UN MENU DE SYMPTÔMES
À quoi ressemble donc l’objet ? « À un menu de restaurant chinois », ironise le psychiatre et
psychothérapeute américain Irvin Yalom. Pas faux : il ne s’agit de rien d’autre qu’une liste
de « troubles » définis par des symptômes et numérotés, afin que les médecins et
fonctionnaires des systèmes de santé puissent entrer des codes dans des logiciels
administratifs. Vous reprendrez bien un peu de « trouble douloureux », ou plutôt de F45.4 ?
Un dictionnaire brut dont la cinquième édition est sortie le 22 mai aux États-Unis et est
attendue prochainement en France. « C’est un outil précieux, soutient quant à lui le
psychiatre Antoine Pelissolo, qui a participé à la
traduction en français de la quatrième édition. Il
nous permet à nous, chercheurs et cliniciens, de
parler une langue internationale commune,
particulièrement dans le domaine des études.
Nous pouvons nommer, identifier les sujets sur
lesquels nous travaillons, en discuter, échanger
entre scientifiques issus de différents pays,
cultures ; et, bien sûr, solliciter des budgets, des
financements pour nos travaux. »
UNE CATASTROPHE
Cette nouvelle version est une catastrophe,
assurent des rédacteurs des éditions antérieures
et des psychiatres renommés, comme le
professeur américain Allen J. Frances, qui avait
supervisé le quatrième opus. Un avis partagé par
Mikkel Borch- Jacobsen, philosophe et historien
de la psychiatrie : « Dans sa première version, le DSM ne recensait que cent six troubles
mentaux. Dans sa troisième édition, à partir de laquelle tout a commencé à déraper et qui
rejette définitivement toute référence psychanalytique, le nombre est passé à deux cent
soixante-cinq. Et depuis, c’est l’inflation. Certains qui n’existent pas ont été créés en
s’appuyant uniquement sur des constellations de symptômes. Mais, dans le domaine des
maladies mentales, ces derniers ne cessent de se croiser et sont souvent voisins d’une
pathologie à l’autre. Les laboratoires se sont infiltrés dans les groupes d’experts de
l’Association américaine de psychiatrie (APA), qui publie le manuel, leur suggérant de
nouveaux troubles destinés à écouler les psychotropes qu’ils souhaitent mettre en vente sur
le marché. »
LE DSM-5, QU'EST-CE QUE C'EST ?
Le Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders (DSM) est le manuel de
référence de la sphère psy mondiale. Sa
première édition a été mise au point en
1952 par l’Association américaine de
psychiatrie. Au départ, l’objectif était de
permettre à tous les psychiatres et
chercheurs de s’accorder sur les
diagnostics. Elle a tenté de mettre de côté
les théories et de s’en tenir uniquement
aux symptômes. Autrement dit, de ne pas
se pencher sur les causes et de noter
simplement que tel facteur correspond à
telle pathologie. Depuis, les éditions se sont
enchaînées, et le DSM prétend aujourd’hui
recenser l’ensemble des troubles
psychiatriques existants.