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L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES EN EUROPE
Adeline Richet
Professeur de sciences économiques et sociales.
Un enseignement de sciences économiques et sociales existe dans la plupart des pays
européens. Il se met en place, à partir des années 50, notamment sur les recommandations de
l’UNESCO
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. L’objectif est de combler une lacune concernant la formation économique et
sociale des citoyens. Dès le début, une pédagogie active et s’appuyant sur l’actualité est
valorisée.
Cet enseignement est introduit progressivement dans la plupart des pays sous des formes très
diversifiées.
- Dans le premier cycle, l’enseignement d’économie ou de sciences sociales est presque
toujours associé au cours d’histoire géographie et d’instruction civique.
- Dans le second cycle, les programmes sont définis en relation plus étroite avec la discipline
universitaire, mais plusieurs choix sont retenus : enseigner les sciences économiques ou
l’associer à d’autres sciences sociales (sociologie, science politique ou droit), ou parfois à la
gestion. Une tension se manifeste dans la plupart des pays entre les choix curriculaires et les
objectifs d’apprentissage ; les réponses apportées sont loin d’être identiques.
Comment ai-je réalisé cette étude ?
Pour comparer le contenu de la discipline enseignée dans divers pays d’Europe, la prise en
considération de divers paramètres est nécessaire.
D’abord interviennent les finalités éducatives poursuivies dans chaque pays, particulièrement
au niveau du second cycle du secondaire. S’agit-il de donner une culture commune, de
préparer à l’entrée à l’Université, de former au plan professionnel ? Les programmes
scolaires doivent traduire ces finalités sous la forme de plans d’étude, avec des découpages,
des exercices, des horaires..
Ensuite l’agencement du système éducatif en filières, en matières ainsi que les modes de
régulation des systèmes jouent également un rôle dans la définition des programmes et des
épreuves d’examen.
Enfin la conception même de la discipline compte : s’agit-il d’enseigner les sciences
sociales ? Les sciences économiques ? Veut-on former des spécialistes de la discipline ou
plutôt des généralistes ?
Ainsi pour comprendre les choix curriculaires opérés, il faut pouvoir identifier tous ces
paramètres. Or, cela ne va pas de soi car les systèmes étant très divers, le coût d’entrée dans
la compréhension du fonctionnement de chaque système et de la connaissance de ce qui est
réellement enseigné dans les classes est très élevé. En effet, il n’existe pas, à ma connaissance
d’étude détaillée et comparative sur ce qui est enseigné au titre des sciences économiques et
sociales dans chaque pays. Le travail que je présente est donc exploratoire et mériterait d’être
complété par une étude plus approfondie.
- Quelles ont été mes sources ?
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« Comparaisons internationales », in enseigner les sciences économiques et sociales, le projet et son histoire,
E.Chatel et alii, inrp1990.
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Le site Eurydice et les sites des différents Ministères présentent le curriculum formel : les
programmes enseignés dans les différents pays sont présentés de façon plus ou moins détaillée
ainsi que les modalités d’évaluation (mais rarement les sujets).
Les études sur le curriculum réel sont plus dispersées et de ce fait plus difficilement
accessibles.
Le choix a donc été de présenter quatre pays pour lesquels je disposais de données plus
complètes.
Pour l’ Allemagne, les données ont été collectées et traduites par un professeur d’allemand du
lycée Michelet.. Les documents ont été fournis par un collègue allemand enseignant la
discipline économie politique (POWI) dans le lycée de Hanovre( basse Saxe). Cependant les
données concernant les effectifs et les exemples d’évaluations manquent.
Pour le Danemark et la Suède, l’étude a été réalisée avec l’aide des professeurs de SES, au
lycée français de Copenhague, Jean Paul Clipet, au lycée français de Stockholm Pierre
Bosquelle (aide très appréciable pour la collecte des informations localement, leur
interprétation et la traduction des différents documents disponibles).
Les données concernant la Grande Bretagne sont extraites d’un travail de DEA réalisé par
Adeline Richet en 2004 (université Paris 5).
Quelques résultats.
L’enseignement des SES se présente sous des formes et contenus très variés, toutefois,
quelques caractéristiques communes peuvent être soulignées.
1. Les structures éducative accordent une place variée aux SES, mais cet
enseignement est présent dans tous les pays de notre étude.
Plusieurs modalités prévalent en Europe en ce qui concerne les contenus et l’insertion de la
discipline dans le système éducatif dans le second cycle de l’enseignement secondaire
2
.
L’enseignement est soit inséré dans une filière de formation (France, Espagne, Belgique,
Suède soit dispensé sous la forme d’une option ; mais là encore des différences apparaissent :
un tronc commun obligatoire et des options (Allemagne) ou bien un système d’option
totalement libre (Grande Bretagne). Dernière possibilité, l’enseignement de sciences
économiques et sociales fait partie du tronc commun (Danemark).
Quand l’enseignement est intégdans une filière, les SES sont une composante dominante
de la filière. En Suède, il existe deux filières : une filière scientifique (équivalent à la S
française) et une filière Sciences sociales, qui correspond aux filières ES et L en France. Cet
enseignement est dispensé en 3 ans et c’est au cours de le seconde année de lycée que les
élèves de la filière sciences sociales choisissent une spécialité soit économie, soit sciences
sociales). L’économie étant une des quatre matières proposées.
Une cohérence est recherchée entre les différentes disciplines composant la filière. En France
par exemple, les programmes de mathématiques en SES mettent l’accent sur les outils
mathématiques dont les élèves ont besoin en Sciences économiques. En Suède chaque
discipline doit concourir à une meilleure compréhension des problèmes économiques sociaux,
environnementaux et humains.
Dans les systèmes, où les SES sont une option, plusieurs configurations existent.
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Je ne rentre pas dans le détail des structures éducatives, mais il faut savoir que la scolarité post-obligatoire peut
durer de deux à trois ans selon les pays voire 4 ans en Belgique, ce qui peut avoir une influence notable sur les
programmes et leurs contenus.
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- En Allemagne, dans l’enseignement secondaire supérieur, au lycée d’enseignement général,
les élèves doivent suivre 5 matières qui feront l’objet d’un examen terminal. Depuis 2005, la
durée des études est ramenée à trois au lieu des quatre ans antérieurs.L’enseignement dispensé
se présente sous la forme d’un tronc commun composé de trois disciplines – Allemand,
Mathématiques, et LV1- et deux matières au choix dont la Politk Wirtschaft (POWI)
économie politique.
- En Grande Bretagne, l’enseignement secondaire post-obligatoire (deux ans) est basé sur les
options que les élèves choisissent librement en fonction de leurs compétences (ils ont pu
suivre une option de business studies ou d’économics au cours de leur scolarité obligatoire),
de l’offre de formation de l’établissement, mais aussi de leurs futures études.
La plupart des élèves qui passent le A level (examen terminal) suivent trois matières issues
d’un large ensemble de matières générales et parfois professionnelles (par exemple les
business studies ou études de gestion). En général les élèves optent pour des matières proches
(par exemple mathématiques et économie) mais cela n’est pas obligatoire. Dans ce système,
les disciplines sont « mises en concurrence » et de nouvelles disciplines comme les arts, le
théâtre, la psychologie attirent les étudiants au détriment des disciplines plus traditionnelles
ou réputées trop difficiles (c’est le cas des sciences économiques). Il n’y a donc pas forcément
de relations entre les divers enseignements suivis, et chaqua matière est évaluée par un A
level. Les élèves de 6th forms (établissements qui scolarisent les 16-18 ans) ne sont pas
toujours regroupés dans la même classe.
- Dernière possibilité, l’enseignement de sciences économiques et sociales peut faire partie du
tronc commun : c’est le cas danois depuis la réforme de 2005. Cet enseignement était, avant
la réforme, déjà implanté dans l’enseignement post-obligatoire. Il était une matière à option
avec un horaire hebdomadaire conséquent (4 à 5 heures selon le niveau de classe). Dans le
cadre de la réforme en cours, la discipline SES contribue explicitement à la réalisation des
objectifs généraux poursuivis par la réforme en cours qui visent à améliorer la qualité de la
formation et une meilleure adéquation avec l’enseignement supérieur.
Pendant quelques semaines (au niveau correspondant à notre seconde) les élèves suivent un
cursus de base, le même pour tous pour fonder leur choix sur la filière qu’ils vont suivre
ensuite. Les disciplines de ce cursus sont le Danois, l’Anglais une LV2 l’histoire, l’EPS, une
matière artistique au choix et les SES. 20 % du temps global est réservé à l’interdisciplinarité
(pour des travaux types TPE).
Les élèves choissent ensuite leur filière et les disciplines qui composeront le tronc commun de
cette filière. Trois filières sont possibles une filière scientifique, une filière lettre/humanités
ou une filière sciences sociales. Une filière comprend des matières obligatoires (dont les SES,
qui peuvent faire partie du tronc commun des trois filières) qui représentent 85 % du total des
disciplines et des matières optionnelles. Dans la filière sciences sociales les élèves peuvent
aussi choisir un e option intitulée économie d’entreprise.
L’intégration de la discipline SES dans les systèmes éducatifs européens présentés est donc
variable. La présence de la discipline, dans l’enseignement général de l’enseignement
secondaire (qui comprend dans chaque pays également des filières techniques et /ou
professionnelles) au sein d’une filière et/ou d’une option dominante semble le cas le plus
fréquent (cf. également l’Espagne, la Belgique, des Pays Bas)
2. Dans la majorité des pays, les programmes de sciences économiques et sociales opèrent
une transposition didactique par rapport aux savoirs universitaires et font appel à diverses
disciplines.
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Les programmes présentent les objectifs de la formation et délimitent les contenus à enseignés
et à évaluer. Deux cas sont à noter : les pays les programmes d’enseignement sont
distincts des programmes d’examen (Danemark, Suède) et les pays les programmes sont
des programmes d’examen (Grande Bretagne, Allemagne). Dans ce cas, le programme
représente un cadre de référence. Les équipes pédagogiques sont conduites, localement, à
définir plus précisément les contenus de l’enseignement dispensé.
Une tendance au rapprochement des programmes et des critères d’évaluation peut être
constatée, ce que semblent conforter les réformes en cours (Allemagne, Danemark). Dans les
Etats décentralisés, les décisions éducatives sont prises par les pouvoirs locaux, se
manifeste ainsi une volonté d’homogénéiser les critères d’évaluation dans un contexte de
prolongement de la durée des études au-delà de la scolarité post-obligatoire.
Très généralement, une transposition didactique des savoirs est opérée par rapport à
l’économie enseignée à l’Université. On ne retrouve pas les intitulés micro et
macroéconomique sauf pour la GB. Le plus souvent, encore, une recomposition avec
plusieurs disciplines de référence (économie, gestion, sciences politiques, sociologie) est
effectuée.
L’entrée par un thème d’étude est privilégies en Suède, au Danemark et en Allemagne ; (
l’emploi, les inégalités …)
L’objectif est de former des généralistes et d’apporter une culture générale dans le domaine
des sciences sociales. (sauf en Grande Bretagne ou la formation de spécialistes
prévaut).L’accent est mis sur la compréhension des phénomènes économiques et sociaux avec
les outils des économistes et ou des sociologues voire sciences politiques ( Allemagne, DK
Suède) ainsi que sur la formation des élèves à une citoyenneté critique. Dans ce cas, plusieurs
disciplines universitaires sont mobilisées et adaptées au niveau d’enseignement du lycée ; la
proximité avec les contenus enseignés en SES est assez grande.
Cette formation de généraliste se décline diversement dans les programmes
- les programmes suédois (programme d’enseignement):
L’objectif de la filière sciences sociales est de fournir des connaissances sur les sciences
sociales et humaines afin de « comprendre les conditions de vie et les activités des hommes. »
Elle cherche à développer les capacités à formuler, analyser et résoudre les problèmes dans
plusieurs champs d’études (i.e les matières de la filière). Il s’agit également de développer la
compréhension des relations entre les sciences économiques, les sciences sociales, les
sciences humaines et les autres sciences.
Comment se traduisent ces objectifs dans les programmes ?
Le programme de spécialité économique (qui intervient en seconde année de la scolarité
post-obligatoire). Le programme obligatoire est essentiellement un programme d'économie
d'entreprise (finance, comptabilité, marketing, management) avec un peu d'économie
internationale (causes et conséquences de la mondialisation, les échanges extérieurs) et un peu
de droit (droit, droit des affaires, droit de l’environnement). Les élèves doivent ensuite choisir
entre un certain nombre d’options dans le cadre de leur spécialité, il est alors possible
d’approfondir davantage en économie ou en droit.
Dans cette filière sciences sociales, le choix curriculaire porte sur l’économie de l’entreprise
et sa capacité à être compétitive, en relation avec l’étude des échanges internationaux, pour
comprendre la place qu’occupe l’économie suèdoise dans le contexte de lamondialisation.
Le programme de la spécialité Sciences Sociales est basé sur l'étude des sociétés humaines
dans une perspective historique, sociale et économique. Elle comprend l'étude des institutions
nationales et européennes, Un petit peu de philosophie et de sociologie politique. La
sociologie n'est pas véritablement enseignée en tant que tel au lycée en Suède.
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Les matières obligatoires représentent 2000 crédits et les matières optionnelles de 500 .
L’économie représente 350 crédits sur les 2000 des matières obligatoires soit 17.5 %.
- Le programme allemand (programme d’examen)
Le programme de 1ère et de terminale affiche les objectifs suivants
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- Insister sur les rapports entre politique et économie.
- Comprendre les raisonnements et les méthodes pour analyser les faits économiques et
sociaux.
Le programme
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regroupe, à l’instar du programme de SES en France, trois parties : une partie
économique (étude du marché du travail et des mutations technologiques, économie
internationale), une partie politique intitulée Démocratie en Allemagne, et une partie plus
sociologique.
Le choix est fait d’aborder les problèmes spécifiques auxquels est confrontée la société
allemande. On s’interroge sur l’économie sociale de marché, sur la société du risque dans la
partie sociologique, en référence aux thèse d’U.Beck.
- Le programme danois (programme d’enseignement).
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L’accent est mis sur l’approfondissement des savoirs et la nécessaire coopération entre les
disciplines. Des travaux interdisciplinaires, type TPE doivent être conduits.
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Le programme se décline en trois parties, économique, sociologique, et politique comme en
Allemagne. On notera que la partie économique est plus développée : le découpage retenu
distingue l’économie nationale (la croissance, les principes de la régulation économique) et
l’économie internationale. En sociologie, outre les thèmes socialisation culture, et inégalités,
la formation des opinions publiques est sélectionnée.
Si le découpage du programme en trois parties économique, sociologique et politique est
commun aux programmes danois, allemands et français, il faut souligner que la sélection des
items ou des notions à approfondir diffèrent en fonction sans doute de l’histoire de chaque
discipline, des modalités d’élaboration des programmes et des problèmes économiques et
sociaux qui prédominent dans chaque pays.
En Grande Bretagne, au contraire, l’objectif est de former des spécialistes de chaque
discipline.
Il n’existe pas de programmes nationaux en Grande Bretagne. Toutefois Depuis les années 90,
un organisme public, SCAA
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puis le QCA (Qualification and Curriculum Authority) précise
les objectifs à respecter pour l’élaboration les programmes d'examen du A level réalisés et
évalués par les « awarding bodies », bureaux indépendants des autorités administratives de
l’Etat.
Le A level est un examen portant sur une discipline et qui évalue les connaissances acquises
au cours de deux années d’études ; le A level permet l’entrée à l’université, en fonction des
notes obtenues. Pour rentrer à Cambridge en économie, par exemple, il faut présenter au
moins 3 A levels et obtenir une note A (qui recquiert les compétences les plus élevées du
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mimeo lycée de Hanovre (Basse Saxe).)
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Cf. en annexe, le programme détaillé de POWI
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Cf, en annexe le programme détaillé des SES au Danemark.
6
Cf. en annexe un exemple : SES A, Mathematique Psychologie
7
School Curriculum and Assessment Authority
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