (March 21, 2001) 272 pages. 253 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages 254 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008 MICHEL Anne-Sophie_2008 59 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Ainsi, si tous les Etats ont des façons différentes de concevoir leur modèle social, de combiner la flexibilité et la sécurité, en fonction du passé, de leurs traditions juridiques mais aussi de l’état de leurs finances publiques ou encore de la mentalité de la population, leurs systèmes seraient des variantes d’un même modèle dans la mesure où ils se basent tous sur des grands principes communs qui sont la solidarité, l’égalité, la redistribution des richesses, 255 les notions de droit et de responsabilité . La diversité des systèmes sociaux européens reposeraient sur des valeurs partagées, des valeurs constitutives d’un modèle social européen: une responsabilité de l’état pour le plein emploi, des droits sociaux fondamentaux (liberté d’association, droit de grève, conditions de travail équitable), une protection sociale fournie par de systèmes universels 256 hautement développés . Au-delà des spécificités nationales, il existe bien, selon Anthony Giddens, un «modèle social européen», si l’on entend par là «une combinaison de valeurs et de projets réalisés 257 à des degrés divers et sous des formes variées dans les différents Etats» . Ce modèle repose sur des valeurs communes et sur des politiques caractérisées par «un Etat développé et interventionniste, un système de protection sociale solide assurant une couverture efficace à l’ensemble des citoyens et la limitation des différentes formes 258 d’inégalités .» L’objectif recherché fait désormais consensus au sein de l’Union. Il s’agit, en effet, de concilier la souplesse de l’appareil productif avec la sécurité des situations personnelles et des parcours professionnels. Mais les structures nationales sont toujours temporelles et spécifiques c’est pourquoi les moyens d’atteindre cet objectif restent disparates. Ainsi, ce sont plutôt des fragments épars de «flexsécurité» qui s’observent dans la plupart des États 259 membres. Si les Etats membres et les institutions européennes construisent ensemble une sorte de «référentiel», l’Union est, et restera sans doute, un ordre politique imparfaitement intégré. Ainsi les points d’équilibre entre «flexibilité» et «sécurité» sont différents selon les Etats, 260 aboutissant à un résultat plus proche du kaléidoscope que de la mosaïque . Il n’en reste pas moins qu’une certaine européanisation des représentations est à l’œuvre. Les Etats-Providence sont désormais des systèmes étroitement imbriqués, 255 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008 256 MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport du CES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97 257 258 259 GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/ BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008. 260 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332 60 MICHEL Anne-Sophie_2008 Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe leur interpénétration pourrait même, à terme, susciter une politique de solidarité post 261 nationale . c. La cohésion sociale, un pilier pour l’Union La première manifestation de cette politique de solidarité post-nationale, encore embryonnaire, est la politique de cohésion de l’Union Européenne. En effet, devenue la politique phare de l’Union dans la programmation 2007-2013, la politique de cohésion bénéficie de plus du tiers du budget, à savoir 308 milliards d’euros soit 36% du budget 262 total . Elle a vocation à devenir le premier poste budgétaire devant la politique agricole commune. «Seule une Union européenne fondée sur la cohésion économique et sociale et défendant ses valeurs communes peut être assez forte pour défendre ses intérêts, préserver et renforcer les valeurs associées au modèle social européen – égalité, solidarité, droits et responsabilités individuels, non-discrimination et redistribution avec un accès de tous les citoyens à des services publics de grande qualité –, ainsi que le niveau élevé déjà atteint 263 en matière de normes sociales ». La réduction des disparités économiques et sociales entre les régions et les Etats européens est l’objectif prioritaire de la politique de cohésion de l’Union Européenne. Pour utiliser au mieux son budget, elle peut s’appuyer sur une palette d’instruments financiers: le fonds de cohésion vise à accompagner les Etats les plus éloignés de la moyenne de développement de l’Union ; le fonds social européen (FSE) vise, quant à lui, à améliorer les perspectives d’emploi ainsi que les compétences des travailleurs dans l’Union; le fonds européen de développement régional (FEDER) concerne la grande majorité des régions européennes et vise à financer des projets divers favorisant l’amélioration de la compétitivité et de la situation de l’emploi. L’utilisation des ces fonds est orientée vers la réalisation de trois grands objectifs qui sont: la convergence, pour les pays les moins développés, la compétitivité pour tous, et la coopération territoriale pour tous les espaces transfrontaliers. Ces objectifs doivent 264 permettre d’accomplir les priorités fixées dans la stratégie de Lisbonne . En développant cette politique de cohésion, l’Union Européenne affirme son rôle de vecteur d’une certaine solidarité post nationale. Il s’agit de développer la cohésion au niveau de l’Union car la cohésion est le «ciment» d’une société. Par le développement économique, l’accroissement de la compétitivité mais aussi par la création de nouvelles formes de sécurité, l’Union ambitionne de renforcer la confiance, vecteur vital du bon fonctionnement d’une économie et de la cohésion d’une société, des européens entre eux ainsi que visà-vis d’elle 261 FERRERA, Maurizio. Intégration européenne et citoyenneté nationale et sociale. Revue française de sociologique, 43-2, Avril Juin 2002. Pages 377-406 262 Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). L’Europe s’engage pour une politique de cohésion économique et sociale dynamique et ambitieuse. Editions 2008. 14 pages 263 CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI)) Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007 264 MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport du CES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97 MICHEL Anne-Sophie_2008 61 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Le débat social européen se rapprocherait ainsi de l’éthos «ralwsien» selon lequel l’inclusion sociale et la réduction des inégalités sont des ingrédients essentiels dans le 265 renforcement de la compétitivité d’une économie . Cette dernière partie nous a permis d’élargir le cadre de l’étude. S’intéresser à la reprise du concept de la «flexsécurité» par l’Union Européenne permet de réaliser qu’une approche européenne peut s’avérer pertinente dans le domaine social. En restant au stade de l’établissement d’un cadre de référence, l’Union peut, en effet, fixer des orientations communes, déterminantes, dans l’accomplissement des objectifs de la stratégie de Lisbonne. L’intérêt croissant de l’Union pour la question sociale est lié au fait que cette dimension est indissociable du reste des compétences européennes. De plus, en s’inscrivant dans la politique de cohésion, cette dernière pourrait s’avérer cruciale dans le développement d’un sentiment d’appartenance à l’Union, sentiment qui semble faire défaut au sein de l’Union Européenne à l’heure actuelle. Conclusion du chapitre: ème En ce début de XXI siècle, les Etats européens évoluent dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. En fixant des objectifs ambitieux, cette dernière invite les européens à trouver les conditions favorisant un dynamisme économique soutenu qui serait conciliable avec une forme renouvelée d’Etat-Providence. Ouvrir le cadre de la réflexion en étudiant la vocation à l’exportation du système danois de «flexsécurité» dans ce dernier chapitre a permis de situer ce système dans un contexte 266 européen. Le modèle danois est-il «l’avant-garde de l’Europe»? En restant au stade de l’élaboration d’un cadre de référence commun, le niveau européen de régulation rend possible la vocation inspiratrice du modèle. Cependant il appartient désormais aux états européens de concrétiser les principes de «flexsécurité», adoptés en commun. 265 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.Oxford university press, 2002, 278 pages. 266 62 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 Conclusion Conclusion «L’homme est par nature un animal politique». Ecrite dans l’antiquité, cette phrase du philosophe Aristote est toujours d’actualité. Dans un monde «globalisé» les hommes vivent, en effet, en communauté. Or la vie en société reste un apprentissage permanent. Les sociétés européennes contemporaines doivent aujourd’hui résoudre la question du «vivre ensemble». La solidarité est le fondement de toute société. Au sens durkheimien du terme elle signifie «ce qui fait tenir ensemble». C’est le socle de «l’homo sociologicus» c’est-à-dire de l’homme lié aux autres et à la société, à la fois pour assurer sa survie mais également satisfaire son besoin de reconnaissance et de lien social, sources de son identité et de son 267 humanité . Mais cette interdépendance constitutive de l’être humain serait de plus en plus méconnue. Le développement de l’individualisme dans les sociétés contemporaines serait à l’origine de l’érosion de la solidarité. Il existe un risque que les citoyens, gagnant en liberté, se sentent libérés de toute dette vis-à-vis d’autrui, et deviennent hostiles à l’idée d’une redistribution à l’égard des plus défavorisés. En tant que contrat social, la solidarité doit donc ème 268 être réévaluée à l’aune des défis auxquelles les sociétés font face au XXI siècle . «Les pays nordiques constituent l'avant-garde de l'Europe dont rêvent bon nombre d'Européens : une Europe économiquement forte, très solidaire, finançant par de hauts prélèvements les services et les investissements sociaux dont ses citoyens ont besoin, organisant le marché du travail par des actions régulatrices qui corrigent la loi du marché, 269 intervenant pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, l'exclusion et les discriminations.» Le modèle danois propose un contrat social renouvelé, qui, s’il n’est pas exempt de critiques, semble correspondre aux exigences de compétitivité tout en assurant une certaine cohésion sociale. La cohésion sociale, «ciment» d’une société, est également un enjeu au niveau européen. L’Union Européenne, qui ne cesse d’élargir ses domaines de compétences, s’attache désormais à développer une dimension sociale afin de réussir la transition vers ème l’économie postindustrielle du XXI siècle. En admettant que chaque pays possède un état donné du contrat social, l’Union Européenne peut apparaître aujourd’hui comme un niveau pertinent de régulation. «Car à quoi bon l’Europe sinon pour précisément nous permettre de mieux faire ensemble ce que 270 nous n’arrivons décidément pas à faire tous seuls?» . 267 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state. Oxford university press, 2002, 278 pages. 268 269 270 PAUGAM, Serge. Repenser la solidarité. Collection Le lien Social, PUF, 2007. 992 pages LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 63 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice En développant une forme de solidarité à l’échelle de l’Union par sa politique de cohésion, l’Union Européenne a pour ambition de créer ce «ciment» qui lui fait défaut. En effet, le manque d’adhésion des citoyens au projet européen est en partie responsable de la crise actuelle de légitimité de l’Union. Ainsi le vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot, évoquait le 21 juin 2008 aux Etats Généraux de l’Europe à Lyon, un certain «désamour» entre les citoyens et l’Union, et prônait le développement d’un espace public européen. L’existence d’un forum européen ainsi que le renforcement de la solidarité à l’échelle de l’Union pourraient susciter la naissance d’un sentiment d’appartenance à une même communauté, condition du développement de la citoyenneté européenne. L’enjeu est donc déterminant pour la politique sociale de l’Union. En s’accordant sur des principes communs de «flexsécurité» les européens ont fait un premier pas vers le développement d’une vision commune de société, qu’il importe encore de concrétiser car l’Europe est un champ de tensions: les dichotomies sont constitutives de son identité. Elle 271 restera donc diversifiée, mouvante et compliquée . 271 64 MAGNETTE, Paul. Le sens de L’Europe. Le débat, mai-août 2006. Pages 30-35 MICHEL Anne-Sophie_2008 Annexes Annexes Le triangle d’or Source: MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 65 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice ALMP: Active Labour Market Programmes Source : MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages. Les réformes de la politique de l’emploi au Danemark depuis 1994 La réforme de 1994 a institué des plans d’action individuels et une offre d’activation intensive au bout de deux ans de chômage (offres d’emploi, prestations d’orientation professionnelle, formations) tout en proposant une indemnisation jusqu’à sept ans. 66 MICHEL Anne-Sophie_2008 Annexes Des congés parentaux, sabbatiques, de formation de un à deux ans sont offerts aux salariés, qui peuvent être remplacés sur leur poste par des demandeurs d’emploi (c’est le système de rotation des emplois). •En 1996, la période d’indemnisation est réduite à cinq ans, et la durée d’emploi requise pour bénéficier des prestations de six à douze mois. Des programmes spécifiques sont destinés aux jeunes non qualifiés de moins de 25 ans. Le droit à congé de formation est restreint et le congé sabbatique aboli. Les entrées dans le système de rotations des emplois sont stoppées. •En 1999, la durée maximale d’indemnisation est ramenée à quatre ans, la phase d’activation intervient au bout de douze mois de chômage. La phase d’activation est plus courte pour tous les jeunes de moins de 25 ans (six mois) et des mesures spécifiques leur sont proposées. A la même date, des mesures d’activation sont proposées aux bénéficiaires du régime de la garantie de ressource. Le régime de préretraites est réformé. •De 2000 à 2002, le congé de formation et le congé parental sont supprimés, mais le congé de maternité ou paternité est allongé à douze mois -la durée moyenne réellement utilisée est de trois semaines pour les pères et 40 semaines pour les mères. Des emplois subventionnés adaptés aux handicapés (flex-jobs) sont créés. •En 2002, le plan « plus de personnes en emploi » accentue encore la priorité à l’emploi et la recherche active. La flexibilité régionale est renforcée par l’implication d’autres acteurs : des consultants privés, les fonds d’indemnisation, les collectivités, … Une banque de données de CV et d’offres d’emploi, Jobnet, est mise à disposition du public. La notion d’offre d’emploi convenable est élargie (jusqu’à deux heures de transport depuis le domicile). Le devoir de recherche d’emploi commence dès le premier jour du chômage. Les mesures d’aide à l’emploi des jeunes sont étendues jusqu’à l’âge de 29 ans. Les règles concernant les chômeurs indemnisés ou non sont simplifiées et harmonisées : cela vaut pour le contrôle, les sanctions, l’accompagnement, les offres d’activation. Source : MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi . Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages An overview of the Danish system of “flexicurity” MICHEL Anne-Sophie_2008 67 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Political environment Macroeconomic Environment Employment situation Worker mobility (external numerical flexibility) Employment Protection Unemployment Benefits Basic traits of the Danish system of “flexicurity” �Strong corporatist structures �Implicit social contract concerning balance between security and flexibility �Changing international economic conditions � Active fiscal policy, but constrained by external balance �High employment rate (around 75 percent) � Shifting levels of open unemployment �Rising share of persons receiving transfer income �High by international standards �Weak �Significant increase in compensation rate with reform in the late 1960s �Cash benefits for noninsured unemployed Active labour market Policy �High expenditures on LMP in general �Incremental policy adjustments since 1979 Specific developments in the 1990s �Broad political support for reforms of labour market policies �Acceptance by social partners of need for wage restraint �New government headed by the Social Democrats �Strong internal demand �Favorable external balance �Lower level of international inflation �Significant reduction in both open and gross unemployment �Reduction in structural unemployment �High by international standards �Weak �Slow decline in compensation rate, but still high by international standards �Reduction in duration, especially for passive benefits �Decentralized � Individualized �Right and duty to early activation Source: MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages. Les principes communs de «flexsécurité» La Commission énonce dans sa communication relative à la flexibilité huit principes communs qui doivent permettre " aux Européens de tirer le meilleur parti des mutations rapides d'une économie mondialisée ". - Allier " la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles (du point de vue tant des employeurs que des salariés et des exclus du marché du travail) avec des stratégies d'apprentissage tout au long de la vie, des politiques actives du marché du travail efficaces et des systèmes de sécurité sociale modernes ". 68 MICHEL Anne-Sophie_2008 Annexes - Équilibrer les droits et responsabilités des employeurs, des salariés, des demandeurs d'emploi et des pouvoirs publics. - Adapter la flexisécurité à chaque Etat membre, car il ne s'agit pas de " proposer un modèle de marché du travail ni une stratégie politique uniques ". - Réduire l'écart entre, d'une part, les salariés dans l'emploi, qui ont besoin d'être préparés aux transitions professionnelles et d'être protégés pendant celles-ci, et, d'autre part, les exclus du marché du travail, qui ont besoin de "points d'accès aisés" à ce marché et de "tremplins pour leur permettre de progresser vers des contrats de travail stables ". - Introduire " une souplesses suffisante pour recruter et licencier " ainsi que des " transitions sûres entre les emplois ". - Promouvoir l'égalité d'accès à des emplois de qualité pour les hommes et les femmes en facilitant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Une égalité d'accès qui doit être étendue aux migrants, aux jeunes, aux handicapés et aux plus âgés. - Aider à l'instauration d'un climat de confiance et de dialogue entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux, dans lequel tous sont prêts à assumer la responsabilité du changement et à définir des ensembles de politiques équilibrées. - Mettre en œuvre les politiques de flexisécurité, qui ont un coût financier, tout en maintenant des " politiques budgétaires saines et financièrement viables ". Source : GARABIOL, Philippe. La flexsecurité: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73. 1er octobre 2007. 9 pages MICHEL Anne-Sophie_2008 69 Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Bibliographie ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ? La réforme de la protection sociale dans les pays nordiques Revue françaisedes affaires sociales, N°3 juilletseptembre 2005. 220 pages. 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Les principes communs de ème «flexsécurité» devraient permettre aux Etats européens de répondre aux défis du XXI siècle en leur permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne. 76 MICHEL Anne-Sophie_2008 Abstract Abstract The secret of Denmark lies in the idiosyncratic nature of its model of society, based on specific historical, economic and social characteristics. These latter led to the development of a social system rested on three pillars: flexibility, security and activation. What is at stake in the “flexicurity” system is the combination between these three pillars. Finding a balance between them is a permanent challenge. Despite its specificities, the Danish model is a source of inspiration in Europe. The European Union has established the concept of “flexicurity” as a guiding principle for the period 2007-2013. The Union expects that the common principles of “flexicurity” will help the European member states to achieve the Lisbon objectives. Mots clés: Modèle danois, Etat-Providence, «flexsécurité», cohésion sociale, inspiration, investissement social, principes communs de «flexsécurité», stratégie de Lisbonne. MICHEL Anne-Sophie_2008 77