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UNIVERSITÉ LYON 2
Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Le modèle danois : Une idiosyncrasie
inspiratrice
Michel Anne-Sophie
Quatrième année d’IEP
Séminaire : La construction européenne à la croisée des chemins :
quelles orientations entre approfondissement et élargissement ?
Sous la direction de Laurent GUIHERY
soutenu le 4 septembre 2008
Année universitaire 2007-2008
Table des matières
Introduction . .
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques . .
I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificité . .
A- D’une grande puissance à un petit Etat . .
B- Une histoire politique et sociale fondatrice . .
II/ L’idiosyncrasie économique et sociétale . .
A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieur . .
B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, Egalité . .
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social
democrate? . .
I/ L’Etat-Providence social-démocrate . .
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A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence
..
B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrate . .
II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation . .
A/ Une flexibilité partagée . .
B/ Une sécurité assurée . .
C/ Une activation développée . .
III/ Une évaluation critique du système social danois . .
A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critique . .
B- Le contrat social sous pression ?
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..
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe . .
I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la «flexsécurité» . .
A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’Etat Providence? . .
B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleux . .
II/ Une approche européenne de la «flexsécurité» . .
A- Vers une approche commune de la «flexsécurité» . .
B- Raisons et enjeux d’une implication européenne . .
Conclusion . .
Annexes . .
Le triangle d’or . .
Les réformes de la politique de l’emploi au Danemark depuis 1994 . .
An overview of the Danish system of “flexicurity” . .
Les principes communs de «flexsécurité» . .
Bibliographie . .
Résumé . .
Abstract . .
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Introduction
Le matin à Copenhague, il n’est pas rare de voir un député danois en costume, se rendant
au parlement en sifflotant sur son vélo, sa mallette de travail solidement accrochée sur le
porte bagage.
Assurément, la capitale danoise respire «la douceur de vivre». Dans une ville où les
vélos ont remplacé les voitures, où les maisons colorées bordent des rues pavées, où les
parcs et canaux oxygènent le centre-ville, il règne une atmosphère de village. La quiétude
et la sérénité sont les premiers sentiments qu’inspire la vie dans la capitale.
Copenhague est la vitrine de l’Etat danois. Ville la plus cosmopolite du Danemark, elle
cultive son dynamisme tout en préservant un haut niveau de qualité de vie. La capitale
symbolise ainsi la réussite de l’Etat-Providence social-démocrate danois.
Durant l’année universitaire 2006-2007, j’ai effectué mon année de mobilité à
l’université de Sciences Politiques de Copenhague. Cette année passée en immersion
dans la capitale danoise fut l’occasion de découvrir la réalité du modèle danois. Désirant
comprendre les facteurs déterminants qui en font un modèle de référence, j’ai pu également
m’apercevoir de l’existence de certaines tensions.
Ayant pris le recul nécessaire un an après mon retour, écrire ce mémoire est l’occasion
d’achever mon expérience danoise en mettant à profit les connaissances acquises durant
mon année d’immersion.
Le Danemark, petit état d’Europe du Nord, se caractérise par un modèle de société
particulier, fondé sur l’homogénéité et le consensus. Inscrit dans une longue histoire
politique et sociale, ce modèle s’adapte régulièrement aux caractéristiques changeantes
du contexte international. Ainsi grâce à une mutation du modèle dans les années 90 le
Danemark est devenu aujourd’hui un des Etats les plus dynamiques de l’Union Européenne.
La réussite de l’Etat danois a suscité l’admiration de ses voisins européens. Le modèle
de société danois est devenu un modèle de référence. En 2004, dans un rapport destiné à
1
l’Assemblée Nationale, Pierre Méhaignerie s’interroge: Existe-t-il un «miracle danois»? .
Le concept du «miracle danois» traduit la volonté des états européens de trouver
une inspiration qui leur permettrait de retrouver un certain dynamisme économique tout en
développant un haut niveau de cohésion sociale.
Cependant l’image du miracle s’est peu à peu estompée. Les spécificités du Danemark
sont alors apparues comme déterminantes. Le contexte historique, social et culturel de ce
petit Etat nordique aurait ainsi raison de sa vocation à l’exportation.
Au stade actuel de la réflexion (Fin 2007), ce mémoire se propose donc de réfléchir à
la question suivante: les spécificités du modèle danois empêchent-elles de considérer ce
modèle comme une source d’inspiration ?
1
MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.
Novembre 2004. 31 pages
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MICHEL Anne-Sophie_2008
Introduction
Il s’agit, par cette étude, de sortir d’une opposition stérile entre un optimisme naïf
consistant à penser que l’on peut transposer un modèle et un pessimisme excessif nourri
par une insistance trop forte sur les spécificités systémiques du modèle.
Etudier les caractéristiques du modèle danois pour comprendre ce qui en fait un
ensemble idiosyncratique est le premier objectif.
Le contexte historique, la structure économique ainsi que les caractéristiques sociétales
ont fait émerger un système social spécifique. Reposant sur trois piliers, le système dit de
«flexsécurité» est un exercice d’équilibriste. Il suppose, en effet, de concilier la flexibilité,
la sécurité et l’activation.
Si en anglais le terme de «flexicurity» fait pratiquement l’unanimité, la combinaison
lexicale de la flexibilité et de la sécurité connaît plusieurs variantes en français. On parle
aussi bien de «flexicurité», de «flexsécurité», voir de «flexisécurité».
Le terme retenu dans cette étude est celui de «flexsécurité». C’est, en effet, l’expression
qui est apparue le plus souvent au cours des lectures.
Véritable incarnation d’un Etat-Providence social-démocrate, fondé sur l’universalité et
la redistribution, le Danemark organise son modèle de société autour d’une homogénéité
constamment entretenue grâce aux piliers de la sécurité et de l’activation. La cohésion
sociale est ainsi un facteur clé de ce modèle.
Etudier le modèle danois est donc l’occasion de mener une réflexion sur ce qui fait un
modèle de société. Il semble que si l’établissement de règles et la construction d’institutions
soient des facteurs constitutifs d’une société, le développement d’un lien social apparaît
déterminant. Ce dernier repose sur des valeurs partagées ainsi que sur une vision commune
de l’avenir.
La volonté de vivre ensemble s’exprime à travers la solidarité, pilier d’une société. En
définissant les bases de la solidarité ainsi que les conditions du lien social, l’Etat providence,
revêt une importance déterminante dans les sociétés européennes contemporaines.
En étudiant le modèle danois, il s’agit de découvrir un Etat-Providence social-démocrate
et donc de se pencher sur le concept même d’Etat-Providence théorisé par Gøsta Esping
Andersen. Réussir à trouver un équilibre entre la solidarité et la compétitivité est la vocation
des Etats-Providence existants dans les sociétés européennes contemporaines.
Ayant apparemment trouvé cet équilibre, le modèle danois est devenu un modèle de
référence. Il ne faudrait cependant pas omettre d’évoquer les limites de ce modèle. En
effectuant une évaluation critique de l’activation comme en mettant en lumière les tensions
existantes, il s’agit de nuancer la réussite de l’Etat-Providence danois. En effet, les politiques
actives de l’emploi sont critiquées pour leur manque d’efficacité tandis que la question de
l’immigration met au défi l’homogénéité et le contrat social de base de la société.
Malgré ces tensions, le modèle danois est devenu une source d’inspiration en
Europe. En effet, le «Danemark connaît une situation économique et sociale absolument
2
exemplaire» . Par cette phrase, Michel Rocard, préfacier de l’ouvrage de Mogens Lykketoft,
exprime le sentiment de nombreux observateurs européens.
Ce mémoire est donc aussi l’occasion d’ouvrir la réflexion sur le modèle danois en tant
que source d’inspiration en Europe.
A Lisbonne en 2000, les Etats membres de l’Union Européenne se sont fixés des
objectifs ambitieux: «Devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus
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LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
dynamique au monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une
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amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale»
est le défi que les européens se sont engagés à relever.
Afin d’atteindre les objectifs de Lisbonne, les Etats européens cherchent l’inspiration
parmi les modèles qui semblent les plus performants. Déterminer les atouts dont dispose le
ème
modèle danois pour répondre aux défis du XXI
siècle permet d’envisager la pertinence
de ce modèle en tant que source d’inspiration.
Cependant s’inspirer d’un modèle peut s’avérer périlleux. Un certain nombre de
contraintes limitent cette ambition. En effet, chaque société possède une façon qui lui est
propre de faire société, d’organiser la solidarité et la compétitivité.
Comme les états européens ont aussi des caractéristiques communes, s’intéresser au
niveau européen peut permettre de sortir de l’opposition stérile évoquée précédemment.
Etudier le modèle danois est l’occasion de se pencher sur la reprise du concept de
«flexsécurité» par l’Union Européenne.
Il s’agit ainsi de voir dans quelle mesure le niveau européen peut s’avérer un niveau
pertinent de régulation. En établissant un cadre commun de référence l’Union met l’accent
sur les valeurs partagées par les Etats membres.
L’intérêt porté par l’Union à la question sociale au travers de la reprise du concept de
«flexsécurité» témoigne de l’importance grandissante de la cohésion sociale au sein de
l’Union.
Les différentes caractéristiques historiques, économiques et sociales du Danemark
(chapitre premier) ont fait émerger un Etat Providence performant reposant sur le système
social de la «flexsécurité» (chapitre deuxième). L’ensemble caractérise l’idiosyncrasie
danoise.
Malgré ses spécificités le modèle danois est une source d’inspiration en Europe
(chapitre troisième). La «flexsécurité» s’inscrit désormais dans un contexte européen.
L’Union Européenne entreprend de mettre en place des principes communs de
«flexsécurité» supposés à même de permettre aux Etats européens de répondre aux défis
ème
du XXI
siècle.
3
BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre
d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages
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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise :
Fondements et caractéristiques
Définir une structure sociale, un ensemble de règles s’appliquant à la société, est la fonction
d’un «modèle de société». Le modèle danois ne se résume pas à son système social mais
s’inscrit dans un contexte à la fois historique, économique et social particulier.
Mettre en lumière cette histoire danoise est le premier objectif de ce chapitre. En effet
4
la continuité historique est la grande clé de cette construction du modèle danois . L’étude
des caractéristiques économiques et sociales du Danemark nous permet, dans un second
temps, de comprendre le caractère idiosyncratique de cette société.
Ce premier chapitre a pour objectif de permettre l’acquisition des clés de
compréhension indispensables à l’étude du système social danois. Poser les bases de cette
idiosyncrasie danoise nous permet de nous immerger dans «le modèle danois». En effet les
spécificités du contexte historique, économique et social tout comme celles de la structure
actuelle de l’économie et de la société sont déterminantes pour la suite du mémoire.
I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificité
Replacer le Danemark dans son contexte historique, économique et social nous permet
d’obtenir les premiers facteurs d’explications du «modèle danois». En effet, les traditions et
l’histoire d’un pays sont primordiales lorsqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement d’une
société.
A- D’une grande puissance à un petit Etat
Si la province du Jutland et les îles danoises sont peuplées depuis des milliers d’années
c’est vers 980 que le pays est unifié par le roi Harald « à la dent bleue », également à
l’origine de l’instauration de la monarchie en 950.
Le Danemark est donc un très vieil Etat-Nation et la plus ancienne monarchie d’Europe
encore en place. En effet, monarchie constitutionnelle depuis 1849, la continuité du
Danemark est actuellement assurée par la reine Margrethe II.
Aujourd’hui si petit parmi ses voisins scandinaves, le Danemark a pourtant connu
pendant des siècles un développement digne des plus grands. C’était, en effet, la plus
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grande puissance d’Europe du Nord avant de perdre petit à petit la plupart de ses territoires
et de subir l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale.
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LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
a. Les Danois Vikings
Elément fondateur de cette symbolique de puissance, le mythe «Vikings» fait partie
intégrante de l’imaginaire danois. En effet, l’histoire du Danemark se mêle à celle des
fameux guerriers nordiques. Aux côtes des Suédois et des Norvégiens, les Danois ont ainsi
ème
parcouru l’Europe jusqu’au XI
siècle.
En menant des expéditions, parfois sanglantes, souvent violentes, les Vikings ont
répandu la crainte et la terreur chez les peuples européens. Mais leurs nombreuses
conquêtes sont aussi à l’origine du mythe du guerrier valeureux, violent mais brave et
courageux. Le passage des Vikings a ainsi souvent semé des sentiments mêlés de crainte
et d’admiration.
Cette réputation leur confère encore aujourd’hui une grande notoriété ainsi qu’une
certaine respectabilité. A travers les «villages Vikings» comme celui de Roskilde, les Danois
continuent de faire perdurer le mythe et la symbolique de ce peuple de conquérants
valeureux mais dangereux.
b. Les Danois conquérants
Des siècles durant, le Danemark s’est inscrit dans cette histoire d’un peuple conquérant.
Plus grande puissance d’Europe du Nord, le Royaume danois a contrôlé la Suède, la
Norvège, la mer Baltique, des territoires en Allemagne et même l’Angleterre de 1013 à 1042.
L’Union de Kalmar de 1397 est la preuve de cette puissance passée. En effet, cette
union scandinave réunit sous le joug danois la Suède et la Norvège. Si l’Union avec la
Suède prend fin assez rapidement (en 1526), la Scanie (partie sud de la Suède) fait partie
du Danemark jusqu’en 1658.
ème
Les guerres permanentes entre le royaume danois et la Suède au XVII
siècle font
perdre au Danemark sa suprématie dans la mer Baltique au profit de la Suède. Le royaume
danois décide alors de participer aux campagnes napoléoniennes contre l’Angleterre. Mais
la chute de Napoléon est synonyme de lourdes pertes pour le royaume danois. En effet, le
congrès de Vienne de 1815 officialise la naissance de la Norvège. Cette perte de territoire
est le début d’une longue série pour le Danemark.
En 1864 après la défaite du Danemark face à la Prusse de Bismark, les provinces du
Schleswig-Holstein sont rattachées à l’Allemagne. C’est un profond traumatisme pour les
Danois car ces provinces représentent presque un tiers des territoires danois. De nombreux
habitants, souhaitant rester Danois, se réfugient alors au Danemark.
Mais les pertes de territoires s’enchaînent puisqu’en 1944 c’est au tour de l’Islande de
se déclarer indépendante. Puis en 1948 les îles Féroé ainsi que le Groenland votent leur
autonomie.
Cette histoire de grande puissance qui a été peu à peu dissoute explique que le
6
Danemark soit un petit pays, homogène et surtout viscéralement attaché à sa liberté . Acteur
important de l’Europe du Nord pendant des siècles, le Danemark s’est aussi forgé une
tradition de confiance et de sécurité qui a tout de même été mise à mal par la période de
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l’occupation durant la seconde guerre mondiale.
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LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
c. Les Danois occupés
Après avoir été la plus grande puissance d’Europe du Nord, les Danois ont eu à subir
l’occupation d’une autre grande puissance: celle des Allemands pendant la seconde guerre
mondiale. Neutre durant la première guerre mondiale, le Danemark n’échappe pas à
l’invasion des Allemands le 9 avril 1940.
Cependant contrairement aux autres pays occupés, le Danemark conserve ses
institutions et fonctionne à peu près normalement jusqu’en 1943. En effet, le gouvernement
de rassemblement national, dirigé par Stauning, choisit pour le Danemark, une politique de
négociation et de complaisance avec les Allemands.
Le Danemark bénéficie alors d’un statut particulier qui lui permet de conserver une
apparence de normalité. Pour le gouvernement social démocrate en place, cette stratégie
de coopération plus ou moins loyale avec l’ennemi répond, non pas à une quelconque
obédience aux principes de ce régime totalitaire, mais à une analyse pragmatique et réaliste
de la situation selon laquelle seule cette stratégie permet de préserver la société danoise.
Cette relation ambiguë avec l’occupant prend fin en 1943. En effet, les actions menées
par les résistants Danois ont raison de cette « cohabitation » : les autorités allemandes
dissolvent le gouvernement danois.
Jusqu’à la fin de la guerre, le Danemark connaît donc une période plus dure
d’occupation et des grèves éclatent. Les résistants s’opposent avec vigueur aux partisans
de la complaisance.
Cette occupation a mis à l’épreuve la société danoise et la cohésion du pays. Pour
retrouver une union politique il faut attendre la prise de pouvoir par les soviétiques en
Tchécoslovaquie en 1948. En effet, ce coup de force provoque une réaction d’unité chez
les Danois, qui ne veulent pas être occupés de nouveau. Ils affirment alors leur unité
face à l’adversité et font renaître la cohésion. Les sociaux-démocrates dominent les
gouvernements durant une grande partie des années suivantes. Ainsi, depuis leur première
prise de pouvoir en 1924 jusqu’en 1982, le parti social-démocrate n’a été éloigné du pouvoir
8
que pendant douze ans .
Cette grande puissance dominant ses voisins qu’était le Danemark a donc été réduite
ème
jusqu’au point de devenir un petit état d’Europe du Nord, occupé par l’ennemi au XX
siècle. Ce contexte historique singulier est à l’origine de certains fondamentaux de la société
danoise, à savoir l’attachement à la liberté et à l’identité danoise, mais aussi une capacité à
faire preuve d’unité face aux épreuves (pertes de territoires, occupation). En effet, les danois
ont compris l’importance de la cohésion au fur à mesure que croissait leur vulnérabilité visà-vis de l’extérieur. La preuve du développement de cette cohésion et de la tradition du
ème
consensus à la danoise se lit dans l’histoire politique et sociale du pays au XX
siècle.
B- Une histoire politique et sociale fondatrice
Si l’aperçu historique sur le très long terme permet déjà de mettre en place certains traits
marquants de la société danoise, l’histoire contemporaine est l’occasion de revenir sur les
bases, toujours en vigueur, du fonctionnement du système social.
a. Emergence de la social-démocratie
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LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
ème
La social-démocratie danoise émerge dans la deuxième moitié du XIX
siècle en
conséquence de l’échec de la révolution que souhaitait mener les travailleurs danois
9
pour faire valoir leurs droits. «La coupe est pleine» , titre un hebdomadaire danois en
1872, résumant ainsi la situation sociale explosive. Un temps tentés par la révolution, les
premiers sociaux démocrates se réorientent assez rapidement vers une ligne pragmatique
10
et réformatrice qui devient une caractéristique des mouvements socialistes nordiques.
ème
La fin du XIX
siècle est, en effet, caractérisée par une ébullition théorique incarnée
par le suédois Wicksell, acteur majeur de l’école économique scandinave. Il initie le cadre
de pensée à l’origine du Keynésianisme ainsi qu’une façon de penser qui permet aux
11
mouvements nordiques de développer une politique dite de gauche mais non marxiste .
Inspirateurs de la social-démocratie, les économistes produisent des théories qui sont
appliquées par les dirigeants sociaux-démocrates.
12
Application de cette ligne pragmatique et réformatrice, le «compromis de septembre»
est signé en 1899. Tournant dans l’histoire sociale contemporaine du Danemark, il émerge
à la charnière des deux siècles car le contexte s’y prête et la réflexion théorique permet la
maturité nécessaire à l’élaboration de ce compromis.
Véritable acte fondateur du système social danois, cet accord permet au Danemark
ème
de commencer le XX
siècle sur des bases solides. Ce compromis est un élément
de compréhension primordial du système, d’autant plus qu’il est toujours en vigueur
aujourd’hui.
Il s’agit d’un règlement à l’amiable entre les employeurs et les salariés dans lequel les
deux parties se reconnaissent mutuellement une légitimité et définissent respectivement
leurs obligations et droits mutuels fondamentaux.
Tandis que les salariés admettent que les employeurs gèrent librement leur force de
travail, les employeurs, de leur côté, reconnaissent le droit d’association et d’organisation
des travailleurs.
Si différents accords et règlements sont venus compléter ce compromis (règlement
sur les conflits du travail en 1908, accord de collaboration entre les employeurs et salariés
en 1947) il n’a jamais été remis en question et sert donc toujours de principe de base au
système social.
b. Le système social à l’épreuve de la crise
La flexibilité est donc un principe fondateur du système social. La demande de protection
des emplois n’a jamais vraiment été formulée par les travailleurs dans la mesure où le volet
sécurité s’est développé à la suite du compromis constitutif du système social.
9
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
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LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
11
12
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer
les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome
1, p. 39-63.
10
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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
ème
Tout au long du XX
siècle l’état danois développe une politique de «bien être
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social» en bâtissant un Etat-Providence dont l’objectif est de fournir «une protection du
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berceau au tombeau» à ses citoyens. La couverture sociale universelle est l’élément
central de ce second volet «sécurité» du système social danois. Son financement est assuré
par l’état, au travers des impôts, depuis 1969.
ème
La seconde moitié du XX
siècle est caractérisée par l’expansion de l’EtatProvidence. En effet les dépenses publiques augmentent de façon continue: alors qu’il
représentait 24,1% du PIB en 1960, le montant des dépenses publiques s’élève à 69,7%
15
du PIB en 1993 .
Cette montée en puissance est ralentie par l’arrivée de la crise pétrolière. Les années
1970 sont difficiles pour l’économie danoise. En 1979 le ministère des finances tire la
16
sonnette d’alarme en annonçant que «l’économie court à l’abîme» . En effet l’augmentation
du taux de chômage rend les contribuables moins complaisants à l’égard des impôts.
Le parti du progrès (Fremskridtspartiet), anti-taxes et nationaliste, fondé en 1972 par
Mogens Glistrup, figure emblématique de l’extrême droite danoise, devient la troisième
force politique du pays dans les années 70, avant de décliner et d’être éliminé par le parti
17
d’extrême droite Folkeparti dans les années 90 .
De plus, le succès des politiques économiques anglo-saxonnes efface la référence
social-démocrate dans les années 80. Devenus, au début des années 90 les «hommes
18
malades» de l’Europe, les pays nordiques, et notamment le Danemark, ont perdu leur
efficacité économique et sociale.
c. La rénovation du modèle
Cette crise profonde du modèle social danois agit comme un électrochoc et entraine une
refonte importante du système au début des années 90.
Le nouveau gouvernement social-démocrate de centre-gauche arrive au pouvoir en
janvier 1993. Dirigé par le premier ministre Poul Nyrup Rasmussen, il a la lourde tâche de
rénover le modèle danois pour l’adapter aux nouvelles exigences qu’impose une économie
mondialisée.
Le ministre des finances, Mogens Lykketoft, entreprend de redresser les dépenses
publiques. Des coupes budgétaires, l’établissement de règles contraignantes dans l’emploi
des fonds publics, une réorientation des dépenses en faveur de l’éducation et de la
recherche ainsi qu’une réduction des pensions de retraite, des allocations familiales et des
13
ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.
Oxford university press, 2002, 278 pages.
14
15
16
17
18
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
indemnités chômage permettent de diminuer le poids des dépenses publiques dans le PIB:
19
Il passe de 69,7% en 1993 à 55,1% en 2004 .
Le gouvernement mène une politique de réformes structurelles qui vise, non seulement
à retrouver une efficacité économique mais également à renforcer l’attractivité et le
dynamisme économique du territoire. Il décide, notamment, de simplifier les procédures
administratives. Au Danemark il est désormais possible de créer son entreprise en quatre
20
jours . L’accent est mis sur le développement des nouvelles technologies et sur leur
insertion dans le système scolaire afin de développer une éducation de haute qualité. Les
21
établissements scolaires bénéficient ainsi d’un ordinateur pour deux élèves .
Les sociaux-démocrates souhaitent également renforcer le troisième volet du système
social afin d’endiguer le chômage. Ils développent alors les politiques actives de l’emploi,
centrées sur la formation. «L’activation» mêle incitation et contrainte pour favoriser la reprise
22
d’un emploi .
La politique du gouvernement de Poul Nyrup Rasmussen est couronnée de succès
puisque quelques années après le début des réformes, le Danemark renoue avec l’efficacité
et la croissance. De 1994 à 2002 le PIB augmente de 2,3% environ tous les ans. Alors que
23
le taux de chômage était de 9,6% en 1993, il n’est plus que de 4,9% en 2005 .
La performance économique danoise est le résultat d’une politique fondée sur la
demande. En effet la politique de baisse des taux d’intérêts stimule la demande et
24
l’investissement des particuliers et des professionnels .
En novembre 2001, un nouveau gouvernement de centre droit, dirigé par Anders Fog
Rasmussen, arrive aux affaires. Le parti du premier ministre, le parti de droite, Venstre,
doit compter sur le soutien du parti libéral mais aussi sur l’appui du parti populiste,
Danskefolkeparti, créé par des opposants à l’immigration, pour s’assurer une majorité au
25
parlement .
Reconduit en 2005, le gouvernement actuel s’engage à mener une politique de l’emploi.
Il a notamment transformé le ministère du travail en ministère de l’emploi, pour symboliser
26
sa volonté. En 2002, la réforme «plus de personnes au travail» a pour objectif la création
d’un marché du travail ouvert, capable d’accueillir toutes les composantes de la population
active. L’idée maitresse de la réforme est que le marché du travail doit être accessible à tous.
19
SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
20
21
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare
state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.
22
BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (CENTRE POUR LA
RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages
23
24
25
26
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer
les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome
1, p. 39-63.
12
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
Atteindre cet objectif passe, pour le gouvernement, par l’instauration de règles plus
sévères dans les politiques actives de l’emploi. La mobilité géographique des travailleurs
est, par exemple, renforcée avec l’instauration de la limite de quatre heures de voyage
journalier pour l’acceptabilité d’un emploi. Les allocations chômage sont réduites pour
27
certains groupes, notamment les jeunes et les immigrants .
Le second chapitre, consacré exclusivement au fonctionnement et à l’évaluation de
l’état providence social-démocrate danois sera l’occasion d’évoquer plus en détail les
ème
réformes récentes. Mais ce premier aperçu du déroulement politique et social du XX
siècle au Danemark nous permet de comprendre d’où vient ce modèle et sur quelles bases
il s’est développé.
Les récents développements de l’économie danoise et le succès des dernières années
s’inscrivent dans la continuité historique du développement économique du Danemark. Le
pays a réussi les transitions successives: Entre la société agraire du début du siècle et la
société industrielle puis celle qui a suivi entre la société industrielle et la société de services
ème
de la fin du XX
siècle. Auparavant centrée sur l’agriculture, l’économie s’est tournée
vers les activités innovantes et s’est ouverte à l’international.
Les années de crise (années 70-80) ont provoqué une prise de conscience de la grande
sensibilité danoise au contexte international et donc la nécessité pour le Danemark de
28
constamment renforcer sa compétitivité . De plus, le fait que le retour à l’équilibre à la fin des
années 90 n’ait pas été automatique mais ait nécessité une sérieuse réforme de l’économie
danoise, a renforcé la légitimité d’une constante adaptation du modèle. C’est désormais
ancré dans les mentalités: une auto-évaluation permanente de l’efficacité économique et
sociale du système est la condition sine qua non de sa survie.
La mise en contexte historique de cette première partie nous a permis de poser le
cadre de l’étude. Il s’agit désormais de s’interroger sur les caractéristiques qui font de ce
pays un exemple unique parmi les économies européennes: un petit pays à la structure
économique particulière et une société fondée sur des principes de confiance, de sécurité
et d’égalitarisme.
II/ L’idiosyncrasie économique et sociétale
Découvrir la structure de l’économie danoise ainsi que les fondements sociétaux du pays
nous permet de progresser dans la compréhension du modèle danois. Il s’agit également
de comprendre sur quelles caractéristiques repose l’idiosyncrasie du Danemark.
A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieur
Petit pays européen par sa taille, le Danemark est l’une des économies les plus dynamiques
de l’Union Européenne.
27
28
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference
at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
13
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
2
29
Si sa superficie (43 094 km ) comme son nombre d’habitants (5,4 millions en 2007 )
le classent parmi les petits Etats membres de l’UE, son PNB par habitant (32 465 dollars
30
en 2003 ) lui permet d’être la seconde économie la plus dynamique de l’Union après le
Luxembourg. Ce PNB très élevé le classe aussi cinquième économie du monde derrière le
Luxembourg, l’Irlande, la Norvège et les Etats-Unis.
Une économie riche et dynamique qui bénéficie d’un faible taux de chômage, (4,8% en
31
2006 ), le rapprochant d’une économie de plein emploi.
La croissance danoise est tirée par les exportations. En effet ce pays est tourné
vers l’extérieur, une caractéristique particulière qui a des conséquences sur la structure
de l’économie et le marché de l’emploi. Le Danemark se doit, en effet, d’être hautement
compétitif pour créer des richesses et maintenir son dynamisme.
a. Une économie d’exportation
En raison de la taille réduite de son marché intérieur, le Danemark compte sur son
commerce extérieur pour développer son PIB.
Concentrées sur quelques produits comme les biens d’équipement industriels, les
produits pharmaceutiques, les produits agricoles ou bien encore le pétrole et le gaz naturel,
les exportations portent la croissance danoise: elles représentent plus du tiers du PIB
32
(32%) .
L’importance historique du secteur primaire est représentée par les firmes exerçant
une activité en lien avec l’agriculture et la place des produits agricoles, surtout alimentaires
33
(porc, poisson, céréales), dans l’exportation: environ 10% du total .
Le Danemark exporte également des produits manufacturés grâce à une industrie
spécialisée. Ainsi, quelques entreprises danoises ont acquis une certaine notoriété sur des
niches en forte croissance comme la bière, les éoliennes, les composants pour le chauffage
34
et la climatisation, le transport maritime ou encore les jouets .
Fait assez inhabituel: en 2005, la balance commerciale danoise affichait un excédent
35
de 85 milliards de couronnes (soit plus de 11 milliards d’euros). Alors que les importations
29
30
31
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
32
PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs
of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet.
http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/
TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.
33
PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs
of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet.
http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/
TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008.
34
SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
35
PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs
of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet.
http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/
TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008.
14
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
ont tendance à compenser les exportations, la récente montée des cours du pétrole a fait
augmenter l’excédent commercial.
En effet le Danemark est exportateur net d’énergies fossiles depuis 1999. En exploitant
les gisements de la mer du Nord, il profite de la montée des cours des hydrocarbures. Le
Danemark est également leader dans le domaine de la technologie environnementale et
des énergies alternatives grâce à ses champs d’éoliennes. Ne possédant pas de ressources
énergétiques hydrauliques et nucléaires, le pays a investi massivement dans l’éolien en
mettant en place un parc d’éoliennes, non seulement sur terre mais aussi en mer. Les
36
éoliennes fournissent 20% des besoins énergétiques .
Le pays profite également de la croissance du transport maritime due à l’augmentation
des échanges au niveau mondial car il est leader dans le domaine. La société anonyme
Møller-Mærsk est la plus grosse entreprise du Danemark (60000 employés dans le monde
en 2005). C’est aussi la première compagnie maritime et le plus grand armateur de porte37
conteneur au monde .
Compétitif dans le domaine des services, le Danemark peut compter sur la
multinationale ISS, héritage d’une société de sécurité danoise fondée en 1901. En effet, ISS
38
se situe aujourd’hui parmi les plus grands groupes mondiaux fournisseurs de services .
Ainsi ce petit pays nordique possède quelques grands groupes leader dans des
domaines dynamiques. Mais ce sont surtout les nombreuses petites et moyennes
entreprises (PME) qui fondent sa compétitivité. En effet le développement économique est
majoritairement assuré par un tissu très dense de PME.
Ce sont elles qui dominent le secteur privé: dans les années 90, presque 60% des
39
entreprises avaient moins de 20 employés . Les PME sont privilégiées car elles paraissent
plus à même de s’adapter aux changements permanents d’un contexte international
mondialisé. Les PME sont ainsi l’atout compétitif du Danemark.
b. Une économie hautement compétitive
Pour la troisième année consécutive, le classement établi par the Economist Intelligence
Unit (EIU) en 2007place le Danemark en tête des pays où il fait bon investir et faire des
affaires La comparaison entre 82 pays du monde est basée sur différents indicateurs, parmi
lesquels l’ouverture aux investissements internationaux ou les conditions du marché de
l’emploi. La première place du Danemark est une reconnaissance du dynamisme de son
40
économie .
36
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
37
38
39
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
40
KJAERHOLM, Have Anne. Denmark is best to business – again (en ligne). 30-07-2007. Consultable sur Internet.
http://
www.copcap.com/composite-10526.htm. Consulté le 19.12.07
MICHEL Anne-Sophie_2008
15
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Le forum économique mondial classe, quant à lui, le Danemark troisième derrière les
41
Etats-Unis et la Suisse dans son classement des pays les plus compétitifs .
Le petit pays nordique est en effet un lieu attractif pour les investisseurs étrangers qui
ont investi près de 350 milliards de couronnes (Près de 47 milliards d’euros) sur le territoire
en 2003, soit presque autant que ce que les danois investissent à l’étranger (375 milliards
42
de couronnes (Près de 50 milliards d’euros) . La majorité des investissements est réalisée
dans la finance et les services.
L’ouverture danoise est donc un trait important de l’économie du pays: Les échanges
43
extérieurs représentent près des deux tiers du PIB (64%) . Les trois quart de ces échanges
sont réalisés entre pays européens. Si les partenaires privilégiés du Danemark sont
l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, l’économie danoise commerce
également avec les grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine et entretient
des liens plus étroits avec les pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne mais aussi
la Russie.
En effet, le Danemark, qui fait office de «pont» entre l’Europe continentale et les pays
Nordiques, compte aussi profiter des opportunités offertes dans la région Baltique après
44
l’élargissement de l’Union Européenne en 2004 .
La croissance du Danemark est donc rythmée par la capacité de ses entreprises à
capter des marchés à l’exportation. Pour être performante, une économie basée sur une
dynamique d’ouverture à l’étranger doit être hautement compétitive.
Le degré d’ouverture ne peut perdurer que si le Danemark assure l’efficacité de son
économie, ce qui passe par un haut taux de participation des travailleurs sur le marché
de l’emploi mais également par une main d’œuvre qualifiée et capable de s’adapter aux
changements.
Ainsi la structure de l’économie a des incidences sur la physionomie du marché de
l’emploi.
En 2005, le taux de participation des danois ayant entre 16 et 66 ans au marché de
l’emploi est de 76,5% dont 3,2% travaillent dans le secteur primaire, 20,8% dans le secteur
secondaire, 40,8% dans le tertiaire et 35,2% dans le secteur public. Employant plus du tiers
de la population active, le secteur public produit une grande majorité de services, notamment
45
dans le domaine de la protection sociale, de la santé et de l’éducation .
41
HILBERS,Paul ; ZHOU, Jianping. Bulletin du FMI , FMI, Département Europe du 6 Novembre 2006. Volume 35 numéro
20 16 pages
42
PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs
of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet.
http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/
TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.
43
LELARGE, Carole. Fiche signalétique du Danemark. Mission économique du Danemark à Copenhague. Février 2008. 4
pages.
44
PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs
of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet.
http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/
TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.
45
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
16
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
Le haut taux de participation sur le marché du travail est valable aussi bien pour les
hommes que pour les femmes: taux de participation de 79% pour les hommes et de 73%
46
pour les femmes en 2005 .
S’inscrivant dans la continuité de cette présentation de la structure de l’économie
danoise, le second chapitre, consacré au fonctionnement du système social, explicitera les
facteurs de la compétitivité danoise, et notamment ce haut taux d’emploi.
B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, Egalité
Au-delà d’une structure économique particulière, ce sont des caractéristiques sociétales qui
font l’idiosyncrasie danoise. Dans la lignée de la première partie historique qui a permis
de découvrir les principes chers aux danois, il s’agit maintenant d’évoquer un tryptique
fondamental qui fait la cohésion sociale du Danemark.
a. La liberté couplée à l’identité
La dimension symbolique du langage est connue: en danois le mot «salut» veut dire «avoir
le cou libre», tout un symbole. L’attachement des danois à leur liberté prend ses sources
dans leur histoire commune. Elle est donc fortement ancrée dans les mentalités et s’exprime
dans toutes les facettes de la vie en société.
Elle est, notamment, synonyme de libre choix dans le fonctionnement du système
social. En effet, c’est cet attachement farouche à la liberté qui encourage les danois à
accepter un haut niveau de flexibilité sur le marché de l’emploi. Le libre choix est aussi
encouragé dans les assurances sociales, de plus en plus nombreuses à exister dans le
47
privé, en complément de la couverture universelle .
L’attachement à la liberté s’exprime également dans la conviction qu’ont les danois
48
d’appartenir à un monde particulier et original . En effet, leur histoire a développé une
forte identité nationale. En perdant peu à peu ses territoires la grande puissance d’Europe
49
du Nord s’est forgée une identité, «la Danéité» qui perdure aujourd’hui. Cette forme
particulière d’identité danoise consiste en un attachement fort à l’idée d’une nation distincte
et souveraine.
«La dialectique danoise consiste en une gestuelle symbolique d’identification nationale
50
et un pragmatisme dicté par l’interdépendance avec l’extérieur» .
Ainsi, la «danéité» n’est pas synonyme de repli sur soi, elle se concilie avec
le pragmatisme, élément indispensable pour un pays dépendant économiquement de
l’extérieur.
Cette caractéristique identitaire explique l’adhésion du Danemark à l’UE en 1973 puis le
rejet du traité de Maastricht (TUE) en 1992. En effet le Danemark a adhéré pour des raisons
46
47
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
48
49
50
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
La danéité concept officiel, Courrier international hebdo n° 814. 8 juin 2006
RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,
Paris le 7 septembre 2005, 12 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
17
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
économiques mais a rejeté le TUE car les danois n’avaient pas associé leur adhésion à un
symbole politique : ce traité remettait en cause leur identité nationale et leur souveraineté.
Ainsi, si aujourd’hui l’adhésion à l’Union est acquise, la forme que doit prendre l’UE
fait toujours débat. Même si l’intérêt national est de plus en plus reformulé pour intégrer
51
«l’internationalisme et l’européanité» , les Danois conservent leur «danéité».
b. Confiance et sécurité, les maître mots
«A Copenhague, on laisse les enfants dormir dans leur landau, sur le trottoir, pendant
52
que les parents vont au café ou au restaurant» affirme le professeur Jonathan Schwartz .
La vie danoise est, en effet, construite autour des sentiments de confiance et de
sécurité. Encore une fois le langage joue un rôle symbolique: les danois ont inventé des
mots, qui n’ont pas de traduction exacte en français, pour traduire ces caractéristiques
centrales de leur culture.
Le «Hygge» exprime le sentiment de réconfort et la convivialité. Synonyme du savoir
vivre à la danoise, il traduit l’importance des liens sociaux dans la culture danoise. Un
moment «hyggelig» se vit ainsi à plusieurs.
Quant au mot «Tryghed» il traduit littéralement le sentiment de sécurité. Evoquant le
confort, l’idée de cocon, il est aussi synonyme d’une protection, aussi bien matérielle que
morale.
Ces deux expressions soulignent l’état d’esprit régnant au Danemark. La confiance
personnelle est un des traits les plus marquants de la société.
Elle peut s’expliquer, entre autres, par le facteur religieux. En effet la confiance à
autrui semble plus forte dans les pays de culture protestante, notamment dans les pays
scandinaves. Le protestantisme valoriserait les communautés locales autonomes, propices
à une organisation démocratique tandis que le catholicisme fonctionnerait plus sur le mode
de la centralisation et de la hiérarchie, organisation qui inciterait à la prudence dans les
relations sociales.
De plus, la culture protestante s’est accompagnée de la promotion de l’éducation,
ème
notamment de l’alphabétisation au XVI
siècle développant une culture tournée vers
l’apprentissage des connaissances qui aurait favorisé l’ouverture au monde, la tolérance,
53
et le haut niveau de confiance interpersonnelle des pays protestants .
Le haut niveau de confiance qui caractérise les relations à autrui se retrouve également
dans les relations sociales.
En effet, comme l’historique politique et social l’a montré, la confiance sociale s’est
installée comme base du système social lors du compromis de septembre en 1899. Sans
éradiquer le conflit, cet accord pose la négociation comme prémice à toute discussion. La
51
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference
at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.
52
LORTIE, Marie-Claude, Heureux comme un danois (en ligne). 7 octobre 2007 http://www.cyberpresse.ca/article/20071007/
CPACTUEL/710070602/-1/CPACTUEL Consulté le 23 juin 2008
53
BRECHON, Pierre. Les valeurs politiques en Europe : effet du contexte national et des attitudes religieuses.Archives de
sciences sociales des religions, vol. 93,1996, pp. 99-128
18
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques
confiance sociale s’exprime sous la forme d’un «consensus conflictuel» entre les parties
54
prenantes au dialogue social .
La confiance est un atout important pour le bon fonctionnement d’une société. Ainsi
Adam Smith, qui est souvent considéré comme le premier grand théoricien et défenseur
de l’économie de marché, a également souligné le rôle indispensable des relations de
confiance et des normes morales comme socle de l’économie de marché. Dans The Theory
of Moral Sentiments, (La Théorie des sentiments moraux) publiée en 1759, il évoque le rôle
de la sympathie, qui est selon lui, «la capacité à s’identifier aux autres par l’imagination, à
juger et orienter ses propres actions du point de vue d’un spectateur impartial et juste» dans
55
le fonctionnement des marchés .
Le développement de relations basées sur la confiance développe un fort sentiment de
sécurité. Tout comme la confiance, le sentiment de sécurité se retrouve également dans le
système économique.
A la question «Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre emploi ou activité
présent en terme de sécurité d’emploi?» posée à tous les pays membres de l’Organisation
de Coopération et de Développement Economique (OCDE) par cette organisation,
l’Autriche, l’Irlande et le Danemark arrivent en tête avec un score supérieur à 70%.C’est
dans les pays où la protection de l’emploi est forte, comme en France ou en Italie, que les
56
scores sont les plus faibles: 54% .
En effet, si la sécurité de l’emploi est faible au Danemark, il existe une forte sécurité
au niveau de l’employabilité. La sécurité est multidimensionnelle: tandis que la sécurité de
l’emploi renvoie à la possibilité de garder un emploi déterminé chez un certain employeur,
la sécurité d’employabilité est plus large: c’est la possibilité de détenir un emploi, mais pas
57
forcément chez le même employeur .
Les sentiments de confiance et de sécurité, piliers de la société danoise, sont renforcés
58
par «la passion de l’égalité» des Danois.
C. L’égalitarisme danois
La cohésion sociale est une exigence très forte au Danemark. Elle est assurée par
l’homogénéité de la société. Cette dernière n’est pas donnée, elle est voulue. En effet le
Danemark cultive son homogénéité sociétale.
54
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De
L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
55
ALGAN Yann, CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du
CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.
56
TRONQUOY,
Philippe
Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Le
modèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages
57
TRONQUOY,
Philippe
Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Le
modèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages
58
Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires sociales en
1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
19
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Elle se fabrique à chaque instant car le système est tourné vers l’inclusion sociale: éviter
que quiconque ne soit marginalisé est un principe fondamental du système. C’est pourquoi
59
la pauvreté de masse est inconnue au Danemark .
60
«L’état c’est nous tous» affirme le premier ministre danois . En effet l’égalitarisme
se traduit dans l’absence d’inégalités fondamentales entre les différentes catégories de la
société. Le fossé qui sépare les élites des masses est faible. De plus, les employés du
secteur public ne bénéficient pas de statut particulier. «Les serviteurs de la couronne» qui
possédaient un emploi à vie ne sont plus qu’une petite minorité. Les autres sont régis par
des règles fixées dans des conventions collectives au même titre que les employés du
61
secteur privé .
L’éventail des salaires comme celui des revenus sont assez faibles étant donné le peu
d’emplois dits «de basse qualité» au Danemark. Les revenus sont également resserrés en
raison du haut taux d’imposition sur les hauts salaires, et du caractère fortement redistributif
62
du système .
Enfin l’égalitarisme s’exprime aussi entre les genres: l’égalité entre les hommes et
les femmes est une priorité pour les Danois. Ainsi les femmes participent à la création
de richesses dans les mêmes proportions que les hommes: le taux d’emploi des femmes
est presque égal à celui des hommes, ce qui est une exception danoise parmi les pays
63
européens .
Le second chapitre offre l’occasion d’étudier plus en profondeur le côté égalitaire du
système ainsi que ces éventuelles limites. Il permet également de développer la réflexion
sur le rôle des femmes dans la société.
Présenter les grandes caractéristiques qui font du Danemark un pays unique a permis
de compléter la mise en contexte de ce premier chapitre. En effet, le Danemark a développé
une économie hautement compétitive tournée vers l’extérieur. La société danoise apparaît
comme une société homogène, fondée sur la confiance et un fort sentiment de sécurité.
Conclusion du chapitre:
Découvrir le Danemark était l’objectif de ce premier chapitre. Une fois le cadre de la
réflexion posé et les éléments nécessaires à la compréhension du système social mis en
avant, il s’agit désormais d’étudier le système social danois dans le détail.
Différents points évoqués dans ce premier chapitre vont trouver un prolongement dans
le second chapitre qui étudie les fondements de l’Etat-Providence danois, le fonctionnement
du système ainsi que les atouts et limites du modèle.
59
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De
L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
60
RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,
Paris le 7 septembre 2005, 12 pages
61
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études De
L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
62
BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (En ligne). Mission Recherche
(MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur
Internet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages
63
20
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois , Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Chapitre II : Le Système social danois
ou la réussite d’un Etat-Providence
social democrate?
Dans la continuité du premier chapitre, nous poursuivons l’immersion dans «le modèle
danois» à travers une étude qui mêle les traditions, l’économie, la société et les mentalités
danoises.
L’Etat Providence est le cœur de toutes les économies européennes. En effet, c’est lui
qui organise la solidarité au niveau de la société. Concept vital pour la cohésion nationale,
l’Etat Providence est pourtant au cœur des débats. Certains s’interrogent sur sa pertinence
64
dans une économie mondialisée et affirment la nécessité de son renouvellement .
Qu’en est-il de l’Etat Providence danois?
Un système de protection sociale se caractérise par quatre dimensions: l’accès à la
prestation, la nature et le niveau de cette prestation, le mode de financement et les structures
65
de décision, d’organisation et de gestion .
L’objectif de ce chapitre est d’étudier ces quatre dimensions dans le cas danois. Il
s’agit donc de se plonger dans l’Etat-Providence social-démocrate afin d’évaluer les aspects
positifs mais aussi les limites et les critiques que suscite le système.
I/ L’Etat-Providence social-démocrate
L’Etat-Providence fait partie intégrante de l’identité nationale danoise. Caractérisé par une
très haute conception de l’égalité et de la solidarité, l’Etat Providence danois a été classé
par G ø sta Esping Andersen dans la catégorie de l’Etat-Providence social-démocrate.
Par l’approche théorique du concept d’Etat-Providence il s’agit de comprendre la
pertinence et les différents enjeux qui existent derrière le système de protection sociale.
66
A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence
64
ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.
310 pages.
65
PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française
de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages
66
ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF.
1990. 310 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
21
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Dans Les trois mondes de l’Etat-Providence, un essai sur le capitalisme moderne, l’auteur
danois G øs ta Esping Andersen mène une étude comparative des différents Etats
Providences. Pour cela il établit un indicateur, le critère de démarchandisation, ainsi qu’une
typologie.
a. L’indicateur de «démarchandisation»
L’objectif de l’auteur étant d’établir une typologie des types d’Etat-Providence, il cherche
à construire un indicateur qui lui permettrait de différencier les Etats-Providence les uns
des autres. Dans la lignée de Karl Polyani et de de Karl Marx il s’intéresse à l’impact des
systèmes sur la dépendance des individus par rapport au marché. Le capitalisme tend à
transformer l’homme en marchandise dans la mesure où l’homme doit vendre sa force de
travail pour subvenir à ses besoins. Mais il existe des situations dans lesquelles le travail ne
permet pas d’assurer une existence viable et d’autres où l’individu n’est pas en mesure de
travailler. L’Etat-Providence s’avère donc indispensable pour pallier les dérives inhérentes
au capitalisme.
En définissant comment l’homme peut, dans certains cas, s’affranchir du marché, l’Etat67
Providence permet l’existence d’un capitalisme «à visage humain» .
Cette réflexion conduit Andersen à établir l’indicateur de «démarchandisation» qui
mesure le degré d’affranchissement par rapport au marché que le système permet.
Plus la population bénéficie d’un accès étendu aux droits sociaux et plus le degré de
«démarchandisation» est élevé. A l’inverse, plus les conditions d’accès au système social
sont restrictives, plus le degré est faible. L’impact de l’Etat-Providence sur les structures de
classe est également pris en compte car le système peut renforcer les hiérarchies sociales
comme il peut permettre une société plus égalitaire.
b. Typologie des Etats-Providence
Grâce à cet indicateur, trois ensembles de pays se distinguent:
-Les pays anglo-saxon, de tradition libérale, se caractérisent par une forte dualisation
de la société: la redistribution concerne seulement les plus pauvres, la hiérarchisation entre
les catégories sociales est forte. L’assistance est fondée sur l’évaluation des besoins, et les
transferts sont modérés.
-Les pays comme la France ou l’Allemagne, de tradition corporatiste, sont caractérisés
par un système conservateur dans lequel les droits sont fondés sur l’assurance sociale, et
sur la préservation des valeurs familiales traditionnelles. La conservation des statuts prime
sur la recherche du plein emploi.
68
-Enfin les pays nordiques, de tradition social-démocrate, représentent l’idéal type
d’Andersen. En effet leur régime, universaliste et égalitaire, permet de réaliser «la fusion
69
entre bien-être et travail» . L’Etat-Providence social démocrate est complètement axé sur
la recherche du plein emploi. Cependant le système offre des prestations indépendantes de
67
MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002,
Pages 211-242
68
STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages
69
ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.
310 pages.
22
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
la réalisation de cet objectif. Le système d’assurance sociale est universel, ce qui conduit
à une faible hiérarchisation des classes.
Ce sont les héritages historiques et sociaux qui expliquent la diversité entre les types
d’Etat-Providence. Mis en place après la seconde guerre mondiale, les systèmes de
protection sociale possèdent tous des modalités d’application différentes dans les quatre
dimensions qui caractérisent un système de protection sociale. Ainsi les critères d’accès aux
prestations, mais aussi le niveau des ces prestations, tout comme le mode de financement
70
ou bien encore les structures d’organisation sont divers .
Dans l’Etat-Providence social démocrate, qui nous intéresse plus particulièrement,
l’accent est mis sur la citoyenneté. C’est elle qui conditionne l’accès au système social.
Cette conception universaliste passe par une «défamilialisation» des politiques sociales.
L’objectif de l’Etat est de renforcer l’indépendance de chacun et l’égalité entre les hommes
et les femmes.
Cet Etat-Providence minimise également le degré par rapport auquel la protection des
71
individus dépend de leur richesse sur le marché . Il vise une forte cohésion sociale et la
préservation des pays nordiques de la pauvreté par une redistribution élevée.
B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrate
Le système social danois serait donc un idéal type de l’Etat-Providence social-démocrate.
Quelles sont les principes de base de ce système social?
a. L’universalité
Le système est dit universaliste car la population accède à des droits sur une base
universelle, sans lien avec le versement de cotisations ou la mise en évidence de besoins
72
à satisfaire . Il n’y a en général aucun lien direct entre emploi et citoyenneté sociale, tous
les citoyens et résidents ont droit en principe à la plupart des prestations et services.
Par conséquent, l’accès aux allocations familiales, au système de santé et à l’aide aux
personnes handicapées et invalides ne dépend pas de la participation au marché du travail.
Il existe cependant d’importantes exceptions, en particulier en cas de risque de chômage
et d’âge avancé. En effet, il importe de relativiser ce principe d’universalisme, posé comme
une évidence et un principe intemporel de l’Etat-Providence danois. En effet, il semblerait
qu’une tendance vers le développement d’une protection dépendante du marché du travail
se fasse jour.
«Posséder le statut d’employé est donc devenu de plus en plus important dans le cadre
73
de la citoyenneté sociale au Danemark» .
70
PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française
de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages
71
ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare
state.Oxford university press, 2002, 278 pages.
72
ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ? La
réforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220 pages.
73
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
23
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Il n’en reste pas moins qu’au-delà de l’universalisme le système est hautement
«défamilialisant». En effet la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes est une
exigence, à la fois morale et économique au Danemark. Si ce principe répond au principe
d’égalitarisme, évoqué au premier chapitre, il répond également à un souci d’efficacité
économique.
Contrairement aux Etats Providences conservateurs qui placent la famille au centre du
système de protection sociale, l’Etat Providence social-démocrate, est « défamilialisant »
dans la mesure où les prestations sociales sont destinées à l’individu et non à la
famille. Grâce à un puissant engagement en faveur de l’égalité des sexes, ainsi qu’au
développement d’un vaste système d’accueil des jeunes enfants, et à une politique
généreuse de congés parentaux, le Danemark assure l’indépendance de chacun et
74
permet aux femmes de participer pleinement au marché du travail En effet, ce mode de
fonctionnement explique le fort taux de participation des femmes au marché de l’emploi:
73% en 2005. Elles sont ainsi pratiquement au même niveau que les hommes: 79% en
75
2005 . Le Danemark atteint déjà le taux préconisé par l’Union Européenne dans la stratégie
76
de Lisbonne de 2000 qui est de 70% des femmes sur le marché de l’emploi en 2010 .
b. La redistribution
L’Etat-Providence social-démocrate est aussi caractérisé par la volonté de combler les
déficiences du marché. Les danois ont donc établi un système de redistribution des
ressources. Si les citoyens sont tous considérés de la même façon, il existe un système de
compensation pour les moins bien dotés en ressources.
La forte redistributivité des revenus que permet le système social est propice au
nivellement des inégalités. Or de faibles inégalités favorisent le développement d’un
sentiment d’appartenance à une même communauté. C’est pourquoi la redistribution est un
des piliers de la cohésion sociale.
Ce sont les titulaires d’un bas revenu qui bénéficient d’un taux de remplacement
net élevé de leurs revenus en cas de chômage. De plus l’indemnité est modestement
décroissante avec la durée de l’inactivité car l’objectif du système est d’éviter la
paupérisation des chômeurs. Plus le salaire est élevé, plus le taux de remplacement est
77
faible .
Au Danemark il existe un impératif moral de justice sociale. Combinés, l’universalisme
et la redistribution, sont les fondements moraux d’un Etat-Providence social démocrate,
qui, en théorie, place tous les citoyens sur un même pied d’égalité, et lutte contre la
marginalisation. Pilier de la cohésion sociale, la redistributivité et l‘égalité seraient aussi
78
corrélés positivement à la confiance .
74
LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le
modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages
75
76
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre
d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages
77
78
Developpement dans le volet sécurité
ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du
CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.
24
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
c. Le financement par l’impôt
La portée de la redistribution étant globale, le système est très couteux. Il est financé
79
majoritairement par l’Etat grâce à l’impôt .
Le secteur privé, très libre dans son fonctionnement, offre en contrepartie des salaires
élevés, ce qui permet de garantir, grâce aux prélèvements fiscaux, que personne ne soit
80
81
exclu de la société . En effet les salaires danois sont les plus élevés d’Europe .
Ce sont aussi les plus imposés: le taux d’imposition moyen de l’impôt sur le revenu est
82
de 53% du revenu d’une famille et 55% du revenu du travail . La TVA, quant à elle, est à
25%. Les impôts indirects sur certains produits comme les voitures, les tabacs, l’alcool et
même les livres sont également élevés. Aussi les prélèvements obligatoires représentaient
83
52% du PNB danois en 1996, bien au dessus de la moyenne européenne (42,4%) .
Le haut niveau des prélèvements sert à financer des dépenses publiques toujours
84
élevées malgré la politique de baisse menée depuis les années 90 , et notamment le
système de protection sociale. En effet, ce sont principalement la TVA et l’impôt sur le revenu
qui assurent le financement de la protection sociale. Les cotisations sociales jouent un rôle
mineur, voire nul: le patronat ne cotise pas pour l’assurance chômage par exemple. De plus,
85
les impôts sur les sociétés sont relativement bas (Taux d’imposition moyen: 28%) .
Pour conclure cette partie introductive sur l’Etat-providence social démocrate il faut
souligner l’importance du plein emploi comme pilier d’un tel système. En effet l’EtatProvidence social démocrate n’est efficace qu’en cas de haut niveau de participation au
marché de l’emploi. C’est une condition indispensable au bon fonctionnement d’un système
dans lequel presque tout le monde reçoit des fonds et pratiquement tout le monde contribue
86
à leur financement. . La survie du modèle danois passe aussi par la cohésion sociale et
la solidarité: « Le modèle danois (…) c’est d’abord faire société ensemble ; c’est affirmer
concrètement qu’il nous faut gagner tous ensemble, sans laisser personne au bord de la
route »
87
.
Articuler la solidarité avec l’objectif du plein emploi est la fonction du triangle d’or.
79
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Université
de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
80
LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le
modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages
81
82
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO Country
Employment Policy Review, 1999, p 9
83
SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
84
85
86
Voir historique
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
87
FREMAUX Philippe, in LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle
logique, ancré dans l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet :
http://
base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007)
MICHEL Anne-Sophie_2008
25
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation
« Does Denmark have some secret formula that combines the best of Adam Smith with the
88
best of the welfare state? »
Le système social danois repose sur trois piliers formant «le triangle d’or» de la
«flexsécurité»: «Un triangle dont le premier angle est la flexibilité du marché du travail, le
second est le haut niveau de la protection sociale et le troisième est celui de la politique
89
active de l’emploi» (Voir annexe 1).
Ce triangle aux angles complémentaires caractérise ce qu’on a coutume désormais
d’appeler la «flexsécurité». Ce concept a émergé durant la seconde moitié des années
90 aux Pays-Bas. En 1999 les Néerlandais votent la loi «flexibilité et sécurité» qui prévoit
l’assouplissement des protections du contrat permanent en échange de l’accroissement des
protections accordées aux contrats temporaires sur le marché du travail.
Le concept est ensuite repris, non pas pour désigner une réforme, mais plutôt pour
évoquer un modèle social qui permet d’allier un haut degré de flexibilité et de fluidité du
marché du travail avec un degré élevé de sécurité de revenu et de protection sociale. C’est
le Danemark qui incarne cet exemple de modèle social et qui s’approprie le concept en y
90
ajoutant l’image du triangle d’or .
Pour fonctionner la «flexsécurité» suppose la conciliation entre les trois piliers. «Le
91
principal défi consiste à trouver le parfait équilibre entre ces trois éléments distincts» .
A/ Une flexibilité partagée
Comme l’historique du premier chapitre nous l’a montré, la flexibilité est le premier pilier
introduit dans le système social danois. En effet le principe reste basé sur «le compromis
de septembre» de 1899.
a. La liberté de licencier et de recruter
La flexibilité danoise se caractérise tout d’abord par la grande facilité qu’ont les entreprises
à licencier ou à recruter selon leurs besoins.
En effet, la législation est peu contraignante, surtout pour les licenciements. Les
périodes de préavis sont très courtes. Un ouvrier du bâtiment peut par exemple être licencié
92
en trois jours sans indemnités , la règle étant qu’un salarié ayant travaillé six mois bénéficie
d’un mois de préavis, puis de trois au terme d’un an de travail. A partir de trois ans dans
88
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
89
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.
15 pages
90
LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le
modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages
91
RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,
Paris le 7 septembre 2005, 12 pages
92
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
26
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
l’entreprise il bénéficie d’un mois de préavis supplémentaire par an (mais le maximum est
93
de six mois de préavis) .
Les périodes de préavis font l’objet d’aménagements dans des accords collectifs qui,
selon les branches, prévoient des redéploiements sur d’autres postes après licenciement
ou la possibilité de bénéficier de formations rémunérées pour obtenir un autre emploi.
De plus les partenaires sociaux s’accordent sur la nécessité d’éviter tout licenciement
arbitraire et sur l’obligation de fournir une justification à l’employé présent depuis au moins
94
neuf mois. Ainsi la plupart des accords de base incluent des protections contre les
licenciements abusifs, spécifiant qu’un licenciement doit résulter de motifs «raisonnables»
95
liés au travail de l’employé ou à des motifs économiquescrédibles . Si les abus sont
encadrés, ce n’est pas par la loi mais par les conventions collectives négociées entre
partenaires sociaux, le plus souvent sans l’intervention de l’Etat.
b. La liberté de négocier entre partenaires sociaux
Au Danemark, «l'essentiel du «droit du travail», au sens classique du terme, est le fait
96
d'accords entre employeurs et salariés, librement consentis» .
Dans la plupart des cas les règles sont fixées dans des conventions collectives
négociées entre les fédérations syndicales et les représentants du patronat. D’une durée
triennale, elles sont le résultat d’accords obtenus dans une logique de consensus et non
97
d’affrontement .
ème
La culture de la collaboration s’est développée tout au long du XX
siècle. En effet
les partenaires sociaux privilégient la sortie de crise par la négociation dans la logique du
consensus conflictuel, évoqué précédemment.
Les principaux acteurs sociaux sont l’organisation patronale Dansk Arbejdgiverforening
(DA) et la fédération syndicale majoritaire Landsorganisationen i Danmark (LO).
La centrale LO, regroupant dix-huit syndicats, est reconnue comme la représentante
de la grande majorité des salariés. Forte de ses 1.700 000 membres environ, elle compte
150 permanents. Financée intégralement par les cotisations de ses membres, elle offre un
syndicalisme de services. Le montant d’une adhésion annuelle est de l’ordre de 150 à 200
euros. Ce prix élevé est à mettre en regard des avantages que l’adhésion procure. En effet,
93
94
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
95
BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et
à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/
BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.
96
INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en
gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,
études, veille. Août 2007. 6 pages
97
INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en
gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,
études, veille. Août 2007. 6 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
27
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
en cotisant à la centrale, les employés cotisent à l’assurance chômage mais peuvent aussi
98
bénéficier de garanties bancaires ou du paiement des jours de grève .
Le pourcentage élevé de syndiqués au Danemark (80% des salariés membres d’un
syndicat) est dû au fait que, dans la plupart des cas, l’assurance chômage est lié à l’affiliation
99
au syndicat .
De son côté la principale organisation des employeurs, DA, regroupe la majorité des
100
employeurs soit plus de 12 000 entreprises dans tous les secteurs .
Depuis les accords sur le contenu des conventions collectives adoptés en 1936 et 1938,
les conventions doivent traiter de toutes les questions liées aux conditions de travail. Ainsi
la durée du travail, de 37 heures hebdomadaire actuellement, est fixée par la négociation
101
tout comme les heures supplémentaires ou les périodes de préavis .
Si les négociations sont parfois tripartites, l’Etat ne joue, la plupart du temps, qu’un rôle
subsidiaire. Il n’est pas garant du fonctionnement du marché.
Cependant malgré une tradition de non intervention, le gouvernement et le parlement
participent au dialogue social depuis les années 30. En effet des règles régissant
l’intervention de l’Etat dans la régulation des conflits de travail ont été introduites par
la loi en 1934. La même année, un bureau de conciliation a été créé. Il agit en tant
que médiateur dans les conflits sociaux. Aujourd’hui, ce médiateur officiel peut intervenir,
sur sa propre initiative, dans la négociation pour prévenir l’éclatement d’un conflit. L’Etat
participe également à des négociations tripartites au sujet de l’augmentation des salaires
102
par exemple .
Parfois les deux partenaires sociaux principaux s’allient contre le gouvernement. En
103
effet, il s’agit pour eux de favoriser les échanges «gagnant-gagnant» . Ainsi lorsque le
ministère de l’emploi a proposé de réduire les allocations chômage en 2003, les syndicats de
travailleurs ont résisté. Ils ont bénéficié du soutien des employeurs pour qui, une réduction
de la couverture sociale aurait eu pour corollaire une demande de renforcement de la
protection des emplois. Ainsi les deux parties ont fait alliance pour conserver leur système
104
et le ministère a finalement retiré sa réforme .
c. La mobilité, une liberté?
98
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,
Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
99
100
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.
Novembre 2004. 31 pages
101
LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle logique, ancré dans
l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/
dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007)
102
MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare
state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.
103
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études
De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
104
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference
at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.
28
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Les partenaires sociaux travaillent donc en étroite coopération. Beaucoup d’employeurs
savent qu’il est dans leur intérêt d’entretenir des relations stables avec les employés. De
leur coté les travailleurs reconnaissent certains avantages à la flexibilité. En effet, celle-ci
leur permet d’organiser leur carrière professionnelle selon leur trajectoire de vie. Il s’agit de
favoriser la conciliation entre monde du travail et vie privée, selon les différentes périodes
105
de la vie .
Cette flexibilité passe par une importante mobilité des travailleurs danois.
La capacité d’adaptation est une exigence au Danemark : en Novembre 2004, le
premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen affirmait ainsi au congrès national du parti
libéral: «In the old days, people would probably have said that security in the labour market
equalled a good, steady job and long terms of notice in case of dismissal. But in the labour
106
market of the future, security will mean being able to adapt to new situations» .
En effet, la flexibilité sur le marché du travail a pour corollaire la haute mobilité des
travailleurs. Chaque année, environ un tiers de la population active, soit 600.000 à 700.000
personnes, changent de travail. La durée moyenne d’emploi est d’ailleurs une des plus
107
faibles au monde . La mobilité s’explique par la flexibilité du marché du travail mais
également par l’ouverture à l’international du Danemark.
Si certains travailleurs, environ 400 000 en 2004, soit 16% de la population active,
108
connaissent une période de chômage , les moments de transition entre deux emplois
sont courts car la mobilité ne touche pas que les moins qualifiés, elle est générale. Le
développement des hautes technologies crée de plus en plus d’emplois très qualifiés aux
statuts atypiques, comme les consultants ou les indépendants, qui sont, par définition, des
emplois mobiles.
Cependant si cette mobilité concerne toutes les catégories, force est de constater que
les conditions de la mobilité ne sont pas les mêmes selon la qualification. Tandis que les
plus qualifiés ont plutôt tendance à choisir leur mobilité, les moins qualifiés et les plus jeunes
109
sont plus nombreux à la subir .
La mobilité danoise est une mobilité entre entreprises, elle est très peu géographique,
en raison de la géographie du Danemark et de la concentration de l’activité sur quelques
110
bassins d’emploi (Comme Copenhague) .
105
BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market – a review.CARMA
(Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages.
106
BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market –
a
review.CARMA (Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages.
107
MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States-Contrasts and
Similarities, Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages.
108
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
109
ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer
les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome
1, p. 39-63.
110
MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche
économique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
29
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Malgré une flexibilité et une mobilité accrue, le sentiment de sécurité des salariés danois
111
est très élevé : En effet, les Danois sont nombreux à s’estimer occuper un emploi de bonne
qualité et à se considérer en sécurité. Le Danemark se situe ainsi aux premier et deuxième
112
rangs des pays de l’OCDE sur ces critères en 2003 .
B/ Une sécurité assurée
Le sentiment de sécurité qu’éprouvent les employés danois s’explique par le fait que le
système de protection sociale organise une protection généreuse des risques. La sécurité
est ainsi le second pilier de la «flexsécurité».
a. Un droit universel à la retraite
113
La protection sociale couvre tout d’abord le risque vieillesse . Le droit à la retraite, introduit
en 1956, est la véritable incarnation de l’universalisme du système. La retraite est, en
effet, versée à tous les résidents à partir de l’âge de 65 ans à condition d’avoir résidé au
moins deux ans dans le pays. (Afin de recevoir une retraite complète, il faut avoir résidé
au Danemark pendant 40 ans). Les conditions de résidence sont les seules à respecter car
le droit à la retraite est indépendant d’une participation au marché du travail ou d’autres
revenus et richesses.
En outre, un système de préretraite très avantageux a été instauré en 1978. Les
personnes qui avaient cotisé pendant 25 ans à l’assurance chômage pouvaient cesser
de travailler à partir de 60 ans et percevoir une allocation du même type que l’allocation
chômage jusqu’à l’âge de la retraite, c’est-à-dire 67 ans. Mais devant le succès de la mesure
le gouvernement a réformé le système en 1998. Afin de limiter les dépenses publiques il a
rendu les règles plus strictes. L’âge de la retraite a été baissé à 65 ans pour limiter à cinq
ans la période de préretraite. De plus, l’Etat perçoit désormais une cotisation spéciale des
personnes qui souhaitent bénéficier du système et celles qui n’en bénéficient pas reçoivent,
114
quant à elles, une prime de l’état .
Le système de protection sociale couvre aussi le risque chômage. Sorte de «garantie
115
dommages» au salarié qui a été licencié rapidement et/ou brutalement , le filet de
sécurité danois transmet ses prestations par deux institutions complémentaires. En effet,
un système à deux vitesses assure la protection des personnes sans emploi: environ 80%
des travailleurs sont membres d’un fond d’assurance pour le chômage tandis que les 20%
non assurés restants sont éligibles à l’assurance sociale.
b. L’assurance chômage, pilier de la sécurité
111
112
LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ». Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004
AUER, Peter. Panorama des systèmes de mobilité et de transitions : perspectives internationales et prospective, in Les
troisièmes entretiens de l’emploi : Transitions et trajectoires , 19 et 20 mars 2003, Les Actes, 241 pages.
113
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’« activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective,
Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
114
115
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche
économique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages.
30
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Les fonds d’assurance chômage ont été mis en place par les travailleurs à travers
ème
l’action des syndicats au début du XX
siècle. Reconnus par l’Etat en 1921, ils
sont subventionnés depuis cette date à hauteur d’environ 60% de leurs ressources. (Le
complément étant assuré par les cotisations des salariés).
L’assurance chômage est donc un système facultatif, géré par les caisses privées,
agréées par l’Etat et proches des syndicats.
Le système est géré par l’autorité centrale du marché de l’emploi
(Arbejdsmarkedsstyrelsen) qui opère sous l’autorité du ministère de l’emploi. C’est l’Etat
qui finance à 80% les allocations chômage. Mais en pratique, la gestion des fonds revient
aux organisations syndicales. Il existe ainsi trente-six fonds pour les salariés, et un pour
116
les cadres .
Le système de l’assurance chômage a été réformé en 1994: la durée et le montant des
indemnisations ont été réduits. La période d’indemnisation est passée de sept à quatre ans
et les allocations sont plafonnées à 1800 euros par mois pour un temps plein. Malgré cette
réforme la couverture sociale reste généreuse car l’allocation est, en principe, équivalente à
90% du salaire précédent. Cependant si le taux de compensation des bas salaires est très
117
élevé, le taux moyen est plus proche des 60% que des 90% du salaire .
De plus, l’accès aux allocations est soumis au respect de certaines conditions. Il faut
en effet être affilié depuis au moins un an à une caisse d’assurance chômage agréée par
l’Etat. Il faut également avoir travaillé au moins 52 semaines au cours des trois dernières
années (équivalent temps plein). Enfin il faut s’être inscrit, dès le premier jour du chômage,
118
auprès des services de l’emploi car l’indemnisation commence dès l’enregistrement .
Lorsque les chômeurs arrivent en fin de droit ou lorsqu’ils font partie des 20% qui ne sont
pas membres d’un fonds d’assurance chômage, c’est le système de l’assistance sociale qui
assure la protection des individus.
c. L’assistance sociale, dernier filet de sécurité
Si les travailleurs non assurés représentent 20% de la population active, ils constituent
en revanche une part beaucoup plus importante des travailleurs au chômage. En effet les
personnes les moins attachées au marché de l’emploi se retrouvent en général dans ce
groupe.
Initialement aide aux «pauvres méritants», l’assistance sociale était basée sur les
119
résultats de tests dit des «besoins, des moyens et du travail» .
Cette assistance est accordée en dernier recours: elle vient se substituer aux autres
formes d’aide ou compléter un revenu personnel très bas. Encore aujourd’hui l’assistance
est accordée selon les besoins, afin de couvrir le coût de la vie. Son montant dépend du
116
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
117
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
118
MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.
Novembre 2004. 31 pages
119
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
31
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
revenu du ménage: de 940 euros pour un individu seul, le montant de cette allocation de
120
survie peut aller jusqu’à 1260 euros pour les citoyens ayant des enfants à charge .
C’est la couverture universelle de la protection sociale. Par tradition, l’assistance sociale
121
est gérée par les autorités municipales . En effet, décider de qui était pauvre méritant et
qui ne l’était pas supposait une gestion de proximité de l’individu. Celle-ci a été conservée
dans un souci d’efficacité.
L’efficacité est un souci permanent pour le gouvernement danois. En effet, un tel régime
d’allocations chômage crée un fort effet « désincitatif » chez les demandeurs d’emplois:
«Denmark is one of the countries in the OECD-area with the largest dis-incentive problems
for low-paid workers. According to OECD (1996), more than half of the employed workers in
Denmark had effective replacement rates in the range from 81 to 100 per cent. Only Sweden
122
had a higher percentage of the employed in this range of replacement rates» .
L’impératif de justice sociale semble primer sur l’incitation à la reprise d’un emploi. Mais
si tel était réellement le cas, le système serait déséquilibré. C’est pourquoi le haut niveau
de sécurité fourni par le système de protection sociale est contrebalancé par l’obligation
de participer aux politiques actives du marché de l’emploi. Ces dernières réintroduisent
123
l’incitation à la reprise d’un travail .
La politique de l’emploi a été profondément réformée tout au long de ces quinze
dernières années et les mesures actives se sont multipliées. L’activation s’est aussi
accompagnée d’un processus de décentralisation.
C/ Une activation développée
Preuve de l’importance qu’ont prises les politiques de l’emploi dans le système social danois,
le niveau des dépenses dans le domaine est le plus élevé d’Europe. En effet, 4,3% du PIB
a été investi dans «l’activation» en 2003 alors que la moyenne dans l’Europe des quinze
124
était de 2,3% .
a. Le contrat d’activation
Introduites en 1979 les mesures actives de la politique de l’emploi ont pris leur essor dans
les années 90, à l’occasion de la profonde réforme du système social. Le terme d’activation,
«aktivering» en Danois, a été inventé par les suédois, les premiers à élaborer des politiques
actives de l’emploi.
120
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,
Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
121
HAMMER, Bo ; ROSHOLM, Michael ; SVARER, Michael. A Danish Profiling System, Working Paper No. 2004-13, university
of Aarhus, Denmark. 2004. 25 pages.
122
PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics,
University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop
“Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages.
123
ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du
CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.
124
MELIS, Africa. Dépenses consacrées aux politiques du marché du travail 1998-2003
conditions sociales, n°17/2005, Luxembourg, Eurostat, 8 pages.
32
MICHEL Anne-Sophie_2008
», Statistiques en Bref, Population et
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Cette politique est basée sur la conviction que les chômeurs ont à la fois des droits et
des devoirs. Si par le passé le chômage était considéré comme un phénomène structurel
dont les travailleurs étaient les victimes innocentes, devant être indemnisées jusqu’à ce que
la conjoncture économique soit plus favorable, aujourd’hui le chômage est perçu comme
125
un défaut de qualification .
Le système repose sur la notion très ancienne de droits et d’obligation, «Regt og pligt»
en danois. En effet, aux débuts de l’assistance sociale, le pauvre devait être «méritant»
pour avoir droit à l’aide. Cela signifiait qu’il ne devait pas être responsable de sa situation
en n’ayant pas fait preuve d’immoralité dans sa vie. De plus, en échange de l’aide fournie
126
il devait travailler pour la paroisse ou la municipalité .
ème
Cet état d’esprit a perduré tout au long du XX
siècle. Ainsi, jusqu’à une date récente
127
les bénéficiaires de l’aide sociale n’avaient pas le droit de partir en vacances .
Le système s’apparente à un contrat entre le chômeur et les autorités de l’emploi:
«Le contrat qui établit la confiance entre l’individu et le service de l’emploi, les communes
et caisses syndicales d’assurance chômage consiste dans le fait que si la personne se
conforme aux engagements qu’elle prend avec la caisse et le service public de l’emploi, elle
128 .
voit ses risques généreusement couverts»
Le système danois étant fortement lié à une logique de plein emploi, la pression sociale
129
vient s’ajouter à l’éthique collective . En effet l’éthique du travail est très forte. Pour preuve,
les individus qui n’ont jamais travaillé sont qualifiés de «profiteurs», «misbruger» en danois.
L’activation a une vocation universelle, s’appliquant à tous, quelle que soit la situation
de l’individu au regard de l’emploi. Elle consiste en un ensemble diversifié de services de
formation qui sont proposés, et parfois imposés, aux chômeurs afin qu’ils améliorent leurs
compétences. «Le problème ne se trouve plus au niveau de la demande d’emploi mais du
130
côté de l’offre» .
La réforme du système social en 1994 est l’occasion de mettre l’accent sur l’obligation
d’activation pour les demandeurs d’emploi. Un plan d’action individuel, appelé «individual
handlingsplan» est alors mis en place. Il s’agit d’un contrat individuel entre le chômeur et
125
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’ « activation » de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en
perspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
126
ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ?
La réforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220
pages.
127
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
128
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
129
SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
130
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
33
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
le service public de l’emploi. Ce dernier offre une large palette de services d’activation au
131
chômeur qui doit lui permettre de réintégrer le marché du travail .
Le contrat fixe des obligations réciproques: tandis que le service public s’engage à
fournir des offres de formation de qualité, l’individu se doit de respecter le parcours négocié
et d’aboutir à un résultat.
Le respect du contrat est primordial car désormais les allocations sont conditionnées
à ces obligations d’activation. Le chômeur est donc tenu de participer aux mesures actives
d’offre d’emploi sous peine de voir ces indemnités réduites.
Depuis 2002, il n’y a plus de distinction entre la période dite «passive» durant laquelle
les personnes recevaient des allocations et pouvaient demander à participer à des mesures
d’activation et la période «active» où la participation était obligatoire. Aujourd’hui les
bénéficiaires doivent s’inscrire dans une mesure d’activation dans les six premiers mois de
132
chômage .
La réforme de 2002, intitulée «plus de personnes en emploi», « Flere i arbejd » en
133
danois , visait l’incitation à la recherche d’emploi. L’objectif était d’augmenter la population
active de 60 000 personnes à l’horizon 2010 mais aussi le nombre d’emplois en s’assurant
que le travail serait toujours plus rémunérateur que le chômage. C’est pourquoi la période
passive a été supprimée. (Liste des réformes en annexe 2).
b. L’activation décentralisée
134
La politique de l’emploi est gérée de façon décentralisée . En effet, dès 1994, les
conseils régionaux composés de représentants de fédérations d’employeurs, syndicats,
et des autorités locales, ont été chargés de choisir les programmes d’activation les plus
appropriés avec les besoins locaux. La régionalisation est donc un élément important du
fonctionnement du système.
La planification régionale est censée permettre une gestion de proximité et renforcer
l’implication des partenaires sociaux. Dans un souci constant d’efficacité, les autorités ont
diminué le nombre de municipalités en 2007 de sorte qu’elles comprennent toutes au moins
135
30 000 habitants . Elles sont donc passées de 271 à 98, les régions ont-elles aussi été
réduites de 14 à 4.
Les différents acteurs locaux se doivent donc de coopérer entre eux tout en assurant
également la coordination avec le niveau national qui continue d’exercer un contrôle et de
fixer des objectifs prioritaires comme la prévention du chômage de longue durée. Le conseil
national de l’emploi et l’agence de l’emploi établissent des contrats annuels qui servent de
cadre au niveau régional.
131
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
132
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
133
MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,
des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.
134
LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ».Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004
135
MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,
des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.
34
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
En effet, ce sont les conseils régionaux de l’emploi (partenaires sociaux et exécutif
régional) qui fixent les objectifs des agences régionales de l’emploi. Ces dernières assurent
le suivi et l’accompagnement des chômeurs.
Si les politiques d’activation sont une initiative gouvernementale, leur mise en œuvre
est assurée en collaboration avec les partenaires sociaux qui contribuent au contrôle
général des formations, participent à l’identification des priorités, la définition des cursus de
formation, ce qui assure une cohérence avec les besoins de qualification des entreprises,
136
et un contrôle permanent de la qualité des formations professionnelles .
Auparavant, différents bureaux s’occupaient des bénéficiaires selon qu’ils dépendaient
du régime d’assurance chômage ou de l’assistance sociale. En 2007, les deux réseaux
se sont rapprochés pour créer un réseau d’accueil unique: 98 «jobcentres» proposent
désormais les mêmes prestations d’accompagnement aux deux catégories de demandeurs
137
d’emploi .
Cette décentralisation, très poussée, s’explique par la tradition danoise de gestion de
proximité. Aujourd’hui, la fonction publique locale représente 70% des effectifs totaux de la
138
fonction publique .
c. Un panel de mesures
Les bénéficiaires de l’assistance sociale ne forment pas un groupe homogène: on y retrouve
de jeunes célibataires qui ont terminé leurs études mais n’ont pas encore trouvé de travail
ainsi que des chômeurs de longue durée sans qualification ou bien des personnes qui n’ont
jamais travaillé. L’action communale se doit donc d’être diversifiée.
Les communes proposent parfois, pour les plus éloignés du marché du travail, une
«activation sociale» qui ne vise pas en priorité de réinsérer la personne dans l’emploi mais
plutôt de lui assurer un contact humain. Il s’agit de rétablir le lien social pour empêcher toute
marginalisation. La gestion de proximité prend, dans ce cas précis, toute son importance.
Cette gestion doit assurer le maintien d’un lien social mais elle est également gage
d’efficacité. Les autorités municipales sont très motivées pour faire embaucher leurs
bénéficiaires aussi vite que possible par le fait qu'elles supportent 50% des dépenses (l'autre
moitié leur est remboursée par l'Etat). Une commune efficace parvient à économiser des
139
prestations ce qui lui procure des ressources pour d’autres fonctions .
Pour ceux qui ne sont pas très éloignés du marché du travail, les mesures d’activation
doivent toutes viser un travail clairement identifié. Depuis la loi «plus de personnes au
travail» de 2002, le système des offres d’activation a été simplifié dans un objectif de
rationalisation et d’efficacité. Il existe désormais trois grandes catégories:
-Le conseil et la formation (Vejledning og opkvalificering), un appui sur le court terme.
136
LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le
modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages
137
MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,
des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.
138
BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française . (En ligne). Mission
Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003.
Consultable sur Internet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages
139
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
35
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
-Le stage en entreprise (Virksomhedspraktik), la mesure qui a connu le plus grand
succès.
-L’emploi subventionné, public ou privé (løntilskud) vise particulièrement l’acquisition
140
de nouvelles compétences .
d. L’activation couplée à la formation
La mise en place des politiques d’activation répond à un besoin de formation. Véritable clef
de voûte du dynamisme économique et de l’égalité des chances, les danois ont fait de la
formation professionnelle un enjeu national.
S’il n’est pas surprenant que l’éducation soit considérée comme une responsabilité
publique, le fait est plus rare pour la formation professionnelle.
La longue tradition d’intervention de l’Etat dans le domaine de la formation
professionnelle s’explique par la structure économique du Danemark.
En effet, les PME, dominantes dans le tissu économique, n’avaient pas les ressources
nécessaires pour former efficacement leurs employés, c’est pourquoi le secteur public a
pris en charge leur formation. Traditionnellement, la formation s’adressait donc à toute la
population active et pas seulement aux chômeurs.
Cette caractéristique originale est encore vraie aujourd’hui puisque les chômeurs
représentent seulement un quart des travailleurs qui effectuent des formations dans le cadre
141
du système public .
La nécessité d’assurer à tous une formation tout au long de la vie est donc ancrée dans
la mentalité danoise. Elle fait partie intégrante de la protection sociale. En effet, il ne faut
pas perdre de vue que le dynamisme danois est fondé sur la haute compétitivité de son
économie. Or celle-ci passe par une main d’œuvre très qualifiée, plus à même de s’adapter
aux nouveaux défis d’une économie mondialisée. La haute qualification est également un
142
moyen d’assurer le plein emploi, condition du maintien du système .
Grâce aux offres de formation des politiques actives de l’emploi, la formation
professionnelle est répandue à tous les âges de la vie: huit danois de 25 à 64 ans sur dix
143
ont suivi une formation en 2003 .
En plus des offres de formation qu’offre le système d’activation, les danois peuvent
étudier dans les hautes écoles populaires, «højskole» en danois, créées par le pasteur
Nicolas Grundtvig en 1844. Indépendantes mais subventionnées par l’Etat, l’admission à
ces écoles est libre et l’enseignement y est diversifié. En permettant aux adultes d’acquérir
de nouvelles connaissances, ces écoles participent pleinement au développement d’une
144
société de la connaissance .
140
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
141
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
142
VIELLE, Pascal. Flexicurité : redéfinir la sécurité des citoyens. (En ligne) Bruxelles : Observatoire social européen, octobre
2007 ; 13 p. Consultable sur Internet : http://www.ose.be/files/PolicypapersOSE/OSEPolicypaper1-Vielle.pdf
143
KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Population
et conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages.
144
36
LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Ainsi la formation professionnelle s’inscrit dans la continuité de la priorité donnée à
l’éducation. En effet la société danoise investit massivement dans la formation initiale: En
2005 les dépenses publiques consacrées à l’éducation ont représenté 8,5% de son PIB,
145
soit le niveau de dépense le plus élevé parmi les pays européens .
Le niveau d’éducation danois est donc très élevé: La part des 25-35 ans ayant atteint
une formation de deuxième cycle est de 86% (contre 68% en Grande Bretagne), de 80%
pour la tranche d’âge 35-44 ans, et encore de 72% pour la tranche d’âge 55-64 ans (46%
146
en France) en 2003 .
L’importance de la formation est une des clés de compréhension du système. En effet il
a été étudié dans un paragraphe précédent que la population active était fortement mobile.
Or cette mobilité se lit en miroir avec une formation professionnelle importante qui permet
de gérer les périodes de transition.
Grâce à ce système (ainsi qu’à une forte indemnisation) le chômage n’est pas vécu
147
comme un état d’isolement. Il devient un état provisoire, donc banalisé.
La «flexsécurité», souvent présentée comme un compromis entre les exigences de la
flexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les salariés, s’apparente plutôt à un contrat
de société. Le triangle d’or fonctionne en assurant un équilibre entre les intérêts des uns et
148
des autres . (Aperçu du système en annexe 3).
Cependant créer une alchimie entre les trois angles du triangle reste un défi permanent.
Si la «flexsécurité» couplé à une politique macro-économique saine et stable fait le succès
149
du modèle danois , il s’agit désormais d’étudier les défis auxquels le Danemark doit faire
150
face. Le contrat de société danois montre-t-il des signes de faiblesse? .
III/ Une évaluation critique du système social danois
Qualifié «d’idéal type», l’Etat Providence social démocrate fait figure de premier de la classe
parmi les économies européennes. Le «triangle d’or» permet en effet de concilier efficacité
économique et cohésion sociale. Bénéficiant d’un taux de chômage proche du plein emploi
145
ANDRÉN, Birgitta ; SCHMIDT, Pascal. L’éducation en Europe, Statistiques clés 2002/2003 , Statistiques en Bref, Population
et conditions sociales, n°10/2005, Eurostat, Luxembourg. 12 pages.
146
KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Population
et conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages.
147
DELCOURT, Christian. Emploi : le « miracle » danois est-il transposable en Belgique ? ETOPIA, Centre de recherche et
d’animation en écologie politique. Analyse n°22. Octobre 2005. 6 pages
148
BOISSARD, Sophie. Mobilité, formation et parcours professionnels : les multiples visages de la – flexicurité – dans et hors
de l'entreprise. (En ligne). Centre d'Analyse stratégique; In Note de veille n°45 du 12/02/07, 8 pages. http://www.strategie.gouv.fr/
IMG/pdf/Note_de_veille_45_12.02.07.pdf . Consulté le 14 mai 2008.
149
RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,
Paris le 7 septembre 2005, 12 pages
150
FREDERIKSEN, Claus Hjost. Discours du ministre de l’Emploi à la Conférence sur la flexicurité in MEILLAND, Christèle.
Danemark Flexibilité sans précarité ? Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche économique et sociale) - n° 97 novembre 2005, 12 pages.
MICHEL Anne-Sophie_2008
37
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
et d’un taux d’emploi très élevé, le Danemark parvient également à prévenir l’apparition
151
d’une pauvreté de masse .
Le système danois serait ainsi la preuve «qu'il est possible de s'adapter à la
152
globalisation par le haut, sans renoncer sur le fond à son modèle social .»
ème
L’Etat Providence social-démocrate aurait-il réussi le tournant du XXI
siècle? Si le
succès danois a été mis en lumière jusqu’ici, il convient désormais d’évoquer les limites du
système. En effet certaines critiques remettent en question l’efficacité de la «flexsécurité»
tandis que l’alchimie du triangle d’or est soumise à rude épreuve par l’apparition de
nouveaux défis.
A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critique
Malgré le succès apparent de l’Etat-Providence social démocrate danois, il est possible
d’établir une évaluation critique du triangle d’or, et notamment de la politique d’activation,
dont l’efficacité est sérieusement discutée.
a. Un rapport coût/efficacité discuté
Le système a l’inconvénient d’être très couteux pour la collectivité. En effet, comme nous
l’avons vu dans la partie précédente, le Danemark, qui dépense près de la moitié de son
PIB dans les services publics, finance son Etat providence par l’impôt. Le taux d’imposition
danois est ainsi le deuxième taux d’imposition le plus élevé au monde derrière le taux
153
suédois .
Les contribuables danois peuvent donc se permettre d’être exigeants. Le coût du
système doit, en effet, être compensé par son efficacité. Le taux de chômage est souvent
utilisé comme preuve incontestable du succès du modèle danois. De plus de 10% au plus
154
fort de la crise dans les années 90, le taux de chômage est descendu à 4,8% en 2006 ,
un chiffre qui correspond à, environ, 130 000 personnes au chômage, ce qui signifie que le
Danemark est quasiment dans une situation de plein emploi.
Mais derrière ce très bas taux de chômage, une autre réalité se profile: de nombreux
danois qui participent à des mesures de la politique de l’emploi ou sont en préretraite ne sont
155
pas comptés dans les chiffres du chômage. Ils seraient environ 284 000 (chiffre de 2005) .
La prise en compte de ces citoyens engagés dans des mesures d’activation augmente
considérablement le taux de chômage: de 130 000 le nombre de chômeurs passe à 444 000.
151
SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFIN
InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages
152
SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at
ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages
153
ème
Voir I du 2
chapitre
154
SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL
Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79
155
PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics,
University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop
“Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages.
38
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
La population active étant d’à peu près trois millions de personnes (lorsque l’on réintègre
156
les inactifs), le taux de chômage serait plutôt de l’ordre de 14,8% .
Cependant, l’indicateur du taux d’emploi apparaît plus fiable. Le rapport coût/efficacité
s’en trouve alors amélioré car au Danemark, le taux d’emploi des 15 à 64 ans est parmi les
plus élevés d’Europe. En 2005 il dépasse de plus de dix points la moyenne européenne:
157
76 % contre 65 % .
b. Les effets mitigés de la politique d’activation
158
Qualifiée d’activation stérile (meningsløs aktivering) , l’efficacité de la politique active de
159
l’emploi est critiquée par certains qui n’hésitent pas à parler «d’usine à activation» . Ces
expressions traduisent le désenchantement face aux résultats des politiques actives de
l’emploi.
En effet, certaines études ont révélé le peu d’efficacité de ces mesures, mettant en
lumière leurs différents effets. Tout d’abord, il existerait un effet de blocage, dit effet «locking160
in» selon lequel les recherches d’activité seraient réduites pendant la période d’activation .
Paradoxalement, c’est pendant la durée du programme d’activation que les personnes
auraient le moins de possibilités de rechercher un emploi. La tendance naturelle des
161
individus en stage ou en formation serait de cesser de chercher un travail .
Participer à une mesure d’activation inciterait même certains à retarder leur retour sur
le marché du travail. Cet effet désincitatif est en complète contradiction avec l’objectif de
la politique d’activation, qui, par définition, est de réintroduire l’incitation à la recherche
d’emploi.
En miroir de cet effet de blocage, il existerait un «effet motivation» selon lequel la
personne chercherait plus activement un travail dans la période précédant sa participation
à un programme d’activation. Cet effet est aussi appelé «effet de dissuasion» car il met en
évidence le peu d’attractivité de la mesure d’activation. Ainsi les personnes seraient plus
motivées à trouver au plus vite un emploi avant le début de leur formation. Cet effet est
détecté empiriquement par une augmentation de la fréquence d’obtention d’un emploi à
162
l’approche de la période d’activation .
156
157
Calcul personnel
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
158
MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States – Contrasts and Similarities,
Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages.
159
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne et
Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
160
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.
15 pages
161
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
162
BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la france ? CEPREMAP (CENTRE POUR LA
RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2006
MICHEL Anne-Sophie_2008
39
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
L’effet incitatif qu’est censée exercer la politique d’activation est alors détourné:
l’incitation n’apparaît pas a posteriori de la participation à une mesure de formation mais
avant cette dernière.
163
«L’effet qualification»
serait l’effet le plus positif qu’engendreraient les politiques
d’activation. En effet, les compétences de la personne «activée» s’étant accrues après
la fin du programme de formation, cette personne peut bénéficier d’une augmentation de
qualification, multipliant ainsi ses chances d’accès à l’emploi.
Cependant, cet effet positif est nuancé par un autre qualifié de «creaming effect» selon
lequel ce sont souvent les personnes les plus dotées en ressources qui bénéficient des
offres d’activation de meilleure qualité. Cet effet est assez logique et économiquement
efficace mais en contradiction avec l’objectif de la politique d’activation qui est d’offrir les
164
mêmes chances à tous .
Ainsi, les programmes d’activation n’auraient pas significativement permis aux groupes
les plus défavorisés d’entrer ou de rejoindre le marché du travail.Quant à ceux qui ont
retrouvé un emploi grâce à une mesure d’activation, il semblerait qu’ils en auraient retrouvé
165
un de toutes façons .
Ces effets généraux de la politique d’activation varient fortement suivant le type
de mesure étudié. Celle qui est la plus prisée par les travailleurs semble aussi la plus
efficace. Il s’agit du stage en entreprise privée. En effet, cette mesure engendrerait un
effet positif sur la recherche d’emploi plus rapidement que les autres formations données
dans le public: 59% des personnes ayant suivi une formation privée en 2002 étaient
financièrement indépendantes en 2003. Par contre, seulement 25% des personnes ayant
reçu une formation publique ou une activation municipale en 2002 étaient financièrement
166
indépendantes en 2003 .
Cependant peu de personnes reçoivent les offres du privé. La majorité des
offres concerne des formations publiques ou des mesures d’activation municipales qui,
167
apparemment, ne contribuent pas à une évolution vers l’indépendance financière .
Le passage en revue de ces quelques effets, mis en évidence par les études sur
l’activation, corrobore l’idée d’une faible efficacité du système. De plus, malgré les mesures
d’activation, des difficultés de recrutement subsistent pour des travaux pénibles ou peu
168
qualifiés .
163
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.
15 pages
164
MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the
Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.
15 pages
165
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
166
VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue
Sociétal N°52, 2006. Pages 80-83
167
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
168
MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.
Novembre 2004. 31 pages
40
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
L’activation est aussi critiquée pour avoir favorisé la stigmatisation de certaines
catégories de travailleurs. En effet, parfois assimilée à un système de tri, l’activation joue
un rôle clef pour déterminer si une personne est en mesure de retourner sur le marché du
169
travail ou si elle doit recevoir de l'aide d'un des divers régimes d’assistance sociale .
Mesure clé de la stratégie consistant à éradiquer le risque d’exclusion des moins
qualifiés, l’activation n’empêcherait donc pas la marginalisation de certaines catégories de
la population.
La lutte contre l’exclusion sociale reste d’actualité. En effet, le système danois est
confronté à de nouvelles tendances qui mettent son équilibre social sous pression.
B- Le contrat social sous pression ?
170
«Pour autant ce modèle, à la fois fortement empreint de libéralisme économique et
d’égalitarisme social qui, aujourd’hui, donne de bons résultats, résiste-t-il à des perspectives
171
à plus long terme?»
En effet, au moment où le Danemark remplace les modèles précédents (suédois,
japonais, américain…) comme modèle de référence en termes de performances
économiques et sociales, le système rencontre un certain nombre de tensions. Concilier
l’efficacité économique avec l’impératif de justice sociale reste un défi permanent.
a. Vers la dualisation du système?
En rajoutant des conditions d’éligibilité, en réduisant la durée des prestations et en amplifiant
la politique d’activation, les réformes menées depuis le milieu des années 90 ont modifié la
172
«social citizenship», c’est-à-dire la nature des droits sociaux .
En quoi le contrat social du modèle, basé sur l’universalisme et l’exigence d’égalité estil aujourd’hui remis en question par une certaine tendance à la dualisation mais surtout par
le durcissement de la société à l’égard des populations immigrées?
Le compromis constitutif du système repose sur un contrat social qui est l’expression
d’une volonté collective. Un système hautement redistributif vise à lutter contre l’exclusion en
améliorant les qualifications des travailleurs. L’objectif est, en effet, de maintenir un niveau
173
d’employabilité élevé afin d’assurer le plein emploi . Ce compromis s’est construit sur une
169
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
170
STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à
la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages
171
MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre
2004. 31 pages
172
BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (en ligne). Mission Recherche (MIRE)
à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur Internet :
http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages
173
WAECHTER, Philippe. Suède et Danemark : Vivre sans l’euro in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal
N°52, 2006. Pages 62-73
MICHEL Anne-Sophie_2008
41
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
174
«passion de l’égalité» . Les niveaux élevés de redistribution sont largement acceptés car
les catégories sociales moyennes et aisées en bénéficient également.
Cependant, depuis les réformes de ces quinze dernières années, l’universalisme aurait
tendance à s’effriter. En effet, l’ouverture vers le haut de l’éventail des revenus et un
175
individualisme accru caractériseraient la tendance actuelle du système. L’universalisme
serait menacé dans la mesure où la population considérerait de plus en plus l’Etat comme
«une gigantesque assurance, un mécanisme qui permet de mutualiser les risques de la vie,
et de moins en moins (…) comme un système conçu pour organiser la redistribution des
176
revenus et la réduction des inégalités .»
De plus en plus, la société assigne au système l’objectif de réaliser des solidarités entre
générations et non plus entre classes sociales.
En effet, dans les années à venir, le Danemark va devoir relever le défi démographique.
En raison du nombre croissant de retraités, plus d’un adulte sur quatre aura plus de 65 ans
177
d’ici 2040 .
Le vieillissement de la population engendre une augmentation de la charge des retraites
et une diminution des cotisations finançant le système. Ainsi le poids des dépenses
publiques dans le PIB passerait de 50% aujourd’hui à plus de 57% en 2040 alors que les
178
recettes elles n’augmenteraient que de 5,3% .
Le défi démographique est lié au défi fiscal: plus la population vieillit plus il est difficile
de continuer à fournir des services de haute qualité sans augmenter les taxes: «Il n’est pas
aisé de concilier l’ampleur des prélèvements obligatoires assurant la solidarité en réponse
179
à de nouveaux besoins et la préservation des incitations à l’activité et à l’innovation .»
La préservation des incitations à l’activité reste une priorité. Il s’agit, en effet, d’assurer
le plein emploi, sur lequel repose la viabilité du système. Le taux d’activité au sein de la
population en âge de travailler doit nécessairement être élevé pour maintenir le financement
du système.
Or, entre 1960 et 1990, le nombre de personnes vivant des transferts sociaux est passé
de 200 000 à 900 000 ce qui signifie qu’environ 25% des personnes âgées entre 16 et 64
180
ans n’ont pas d’emploi et vivent d'allocations publiques . Cette situation risque de mettre
181
en danger l’équilibre économique de l’Etat Providence .
174
Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires sociales
en 1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages
175
STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à la
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages
176
177
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
178
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
179
BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (Centre pour la recherche
économique et ses applications). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages
180
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
42
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
En effet, le défi du plein emploi est lié à celui de la croissance économique. Tant que le
niveau d'activité économique demeure fort, le système paraît assez équilibré. Mais si le taux
de chômage venait à augmenter, le système d’indemnisation subirait une forte pression.
C’est pourquoi, «plutôt que d'un triangle d'or, il vaudrait mieux parler d'un carré: le quatrième
182
angle, c'est la croissance économique.»
L’exigence permanente de dynamisme et de compétitivité pour assurer le plein emploi
conduit à exclure du marché du travail ceux qui échouent à remplir les normes de
productivité exigées. Ainsi, le système social danois doit aussi faire face à une tendance à
la marginalisation de certaines catégories de la population.
En effet, les réformes de ces dernières années, notamment le plan pour l’emploi de
2002, ont concentré leur action sur certaines catégories de travailleurs, notamment les
183
chômeurs et les étrangers, prenant le risque de les stigmatiser .
Cependant, cette évolution est à nuancer. En effet, le taux de pauvreté du Danemark
est un des plus faibles des pays développés: 8% de la population disposait de moins de
60 % du revenu médian en 1998 contre 12 % aux Pays-Bas, 18 % en France et 21 % au
184
Royaume-Uni .
De plus, les danois restent très attachés à leur Etat Providence et privilégient l’exigence
185
de cohésion sociale à la stigmatisation des chômeurs . Si l’Etat providence danois reste
profondément institutionnalisé et ancré dans les mentalités, les Danois semblent plus
186
réservés sur les politiques d’aide aux immigrés .
b. L’immigration, un défi à relever
L’immigration est un défi de taille pout le modèle danois. En effet, il implique de réconcilier
187
la diversité et la solidarité .
Les résidents d’origine étrangère représentent 6% environ de la population totale, soit
300 000 personnes dont la moitié est constituée de musulmans.
181
INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en
gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,
études, veille. Août 2007. 6 pages
182
INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille en
gestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,
études, veille. Août 2007. 6 pages
183
ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer
les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome
1, p. 39-63.
184
MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
185
LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre for
Comparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages.
186
LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre for
Comparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages.
187
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
43
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Or, cette catégorie de la population, souvent peu qualifiée, utilise les services publics
plus qu’elle ne contribue à leur financement. La création d’un tel déséquilibre met en danger
188
le système qui repose sur la contribution de tous au financement des services publics .
Les immigrants, moins formés en moyenne que les danois, éprouvent plus de difficultés
à remplir leur contrat d’activation que les autres. Le système de droits et d’obligation est
ainsi déséquilibré.
Mais la question de l’immigration est surtout politique. Elle accentue la division partisane
dans un pays habitué à la logique du consensus. Le parti du peuple (danskfolkparti), dont
la ligne politique est basée sur l’opposition aux étrangers, a gagné 25 parlementaires aux
élections législatives de novembre 2007. Le gouvernement actuel doit compter sur le soutien
de ce parti populiste pour s’assurer la majorité au parlement.
A l’heure actuelle une véritable course se joue entre l’intégration sociale des immigrants
et la patience du contribuable de classe moyenne. En effet, la capacité qu’aura le Danemark
à concilier l’immigration avec son système social dépend du succès de l’intégration. La
question de l’immigration est très délicate car elle a des incidences sur la classe moyenne
danoise. Or c’est sur cette dernière que repose le système social. Une défection de la classe
189
moyenne, mettrait donc en danger la survie du modèle .
ème
Les tensions existantes au sein du système social danois en ce début de XXI
siècle
conduisent certains observateurs à s’interroger sur la viabilité du modèle danois dans le
190
futur: «Can the Danish system survive?» .
Cette troisième partie du second chapitre a permis de mettre en évidence certains
côtés négatifs du modèle danois. En établissant une évaluation critique du système il nous
est apparu que si la réussite est palpable, certaines tensions font peser un danger sur le
consensus et les fondements de l’Etat-Providence.
Conclusion du chapitre :
Le système social danois repose sur le «triangle d’or». Concilier la flexibilité avec la
sécurité de la protection sociale et l’activation de la population est un exercice d’équilibriste.
Performant, le système danois, n’est pas pour autant exempt de critiques. Certaines
tensions ont été mises à jour dans la troisième partie, créant le doute sur la capacité de
survie du modèle.
Le modèle danois est-il adapté aux exigences nouvelles posées par la mondialisation?
«Can a model like the Danish one survive as a social democratic island in a turbulent sea
191
of globalization? » .
En s’interrogeant sur la pertinence du système social danois à répondre aux défis du
ème
XXI
siècle, le dernier chapitre étudie la propension à l’exportation de ce modèle, et
notamment de la «flexsécurité».
188
189
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale
danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.
190
191
44
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?
Après avoir étudié le système social dans son ensemble tout au long de ce second
chapitre, il s’agit désormais de se concentrer sur la question de l’exportation du modèle.
Malgré ses spécificités, le modèle social danois peut-il servir de source d’inspiration?
MICHEL Anne-Sophie_2008
45
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Chapitre III : La «flexsécurite» une
source d’inspiration en Europe
«The Danish social system, an export model?
192
»
L’étude du modèle danois a mis en évidence les différents aspects qui en font un
système idiosyncratique. Par ses fondements, son inscription dans un contexte historique
et social particulier, son mode de fonctionnement fondé sur la «flexsécurité», cet Etat
Providence social-démocrate est spécifique.
Malgré ses spécificités, il est considéré comme un modèle de référence parmi les
systèmes sociaux européens. En effet, le modèle danois est une source d’inspiration, non
seulement pour ses voisins européens, comme la France, mais également pour l’Union
Européenne. Cette dernière voit dans le modèle danois, le système le plus adapté pour
ème
répondre aux défis du XXI
siècle. C’est pourquoi elle a fait de «la flexsécurité» un des
principes directeurs de ses orientations communautaires pour la période 2007-2013.
Ce dernier chapitre se propose donc de voir en quoi le système social danois peut avoir
une certaine vocation à l’exportation. Il s’agit tout d’abord de constater que les européens
font face à de nouveaux défis.
En s’interrogeant sur la pertinence de «la flexsécurité» à y répondre, il convient de
mettre en évidence les enseignements que peut apporter ce système aux autres pays
européens, tout en soulignant les limites que peut comporter une démarche d’inspiration.
Enfin, s’intéresser à la reprise du concept de «flexsécurité» par l’UE permet de voir en quoi
et dans quelle mesure le niveau européen peut être un niveau pertinent de régulation dans
ce domaine.
I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la
«flexsécurité»
Le modèle danois a fait l’objet d’une attention particulière en Europe ces dernières
ème
années. En effet, en ce début de XXI
siècle, les Etats européens doivent renouveler
le fonctionnement de leur Etat-Providence. De nouveaux défis mettent à l’épreuve le
dynamisme et la cohésion sociale des sociétés européennes. Pour répondre à ces
nouveaux enjeux, les européens ont cherché à s’inspirer des meilleures pratiques. En
suivant la méthode du «benchmarking» le système de la «flexsécurité» apparaît comme
une référence.
Néanmoins, si ce système ne manque pas d’atouts pour faire face aux nouveaux
enjeux, s’inspirer d’un modèle social particulier peut s’avérer un exercice périlleux.
192
46
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’Etat
Providence?
ème
L’entrée dans le XXI
siècle nécessite la redéfinition d’un équilibre, économique et
social, au sein des sociétés européennes. Concept à succès, «la flexsécurité» émerge
des exercices de «benchmarking» comme le système le mieux adapté aux nouvelles
exigences de compétitivité et le plus à même de faciliter l’évolution vers une économie de
la connaissance.
a. De nouveaux défis à relever
ème
Le contexte économique et social du XXI
siècle bouleverse l’équilibre des sociétés
européennes. Les défis à relever sont en effet nombreux: le vieillissement de la population,
193
les 17 millions de chômeurs dans l’Union Européenne , la segmentation du marché du
travail entre les plus qualifiés et les autres, sont autant de tendances qui pèsent sur le
194
dynamisme économique et déséquilibrent la cohésion sociale des sociétés européennes .
La mondialisation est un facteur d’explication parmi d’autres de ces évolutions de la
société contemporaine. En effet, le progrès technologique, les évolutions démographiques,
l’éclatement de la famille traditionnelle jouent aussi un rôle fondamental.
C’est cette conjonction de facteurs internes et externes qui permet d’expliquer
195
l’obsolescence de l’Etat-Providence «à l’ancienne» . En effet, accusés d’être contreproductifs, les Etats-Providence européens subissent une forte pression. Les nouveaux
196
enjeux économiques et sociaux rendent leur renouvellement indispensable .
Construits au début des années 50, les Etats-Providence ont conçu leurs politiques
sociales au moment de l’âge d’or de l’économie industrielle. Les protections offertes
par ces dernières semblent «désajustées» par rapport à l’environnement économique et
social actuel marqué par les exigences de la mondialisation et les nouvelles évolutions
197
sociétales .
Si les Etats-Providence d’après-guerre n’avaient pas permis de déconnecter
complètement les opportunités des origines sociales, ils avaient entrainé une certaine
égalisation des conditions de vie. Mais dans la société postindustrielle actuelle, la tendance
à la dualisation de l’économie entre les plus qualifiés et les autres est encore plus forte.
Certains Etats-Providence, comme les Etats-providence conservateurs, connaissent même
193
COMMISSION EUROPEENNE.Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure
qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au
conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes
Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final. Consultable sur Internet :
uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF
194
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées.
Février 2008.
195
196
GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
197
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
MICHEL Anne-Sophie_2008
47
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
une situation d’«état social sans travail»
par l’exclusion sociale.
198
dans laquelle les moins qualifiés sont menacés
ème
Répondre aux défis du XXI
siècle est donc la préoccupation actuelle des pays
européens qui s’interrogent sur la façon la plus adaptée de s’investir dans un système
économique mondialisé tout en conservant et en renouvelant leur cohésion sociale et des
mécanismes de solidarité.
Sur le marché du travail, notamment, il s’agit de «garantir un nouvel équilibre
susceptible de concilier à la fois le développement des entreprises et de l'emploi, la mobilité
de l'emploi inhérente aux mutations économiques et la sécurité des salariés contre le risque
199
de chômage .»
Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les européens ont adopté, en 2000, la stratégie
200
de Lisbonne . Elle vise à faire de l’Union Européenne l’économie la plus compétitive
du monde d’ici 2010. Elle fixe aussi pour objectif la réalisation d’une économie de la
connaissance.
Les européens se sont donc accordés sur des objectifs ambitieux. Afin de les atteindre
ils ont développé le «benchmarking»: cette méthode permet de trouver les meilleures
pratiques pour s’en inspirer.
b. S’inspirer des meilleures pratiques
Le «benchmarking» est une technique qui vient de l’art militaire. Elle consistait à connaître
le mieux possible la composition et l’armement des troupes pour mieux contrer l’ennemi.
Reprise par le marketing dans les années 50, elle est aujourd’hui utilisée dans
les entreprises. Il s’agit de trouver dans le monde économique ceux qui sont les plus
performants afin d’adapter leurs processus à sa propre entreprise.
C’est donc une technique qui consiste à se comparer aux champions pour se
rapprocher de leurs expériences et de leurs idées. Utilisée désormais en politiques
publiques, cette technique de «benchmarking» s’inscrit dans une logique d’inspiration
201
mutuelle à l’échelle européenne .
Les Etats européens y ont de plus en plus recours. La France, par exemple, mène des
expériences de comparaison entre pays européens. Ainsi Eric Besson, secrétaire d'Etat à
la prospective et à l'évaluation des politiques publiques, a été chargé par le président de la
République, Nicolas Sarkozy, d’établir une comparaison entre les pratiques mises en œuvre
dans les pays nordiques (Danemark, Suède) mais aussi en Grande-Bretagne, Allemagne,
Espagne et Italie.
198
ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.
310 pages.
199
BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et
à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet:
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/
BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.
200
BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre
d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages
201
BARRE, Rémi ; PAILLARD, Sandrine. Le « benchmarking » des politiques de la science, de la technologie et de l'innovation.
Recherche, innovation, société, Collection Futuris, 11 juillet 2003. 18 pages.
48
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
A travers cette comparaison, la France cherche à s’inspirer des pays qui ont su trouver
un équilibre entre le dynamisme économique et le renouvellement des formes de cohésion
sociale.
Différentes expériences de «benchmarking» sont aussi menées par des organisations
internationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économique
202
(OCDE). Dans une étude de 2004 (Perspectives de l’emploi de 2004) , l’organisation met
en évidence la pertinence du concept de «flexsécurité» dans le contexte économique et
social actuel, notamment en louant le principe «d’activation». Elle fait l’éloge du triangle d’or
sans toutefois omettre d’en évoquer les limites du système, également évoquées à la fin du
second chapitre de ce mémoire.
203
Le concept de «flexsécurité» est ainsi devenu un «buzzword» , très en vogue en
Europe depuis une quinzaine d’années. En effet, le retournement de la situation économique
du Danemark entre le milieu des années 90 et le début des années 2000 a fait émerger le
modèle danois comme un modèle de référence.
Parce qu’il semble avoir réussi à combiner une croissance économique satisfaisante
avec un Etat-Providence efficace au moment où les libéraux affirmaient que le modèle
scandinave devenait obsolète, le modèle danois est devenu une source d’inspiration en
204
Europe , et notamment en France.
En effet, en septembre 2004, Jean-Louis Borloo, alors ministre du travail, évoque,
dans son plan de cohésion sociale «la flexsécurité» danoise (qui) constitue une source
205
d’inspiration privilégiée pour mettre en place des solutions novatrices » .
«What can we learn from Denmark? »
206
. Le concept de «flexsécurité» aurait donc
ème
des atouts pour répondre aux exigences du XXI
siècle et atteindre les objectifs fixés
207
à Lisbonne. C’est pourquoi, s’il «n’existe pas de modèle clef en main» , la «flexsécurité»
ème
pourrait néanmoins être une source d’inspiration pertinente en ce début de XXI
siècle.
ème
c. Les atouts de la « flexsécurité » au XXI
siècle
Les Etats Providence européens sont à la recherche d’une façon nouvelle de concilier leur
intégration dans un système mondialisé avec la sauvegarde de la solidarité sociale. Le
concept de «flexsécurité», prôné par certains exercices de «benchmarking» est-il la réponse
adéquate aux nouveaux enjeux?
202
OCDE. Réglementation relative à la protection de l’emploi et performance du marché du travail. (En ligne) OCDE,
Perspectives de l’emploi, 2004. Consultable sur Internet :
http://www.oecd.org/dataoecd/8/22/34847005.pdf . Consulté le 12 juin
2008.
203
204
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare
state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.
205
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
206
LARSON, Allan in BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du
Centre d’études de
l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
207
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études
De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
49
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
«La flexsécurité» ne manque, en effet, pas d’atouts pour répondre aux nouvelles
ème
exigences du XXI
siècle.
Son premier pilier lui permet de s’inscrire efficacement dans la mondialisation en
étant hautement compétitive. L’adaptation et la réactivité rapide qu’impose une économie
mondialisée, sont garanties par une certaine flexibilité dans la gestion des entreprises et
de la main d’œuvre.
De plus, comme la stratégie de Lisbonne l’a établit, l’Union Européenne doit devenir
une économie de la connaissance. En misant sur l’investissement dans le capital humain,
les second et troisième piliers de la «flexsécurité» participent pleinement à la réalisation
de cet objectif. En effet, la volonté d’exclure le risque de marginalisation sociale ainsi que
l’accent mis sur la formation initiale et continue caractérisent le système social. Améliorer
les compétences des travailleurs renforce leur employabilité. Ainsi la «flexsécurité» permet
de gérer les périodes de transitions entre les différentes étapes de la vie.
Sécuriser les périodes de transition c’est justement l’un des objectifs primordiaux d’une
économie fondée sur la richesse du capital humain. Ressource la plus importante des
208
sociétés européennes , la mobilisation de cette dernière doit être une priorité.
En effet, les pays européens, et plus généralement les pays industrialisés, fondent
désormais leur compétitivité sur l’innovation technologique et sur une main d’œuvre
hautement qualifiée.
Atteindre un Etat providence «parétien» c’est-à-dire optimal, nécessite donc d’investir
dans l’éducation et la formation. Il s’agit de faire en sorte que le monde ne
soit pas complètement polarisé entre «quelques îlots d’excellence dans une mer
209
d’ignorance» («islands of excellence in a sea of ignorance») .
Les nouveaux risques de polarisation sociale nécessiteraient alors le passage «d’un
210
système social infirmier à un système investisseur» . Il s’agit de penser la dynamique
sociale en termes de trajectoires de vie et de se demander: «Quels sont les investissements
nécessaires aujourd’hui pour éviter d’avoir à indemniser demain? Comment éviter les effets
211
cumulatifs des handicaps sociaux tout au long de la vie?»
212
«L’investissement social»
doit permettre à tous d’acquérir les compétences
nécessaires dans une économie de la connaissance. La solidarité sociale ne doit plus être
perçue comme un coût mais comme un investissement, facteur de richesses dans le futur.
Développer les compétences est aussi une façon de multiplier les opportunités et donc
de renforcer la mobilité sociale, élément indispensable. En effet, «We cannot afford not
208
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
209
ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.
310 pages.
210
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
211
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
212
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
50
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
st
213
to be egalitarians in the advanced economies of the 21 century» . C’est pourquoi, en
favorisant l’égalité des chances pour tous, l’investissement social est aussi synonyme de
justice sociale.
Trois catégories de la population devraient bénéficier de l’investissement social en
priorité. Renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la vie
en société permettrait d’ouvrir aux femmes le «deuxième âge de l’émancipation» (Titre
de l’ouvrage de Dominique Meda et Hélène Périvier publié au Seuil/la république des
214
idées en 2007 ). La capacité et la motivation pour apprendre dépendant des conditions
économiques et sociales de l’enfance, il serait également primordial de concentrer des
ressources importantes sur les premiers âges de la vie. L’Etat-providence permettrait ainsi
de prévenir l’exclusion et de préparer une main d’œuvre bien formée. Enfin il incombe à
l’Etat-Providence de répondre au défi du vieillissement en assurant la retraite des personnes
215
âgées .
Le Danemark a bien intégré l’idée que le «social» est aussi un facteur qui appartient
pleinement à la croissance économique. En effet, le système social danois a fait de la
216
sécurité et du bien être, des objectifs, à la fois économiques et sociaux . Grâce à ses deux
piliers, l’universalité et l’égalité, soutenus par le caractère redistributif du système, le modèle
ème
danois ne manque donc pas d’atouts pour répondre aux exigences du XXI
siècle. Il
217
semble donc que, s’«il n’y a pas de modèle à suivre il y a des leçons à apprendre» .
«Les idées danoises peuvent s’avérer instructives pour d’autres pays qui se demandent
comment résoudre le dilemme consistant à réconcilier le dynamisme de marché avec la
218
sécurité sociale et personnelle .»
Cependant s’inspirer d’un système social étranger comporte d’importantes limites qui
relativisent la portée bénéfique des exercices de «benchmarking».
B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleux
La «flexsécurité» semble disposer de nombreux atouts pour atteindre les objectifs fixés
à Lisbonne. Mais des contraintes de taille rendent l’exercice d’inspiration périlleux. Parmi
elles, le poids de l’histoire comme celui des mentalités sont autant de limites qui s’avèrent
déterminantes dans l’équilibre d’une société.
a. Le poids de l’histoire
213
ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.
310 pages.
214
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
215
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
216
BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,
Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.
217
218
DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
51
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Comme les deux premiers chapitres nous l’ont démontré, le système social danois
est le résultat d’une longue histoire et d’une culture institutionnelle, politique, sociale,
219
particulière . La cohérence sociétale de ce système repose sur une volonté collective
220
d’atteindre des objectifs partagés. Il existe «un dessein d’ensemble .»
«Apprendre vraiment du Danemark c’est donc assimiler qu’une réforme du système
d’emploi et de protection sociale doit pouvoir s’inscrire dans une cohérence sociétale
221
propre .» Il apparaît donc primordial de toujours «contextualiser» car les différences entre
les systèmes, que ce soit au niveau politique, institutionnel, social ou bien culturel, sont
souvent déterminantes.
S’inspirer d’un autre système que le sien comporte des limites qui sont dépendantes
de l’histoire et des mentalités de chacun.
222
En effet, en sciences sociales, les politiques sont dépendantes de l’histoire . Partie
intégrante d’un contrat social implicite existant entre les gouvernants et les citoyens, les
politiques sociales sont le résultat de contraintes héritées du passé.
Il existe «un chemin de dépendance» qui rend la mise en œuvre des réformes difficiles.
223
La théorie de la «path dependency» élaborée par Pierson
explicite les raisons des
résistances au changement.
Ce sont des politiques sociales institutionnalisées qui génèrent le développement d’une
certaine inertie. Ainsi, une fois que le chemin est pris, il semble difficile d’en changer.
La question des conditions du passage d’une situation à une autre est primordiale. Les
mesures innovantes doivent être assez polysémiques de façon à agréger des intérêts et
des interprétations contradictoires. Le changement est ainsi parfois d’abord accepté à la
224
marge avant de se développer progressivement . Changer de «chemin de dépendance»
semble particulièrement difficile au sein des systèmes sociaux continentaux basés sur le
travailleur et la famille, dans lesquels la majorité des droits sont acquis par le travail, et la
plupart des prestations contributives et financées par les cotisations sociales.
En effet, dans ces systèmes le poids du passé a engendré le développement d’un état
d’esprit particulier, qui diffère fortement de celui qui règne au sein du modèle danois.
b. Le poids des mentalités
Le modèle de la «flexsécurité» serait difficilement concevable dans les pays dans lesquels
l’esprit civique et la confiance font défaut. En effet ce sont des facteurs clés dans le
modèle danois. Il semble alors difficile d’implanter un système similaire au sein d’une
population possédant une mentalité différente. Ce serait même contreproductif pour Yann
219
220
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
FREMEAUX, Philippe. Dossier modèle social . Alternatives économiques, N°247, Mai 2006, Pages 50-58
221
BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études
De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages
222
223
KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages
MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002,
Pages 211-242
224
PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française
de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages
52
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
Algan et Pierre Cahuc, auteurs d’une étude sur l’esprit civique régnant dans les sociétés
225
européennes .
Selon cette étude, la méfiance et la tendance à l’incivisme sont plus présentes dans
les Etats-providence corporatistes. Ils prennent l’exemple de la France: à la question «En
règle générale pensez-vous qu’il est possible de faire confiance aux autres ou que l’on est
jamais assez méfiants?», les résultats montrent un niveau élevé de confiance dans les pays
nordiques (66% en Suède, 60% au Danemark) et à l’inverse un niveau très faible en France
puisque seulement 21% des personnes interrogées déclarent faire confiance aux autres.
ème
Sur les vingt six pays de l’OCDE étudiés, la France se classe au 24
rang.
Les Français seraient donc plus méfiants que les habitants des pays nordiques. Cette
méfiance envers autrui va de pair avec un incivisme plus fréquent. Les Français seraient
ainsi plus nombreux à considérer qu’il peut être acceptable de ne pas payer dans les
transports publics ou de ne pas régler ses impôts voire même qu’il peut être normal de
demander indument des aides publiques: Sur la période 1980-2000, il n’y a que 38 % des
Français qui considèrent qu’il n’est jamais justifié de réclamer indûment des indemnités
alors que ce chiffre atteint un peu plus de 89 % au Danemark.
Ces traits culturels seraient liés au fonctionnement du modèle social conservateur
depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, les systèmes construits sur des bases
corporatistes montrent des niveaux de confiance et d’esprit civique plus faibles que les
systèmes sociaux-démocrates.
Le corporatisme, en segmentant la société, opacifierait les relations sociales. En créant
des statuts différents selon les professions, il renforce, en effet, l’extrême diversité des
droits sociaux. Cette opacité favoriserait la recherche de rentes, entretiendrait la suspicion
mutuelle et serait une menace pour la solidarité. «Le mélange de corporatisme et d’étatisme
est au cœur de la défiance actuelle et des dysfonctionnements du modèle social» selon
226
Yann Algan et pierre Cahuc
. Ainsi, l’étatisme viderait le dialogue social de son contenu et
favoriserait la corruption en réglementant de façon détaillée les différents pans de la société.
En rapprochant cette mentalité du fonctionnement du marché du travail l’étude montre
que le manque de confiance rendrait plus difficile la coopération, d’où l’intervention
constante de l’Etat. Mais le manque de dialogue social engendre aussi la suspicion entre
les parties prenantes.
Une sorte de spirale de la défiance rend difficile l’évolution des modèles conservateurs
vers «un système socio-démocrate de type scandinave, fondé sur un véritable dialogue
227
social et une redistribution des richesses moins inégalitaire» .
Ainsi, le poids des contraintes héritées du passé a engendré des mentalités différentes
selon les systèmes sociaux. Les exemples évoqués dans ce paragraphe sont des limites
que l’on peut apposer à la volonté des européens de s’inspirer du modèle danois. En effet,
225
ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implement
the Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre
2005. 41 Pages
226
ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du
CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.
227
ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implement
the Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre
2005. 41 Pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
53
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
il existe dans chaque pays un état donné du contrat social. «Tous les systèmes sociaux
européens prennent des formes particulières qui résultent toujours d’un arbitrage politique
dans la combinaison de la solidarité familiale, de l’action de l’Etat, de l’organisation du travail
228
et du rôle du marché .»
Vouloir s’inspirer d’un système, unique à bien des égards, implique donc de prendre
quelques précautions. Cependant, les limites ne doivent pas nourrir un trop fort pessimisme.
S’il semble naïf de penser que l’on peut importer n’importe quel dispositif de façon
isolée, il faudrait aussi éviter «un pessimisme excessif nourri par une insistance trop forte
sur la cohérence systémique et les caractéristiques spécifiques découlant de l’héritage
229
historique» .
Il s’agit donc de trouver une façon de s’inspirer efficacement d’un modèle qui semble
XXIème
posséder de nombreux atouts pour répondre aux nouveaux défis du
siècle en
respectant les particularités de chaque système social.
Le niveau européen peut-il être un niveau pertinent de régulation dans ce domaine? La
seconde partie de ce chapitre, consacré à la vocation à l’exportation du modèle danois, se
propose d’étudier la reprise du concept de la «flexsécurité» au niveau européen et de voir
en quoi ce dernier pourrait mettre à profit les atouts du concept pour atteindre les objectifs
de la stratégie de Lisbonne.
II/ Une approche européenne de la «flexsécurité»
«Tous les États membres de l'UE sont confrontés au même défi de la modernisation et
de l'adaptation à la mondialisation. Par conséquent, pour faciliter les débats nationaux à
la lumière des objectifs communs de la stratégie pour la croissance et l'emploi, il semble
bon de parvenir à un consensus au niveau de l'UE sur une série de principes communs de
«flexsécurité». Ces principes communs pourraient servir de cadre de référence utile dans
le contexte de la mise en place de marchés du travail plus ouverts et plus réactifs et de lieux
230
de travail plus productifs» .
Cet extrait de la communication de la Commission européenne de juin 2007 résume la
volonté de l’Union Européenne d’agir plus concrètement dans le domaine social. En effet,
en adoptant en 2000 la stratégie de Lisbonne, les Etats membres comme les institutions
européennes ont rendu indispensable la coopération dans des domaines qui étaient, jusque
là, réservés aux Etats.
L’enjeu est désormais de définir des orientations communes en matière de politique
d’emploi et de protection sociale. Depuis 2000 un certain nombre d’avancées ont permis à
228
229
PADIS, Marc-Olivier. La France insulaire. Esprit, l’Europe plurielle, juillet 2005. Pages 47-53
LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le
modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages
230
COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure
qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au
conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes
Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet :
uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF
54
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
l’Union Européenne d’aboutir à la mise en place de principes communs de «flexsécurité».
Le développement de la dimension sociale de l’Union est une conséquence de la constante
extension des domaines de compétences de l’Union Européenne, mais également une
preuve de l’importance que prend la cohésion sociale pour l’Union.
A- Vers une approche commune de la «flexsécurité»
Au-delà d’une inspiration entre pays européens, l’Union Européenne s’est saisie du
concept de la «flexsécurité» pour développer une dimension sociale européenne encore
embryonnaire.
a. Reprise d’un concept
«Les Etats européens doivent progresser davantage vers une économie de la connaissance
dynamique et performante, en distribuant plus équitablement les fruits de la prospérité dans
231
la société .»
Par cette phrase, la Commission européenne rappelle les objectifs fixés à Lisbonne.
ème
Ce sommet fut l’occasion d’établir une stratégie pour le XXI
siècle afin, nous l’avons
étudié dans la première partie de ce troisième chapitre, d’apporter une réponse pertinente
aux nouveaux défis.
Preuve de l’importance que prend la question sociale au sein de l’Union, les Etats
232
européens se sont accordés sur la notion «d’état social actif»
à Lisbonne en 2000.
Depuis cette date, de nombreuses études ont été menées pour réfléchir à la meilleure façon
d’atteindre les objectifs de Lisbonne. Ainsi, en novembre 2004, le rapport Kok préconise le
développement de la flexibilité dans le fonctionnement des marchés de l’emploi ainsi que
233
le développement de nouvelles formes de sécurité pour les salariés .
Puis en 2006 ce sont les dirigeants européens qui demandent à la Commission
européenne d’étudier l’élaboration d’une approche commune de la flexsécurité qui tiendrait
234
compte des particularités nationales . Le 23 novembre 2006, la Commission lance une
consultation publique à la suite de la publication d’un livre vert intitulé «Moderniser le droit
ème
du travail pour relever les défis du XXI
siècle».
La communication publiée par la Commission européenne le 27 juin 2007 prend
en compte les résultats de la consultation publique, terminée le 31 mars 2007. Le titre
de la communication, «Vers des principes communs de «flexsécurité»: des emplois plus
nombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité» annonce la volonté
231
COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure
qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au
conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes
Bruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet :
uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF
232
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?
26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.
BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre
d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages
233
GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73.
1er octobre 2007. 9 pages
234
GARABIOL, Philippe. La « flexsécurité »: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n
°73. 1er octobre 2007. 9 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
55
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
235
de définir «un socle de principes communs» sur la «flexsécurité»
. Huit principes sont
énumérés dans la communication (Annexe 4): ils doivent permettre «aux Européens de tirer
236
le meilleur parti des mutations rapides d'une économie mondialisée» . Ils ont été adoptés
par les ministres de l’Emploi des vingt-sept Etats-Membres en décembre 2007.
b. Mise en place d’un cadre de référence
«Plus de flexibilité grâce à de nouvelles sécurités», tel est le leitmotiv de la Commission
237
européenne . En reprenant le concept de «flexsécurité», l’Union pense avoir trouvé un
moyen de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.
Parce qu’elle suppose de combiner la souplesse et la sécurisation des dispositions
contractuelles, les stratégies d’apprentissages tout au long de la vie et les politiques actives
du marché du travail la «flexsécurité» serait le moyen le plus approprié de s’adapter aux
238
changements dus à la globalisation et aux évolutions démographiques .
Elle représente, pour l’Union Européenne, «l’opportunité historique d’élever
simultanément l’efficacité économique et l’égalité sociale à un plus haut niveau en Europe,
239
en prenant en compte la diversité et le contexte particulier de chaque Etat membre» .
Cependant l’Union ne dispose pas de compétences dans le domaine de la politique
sociale. C’est pourquoi elle a opté pour l’élaboration d’un cadre de référence commun, une
sorte de «boite à outils» devant permettre à chaque Etat membre d’adapter le concept à
son contexte national. En effet, «le niveau communautaire intervient pour l’essentiel dans
240
la diffusion de cadres cognitifs d’interprétation des problèmes économiques» .
Etablir des principes communs, tout en laissant une large marge d’appréciation et
d’adaptation au niveau national, est le mode d’action de l’Union. Etant donné que chaque
Etat membre se caractérise par des spécificités qui lui sont propres, une approche
européenne, restant au stade de la définition d’un cadre commun, pourrait s’avérer
pertinente.
En effet, «il n’existe pas un modèle unique de «flexsécurité» à mettre en œuvre dans
toute l'Union Européenne. Les décisions sur des mesures concrètes ne peuvent être prises
que par les Etats membres, mais l'Union peut jouer un rôle utile en identifiant des principes
235
COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleure
qualité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au
comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007
COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF
26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.
236
GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73.
1er octobre 2007. 9 pages
237
PARLEMENT EUROPEEN. Un modèle social européen pour l'avenir. Résolution du Parlement européen sur un modèle social
européen pour l'avenir (2005/2248(INI)) 9 pages
238
BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways,
Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages
239
BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways,
Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages
240
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective,
Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
56
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
communs et des moyens de faciliter les débats et l'évolution des politiques au niveau
241
national .
Le rôle de l’Union serait donc de coordonner les différentes pratiques et de «souligner
des réorientations nécessaires, pour vivre la transition d’une économie industrielle à une
242
économie de service positivement» .
En déclinant les huit principes communs établis par l’Union Européenne, les Etats
membres orienteraient ainsi leurs actions dans la même direction.
Combiner la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles, s’adresser
à tous les travailleurs et pas seulement aux sans emploi, soutenir l'égalité entre les
hommes et les femmes, entretenir un climat de confiance et un vaste dialogue entre tous
les intéressés et assurer une attribution efficace des ressources, sont quelques uns des
huit principes communs de «flexsécurité» qui doivent permettre d’améliorer la capacité
d’insertion professionnelle des travailleurs, encourager leur capacité d’adaptation ainsi que
celle des entreprises mais également renforcer l’égalité des chances.
Avec ces principes communs, L’Union s’engage dans le domaine social. Cependant
le social n’est pas une compétence communautaire, il convient donc de s’interroger sur
les raisons d’une implication de l’Union dans ce domaine ainsi que sur les enjeux que la
question sociale pour cette dernière.
B- Raisons et enjeux d’une implication européenne
Politique embryonnaire de l’Union, la politique sociale s’est développée à un rythme assez
ème
lent jusqu’au début du XXI
siècle. Mais l’adoption de la stratégie de Lisbonne a accéléré
la prise en compte de la question sociale au niveau de l’Union Européenne.
En faisant de la politique de cohésion un des piliers de la construction européenne,
l’Union en a même fait une de ses priorités. Si l’implication européenne résulte en partie de
la logique d’engrenage, elle repose aussi sur le rôle clé joué par la cohésion sociale dans
l’intégration européenne.
a. Dans la logique européenne
Depuis sa création l’Union n’a cessé d’élargir ses domaines de compétences. Dans la
logique de la théorie «néo fonctionnaliste», elle s’est appuyée sur l’effet d’engrenage, le
243
«spill over», pour étendre ses domaines d’influence .
Dans cette logique, la coopération dans un domaine particulier entraine, par un effet
d’engrenage, la nécessité d’une coopération dans un domaine annexe.
241
CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE. L’Europe dans la mondialisation. Actes du colloque 22 & 23 novembre 2007. École
militaire. Centre d’Analyse stratégique. 127 pages
242
ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des
idées. Février 2008.
243
HAAS, Ernst, The uniting of Europe : political, social and economic forces 1950-1957, Stanford, Stanford University Press, 1968.
MICHEL Anne-Sophie_2008
57
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Les différentes politiques d’une société étant indissociables les unes des autres, il
semble que l’Union soit aujourd’hui trop impliquée dans la vie des citoyens européens pour
244
se désintéresser de la question sociale .
Cette dernière n’est pas une compétence communautaire mais elle n’est pas
complètement absente du débat européen. En effet, l’adoption d’un premier programme de
travail social en 1974 a marqué le début de l’intérêt de l’Union pour la question sociale.
Parmi les développements ultérieurs, l’adoption d’une charte sociale à Maastricht en 1992
ainsi que l’instauration d’un nouveau titre sur l’emploi dans le trait d’Amsterdam en 1997
ont été des avancées importantes.
245
1997 a aussi marqué le début de la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) . En
2000, la lutte contre «l’exclusion sociale» ainsi que «la modernisation des systèmes de
protection sociale» ont été ajoutés dans le traité de Nice (article 137 du Traité instituant la
Communauté Européenne (TCE)).
La politique sociale s’est ainsi développée en tant que politique d’accompagnement
du marché commun dans la logique d’engrenage. Mais à l’heure actuelle, l’élargissement
des compétences de l’Union Européenne conduit à la nécessité d’amplifier cette logique
d’engrenage. En effet, il semble que la coexistence des différents systèmes sociaux
devienne un obstacle au dynamisme de l’économie européenne et rende plus difficile le
246
développement d’une cohésion sociale européenne .
La logique de «spill over» trouve donc, avec la dimension sociale de l’Union, une
nouvelle occasion de s’appliquer. En effet, les Etats membres partagent un bien commun
qui est le marché unique. Or celui-ci est basé sur des principes cardinaux qui sont les
quatre libertés fondamentales des traités européens à savoir: la liberté des personnes, des
marchandises, des capitaux et des services. La complète application des ces quatre libertés
nécessiterait la coopération dans le domaine social. En effet, il semble que “The more you
increase the potential mobility of all European-citizens, the more difficult it will be to have
247
very different welfare-state systems coexisting in the Community .”
L’achèvement du marché unique dépend de l’application totale de la libre circulation. Or
cette dernière reste imparfaitement assurée au sein de l’Union. Garantir la mise en œuvre
complète des quatre libertés reste un défi permanent comme l’a récemment démontré
Alain Lamassoure dans son rapport du 8 juin 2008 sur les citoyens et l’application du droit
248
communautaire . En effet, ce rapport fut l’occasion de mettre en évidence les difficultés
concrètes rencontrées par les citoyens européens «mobiles», c’est-à-dire ceux qui vivent
et travaillent dans un autre pays que celui de leur nationalité et/ou ont une famille mixant
différentes nationalités.
244
MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable
sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008
245
MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable
sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008
246
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
247
MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO
(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages
248
LAMASSOURE, Alain. Le citoyen et l’application du droit communautaire. Rapport au président de la République. 8 juin
2008. 188 pages.
58
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
Une réflexion sur la compatibilité des systèmes sociaux doit donc être menée car elle
est une condition de la bonne application de la libre circulation, elle-même condition de
249
l’achèvement du marché unique .
Cependant, “Europe cannot and should not have a strategy for reforming national labour
market and social policies. It is up to each national government to devise and implement
250
its own strategy” .
En effet, si l’Union peut intervenir en fixant un cadre commun de référence, elle ne
doit pas pour autant empiéter sur les compétences propres des Etats membres. Elle doit
donc plutôt construire une double stratégie, combinant son action avec celle des Etats.
Ayant acquis une expérience dans la gouvernance à plusieurs niveaux, l’Union Européenne
pourrait être à même de gérer le partage de compétence et de légitimité dans le domaine
251
252
social . En effet, l’Union est un exemple de «la gouvernance multi-niveaux» , un mode
de gouvernance complexe qui nécessite de faire coexister entre eux différents niveaux de
régulation.
Achever le marché unique est la priorité pour l’Union Européenne. Les Etats, en
parallèle, se doivent de réformer leurs marchés du travail et leurs politiques sociales afin de
ème
répondre aux défis du XXI
siècle.
“Only if reforms are implemented both at European and national levels will the European
Union be able to reap the full benefits of the Single Market and the monetary and be able to
253
enjoy the opportunity of globalisation and technological change .”
b. Un modèle social européen?
L’implication croissante de l’Union dans le domaine social conduit à s’interroger sur
l’existence d’un modèle social européen, un concept qui ne fait pas l’unanimité. En adoptant
des principes communs de «flexsécurité» l’Union Européenne a, en effet, relancé le débat
sur l’existence d’un modèle commun aux européens.
Le sociologue Pierre bourdieu avait appelé à la mise en place d’un «welfare state»
européen. Mais le concept fait débat entre ceux pour qui, la diversité des systèmes sociaux
prime sur les points communs et ceux qui admettent que les situations nationales sont
différentes mais pour qui, le fait que tous les Etats européens soient face aux mêmes défis,
254
conduit à une approche commune de la question sociale .
249
CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI))
Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007
250
SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at
ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages
251
MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable
sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008
252
HOOGHE, Liesbet : MARKS, Gary. Multi-Level governance and eruopean integration. Rowman & Littlefield Publishers,
Inc. (March 21, 2001) 272 pages.
253
SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at
ECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages
254
MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable
sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008
MICHEL Anne-Sophie_2008
59
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Ainsi, si tous les Etats ont des façons différentes de concevoir leur modèle social, de
combiner la flexibilité et la sécurité, en fonction du passé, de leurs traditions juridiques mais
aussi de l’état de leurs finances publiques ou encore de la mentalité de la population, leurs
systèmes seraient des variantes d’un même modèle dans la mesure où ils se basent tous sur
des grands principes communs qui sont la solidarité, l’égalité, la redistribution des richesses,
255
les notions de droit et de responsabilité .
La diversité des systèmes sociaux européens reposeraient sur des valeurs partagées,
des valeurs constitutives d’un modèle social européen: une responsabilité de l’état pour
le plein emploi, des droits sociaux fondamentaux (liberté d’association, droit de grève,
conditions de travail équitable), une protection sociale fournie par de systèmes universels
256
hautement développés .
Au-delà des spécificités nationales, il existe bien, selon Anthony Giddens, un «modèle
social européen», si l’on entend par là «une combinaison de valeurs et de projets réalisés
257
à des degrés divers et sous des formes variées dans les différents Etats» .
Ce modèle repose sur des valeurs communes et sur des politiques caractérisées par
«un Etat développé et interventionniste, un système de protection sociale solide assurant
une couverture efficace à l’ensemble des citoyens et la limitation des différentes formes
258
d’inégalités .»
L’objectif recherché fait désormais consensus au sein de l’Union. Il s’agit, en effet, de
concilier la souplesse de l’appareil productif avec la sécurité des situations personnelles
et des parcours professionnels. Mais les structures nationales sont toujours temporelles et
spécifiques c’est pourquoi les moyens d’atteindre cet objectif restent disparates. Ainsi, ce
sont plutôt des fragments épars de «flexsécurité» qui s’observent dans la plupart des États
259
membres.
Si les Etats membres et les institutions européennes construisent ensemble une sorte
de «référentiel», l’Union est, et restera sans doute, un ordre politique imparfaitement intégré.
Ainsi les points d’équilibre entre «flexibilité» et «sécurité» sont différents selon les Etats,
260
aboutissant à un résultat plus proche du kaléidoscope que de la mosaïque .
Il n’en reste pas moins qu’une certaine européanisation des représentations est
à l’œuvre. Les Etats-Providence sont désormais des systèmes étroitement imbriqués,
255
MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultable
sur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008
256
MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport du
CES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97
257
258
259
GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages
GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages
BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et
à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet:
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/
BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.
260
BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,
Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332
60
MICHEL Anne-Sophie_2008
Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe
leur interpénétration pourrait même, à terme, susciter une politique de solidarité post
261
nationale .
c. La cohésion sociale, un pilier pour l’Union
La première manifestation de cette politique de solidarité post-nationale, encore
embryonnaire, est la politique de cohésion de l’Union Européenne. En effet, devenue la
politique phare de l’Union dans la programmation 2007-2013, la politique de cohésion
bénéficie de plus du tiers du budget, à savoir 308 milliards d’euros soit 36% du budget
262
total . Elle a vocation à devenir le premier poste budgétaire devant la politique agricole
commune.
«Seule une Union européenne fondée sur la cohésion économique et sociale et
défendant ses valeurs communes peut être assez forte pour défendre ses intérêts, préserver
et renforcer les valeurs associées au modèle social européen – égalité, solidarité, droits et
responsabilités individuels, non-discrimination et redistribution avec un accès de tous les
citoyens à des services publics de grande qualité –, ainsi que le niveau élevé déjà atteint
263
en matière de normes sociales ».
La réduction des disparités économiques et sociales entre les régions et les Etats
européens est l’objectif prioritaire de la politique de cohésion de l’Union Européenne.
Pour utiliser au mieux son budget, elle peut s’appuyer sur une palette d’instruments
financiers: le fonds de cohésion vise à accompagner les Etats les plus éloignés de la
moyenne de développement de l’Union ; le fonds social européen (FSE) vise, quant à lui, à
améliorer les perspectives d’emploi ainsi que les compétences des travailleurs dans l’Union;
le fonds européen de développement régional (FEDER) concerne la grande majorité des
régions européennes et vise à financer des projets divers favorisant l’amélioration de la
compétitivité et de la situation de l’emploi.
L’utilisation des ces fonds est orientée vers la réalisation de trois grands objectifs
qui sont: la convergence, pour les pays les moins développés, la compétitivité pour tous,
et la coopération territoriale pour tous les espaces transfrontaliers. Ces objectifs doivent
264
permettre d’accomplir les priorités fixées dans la stratégie de Lisbonne .
En développant cette politique de cohésion, l’Union Européenne affirme son rôle de
vecteur d’une certaine solidarité post nationale. Il s’agit de développer la cohésion au niveau
de l’Union car la cohésion est le «ciment» d’une société. Par le développement économique,
l’accroissement de la compétitivité mais aussi par la création de nouvelles formes de
sécurité, l’Union ambitionne de renforcer la confiance, vecteur vital du bon fonctionnement
d’une économie et de la cohésion d’une société, des européens entre eux ainsi que visà-vis d’elle
261
FERRERA, Maurizio. Intégration européenne et citoyenneté nationale et sociale. Revue française de sociologique, 43-2,
Avril Juin 2002. Pages 377-406
262
Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). L’Europe s’engage pour une politique
de cohésion économique et sociale dynamique et ambitieuse. Editions 2008. 14 pages
263
CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI))
Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007
264
MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport du
CES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97
MICHEL Anne-Sophie_2008
61
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Le débat social européen se rapprocherait ainsi de l’éthos «ralwsien» selon lequel
l’inclusion sociale et la réduction des inégalités sont des ingrédients essentiels dans le
265
renforcement de la compétitivité d’une économie .
Cette dernière partie nous a permis d’élargir le cadre de l’étude. S’intéresser à la
reprise du concept de la «flexsécurité» par l’Union Européenne permet de réaliser qu’une
approche européenne peut s’avérer pertinente dans le domaine social. En restant au stade
de l’établissement d’un cadre de référence, l’Union peut, en effet, fixer des orientations
communes, déterminantes, dans l’accomplissement des objectifs de la stratégie de
Lisbonne.
L’intérêt croissant de l’Union pour la question sociale est lié au fait que cette dimension
est indissociable du reste des compétences européennes. De plus, en s’inscrivant dans la
politique de cohésion, cette dernière pourrait s’avérer cruciale dans le développement d’un
sentiment d’appartenance à l’Union, sentiment qui semble faire défaut au sein de l’Union
Européenne à l’heure actuelle.
Conclusion du chapitre:
ème
En ce début de XXI
siècle, les Etats européens évoluent dans le cadre de la
stratégie de Lisbonne. En fixant des objectifs ambitieux, cette dernière invite les européens
à trouver les conditions favorisant un dynamisme économique soutenu qui serait conciliable
avec une forme renouvelée d’Etat-Providence.
Ouvrir le cadre de la réflexion en étudiant la vocation à l’exportation du système danois
de «flexsécurité» dans ce dernier chapitre a permis de situer ce système dans un contexte
266
européen. Le modèle danois est-il «l’avant-garde de l’Europe»?
En restant au stade de l’élaboration d’un cadre de référence commun, le niveau
européen de régulation rend possible la vocation inspiratrice du modèle. Cependant il
appartient désormais aux états européens de concrétiser les principes de «flexsécurité»,
adoptés en commun.
265
ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare
state.Oxford university press, 2002, 278 pages.
266
62
LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
Conclusion
Conclusion
«L’homme est par nature un animal politique». Ecrite dans l’antiquité, cette phrase du
philosophe Aristote est toujours d’actualité. Dans un monde «globalisé» les hommes vivent,
en effet, en communauté. Or la vie en société reste un apprentissage permanent. Les
sociétés européennes contemporaines doivent aujourd’hui résoudre la question du «vivre
ensemble».
La solidarité est le fondement de toute société. Au sens durkheimien du terme elle
signifie «ce qui fait tenir ensemble». C’est le socle de «l’homo sociologicus» c’est-à-dire
de l’homme lié aux autres et à la société, à la fois pour assurer sa survie mais également
satisfaire son besoin de reconnaissance et de lien social, sources de son identité et de son
267
humanité .
Mais cette interdépendance constitutive de l’être humain serait de plus en plus
méconnue. Le développement de l’individualisme dans les sociétés contemporaines serait
à l’origine de l’érosion de la solidarité. Il existe un risque que les citoyens, gagnant en liberté,
se sentent libérés de toute dette vis-à-vis d’autrui, et deviennent hostiles à l’idée d’une
redistribution à l’égard des plus défavorisés. En tant que contrat social, la solidarité doit donc
ème
268
être réévaluée à l’aune des défis auxquelles les sociétés font face au XXI
siècle .
«Les pays nordiques constituent l'avant-garde de l'Europe dont rêvent bon nombre
d'Européens : une Europe économiquement forte, très solidaire, finançant par de hauts
prélèvements les services et les investissements sociaux dont ses citoyens ont besoin,
organisant le marché du travail par des actions régulatrices qui corrigent la loi du marché,
269
intervenant pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, l'exclusion et les discriminations.»
Le modèle danois propose un contrat social renouvelé, qui, s’il n’est pas exempt de
critiques, semble correspondre aux exigences de compétitivité tout en assurant une certaine
cohésion sociale.
La cohésion sociale, «ciment» d’une société, est également un enjeu au niveau
européen. L’Union Européenne, qui ne cesse d’élargir ses domaines de compétences,
s’attache désormais à développer une dimension sociale afin de réussir la transition vers
ème
l’économie postindustrielle du XXI
siècle.
En admettant que chaque pays possède un état donné du contrat social, l’Union
Européenne peut apparaître aujourd’hui comme un niveau pertinent de régulation. «Car à
quoi bon l’Europe sinon pour précisément nous permettre de mieux faire ensemble ce que
270
nous n’arrivons décidément pas à faire tous seuls?» .
267
ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.
Oxford university press, 2002, 278 pages.
268
269
270
PAUGAM, Serge. Repenser la solidarité. Collection Le lien Social, PUF, 2007. 992 pages
LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages
LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
63
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
En développant une forme de solidarité à l’échelle de l’Union par sa politique de
cohésion, l’Union Européenne a pour ambition de créer ce «ciment» qui lui fait défaut. En
effet, le manque d’adhésion des citoyens au projet européen est en partie responsable de
la crise actuelle de légitimité de l’Union.
Ainsi le vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot, évoquait le 21
juin 2008 aux Etats Généraux de l’Europe à Lyon, un certain «désamour» entre les citoyens
et l’Union, et prônait le développement d’un espace public européen.
L’existence d’un forum européen ainsi que le renforcement de la solidarité à l’échelle
de l’Union pourraient susciter la naissance d’un sentiment d’appartenance à une même
communauté, condition du développement de la citoyenneté européenne.
L’enjeu est donc déterminant pour la politique sociale de l’Union. En s’accordant sur
des principes communs de «flexsécurité» les européens ont fait un premier pas vers le
développement d’une vision commune de société, qu’il importe encore de concrétiser car
l’Europe est un champ de tensions: les dichotomies sont constitutives de son identité. Elle
271
restera donc diversifiée, mouvante et compliquée .
271
64
MAGNETTE, Paul. Le sens de L’Europe. Le débat, mai-août 2006. Pages 30-35
MICHEL Anne-Sophie_2008
Annexes
Annexes
Le triangle d’or
Source: MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour market
success. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). Country
Employment Policy Review.1999. 86 pages
MICHEL Anne-Sophie_2008
65
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
ALMP: Active Labour Market Programmes
Source : MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we?
And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of
Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.
Les réformes de la politique de l’emploi au Danemark
depuis 1994
La réforme de 1994 a institué des plans d’action individuels et une offre d’activation intensive
au bout de deux ans de chômage (offres d’emploi, prestations d’orientation professionnelle,
formations) tout en proposant une indemnisation jusqu’à sept ans.
66
MICHEL Anne-Sophie_2008
Annexes
Des congés parentaux, sabbatiques, de formation de un à deux ans sont offerts aux
salariés, qui peuvent être remplacés sur leur poste par des demandeurs d’emploi (c’est le
système de rotation des emplois).
•En 1996, la période d’indemnisation est réduite à cinq ans, et la durée d’emploi requise
pour bénéficier des prestations de six à douze mois. Des programmes spécifiques sont
destinés aux jeunes non qualifiés de moins de 25 ans. Le droit à congé de formation est
restreint et le congé sabbatique aboli. Les entrées dans le système de rotations des emplois
sont stoppées.
•En 1999, la durée maximale d’indemnisation est ramenée à quatre ans, la phase
d’activation intervient au bout de douze mois de chômage.
La phase d’activation est plus courte pour tous les jeunes de moins de 25 ans (six mois)
et des mesures spécifiques leur sont proposées.
A la même date, des mesures d’activation sont proposées aux bénéficiaires du régime
de la garantie de ressource. Le régime de préretraites est réformé.
•De 2000 à 2002, le congé de formation et le congé parental sont supprimés, mais le
congé de maternité ou paternité est allongé à douze mois -la durée moyenne réellement
utilisée est de trois semaines pour les pères et 40 semaines pour les mères. Des emplois
subventionnés adaptés aux handicapés (flex-jobs) sont créés.
•En 2002, le plan « plus de personnes en emploi » accentue encore la priorité à l’emploi
et la recherche active.
La flexibilité régionale est renforcée par l’implication d’autres acteurs : des consultants
privés, les fonds d’indemnisation, les collectivités, …
Une banque de données de CV et d’offres d’emploi, Jobnet, est mise à disposition du
public.
La notion d’offre d’emploi convenable est élargie (jusqu’à deux heures de transport
depuis le domicile). Le devoir de recherche d’emploi commence dès le premier jour du
chômage.
Les mesures d’aide à l’emploi des jeunes sont étendues jusqu’à l’âge de 29 ans.
Les règles concernant les chômeurs indemnisés ou non sont simplifiées et
harmonisées : cela vaut pour le contrôle, les sanctions, l’accompagnement, les offres
d’activation.
Source : MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à
l’emploi . Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale)
décembre 2005. 26 pages
An overview of the Danish system of “flexicurity”
MICHEL Anne-Sophie_2008
67
Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Political environment
Macroeconomic
Environment
Employment situation
Worker mobility (external
numerical flexibility)
Employment Protection
Unemployment Benefits
Basic traits of the Danish
system of “flexicurity”
�Strong corporatist
structures �Implicit social
contract concerning
balance between security
and flexibility
�Changing international
economic conditions �
Active fiscal policy, but
constrained by external
balance
�High employment rate
(around 75 percent) �
Shifting levels of open
unemployment �Rising
share of persons receiving
transfer income
�High by international
standards
�Weak
�Significant increase in
compensation rate with
reform in the late 1960s
�Cash benefits for noninsured unemployed
Active labour market Policy �High expenditures
on LMP in general
�Incremental policy
adjustments since 1979
Specific developments in
the 1990s
�Broad political support for
reforms of labour market
policies �Acceptance by
social partners of need
for wage restraint �New
government headed by the
Social Democrats
�Strong internal demand
�Favorable external
balance �Lower level of
international inflation
�Significant reduction
in both open and gross
unemployment �Reduction
in structural unemployment
�High by international
standards
�Weak
�Slow decline in
compensation rate, but
still high by international
standards �Reduction in
duration, especially for
passive benefits
�Decentralized �
Individualized �Right and
duty to early activation
Source: MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we?
And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy of
Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.
Les principes communs de «flexsécurité»
La Commission énonce dans sa communication relative à la flexibilité huit principes
communs qui doivent permettre " aux Européens de tirer le meilleur parti des mutations
rapides d'une économie mondialisée ".
- Allier " la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles (du point de
vue tant des employeurs que des salariés et des exclus du marché du travail) avec des
stratégies d'apprentissage tout au long de la vie, des politiques actives du marché du travail
efficaces et des systèmes de sécurité sociale modernes ".
68
MICHEL Anne-Sophie_2008
Annexes
- Équilibrer les droits et responsabilités des employeurs, des salariés, des demandeurs
d'emploi et des pouvoirs publics.
- Adapter la flexisécurité à chaque Etat membre, car il ne s'agit pas de " proposer un
modèle de marché du travail ni une stratégie politique uniques ".
- Réduire l'écart entre, d'une part, les salariés dans l'emploi, qui ont besoin d'être
préparés aux transitions professionnelles et d'être protégés pendant celles-ci, et, d'autre
part, les exclus du marché du travail, qui ont besoin de "points d'accès aisés" à ce marché
et de "tremplins pour leur permettre de progresser vers des contrats de travail stables ".
- Introduire " une souplesses suffisante pour recruter et licencier " ainsi que des "
transitions sûres entre les emplois ".
- Promouvoir l'égalité d'accès à des emplois de qualité pour les hommes et les femmes
en facilitant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Une égalité d'accès qui
doit être étendue aux migrants, aux jeunes, aux handicapés et aux plus âgés.
- Aider à l'instauration d'un climat de confiance et de dialogue entre les pouvoirs publics
et les partenaires sociaux, dans lequel tous sont prêts à assumer la responsabilité du
changement et à définir des ensembles de politiques équilibrées.
- Mettre en œuvre les politiques de flexisécurité, qui ont un coût financier, tout en
maintenant des " politiques budgétaires saines et financièrement viables ".
Source : GARABIOL, Philippe. La flexsecurité: Une révolution européenne.
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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice
Résumé
LE MODELE DANOIS :
UNE IDIOSYNCRASIE INSPIRATRICE
Fondé sur des caractéristiques historiques, économiques et sociales particulières, le
modèle danois est idiosyncratique. Le contrat social de la société danoise s’exprime dans un
système social reposant sur trois piliers: la flexibilité, la sécurité et l’activation. A l’image du
terme combiné de «flexsécurité», le système est un exercice d’équilibriste. L’enjeu réside,
en effet, dans la combinaison de ces trois piliers.
Malgré ses spécificités le modèle danois est une source d’inspiration en Europe.
L’Union Européenne a d’ailleurs fait de la «flexsécurité» un des principes directeurs de
ses orientations communautaires pour la période 2007-2013. Les principes communs de
ème
«flexsécurité» devraient permettre aux Etats européens de répondre aux défis du XXI
siècle en leur permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne.
76
MICHEL Anne-Sophie_2008
Abstract
Abstract
The secret of Denmark lies in the idiosyncratic nature of its model of society, based on
specific historical, economic and social characteristics. These latter led to the development
of a social system rested on three pillars: flexibility, security and activation. What is at stake
in the “flexicurity” system is the combination between these three pillars. Finding a balance
between them is a permanent challenge.
Despite its specificities, the Danish model is a source of inspiration in Europe. The
European Union has established the concept of “flexicurity” as a guiding principle for the
period 2007-2013. The Union expects that the common principles of “flexicurity” will help
the European member states to achieve the Lisbon objectives.
Mots clés: Modèle danois, Etat-Providence, «flexsécurité», cohésion sociale,
inspiration, investissement social, principes communs de «flexsécurité», stratégie de
Lisbonne.
MICHEL Anne-Sophie_2008
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