Figure 2: Fragment de l’enregistrement ECG de 24 heures (Holter) : tachycardie apparemment sinusale et
bloc AV 2 :1 intermittent.
A ce stade, quels sont les diagnostics que vous évoquez ?
Il peut s’agir soit d’une tachycardie sinusale inappropriée soit d’une tachycardie auriculaire ectopique
dans une forme permanente et non pas paroxystique. Le premier diagnostic est compatible avec le
caractère permanent de la tachycardie, avec la variabilité de fréquence, mais paraît moins probable en
raison de la présence d’un bloc AV 2 :1. Le second diagnostic est possible mais les tachycardies atriales
sont habituellement paroxystiques et il faudrait qu’elle soit parasinusale pour que l’onde P en cours de
tachycardie ait une morphologie identique à une onde P d’origine sinusale.
Une échocardiographie a été réalisée pour exclure une cardiopathie sous-jacente ; cet examen s’est
révélé normal. La patiente a alors été mise au bénéfice d’un traitement bétabloquant, mais aucun
bénéfice n’a été observé ni avec le sotalol (Sotalex® 2x80 puis 2x160 mg/j), ni avec le bisoprolol
(Concor® 2.5 puis 5 mg/j), ni avec le verapamil (Isoptin® 3x160 mg/j), ni avec la flécaïnide (tambocor®
2x100 mg/j). Un traitement de nadolol (Corgard®), l’un des plus puissant bétabloquants en clinique
cardiologique a alors été introduit, et ce n’est qu’avec une dose de 2 x 60 mg/j qu’une certaine rémission
a été obtenue tant sur le plan des symptômes que sur les mesures objectives de fréquence cardiaque.
Huit mois plus tard, les symptômes réapparaissent malgré le traitement de nadolol 2x60 mg/jour, et le
Holter confirme la perte d’efficacité du bétabloquant, avec une fréquence cardiaque moyenne sur 24 heures
de 102 bpm, et une fréquence cardiaque nocturne en permanence à 90 bpm.
Une exploration électrophysiologique endocavitaire avec tentative d’ablation par radiofréquence est
alors proposée. En début d’examen, le rythme est apparemment sinusal d’après la morphologie de
l’onde P, mais rapide (110-130 bpm) ; l’intervalle A-H est plutôt court (60 ms) et l’intervalle H-V est
normal (35 ms). La tachycardie n’est pas manipulable par stimulation programmée de l’oreillette droite
et se révèle constante bien que sa fréquence propre soit variable de 110 à 130 bpm.
Lors du repérage de la région sinusale on met en évidence une discrète fragmentation locale et
plusieurs tirs de radiofréquence sont appliqués pour tenter de moduler l’activité sinusale inappropriée.
Lors du 15è tir, on note l’interruption brutale de la tachycardie avec retour en rythme sinusal
normal, à 60 bpm (fig 3). Par la suite, le rythme sinusal va persister, avec une fréquence de repos
variant de 60 à 80 bpm, et un profil de 24 h. normal. Deux mois plus tard, la patiente présente
permanente, à 110 de moyenne sur les 24 heures mais variable en fréquence au cours du temps, et
s’accompagnant par intermittence d’un bloc atrioventriculaire 2 :1. La tachycardie est ressentie par la
patiente. La morphologie de l’onde P en cours de tachycardie est identique à la morphologie de l’onde
P sinusale (figure 2).